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ASSISES THÉORIQUE, CONCEPTUELLE ET MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE

POLITIQUE LINGUISTIQUE ET POLITIQUE LINGUISTIQUE ÉDUCATIVE, UN NÉCESSAIRE REPOSITIONNEMENT CONCEPTUEL ET TERMINOLOGIQUE

2) Considérations épistémologique et historique de Culture Civilisation

2.1 CONCEPTS ET DIMENSIONS DE CULTURE

2.1.6 CONSIDÉRATIONS DIDACTIQUES DE « CULTURE »

En didactique des langues-culture, Porcher52 donne la définition suivante : « Une culture est un

ensemble de pratiques communes, de manières de voir, de penser, et de faire, qui contribuent à définir les appartenances des individus, c'est-à-dire les héritages partagés dont ceux-ci sont les produits et qui constituent une partie de leur identité […]. Toute société est liée à une culture d'ensemble, qui la caractérise et qui est elle-même le résultat de nombreuses cultures, qui sont plus petites, plus sectorisées […]. Une culture donnée est en changement continu. Il existe aussi des cultures mineures telles que culture professionnelle, culture religieuse, culture sexuelle etc. Ces cultures sont à prendre en compte dans tout échange interculturel. » (p. 55, 1995). Ce dernier insiste sur la dimension des appartenances des individus en soulignant qu'il existe des cultures sectorisées mais met surtout le doigt sur une nécessaire prise en compte de l'échange interculturel dans les différentes cultures. Celui-ci distingue plusieurs sub-cultures53 (que nous illustrerons avec nos

propres exemples) sans avoir la prétention d'être exhaustif :

- Culture sexuelle. : les filles en France ne sont pas élevées comme les garçons. Elles exercent des fonctions différentes, suivent des itinéraires distincts, portent des espoirs propres, ont des représentations spécifiques.54

- Culture générationnelle : les divers générations qui composent une société possèdent chacune sa culture singulière. Par exemple, les jeunes générations sont davantage friandes de l'utilisation de réseaux sociaux que les anciennes générations.

- Culture professionnelle : chaque profession se caractérise par son histoire, ses représentations, ses choix, bref, par des habitus particuliers qui la distinguent55. Par exemple,

52 Porcher, P. (1995), Le français langue étrangère. Émergence d'une discipline. (Ressources formation. Enjeux du système éducatif). Hachette Livre.

53 Porcher, P. (1994), L'enseignement de la civilisation, In: Revue française de pédagogie, volume 108, pp. 5-12. 54 Duru-Bellat, M. (1990), L'éducation des filles, Paris, L'Harmattan.

les fonctionnaires n'ont pas les mêmes représentations que les salariés du privé dans la société française.

- Culture régionale : les appartenances géographiques, toujours liées à une histoire spécifique, constituent un héritage culturel partagé56. Par exemple, les Bretons n'ont pas le

même héritage (germanique) que les Alsaciens.

- Culture religieuse : les pratiques religieuses sont à la fois héritées et choisies, elles ont historiquement élaboré leurs propres références culturelles et signes d'appartenance57. Par

exemple, les références culturelles des protestants français seront différentes de celles des protestants allemands.

Porcher conclut en nous précisant que : « l'ensemble de ces sub-cultures (il y en aurait bien d'autres) est caractérisé par le fait qu'elles fonctionnent constamment ensemble, en entrelacement, en interférence. Elles ne constituent pas des isolats, mais des composantes d'une réalité culturelle plus vaste. Les cultures sont toujours des emboîtements, un système de relations entre immobilité (transmise) et transformations. La multi-appartenance est un aspect de l'identité culturelle. En ce qui concerne l'apprentissage d'une culture étrangère, il est donc indispensable d'en repérer les sub- cultures composantes. » (ibid., p. 9). Ceci signifie que tout être humain possède plusieurs appartenances à ces sub-cultures. Serres58 nous indique sur ce point que c'est cette multiplicité qui

fabrique l'identité et que nous relevons d'une culture « tatouée, « tigrée », « arlequinée », bref « métissée ». Cette idée part du principe que toute culture est un mélange, un métissage qui résulte de plusieurs siècles d'histoire, ce qui donne un caractère pluriel à toute culture car emprunt de diverses influences.

