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ASSISES THÉORIQUE, CONCEPTUELLE ET MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE

POLITIQUE LINGUISTIQUE ET POLITIQUE LINGUISTIQUE ÉDUCATIVE, UN NÉCESSAIRE REPOSITIONNEMENT CONCEPTUEL ET TERMINOLOGIQUE

1.3 LES POLITIQUES LINGUISTIQUES ÉDUCATIVES

1.3.1 La POLITIQUE LINGUISTIQUE ÉDUCATIVE ET L'INTERCULTURE DÉFINIS PAR LE CONSEIL DE L'EUROPE

« Le Comité des Ministres, en vertu de l'article 15.b du Statut du Conseil de l'Europe, eu égard à la Convention culturelle européenne […] considérant que les sociétés ayant des caractéristiques pluriculturelles créées en Europe par les mouvements migratoires des dernières décennies constituent un processus irréversible et globalement positif, dans la mesure où les société peuvent contribuer à la création de liens plus étroits entre les peuples européens ainsi qu'entre l'Europe et les autres parties du monde […], recommande aux gouvernements des États membres […] d'inclure la

dimension interculturelle et celle de la compréhension entre communautés diverses dans la

formation initiale et en cours d'emploi des enseignants […]. », Comité des Ministres du Conseil de l'Europe (1984)33.

À l'instar de cette citation du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe (1984), qui introduit la notion de « dimension interculturelle » dans une politique linguistique – éducative, le Cadre Européen Commun de Référence (CECRL, 2001), qui est le fruit de ces réflexions des années 1980, nous permet d'observer que les syntagmes de « conscience interculturelle », « habilité interculturelle », « personnalité interculturelle » ou « savoir-faire interculturel » sont récurrents et nous avons recensé vingt-quatre occurrences du mot « interculturel » dans le CECRL visant à définir une « compétence interculturelle », c'est-à-dire, une compétence plurilingue et pluriculturelle élémentaire.

Dans cette perspective actionnelle, que le CECRL promeut au service du faire ensemble, le Conseil de l'Europe explicite dans un premier temps la notion de « compétence socioculturelle » au sens où cette dernière devient compétence interculturelle : « dès qu’on prend en considération les relations entre « le monde d’où l’on vient » et « le monde de la communauté cible » (CECR, p. 83, 2001). Dans les programmes d'activités du Centre Européen pour les Langues Vivantes (CERL, 2004- 2007), la compétence interculturelle est définie dans les termes suivants : « se rendre compte de ces relations et les connaître, comprendre les représentations qui les véhiculent, établir des relations soi- même, à travers le contact avec les gens notamment, jouer le rôle d’intermédiaire culturel, gérer des situations de malentendus et de conflits, avoir conscience qu’il existe une diversité culturelle, régionale et sociale, à l’intérieur de chacun des deux mondes, et d’autant plus fortement à l’extérieur, tout cela fait partie de ce qu’on peut appeler compétence interculturelle. » (p.8, 2004- 2007)34. Cette « compétence interculturelle » a été définie dans une visée de former les enseignants

à l'utilisation du portfolio européen des langues.

Cette « compétence interculturelle », telle que définie dans le CECRL, s'inscrit pleinement dans notre champ des politique linguistiques – éducatives et plus spécifiquement de celui de la didactique des langues-cultures en induisant la question de l'apprentissage des langues-cultures dans une perspective actionnelle. Néanmoins, nous constatons que le CECRL met en avant une compétence communicative, qui par l'interaction des langues-cultures enrichira certes les expériences langagières des individus, mais ne prendra pas nécessairement en considération que la

pour la compréhension interculturelle, notamment dans un contexte de migration », 25 septembre 1984.

34 Hodel, H.P. (3004-2007), Former les enseignants à l'utilisation du Portfolio européen des langues Module « CECR: Activités, compétences, niveaux », Deuxième programme d'activités à moyen terme du CELV.

communication soit fondée sur une « certaine vision du monde » que les locuteurs partagent. Or, nous nous demanderons si les connaissances déjà acquises par les apprenants pourraient être prises en compte afin de ne pas tomber dans le piège d'un apprentissage donnant une seule vision homogène voire universelle des langues-cultures qui sacrifierait les particularismes de certaines langues-cultures. En d'autres termes, la « compétence interculturelle », telle que prônée dans le CECRL, consisterait-elle à renforcer chaque individu dans ce qui l'a et/ou le rend semblable à tous les autres ? Ou bien, au contraire, insérer l'individu dans des communautés particulières avec une langue-culture spécifique gommerait toute type d'accès à des valeurs universelles ? Ce questionnement introduit la réflexion de l'interculturel dans la relation du particulier à l'universel (sur laquelle nous reviendrons notre chapitre 2).

À travers la voix de la même institution européenne, Beacco, dans son rapport , « De la diversité linguistique à l'éducation plurilingue : guide pour l'élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe » (Conseil de l'Europe, 2007), rattache le concept de « plurilinguisme » aux politiques linguistiques et politiques linguistiques éducatives et le définit comme suit : « le plurilinguisme constitue une conception du sujet parlant comme étant fondamentalement pluriel et il constitue une valeur, en tant qu'il est le fondement de la tolérance linguistique, élément capital de l'éducation interculturelle. » (ibid p.17). Nous constatons ici que les politiques linguistiques et politiques linguistiques éducatives sont associées à une éducation plurilingue et interculturelle, non pas dans une perspective d'enseigner ou de comparer plusieurs langues simultanément, mais bien de développer des compétences de ce que certains chercheurs nomment l'éducation ou la pédagogie interculturelle comme forme de vivre-ensemble. La question centrale, posée ici, est de savoir comment une politique linguistique éducative peut prendre en compte la pluralité des langues et la diversité des cultures en adoptant une approche qui questionne autant sur les autres cultures et langues, sur autrui que sur sa propre culture sans qu'une langue-culture prenne le dessus sur une autre ?

