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ASSISES THÉORIQUE, CONCEPTUELLE ET MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE

1.5.1 À DES LIMITES CLAIREMENT ÉTABLIES

2) LA THÉORIE INTERCULTURELLE DE DEMORGON

2.2 CONTEXTE DE LA RECHERCHE DE DEMORGON

2.2.1 LE CONCEPT D' « INCOMPÈTENCE INTERCULTURELLE »

Tout d'abord, la théorie de Demorgon, issue de nombreuses recherches sur les rencontres expérientielles et interculturelles dans un contexte de coopération franco-allemande, est qualifiée d'interdisciplinaire (ce qui est en soi un truisme pour une recherche sur l'interculturel), et trouve ses fondements théoriques dans le vécu, l'empirie, l'expérience. Ses travaux, qui sont ancrés dans un dialogisme théorie/réel, abordent à la fois une épistémologie, une théorie et une pratique de l'apprentissage-expérientiel de l'interculturel. Au-delà de l'épistémologie et de la théorie de l’interculturel, le spécialiste nous propose une méthodologie permettant l’identification, l’analyse et la compréhension de compétences interculturelles développées par les apprenants (ou coopérants dans notre étude) en situation interculturelle. Selon lui, nous ne pouvons parler de compétence interculturelle « de la compréhension et de l’agir » (2005, p. 196) qu'à partir du moment où nous avons réellement vécu différentes « incompétences interculturelles » et avons « découvert la racine des difficultés et celles d'éventuelles adaptations » (ibid., p. 191). Autrement dit, il ne peut y avoir une théorie interculturelle et par conséquent de compétences interculturelles déconnectées du vécu, et ce dernier précise que : « parvenir à une compétence interculturelle effective ne peut se faire qu'à travers des apprentissages sur les terrains. D'où l'importance des rencontres, des échanges, des travaux partagés : avec leurs défis, leurs chocs, leurs incompréhensions, leurs déceptions. » (ibid., p. 191). Et l'auteur de renchérir que nous faisons face non pas à « l'infini des compétences mais à

l'infini de l'incompétence interculturelle » (ibid., p. 192) dans le sens où il nous faut découvrir les nombreuses racines des difficultés interculturelles (stratégiques, historiques, genèse des cultures, etc.) pour prétendre y trouver des adaptations qui sont sans cesse évolutives. Ceci nous renvoie à la première citation (cf: p. 35) de cette sous-partie qui nous indique que l'interculturel n'est pas en soi une solution mais plutôt une méthode (du grec metá « chemin vers ») pour trouver des adaptations afin de ne pas tomber dans l'erreur, car les situations interculturelles du vécu ne sont pas figées dans le marbre. Nous avons à cet égard dans notre chapitre 1 définir le concept de culture et avons souligné qu'il était mouvant, polysémique, plurivoque et complexe, et qu'il concernait de multiples terrains : générationnel, professionnel, sexuel, etc. Enfin, les cultures s'inscrivent aussi dans un cheminement à travers la mondialisation, les inventions de nouvelles technologies, les nouvelles mœurs. Bref, il ne s'agit pas seulement de « culture acquise » (Demorgon, p. 191, 2005) mais également de « culture en train de se constituer » (Ibid, p. 191). D'où la complexité de définir des « compétences interculturelles » arrêtées qui ne seraient en aucun cas représentatives de notre étude du concept de l'interculturel s'appliquant à un cadre de politique linguistique éducative dans un contexte de coopération franco-brésilien.

Dans ces conditions, ce concept d' « incompétences interculturelles » induit une part d'incertitude, d'inconnu, liée aux difficultés interculturelles d'une rencontre internationale et interculturelle (échange de jeunes franco-allemands) et il doit être ajusté au regard des terrains interculturels qui sont toujours particuliers et singuliers. C'est pourquoi, dans une démarche interculturelle, il est primordial de reconnaître cette part d'inconnus, d'incertitudes, pour prétendre humblement étudier ce concept, afin de ne pas sombrer dans une illusion de « compétences interculturelles » figées qui ne seraient guère représentatives des spécificités des genèses des cultures (interculturelles par essence) avec leur lot de chocs, de tensions, de contacts positifs ou négatifs, et de leurs différences et ressemblances.

