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L’union avec Christ et la double justification

Chapitre I. La majesté divine et l’union avec Christ en tant que bipolarité de la théologie calvinienne

3. L’union avec Christ d’après le commentaire sur l’épître aux Romains de 1540

3.2 Le développement de l’union avec Christ par le commentaire sur l’épître aux Romains

3.2.2 L’union avec Christ et la double justification

La cause efficiente (causa efficiens) de notre justification ou de notre salut est la miséri-corde de Dieu, sa matière est Christ, et la cause instrumentale (formelle) est la « foi » ou la « Parole avec la foi ». Mais comment le Christ nous communique-t-il sa justice ? L’idée d’union avec le Christ joue encore une fois le rôle central. Pour parler plus exactement, l’union avec Christ devient centre des centres de la sotériologie calvinienne, en même temps cette doctrine ne néglige pas l’importance des bonnes œuvres :

349

Annie Noblesse-Rocher, « Justice et grâce dans les commentaires sur l’épître aux Romains de Jacques Sadolet et de Jean Calvin », dans Annie Noblesse-Rocher - Christian Krieger (éd.), Justice et

grâce dans les commentaires sur l’épître aux Romains, Strasbourg, Association des Publications de la

Faculté de Théologie Protestante, 2008, p. 143.

350

Le Commentaire sur l’épître aux Romains 1,17.

351

Ibid.

352

Ibid.

353

Noblesse-Rocher, op. cit., p. 141.

354

Le Commentaire sur l’épître aux Romains 6,7.

355

Ibid., 5,17.

356

Ibid., 4,3. Se réalise l’échange entre Christ et nous. « Ainsi donc Christ a pris, dit-il, sur soi ce qui était nôtre, afin de faire découler sur nous ce qui était sien. Car ayant pris notre malédiction, il nous a donné sa bénédiction » Ibid., 8,3.

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« Ainsi donc, pour que nous soyons justifiez, la cause efficiente qu’on appelle effi-ciente est la miséricorde de Dieu ; Christ en est la matière ; la Parole avec la foi en est l’instrument. Partant, quand il est dit que la foi justifie, c’est parce qu’elle est l’instrument pour recevoir Christ, en qui est la justice nous est communiquée. Après que nous avons été faits participants de Christ, non seulement nous sommes justes quant à nos personnes, mais nos œuvres même sont réputées justes devant Dieu »358

.

Mark Garcia écrit que « Union with the Christ who is righteousness renders both believ-ers and their works acceptable to God »359. C’est-à-dire, en Christ, sa justice nous est commu-niquée en deux dimensions. L’un des aspects de l’union a rapport avec « nos personnes ». L’autre se rapporte à « nos œuvres ». Calvin commence à maintes reprises à faire ressentir la « double justification » ou la « double acceptation ». Nous écoutons Calvin :

« … l’homme est justifié par la foi par la grâce de Jésus-Christ, et que toutefois il est justifié par les œuvres qui procèdent de la régénération spirituelle, puisque Dieu nous renouvelle gratuitement, et que nous recevons ce don de lui par la foi »360.

« Certes il fallait qu’auparavant il fût justifié par la grâce de Dieu. Car ceux qui sont déjà revêtus de la justice de Christ, ont Dieu propice non seulement à leurs personnes mais aussi à leurs œuvres, dont les macules et les taches sont couvertes de la pureté du Christ, afin qu’elles ne leur soient point ramenées en compte »361

.

La conception de la double justification permet de renforcer davantage la justification par la foi, puisque si l’homme n’est pas justifié par la foi seule, toutes ses œuvres serons condamnées à l’injustice362. Pour notre réformateur, la justification sur les œuvres des chrétiens en tant que deuxième justification, c’est mettre l’accent sur l’effet justifié par la foi : « La justice des œuvres est un effet de la justice de la foi et la béatitude qui procède des œuvres est un effet de la béatitude qui consiste en la rémission des péchés »363

. Dans cette perspective, Calvin interprète à bon droit l’épître de Jacques qui fait ressortir les bonnes

358

Ibid., 3,22.

359

Garcia, op. cit. p. 119.

360

Le Commentaire sur l’épître aux Romains 3,21.

361

Ibid., 4,8.

362

Girardin Benoît, Rhétorique et théologique : Calvin, le Commentaire de l’Epître aux Romains, Paris, Beauchesne, 1979, p. 136.

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œuvres des chrétiens :

« Au reste, ce qui est dit en S. Jacques, que l’homme n’est pas justifié par la foi seule, mais par les œuvres (Jacq. 2,24), n’est point contraire à la sentence précédente. Le moyen d’accorder les deux ensemble dépend principalement de la considération du propos dont S. Jacques traite. Pour lui la question n’est point comment les hommes acquièrent justice devant Dieu, mais comment ils peuvent donner à connaître qu’ils sont justes »364.

La doctrine calvinienne de la double justification amène donc à souligner les bonnes œuvres des fidèles et à les y exhorter, sans nier la justification par la foi. Il nous semble que Calvin identifie la double justification avec la double grâce. La justification sur les œuvres désigne leur sanctification. Calvin en souligne l’importance dans le Commentaire sur l’épître aux Romains lorsqu’il écrit :

« mais quand on viendra à Christ, premièrement on trouve en lui la parfaite justice de la Loi, laquelle est même faite nôtre par imputation ; puis la sanctification, par laquelle nos cœurs sont formés à l’observation de la Loi »365

.

Christ nous donne à la fois la justification et la sanctification, qui s’appelle « nouveauté de vie ». Par le commentaire sur l’épître aux Romains, Calvin met en évidence la double grâce qui vient de l’union avec Christ :

« Sous le mot de grâce, nous entendons semblablement les deux parties de la rédemp-tion, à savoir : la rémission des péchés, par laquelle Dieu nous impute justice, et la sanctification de l’Esprit, par laquelle il nous réforme aux bonnes œuvres, et par ma-nière de dire, nous crée de nouveau »366.

La justification et la sanctification que l’on peut appeler double justification sont liées ensemble et sont « toutes deux tributaires de l’union avec Christ »367.

364 Ibid., 3,28. 365 Ibid., 3,31. 366 Ibid., 6,14. 367

P. Wells, « L’union avec Christ : Au cœur de la doctrine chrétienne selon Jean Calvin », Revue

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