Dans le même domaine, Abdallah-Pretceille59 nous précise que : « la culture a en réalité deux

fonctions, une fonction ontologique qui permet à l'être humain de se signifier à lui-même, et une fonction instrumentale qui facilite l'adaptation aux environnements en produisant des 56 Labov, W. (1977), Sociolinguistique (traduction française), Paris, Éditions de Minuit.

57 Durkheim, E. (1887), Le suicide, Pans, Presses Universitaires de France. 58 Serres, M. (1991), Le Tiers-Instruit, Paris, F. Bourin.

comportements, des attitudes, c'est-à-dire de la culture. » (p. 8/9, 2004). Cette définition associe dans un premier temps les notions de culture et d'identité au sens anthropologique du terme, et insiste dans un second temps sur l'adaptabilité de l'être humain devant faire face aux nouveaux enjeux de la multiplication des contacts humains. L'auteure précise enfin que : « l'essentiel n'est pas de savoir si les cultures portent ou non l'index de la réalité, si elles sont ou non en adéquation avec le réel, mais de comprendre la dynamique de la nébuleuse dont elles se nourrissent60. ». (ibid., p.

10). Cette dynamique comprendrait en outre une : « logique d'appartenance qui opère sur les notions de structures et de codes et une logique relationnelle qui renvoie à l'idée de réseau, de processus et de dynamique, le tout inscrit dans un contexte historique, politique, et économique dont il ne faut pas minimiser l'importance. » (ibid., p. 10).

Ces considérations didactiques du concept de « culture » mettent en avant que le dit concept est polymorphe au regard des différents contextes dans lequel il s'inscrit De plus, celui-ci est mouvant car il se définit en relation aux autres cultures. Au niveau didactique, nous nous demanderons comment ces relations entre cultures peuvent-ils être introduits en didactique des langues-cultures ? Abdallah-Pretceille évoque l'éducation interculturelle qui s'appuie à la fois sur la réflexion et l'action afin de répondre à l'introduction des rapports entre les cultures en salle de cours. Nous y reviendrons bien sûr ultérieurement dans notre étude.

En conclusion de cette sous-partie sur le concept de « culture », nous nous poserons les questions suivantes : y aurait-il un sens précis à ce concept de culture ? Comment pourrait-il être traduit dans le domaine de la didactique des langues-cultures au-delà des définition de Porcher et Abdallah- Pretceille ? Comment l'interculturel, qui découle du concept de « culture », pourrait-il être introduite dans une politique linguistique éducative ? Avant d'aborder la notion de « culturalité », nous donnerons une dernière définition du concept de « culture » empruntée à Piriou61 (1999) :

« Ensemble des faits de civilisations (art, connaissances; coutumes, croyances, loi, morale, techniques etc.) par lesquels un groupe (société, communauté, groupe social particulier) pense, agit et ressent ses rapports avec la nature, les hommes et l'absolu ; système de hiérarchisation des valeurs ; ne se manifeste pas seulement dans les formes d'expression culturelles mais aussi à travers la religion, les structures politiques, l'organisation familiale, l'éducation, voire le développement matériel et technique. » (cité dans Demorgon, 2015, p.6). Notons tout de même que cette définition, 60 Lévi-Strauss, C. (1964), Mytholohiques. Le cru et le cuit, Paris, Plon.

bien que très complète, ne prend pas en compte la dimension cyclique des cultures au sens de Demorgon : « Il y a un véritable cycle de réciprocité entre la culture acquise qui influence les conduites, et les conduites qui, en raison de leurs degrés de liberté, continuent à être à l'origine des cultures : en les modifiant, en les inventant. Ne pas énoncer ce cycle conduit à l'erreur fondamentale : réifier la culture comme produit du passé […]. La culture est tout autant partie intégrante du présent, voire déjà tournée vers le futur. » (p. 6, 2013).

2.2 DU CONCEPT DE « CULTURE » À CELUI DE « CULTURALITÉ » : UN

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