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Le but de l’union qui se fait dans l’œuvre trinitaire : Soli Deo Gloria !

L’UNION AVEC CHRIST DANS LA PERSPECTIVE TRINITAIRE

4. Le but de l’union qui se fait dans l’œuvre trinitaire : Soli Deo Gloria !

Nous voudrions, en guise de conclusion de cette deuxième partie, traiter d’abord de la finalité du salut et ensuite considérer la thématique de la causalité.

1) Selon Calvin, le Père, c’est Dieu comme auteur effectif du salut : la « cause effi-ciente » est la miséricorde de Dieu qui se manifeste dans son élection. Le Fils, c’est Dieu en tant qu’auteur matériel du salut, en tant que transmetteur du salut : le Fils avec son obéissance, nous a permis d’acquérir la justice, c’est la « cause matérielle ». L’Esprit, c’est Dieu se faisant le propre instrument de propagation de l’œuvre qu’il a voulue comme Père et réalisée comme Fils. Pour Calvin, la « cause instrumentale » est la foi qui se trouve dans l’œuvre principale de l’Esprit.

Enfin, la « cause finale » du salut, c’est-à-dire, le but du salut, c’est « à Dieu seul la gloire » (soli Deo gloria). Calvin relève à plusieurs reprises la gloire de Dieu en tant que cause fi-nale :

« La gloire de la justice et de la bonté de Dieu est la cause finale de cette justice »730. « La cause finale, c’est la louange de la grâce »731.

« Quant à la cause finale, l’Apostre dit que c’a esté pour démonstrer la iustice de Dieu, et glorifier sa bonté (…) »732

« … tant de témoignages de l’Ecriture qui disent que la fin souveraine de notre salut est la gloire de Dieu »733.

Qu’est-ce que la fin de l’élection, du salut et de la bienveillance paternelle de Dieu ? C’est afin que Dieu soit glorifié en nous734

. De là vient que Calvin cherche à élever la gloire de Dieu en arrière-plan de toute sa théologie. Calvin était « théologien de la gloire de Dieu ». « Nous devons preferer la gloire de Dieu non seulement à tous biens corporels, mais au propre salut de nos âmes »735.

730

Le Commentaire sur l’épître aux Romains 3,24.

731

Le Commentaire sur l’épître aux Ephésiens 1,5.

732

IRC III. xiv. 17, p. 260-1.

733

CO 8, col. 293, cité, par Wendel, Calvin. Sources et évolution de sa pensée religieuse, p. 127.

734

« Voila donc la fin pourquoy Dieu par sa bonté gratuite nous a choisis : voila pourquoy il nous maintient, et continue sa grace envers nous, c’est afin que nous le glorifions, non point seulement de bouche, mais en toute nostre vie ». Sermon 4e sur le Deutéronome, CO 26, col. 225.

735

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S’il est ainsi, comment honorons-nous Dieu ? Dans son catéchisme, Calvin nous pro-pose736:

1. que nous ayons toute nostre fiance en luy ; 2. que nous le servions en obeissance à sa volunté ;

3. que nous le requierions en toutes noz necessitez, cherchant en luy salut et tous biens ; 4. et que nous recognoissions, tant de cueur que de bouche, que tout bien procede de luy

seul.

Selon Barth, ces quatre parties correspondent aux quatre parties du catéchisme737:

1. Des Articles de la Foy. Le contenu de la confession de foi appelle la réponse de l’homme, sa confiance en Dieu, sa foi, sa « fiance » en Dieu. La foi n’est donc pas seulement un état d’âme. C’est un acte fondé sur la déclaration certaine de Dieu. 2. La Loy. La loi appelle la réponse de l’homme, son service.

3. D’Oraison. C’est là que nous apprenons comment « requérir » Dieu de toutes nos né-cessités.

4. Des Sacrements. Ici Calvin exposera comment les sacrements sont le moyen ordonné par Dieu pour témoigner sincèrement et visiblement de notre foi et de notre service.

