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ASSISES THÉORIQUE, CONCEPTUELLE ET MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE

1.5.1 À DES LIMITES CLAIREMENT ÉTABLIES

2) LA THÉORIE INTERCULTURELLE DE DEMORGON

2.3 LES CONCEPTS-CLEFS DE LA THÉORIE DE LA COMPLEXITÉ DES CULTURES ET DE L'INTERCULTUREL

2.3.3 LE CONCEPT D' « INTÉRITÉ »

2.3.3.4 L' « INTÉRITÉ GÉOHISTORIQUE »

L'auteur part du postulat qu'il existe quatre grands moments sociétaux de l'histoire humaine. Pour les définir, celui-ci s'appuie entre autres sur les recherches des historiens de la « nouvelle histoire » de Febvre (La Terre et l'évolution humaine, introduction géographique à l'histoire, 1922) et Braudel (Civilisation matérielle, économie et capitalisme, 1967), ainsi que des géographes comme Claval ou des philosophes comme Guattari, Deleuze et des économistes comme Attali. Ainsi, il propose l'émergence de quatre grandes sortes de sociétés et de culture historiques différentes : communautaires-tribales, royales-impériales, nationales-marchandes et informationnelles- mondiales. Ces grandes formes sociétales sont une grande variété de sociétés singulières articulées à une grande forme sociétale historique. La première grande forme sociétale est celle des sociétés communautaires qui trouve racine à partir du quatrième millénaire avant J.-C., et cette dernière est confrontée à celle des royaumes puis des empires qui structure davantage les sociétés. Néanmoins, les sociétés royales-impériales mettront du temps à s'imposer aux sociétés communautaires-tribales comme en témoigne par exemple le limes198, frontière romaine suivant le Danube, passant par

Maastricht et séparant l'Angleterre et l'Écosse par le Mur d'Hadrien. Puis, l'affrontement prendra place entre les sociétés royales-impériales et les sociétés nationales-marchandes à travers les acteurs économiques qui « s'emploient diversement à développer leurs activités, créant de nouvelles institutions pour accroître leur liberté d'entreprendre. Ils contribuent aussi sans le chercher comme tel, à la genèse d'une puissance qui s'organise en nouvelle forme de sociétés, la nation-marchande. » (Demorgon, 2015, p. 62).

La société nationale-marchande s'était inventée sur la base d'une concurrence qui stimulait son renouvellement économique et informationnel. C'est ainsi que dans la seconde moitié du vingtième siècle, cette concurrence et ce renouvellement se sont « exacerbés dans l'ensemble des nations- marchandes ». (Ibid, p. 63). Par conséquent, certains des derniers royaumes ou empires s'effondreront, tels l'URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques) ou la Chine, et cette exacerbation entre sociétés singulières les conduira à se référer à un plan mondial. C'est ainsi que l'auteur nomme la transformation de la société nationale-marchande à la quatrième forme de société : économie informationnelle-mondiale. Notons tout de même que c'est l'articulation de ces grands moments sociétaux qui nous intéresse, et qu'une grande forme sociétale ne s'impose jamais à l'ensemble des sociétés ; c'est pourquoi, définir et classer ces grandes formes sociétales permet de cerner « l'aventure de leur de leur développement et de leur transformation. Au moment de leur vécu, c'était leurs différences qui se trouvaient au premier plan. Avec le recul du temps et la 198 Limes : « Sous l'Empire romain, ligne fortifiée courant parallèlement à la frontière face aux pays barbares ou aux

déserts. » http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/limes/47170 (Larousse en ligne consulté le 19 janvier 2017).

nécessité pour les acteurs humains de mieux comprendre leur histoire, ce sont les ressemblances qui deviennent d'autant plus précieuses qu'elles font apparaître les structures fondamentales qui se sont engendrées au cours de l'histoire ». (Ibid, p. 63).

Ces quatre grands moments sociétaux se seraient ainsi succédés dans la mesure où « les sociétés et les cultures nouvellement apparues se sont montrées, à divers égards, plus puissantes que les sociétés et cultures qui les précédaient. Mais aussi compte tenu des évolutions techniques, économiques, écologiques et démographiques. » (Demorgon, p. 90, 1999). Pour découvrir l' « intérité géohistorique », il s'agit d'outrepasser l'histoire comme « chronique des grands événements et des grands hommes » pour se concentrer sur « les résidus de l'histoire événementielle » (Demorgon, p. 42, 2005), c'est-à-dire découvrir que les vainqueur des guerres n'imposaient pas intégralement leur culture aux vaincus, dans la mesure où la culture des vaincus était aussi empruntée par les vainqueurs, et que les deux cultures pouvaient par la suite entreprendre divers développements conjoints. De plus, seule une histoire du très long terme permet de voir se constituer les quatre grandes formes de sociétés et de les voir se transformer en courants culturels participant à la longue construction historique de chaque société singulière. C'est ce que Wallerstein évoque en précisant que : « Il existe des temps sociaux multiples qui interfèrent entre eux et qui doivent leur importance à une espèce de dialectique des durées ». (Wallerstein, p. 43, 2001). Même si l'effort est immense et toujours délicat, l'observation sur la très longue durée des moments sociétaux des cultures humaines permet de décrypter cette dialectique et ainsi de comprendre comment et pourquoi la complexité des cultures humaines poursuit son affrontement et son intégration.

C'est dans cette perspective que Demorgon revient sur l' « intérité planétaire » en cherchant à la rendre lisible, compréhensible au vu de la multiplication des rencontres volontaires entre cultures humaines et de l'amplification des interactions sociétales à l'échelle mondiale. Pour ce faire, l'auteur nous rappelle que cette « intérité planétaire » est souvent nommé de nos jours « interdépendance des sociétés », soulignant les nombreuses manifestations telles que les « flux migratoires, le libre- échange mondial, les délocalisations industrielles, les crises économiques, le terrorisme, dit international, les répliques policières et guerrières qui lui sont opposées. » (Demorgon, p. 43, 2005). Ce sont donc la prise en considération des interactions actuelles qui ont conduit la recherche à élucider les interactions passées. De ce fait, l' « intérité géohistorique » a commencé à émerger pour comprendre comment les nations ont pu se produire ensemble et comment leur interaction a donné lieu à des phénomènes interdépendants que l'on connaît aujourd'hui. C'est ainsi que Yves Lacoste a

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