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ASSISES THÉORIQUE, CONCEPTUELLE ET MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE

POLITIQUE LINGUISTIQUE ET POLITIQUE LINGUISTIQUE ÉDUCATIVE, UN NÉCESSAIRE REPOSITIONNEMENT CONCEPTUEL ET TERMINOLOGIQUE

2) Considérations épistémologique et historique de Culture Civilisation

2.3 CULTURE COURANTE ET CULTURE SAVANTE : QUELLES DIFFÉRENCES ?

Fondateurs du concept de didactique du Français Langue Étrangère (plus communément appelé FLE), les français Porcher et Galisson68 ont élaboré une distinction entre ce qu'ils appellent la

« culture courante » et la « culture savante », qui nous apparaît primordial dans notre approche interculturelle des politiques linguistiques éducatives. En effet, nous nous appuierons sur ces définitions pour appuyer notre réflexion sur le concept d'interculturel.

La « culture courante » est selon Galisson : « la culture telle qu’on la pratique qui relève du savoir- faire, du savoir-être, du savoir-être avec, du savoir-faire-face-spontané. »69 (p.107, 1998). Ce dernier

l'appelle également culture « partagée, expérientielle ou comportementale » car : « elle est une culture transversale, qui appartient au groupe entier et qu’elle est la culture de tous et de chacun, qui sert à comprendre et à se faire comprendre au quotidien. ».70 (cité dans Fu Rong, p. 5, 2005). Cette

définition s'inscrit à la croisée des chemins entre le savoir linguistique et culturel au sens comportemental puisqu'il s'agit pour les apprenants d'assimiler des codes dans le cadre de que 68 Galisson, R. (1990), Où va la didactique du français langue étrangère. De la linguistique appliquée à la

didactologie des langues-cultures : vingt ans de réflexion disciplinaire in ELA n° 79. Paris. Didier. 69 Galisson, R., Puren, C. (1998), La formation en questions, CLE International, Paris.

70 Rong, F. (2005), La prise de conscience de la composante culturelle de l’enseignement/apprentissage du français

en milieu institutionnel chinois de langues : culture savante et culture courante. Université des Langues Etrangères

de Pékin – Chine. Synergies Russie, Numéro 3 –. Revue du GERFLINT (Groupe d’Études et de Recherches pour le Français Langue Internationale) Société, Histoire et Communication. La Place de l’Homme dans la

l'auteur appelle un apprentissage en milieu instituant (la société) et qui s'oppose au milieu institué (l'école). Nous reviendrons sur cette notion de « culture partagée, expérientielle ou comportementale » dans laquelle l'interculturel trouve une partie de ses fondements dans la partie concernant les compétences induites par l'objet culture-civilisation.

La « culture savante » ou « cultivée » est définie par le même auteur comme comme : « associée aux progrès de la connaissance de l’éducation et au raffinement des mœurs »71 (p.3, 1994).

Autrement dit, cette culture cultivée, résultant d'un apprentissage dans le milieu institué (l'école), est légitimée par les institutions qui en sont le vecteur. Contrairement à la culture courante qui est qualifiée de « transversale », la « culture cultivée » est transmise sur les bancs de l'école car fait partie des programmes, ce qui permet à un groupe de disposer d'une norme culturelle commune.

Cette « culture partagée » ne s'enseigne pas puisqu'elle s'apprend « sur le tas » au contact direct des autres. D'ailleurs, Galisson nous fait remarquer que : « elle s'acquiert partout, au contact des autres, dans les relations familiales, grégaires, sociales, à travers les médias, par exposition, immersion, imprégnation, imitation, inculcation dès son arrivée au monde. L'enfant s'inscrit dans un milieu qui se charge de lui faire assimiler progressivement les règles de conduite et de comportement qui régissent la vie du groupe. » (p. 117, 1991). C'est pourquoi, cette culture administre en quelque sorte les : « attitudes, comportements, représentations, coutumes dont les étrangers saisissent mal les mécanismes s'ils ne les réfèrent qu'à leur propre culture. » (ibid. p. 116).