Rajoutons-y la cinquième partie : il faut que Dieu soit glorifié dans nos bonnes actions738. Pour cette raison le salut qui découle de l’union avec Christ ne se comprend pas en dehors de la gloire de Dieu. Dans l’économie présente du salut, il faut que l’union avec Christ aille de pair avec la gloire de Dieu. Dans un sermon sur Michée, Calvin relie la gloire de Dieu et le salut de l’âme : « Voicy les deux choses que nous debvons les plus priser, ascavoir la gloire de Dieu, et puys le salut de noz ames »739. Selon ce sermon, le salut de l’âme a beau être si

Testament connaît trois sortes de glorification : une glorification de Dieu par l’homme (c’est celle que Jésus-Christ accomplit), une glorification de l’homme par Dieu et une glorification de Dieu par Dieu même. Mais le Nouveau Testament ne connaît pas de glorification de l’homme par l’homme lui-même. L’homme ne peut glorifier que Dieu et non pas lui-même, tandis que Dieu se glorifie lui-même et glorifie l’homme ». La confession de foi de l’Eglise : explication du Symbole des Apôtres d’après le

Catéchisme de Calvin, p. 8.

736

Le Catéchisme de Genève, CO 6, col. 9.

737

Barth, La confession de foi de l’Eglise : explication du Symbole des Apôtres d’après le Catéchisme

de Calvin, p. 10.

738

Le Commentaire sur l’épître aux Romains 12,17.

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portant, il est cependant considéré comme d’importance secondaire. Le salut se soumet à la gloire de Dieu et la vie sauvée est de témoigner de sa gloire. L’union qui n’a pas un rapport avec la gloire de Dieu, n’est pas au sens strict l’union. Suivant son but, l’union véritable abou-tit à la louange de Dieu. Dans la lettre à Sadolet, c’est ce que souligne fortement Calvin.

« … tu as voulu faire apparaître que toute ta pensée était de la vie bienheureuse qui est envers Dieu, ou tu as estimé que les esprits de ceux à qui tu écrivais, par cette longue commandation, en seraient plutôt attirés et émus (combien que je ne veuille deviner quelle était ton intention) toutefois cela sent peu son vrai théologien, de tant vouloir astreindre l’homme à soi-même, que ce pendant ne lui ordonne et enseigne, que le commencement de bien former sa vie est désirer accroître et illustrer la gloire du Seigneur, vu que nous sommes principalement nés à Dieu, et non pas à nous (.)… Et dis ainsi, que le Seigneur même, pour faire plus recommandable aux hommes la gloire de son Nom, leur a tellement tempéré et modéré le désir d’exalter et amplifier icelui, qu’il est perpétuellement conjoint avec notre salut. Mais vu qu’il a enseigné, que telle affection doit surmonter tout soin et convoitise du bien et profit qu’il nous en pourrait advenir, et que même le naturel droit nous incite de l’estimer avant toutes choses (si au moins nous lui voulons rendre l’honneur qui lui appartient) certainement l’office d’un homme chrétien est de monter plus haut qu’à chercher et acquérir seu-lement le salut de son âme »740.

Selon les lignes, plutôt que de négliger le salut de l’âme, Calvin entend élever la gloire de Dieu à la valeur ultime. « Nous ne vivons sinon pour servir à nostre Dieu »741. Calvin prêche ainsi :

« Et c’est une chose que nous devons aussi bien noter, car Dieu nous monstre deux choses par cela. Il nous monstre en premier lieu, que c’est que nous devons cercher, quel doit estre nostre desir principal, c’est que son nom soit glorifié, nous devons ai-mer cela plus mesmes que nostre salut. Il est vray que ce sont choses inseparables,

Calvin », p.176.

740

« Epître à Sadolet », dans La vraie piété, p. 88.

741

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que la gloire de Dieu, et le salut de nos âmes, il les ha tellement unis que l’un depend de l’autre »742

.