Somme toute, il est plus prudent de partir du concept d' « incompétence interculturelle », pour travailler le concept de « compétence interculturelle » en prenant en considération l'interculturel historique et stratégique des cultures, la complexité des relations entre cultures que Demorgon nomme « interculturaltion »186, ainsi que les antagonismes qui existent entre elles. Nous soulignons

186 « Ensemble des multiples et profonds processus d’interférence et d’interaction des cultures. L’interculturation existe dès qu’interagissent des acteurs humains avec leurs différences stratégiques et culturelles. Elle s’applique donc déjà à l’intérieur d’une même culture car ses acteurs relèvent de libertés et de milieux déjà différents. L’interculturation s’applique au devenir de la culture d’un seul et même individu ; il est, en effet, différent de lui- même par sa liberté et les milieux variables de son espace-temps. » http://www.jacques-

finalement l'omniprésence du concept de dialogisme qui nous renvoie ici à la pensée complexe de Morin et nous rappelle que toute « compétence interculturelle » ne peut être déconnectée du vécu. Demorgon précise d'ailleurs sur ce point que « les compétences effectives ne peuvent résulter que d'un continuel aller-retour entre l'incompréhension et la compréhension, entre l'ignorance et la connaissance, comme entre l'affectif, le pratique et le cognitif » (Ibid, p. 192, 2005). Telle est la tâche à laquelle nous nous attelons, c'est-à-dire, partir de notre constat pour mettre au point une matrice de l'interculturel qui sera étudiée à la lumière de notre corpus d'entretiens et qui sera affinée pour donner une deuxième matrice. En somme, il s'agira de recourir au dialogisme au cours de notre recherche pour travailler à l'élaboration de cette matrice de l'interculturel qui s'inscrira dans un cadre de politique linguistique éducative en contexte de coopération franco-brésilienne.

Adaptation dans notre réflexion :

Á l'instar de ce que nous avons évoqué dans notre constat, nous avons observé lors de notre recherche de terrain différentes « incompétences interculturelles » que les coopérants français et brésiliens ont vécu, dans le sens où ces derniers évoquaient des malentendus, des quiproquos, des implicites et voire même des renoncements à l'acte de coopération. Néanmoins, ces coopérants ne disposant pas de « compétences interculturelles » prédéfinies de par leur expérience ou de par leur formation initiale et continue, en restaient à l'état d'incompréhension, de déception dans leur démarche de coopération. Ces différentes « incompétences interculturelles » seront dialogiquement exhumées dans l'étude de notre corpus (partie 2) et nous tenterons humblement d'ébaucher en amont une « matrice de l'interculturel » en considérant cet apport théorique pour analyser ce qui pourraient être des « compétences interculturelles » dans un cadre de coopération franco-brésilienne. Ainsi, ce concept d' « incompétences culturelles » nous servira en quelque sorte de constat pour pointer les différents dysfonctionnements que nous avons noté dans l'acte de coopération et qui se retrouveront dans notre corpus d'entretiens. Pour ce faire, nous nous soucierons d'élaborer une « matrice de l'interculturel » qui devra photographier à l'instant T (celui de notre recherche) les différentes « incompétences interculturelles » vécues par les coopérants tout en considérant les terrains interculturels mouvants dans lesquels ils sont plongés. Á cet effet, nous nous appuierons sur le concept de « culture adaptative antagoniste » de Demorgon (sur lequel nous reviendrons dans cette sous-partie) afin de tendre vers une méthode qui considère la complexité des situations réelles. Ce constat sera la première pierre à l'édifice dans l'élaboration de notre matrice de l'interculturel.

2.2.2 DE LA RECONNAISSANCE DE LA SPÉCIFICITÉ DES RENCONTRES

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