Existe-t-il une complémentarité entre « culture courante » et culture savante » en didactiques des langues-cultures ?

Bien que Galisson nous explique pourquoi ces deux approches culturelles « opposées l’une à l’autre pour des raisons de prestige et de pouvoir comme on oppose l’esprit au corps » (p. 108, 1998), la linguiste Fu Rong nous explique que celles-ci peuvent cependant : « fonctionner complémentairement dans la culturalisation de l’enseignement-apprentissage des langues. » (p. 89, 2005). Et Galisson de renchérir : « l’assimilation de la culture courante à l’action et de la culture savante à la vision ne paraît pas tenable jusqu’au bout parce que tout n’est pas action dans la culture 71 Galisson, R, (1994), Un espace disciplinaire pour l'enseignement/apprentissage des langues-cultures en France.

courante. » (Idem, p. 491). Notons toutefois qu'une nécessaire prise en compte du contexte civilisationnel - institutionnel est obligatoire afin de prétendre enseigner ces deux cultures.

Si Porcher nous explique la place importante de la « culture courante » dans l'enseignement du Français Langue Étrangère (FLE) car elle intègre aux yeux des apprenants étrangers une dimension communicative qui peut être partagée et vécue avec des natifs, Galisson insiste sur le fait que : « pour accéder à la culture, quelle qu’elle soit, le meilleur truchement est le langage, parce qu’il est à la fois véhicule, produit et producteur de toutes les cultures » (p. 118, 1991) et qu'il est : « le plus gros convoyeur de culture » (p. 159, 1991) et est : « justement apte à jouer le rôle de passerelle entre la langue, toute pavée de mots, et la culture (en particulier la culture comportementale commune), omniprésente dans les mots » (Idem.). Une fois de plus, nous reviendrons sur cette dimension communicative en tant que vecteur de « convoyeur de culture » dans notre partie sur l'introduction de l'objet culture-civilisation en didactique des langues-cultures. Enfin, Porcher nous expliquera qu'une culture est un ensemble de pratiques communes, de manières de voir, et de faire qui contribuent à définir les appartenances des individus, c’est-à-dire les héritages partagés dont ceux-ci sont les produits et qui constituent une partie de leur identité (1995). Un individu est le résultat de deux composantes : son héritage génétique (l’inné) et son héritage culturel (l’acquis).

Ces deux concepts de « culture courante » et « culture savante » nous ont donné un éclairage sur les compétences de savoir-faire, de savoir-être, de savoir-être avec, de savoir-faire-face-spontané (culture courante enseignée par le milieu instituant, la société) et les compétences de connaissance de l’éducation et de raffinement des mœurs (culture savante enseignée par le milieu institué, l'école). Ces deux cultures sont de surcroît complémentaires en didactiques des langues-cultures puisque la « culture courante » comporte une dimension communicative qui peut être partagée par les apprenants72 car le langage est le plus gros « convoyeur de culture » et qu'il a une culture

comportementale commune à même d'entremêler ces deux cultures « courante » et « savante ».

Ces deux concepts de « culture courante » et « culture savante » introduisent les limites du concept de « culture », tel que nous l'avons défini précédemment puisque celui-ci s'entrechoque, s'entremêle voire se confond avec celui de « civilisation ». C'est la raison pour laquelle, nous aborderons dans la prochaine partie les différentes acceptions scientifiques entre les concepts de « culture » et de 72 Dans notre étude, la notion « apprenant » sera substituée par celle de « coopérant ».

« civilisation », à la lumière de considérations historiques et épistémologiques, avant de revenir sur les considérations didactiques du concept de « civilisation ». Néanmoins, nous conclurons cette sous-partie par le schéma de Galisson sur la « culture savante » et « culture courante » en didactiques des langues-cultures du Français Langue Étrangère. Ce schéma illustre les définitions que nous venons de donner des concepts de « culture courante » et « culture savante » dans une perspective de compréhension du polysémique concept de « culture ».

Culture, Robert Galisson, Christian Puren, op. cit., CLE International, Paris, (p.105, 1998).

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