• Aucun résultat trouvé

ASSISES THÉORIQUE, CONCEPTUELLE ET MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE

POLITIQUE LINGUISTIQUE ET POLITIQUE LINGUISTIQUE ÉDUCATIVE, UN NÉCESSAIRE REPOSITIONNEMENT CONCEPTUEL ET TERMINOLOGIQUE

1.2.4 VERS UNE POLITIQUE LINGUISTIQUE ET CULTURELLE ?

Si la notion de « culture » n'apparaît pas explicitement dans les définitions que nous avons donné ci- dessus de politique linguistique, nul ne peut contredire les rapports étroits qu'entretiennent les notions de langue et culture. En guise d'illustration, la Comunidade dos Países de Língua Portuguesa (CPLP)24, qui est une organisation en charge de la politique linguistique de la langue

portugaise regroupant neuf pays (Angola, Brésil, Cap-Vert, Guinée-Bissau, Guinée Équatoriale, Mozambique, Portugal, São Tomé-et-Principe, Timor-Oriental) sur quatre continents et recensant environ 265 millions de locuteurs dans le monde, met en avant dans sa Déclaration Constitutive de la Communauté des Pays de Langue Portugaise (1996) qu'elle considère comme impératif : « la consolidation de la réalité culturelle nationale et plurinationale qui confère à l'identité propre des Pays de Langue Portugaise »25. Cette déclaration insiste sur les dimensions culturelles inhérentes

aux pays de langue portugaise, ce qui démontre que langue et culture font partie d'un même ensemble qui ne peut être séparé en vue de la construction d'une politique linguistique, celle du portugais sur l'échiquier mondial. C'est en effet la langue portugaise, commune à tous ces pays, qui est en quelque sorte le vecteur d'une identité culturelle commune. La même déclaration affirme un peu plus bas que la langue portugaise : « est un moyen privilégié de diffusion de la création culturelle entre les peuples qui parlent portugais et de projection internationale de ses valeurs culturelles dans une perspective ouverte et universaliste. » (ibid.).

24 La Comunidade dos Países de Língua Portuguesa, créée en 1996, est un forum multilatéral privilégié pour l'approfondissement des liens d''amitié mutuels et de coopération entre pays lusophones. http://www.cplp.org/id- 2763.aspx (Consulté le 2 mai 2016).

25 La Déclaration Constitutive de la Communauté des Pays de Langue Portugaise a été signée par les Chefs d'États des sept pays lusophones (exceptés la Guinée Equatoriale et le Timor-Est qui l'ont intégré postérieurement) réunis le 17 juillet 1996 à Lisbonne partageant des objectifs de paix, de démocratie, d'état de droit, de droits humains, de développement et de justice sociale.

Nous soulignons à nouveau l'association des notions de culture et de langue en tant que vecteurs de valeurs communes. Mais ces notions seraient-elles inséparables pour construire une politique linguistique et donc une certaine vision du monde ? Cette question peut trouver des éléments de réponses dans le concept de valeur linguistique tel que défini par le grand Ferdinand de Saussurre26

dans son Cours de linguistique générale. Ce dernier développe l'idée de valeur comme une mise en rapport de mots entre eux qui renvoie, soit au lien entre éléments du système linguistique (un signe linguistique ou un mot) et un élément extérieur au système (un objet ou une idée), soit à l'analyse des rapports entre les éléments mêmes du système. D'ailleurs, il souligne que la valeur d'un mot se détermine donc par rapport aux autres mots qui partagent des sèmes27 communs (unités de sens),

ainsi que des sèmes uniques. D'après ce concept de valeur, les pays de langue portugaise partagent donc des valeurs communes en ce sens qu'ils utilisent des mots qui ont un certain degré culturel qui se distinguent des autres langues car ils cultivent fondamentalement des visions du monde intrinsèques à leur langue. Ce concept saussurien confirme ce que nous retrouvons chez Porcher lorsqu'il nous dit : « qu'il y ait, en français, un seul mot pour « mouton » implique nécessairement que des distinctions culturelles profondes différencient les deux langues, et, fondamentalement que toute langue singulière fonde une vision du monde singulière. » (p. 71, 1976)28. Le mot « saudade »,

que Luís de Camões définissait comme : « le bonheur hors du monde », est un de ces mots de la langue portugaise des plus difficiles à traduire en français ou autre langue puisqu'il évoque à la fois la nostalgie, la mélancolie, le regret, le manque et peut être à la fois positif et négatif. De nombreuses idées sont donc associées à ce mot que les locuteurs de la langue portugaise utilisent à outrance sans forcément en avoir la même définition. Toutefois, la langue portugaise, qui unit les lusophones, véhicule des unités de sens en commun qui permettent de saisir le sens de ce mot. Ceci démontre que la construction d'une politique linguistique incombe de prendre en considération les visions singulières des cultures et ceci pourrait être, à notre sens, transcrit dans le domaine éducatif afin de former les apprenants à une langue cible mais également à une culture cible (culture lusophone par exemple). Autrement dit, la politique linguistique prend en compte un fait linguistique qui pourrait être décliné dans une politique linguistique éducative, qui elle prend en compte le fait éducatif.

26 Saussure, F. d., (1916), Cours de linguistique générale, (préf. et éd. De Charles Bally et Albert Sechehaye avec la collaboration d'Albert Riedlinger ; éd. critique préparée par Tullio de Mauro ; postface de Louis-Jean Calvet), Paris, Payot, coll. « Grande bibliothèque Payot »), XVIII-520 p., 21 cm (1995)

27 Ce terme est emprunté à Buyssens, E., linguiste belge de l'Université libre de Bruxelles, et il le définit comme « tout procédé idéal dont la réalisation permet la communication ». Linguistique historique : homonymie,

stylistique, sémantique, changements phonétiques, Presses Universitaires de Bruxelles (1965)

Conformément à l’articulation générale de notre étude et comme annoncé précédemment, nous allons dès à présent décliner la notion de politique linguistique dans celle de politique linguistique

– éducative, ce qui nous permettra par la suite de faire le lien avec le concept d'interculturel.

Outline

Documents relatifs