Enfin, Candelier35 a élaboré pour le Conseil de l'Europe les « approches plurielles des langues et des

cultures » qui sont des : « approches didactiques mettant en œuvre des activités d’enseignement- apprentissage qui impliquent à la fois plusieurs (= plus d’une) variétés linguistiques et culturelles. ». Ce dernier ajoute que : « nous les opposons aux approches que l’on pourrait appeler « singulières » 35 Candelier, M. (2007), Cadre de Référence pour les Approches Plurielles des Langues et des Cultures (CARAP), A

dans lesquelles le seul objet d’attention pris en compte dans la démarche didactique est une langue ou une culture particulière, prise isolément. Ces approches singulières ont été tout particulièrement valorisées lorsque les méthodes structurales puis « communicatives » se sont développées et que toute traduction, tout recours à la langue première étaient bannis de l’enseignement. Sous réserve d’une analyse ultérieure plus fine, nous recensons quatre approches plurielles. ». (p. 11, 2007). L'auteur distingue quatre « approches plurielles » que nous expliquerons ci-dessous :

- La première, l’approche interculturelle, a eu une influence certaine sur la didactique des langues et semble de ce fait assez bien connue, même si ce n’est pas toujours de façon explicite et réellement conforme à ses orientations fondamentales. Elle préconise : « l'appui sur des phénomènes relevant d'une ou plusieurs aire(s) culturelle(s) pour en comprendre d'autres relevant d'autres aire(s) culturelle(s), en favorisant la réflexion sur les échanges entre individus de culture différentes et par conséquent l'ouverture à l'altérité. Les autres approches, plus orientées vers la langue, nécessitent sans doute dès à présent une très brève présentation. »36 (p. 7, 2015).

- La deuxième est l’éveil aux langues. Cette approche concerne : « des langues ou des variétés linguistiques (« dialectes », « patois »...) de tout statut. Il s'agit d'activités d'observation, d'écoute, de comparaison, de réflexion... qui impliquent aussi bien des langues qu'on a pour objectifs d'apprendre (les langues étrangères proposées par l'école, la langue de l'école) que les langues que l'école n'a pas pour ambition d'enseigner : langues de la famille, langues présentes dans l'environnement. » (ibid., p. 6).

- La troisième est l’intercompréhension entre les langues romanes : « repose sur la séparation des compétences et privilégie la compétence de compréhension. La communication se déroule selon le dispositif suivant : chacun s'exprime dans sa langue et comprend celle de l'autre. Cette pratique, permettant une totale aisance d'expression et manifestant le respect de la langue de l'autre, s'acquiert assez facilement et assez rapidement, surtout si l'on commence par se focaliser sur la compréhension de l'écrit ». (ibid. p. 6)

36 Les approches plurielles des langues et des cultures, Délégation Générale de la Langue Françaises et aux Langues de France (DGLFLF). Ministère de la Culture et de la Communication, 2ème édition (2015)

http://www.culturecommunication.gouv.fr/Politiques-ministerielles/Langue-francaise-et-langues-de-

- La quatrième est la didactique intégrée des langues apprises. Cette approche : « vise les langues que l'on apprend à l'école et aide l'apprenant à établir des liens entre ces langues. On s'appuie sur une langue déjà connue pour aborder une langue moins connue, en prenant conscience des ressemblances et des différences entre les deux langues. Par exemple, on peut s'appuyer sur la langue de scolarisation pour aborder la première langue étrangère : dans le contexte hexagonal, le français peut effectivement servir d'appui pour l'apprentissage de l'anglais. On rejoint ici les principes de la pédagogie convergente, qui préconisent de s'appuyer sur la langue maternelle pour mieux acquérir la langue de scolarisation ou langue seconde, et qui sont particulièrement efficaces dans les départements d'outre-mer où sont pratiqués des créoles à base française. Les effets positifs concernent à la fois la nouvelle langue et celle auxquelles on se réfère, dont on renforce ainsi l'apprentissage. » (ibid. p. 7).

De la même manière que pour Beacco, nous nous questionnerons sur la mise en pratique de l' « approche interculturelle » de ces « approches plurielles » en politiques linguistiques – éducatives dans un contexte de didactique des langues-cultures, et constaterons que ces deux propositions de politique linguistique éducative ont été élaborées pour une instance politique qui est le Conseil de l'Europe. En effet, ces approches, aussi bienveillantes soient-elles, peuvent-elles être prises en compte dans l'enseignement-apprentissage du portugais en France ou du français au Brésil en formation initiale et formation continue afin de former les futurs protagonistes (au sens étymologie du grec prôtagônistês, « premier acteur ») de la coopération franco-brésilienne à cette approche interculturelle ? Les programmes des enseignements de langue dans les systèmes éducatifs de la France et du Brésil prennent-ils en compte ces approches dans les politiques linguistiques éducatives ? En outre, ces approches sur le concept d'interculturel dans un cadre d'enseignement- apprentissage à la didactique des langues-cultures découleraient-elles d'une certaine vision donnée par une instance éminemment politique, le Conseil de l'Europe ? Pour tenter de répondre à ces questions et conformément au développement de notre étude, nous procèderons dans la partie suivante à une mise à jour des différentes acceptions qui articulent le concept de « culture », de « langue » et « interculturel » à la lumière des discours scientifiques actuellement à l’œuvre dans ce champ disciplinaire. Puis, nous contextualiserons ensuite les liens entre l'interculturel et les politiques linguistiques – éducatives avant de les replacer dans un contexte de coopération franco- brésilien.

2) Considérations épistémologique et historique de Culture-

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