Selon Calvin, notre vie (la vie chrétienne) ne cherche pas les choses qui nous agréent, mais celles qui sont plasantes à Dieu, et appartiennent à exlter la gloire de Dieu743. Le fidèle ne vient pas à l’Eglise simplement pour être sauvé et heureux, mais pour avoir l’insigne privi-lège de manifester la gloire de Dieu.

2) La raison pour laquelle Calvin applique à notre salut les termes de la causalité selon Aristote, c’est qu’il veut insister sur la « gratuité du salut » et sur l’ « extériorité du salut ». Ce salut, l’homme ne peut jamais l’obtenir par ses propres forces. Après l’appropriation person-nelle et pratique de la rédemption, la cause de la rédemption reste, comme avant, toujours extra nos, en dehors de nous : « nous voyons toutes les parties de nostre salut estre hors de nous (….) »744 Le croyant ne saurait faire son salut. Toute la théologie du Réformateur sou-ligne que Dieu est l’ « auteur du salut ». Dieu agit sur l’homme pour produire et développer le salut. La cause du salut n’appartient qu’à Dieu : « c’est son œuvre propre que le salut des siens »745.

Loin de nier l’intériorité du salut ou l’effet de grâce (effectus salutis), Calvin doit garder son extériorité : « Il (Dieu) n’a point cherché hors de soy la cause de notre salut »746. « Il ne faut point que nous cerchions en nous la cause de nostre salut, ni de tous les biens que Dieu nous fait, voire quant à la vie presente »747. Calvin affirme une extériorité du salut comme sola gratia, en conséquence, toute coopération des chrétiens à l’œuvre de leur salut est rejetée et toute participation est refusée748. L’extériorité du salut laisse dépendre toujours en somme du « bon plaisir de Dieu » : pour Calvin, le salut ne découle pas principalement de la « qualité infuse » (habitus, qualitas) de notre être qui avait été déjà acceptée dans la scolastique749.

742

Sermon 9e sur Danièle, CO 41, col. 553.

743

IRC III. xii. 2, p. 166.

744

IRC III. xiv. 17, p. 261.

745

IRC III. xxii. 6, p. 424.

746

Sermon 4e sur la deuxième épître à Timothée, CO 54, col. 48.

747

Sermon 63e sur le Deutéronome, CO 28, col. 687.

748

Patrick Le Gal, Le droit canonique dans la pensée dialectique de Jean Calvin, Fribourg, Editions universitaires, 1984, p. 114.

749

Benoît, Rhétorique et théologique : Calvin, le Commentaire de l’Epître aux Romains, p. 307. Ga-noczy, Calvin. Théologien de l’Eglise et du ministère, p. 100. « La grâce de Dieu, et le don par la grâce. La grâce proprement est mise à l’opposite du forfait : et le don qui procède de grâce à l’opposite de la mort. Ainsi, la Grâce signifie la pure bonté de Dieu, ou son amour gratuite, de laquelle il nous a mons-tré le tesmoignage en Christ, pour remédier à nostre misère. Et le don, c’est le fruit de sa miséricorde

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Parce que cela pourrait nous faire valoir devant Dieu. Le salut ne peut consister dans une qua-lité ontologique transformant intérieurement notre âme. C’est pourquoi l’œuvre du salut divin n’aboutit pas à la « divinisation intrinsèque » du croyant750

. Les œuvres bonnes en nous ne sont pas l’effet de la qualité infuse par Dieu mais les fruits du salut, les chants de la reconnais-sance pour Calvin.

qui est parvenu à nous : asçavoir la réconciliation, par laquelle nous avons obtenu vie et salut : item la justice, nouveauté de vie, et autres choses semblables. Dont nous pouvons cognoistre comment les

Scholastiques ont défini la Grâce mal à propos, et comme gens qui n’y entendent rien, quand ils ont dit que ce n’estoit autre chose qu’une qualité infuse és cœurs des hommes. Car proprement grâce est en Dieu, ce qui est en nous effet de grâce ». Le Commentaire sur l’épître aux Romains 5,15.

750

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TROISIEME PARTIE

LA NATURE DE L’UNION AVEC CHRIST