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ASSISES THÉORIQUE, CONCEPTUELLE ET MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE

OUVERTURE SUR L'ALTÉRITÉ ?

3.4. QU'EST-CE QU'UNE MÉTHODOLOGIE ?

3.4.6 CONSIDÉRATIONS ÉPISTÉMOLOGIQUES DES LIENS ENTRE LANGUE ET CULTURE

Selon Lévi-Strauss, la relation entre « langue » et « culture » peut être analysée sous trois angles : « une langue peut être considérée, soit comme un produit de la culture ordinaire dans laquelle elle est en usage, soit comme une partie de cette culture, soit comme condition de celle-ci. »122 (p. 78,

1958). L'auteur nous explique ici qu'une langue est un produit culturel produit par elle-même, ce qui corrobore ce que dit Porcher : « toute langue véhicule avec elle une culture dont elle est à la fois la productrice et le produit » (p. 53, 1995). De plus, une langue est aussi une partie de la culture au sens où elle codifie les pratiques d'un groupe social qui l'utilise, la transmette. Galisson précise sur ce point que : « c'est en tant que pratique sociale et produit socio-historique que la langue est imprégnée de culture. Le jeu de symbiose dans lequel fonctionnent langue et culture fait qu'elles sont le reflet réciproque et obligé l'une de l'autre. Les didactologues/didacticiens devraient évidemment tenir compte de ce commensalisme, en veillant à ne pas dissocier étude de la culture - étude de la langue, et vice versa. »123 (Galisson, p. 119, 1991). L'auteur nous précise les liens

intrinsèques qui relient les concepts de « langue » et « culture » qui devraient être abordés simultanément lors de l'enseignement-apprentissage. Enfin, à l'image de l'Organisation Internationale de Francophonie (OIF), une langue est également un objet culturel dont certaines institutions ou médias assurent une diffusion internationale. Une langue possède donc un statut par rapport à d'autres langues. Le français est par exemple avec l'anglais l'une des deux langues de travail de l'Union Européenne et du secrétariat général de l'ONU, ce qui implique que le personnel soit obligatoirement bilingue même si nous savons que dans la pratique ce n'est pas toujours le cas.

D'ailleurs, dans le champ de la sociolinguistique, Calvet (2010) nous rappelle que les langues sont avant tout des pratiques sociales qui s’adaptent comme ses locuteurs se déplacent en s’acclimatant. Le français est une acclimatation du latin, l’arabe tunisien est une acclimatation de l’arabe, etc. Selon lui, les pratiques sociales de certains groupe (culture) influencent des aires géo-linguistiques, c'est pourquoi, celles-ci peuvent être comparées et analysées quantitativement à l'aide d'outil(s). Nous parlons ici du schéma gravitationnel du poids de langue élaboré par ce même auteur et sur lequel nous reviendrons ultérieurement dans cette recherche.

122 Lévi-Strauss, C. (1958), Anthropologie structurale. Paris, Plon.

Au niveau lexical, Galisson introduit le concept des mots à « charge culturelle partagée » (CCP) qu'il définit comme « la valeur ajoutée à leur signification ordinaire et pose que l'ensemble des mots à Charge Culturelle Partagée, connus des natifs, circonscrit la lexiculture partagée. Laquelle est toute désignée pour servir de rampe d'accès à la culture omniprésente dans la vie des autochtones et que les étrangers ont tant de mal à maîtriser – sans doute parce qu'elle n'est décrite, donc enseignée nulle part à ce jour - : la culture partagée. »124. (p. 330, 1988). En d'autres termes, chaque langue a

un référentiel de valeurs partagées en fonction de sa propre culture, lequel est accessible pour des apprenants par le biais de la culture partagée, le vécu.

Ensuite, l'emploi d'une langue peut varier en fonction de la culture (nationale, régionale) et est donc le reflet de la personnalité et de l’identité du locuteur car « c’est notre langue, comme système de représentation. Notre langue structure notre identité, en ce qu’elle nous différencie de ceux qui parlent d’autres langues et en ce qu’elle spécifie notre mode d’appartenance (les langues sont propres aux pays auxquels nous appartenons) et de sociabilité (les langues sont faites aussi d’accents, d’idiolectes, de particularités sociales de langage et d’énonciation).»125 (p. 5, 2002). La

langue est un instrument de découpage du réel qui donne une vision différente du monde à chaque locuteur. L'Allemand Humboldt traduit cela par l'expression « eigentümliche Weltsicht » (vision particulière du monde). Ainsi, une même réalité peut être interprétée de manière totalement différente par des groupes culturels hétéroclites.

Enfin, nous citerons l'ouvrage Médiation culturelle et didactique des langues pour définir la langue en tant que manifestation de l’identité culturelle : « tous les apprenants, par la langue qu’ils parlent, portent en eux les éléments visibles et invisibles d’une culture donnée. Ainsi, dès le jeune âge, il se développe chez les apprenants des représentations collectives et des représentations individuelles. D’une part, ils s’approprient progressivement les croyances dominantes et les modes de pensée qui s’imposent dans leur groupe familial et social. D’autre part, ils sont conscients des rapports de force dans leur environnement physique et social. Ils deviennent sensibles aux changements. »126 (p. 57,

2003)

124 Galisson, R. (1988), Cultures et lexicultures. Pour une approche dictionnairique de la culture partagée. In: Annexes des Cahiers de linguistique hispanique médiévale, volume 7, Hommage à Bernard Pottier. pp. 325-341. 125 Lamizet, B. (2002), Politique et identité, Lyon : Presses Universitaires de Lyon.

126 Zarate, G. Gohard-Radenkovic, A., Lussier, D., Penz, H. (2003), Médiation culturelle et didactique des langues. Conseil de l'Europe, Strasbourg.

Ces quelques illustrations des liens étroits entre les concepts de « langue » et « culture » démontrent clairement qu'étudier une langue, c'est se confronter à une culture différente, c'est « une aventure cognitive, culturelle, sociale, affective »127 (Coïaniz, p.5, 2005), en ce sens que chaque rencontre ou

confrontation entre structures langagières de cultures différentes implique un bouleversement de la relation que l'individu ou le groupe entretient avec le monde. C'est pourquoi, l'apprenant est amené à s'adapter à l'altérité pour faire face à ce changement qui est incarné par le concept d' « interculturel ». Nous pouvons donc nous demander si la notion d'interculturel ou d'interculturalité (nous reviendrons sur cette distinction) ne devrait pas faire partie des objectifs de l'enseignement- apprentissage (dans la formation initiale et la formation continue) d'une langue étrangère dans les méthodologies. En effet, une langue incarne aussi un ensemble de valeurs, de références, d'expressions d’une culture qui sont matérialisés selon un certain découpage du réel ou une certaine vision du monde. Cette dimension de la culture renvoie au concept d' « identité » d'un locuteur ou groupe de locuteurs comme moyens d’expression, qui donne les formes et les signifiants permettant d’avoir des échanges symboliques avec l'Autre. Afin d'étudier plus profondément les liens entre les concepts de « langue », de « culture » et d' « identité », nous nous demanderons si cette approche « langue-culture-identité » pourrait être prise en considération dans l'enseignement-apprentissage d'une langue étrangère dans une perspective interculturelle. Autrement dit, dans quelle mesure la fonction identitaire d'une langue, en tant que construction sociale d'un groupe par rapports à d'autres groupes, devrait-elle être prise en compte dans l'enseignement-apprentissage d'une langue-culture ? Avant d'introduire le concept d'interculturel, nous reviendrons sur les liens qui unissent les concepts de « langue », « culture » et « identité ».

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