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ASSISES THÉORIQUE, CONCEPTUELLE ET MÉTHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE

CONCLUSION INTERMÉDIAIRE DU CHAPITRE

2) LA THÉORIE INTERUCLTURELLE DE DEMORGON 3) MATRICES DE L'INTERCULTUREL

1.1 CONTEXTE INTERNATIONAL DE L'APPARTION DE LA NOTION D' « INTERCULTUREL »

1.1.3 CONTEXTE BRÉSILIEN DE L'APPARTION DE LA NOTION D' « INTERCULTUREL »

Suite à une recherche dans le dictionnaire brésilien, nous n'avons pas trouvé de définition de la notion même d' « interculturel »152. Ceci témoigne de la « nouveauté » de la notion qui est utilisée

au Brésil uniquement dans le domaine de la recherche. Néanmoins, il est utile de préciser que les notions d' « interculturalité » et d' « interculturalisme » existent dans la littérature brésilienne et sont définies en relation aux concepts de « multiculturalité » ou « multiculturalisme » qui ne sont pas adéquats pour refléter une dynamique sociale prenant en compte des synthèses socio-culturelles entres les groupes minoritaires et majoritaires de la société. Au Brésil, la notion d' « interculturel » fait davantage référence à l'intégration de groupes minoritaires avec des groupes majoritaires dans une visée de vivre-ensemble (société pluri-ethnique) et de reconnaissance des particularismes de chacun des dits groupes. Elle est liée à la notion de « diversité culturelle » dans une optique pédagogique ou d'éducation interculturelle comme nous allons le voir ci-après.

Selon Pompeu da Silva et Akkari153 : « l'idée de tenir compte de la diversité culturelle est

relativement récente dans le système éducatif brésilien. En effet, en dépit de la diversité raciale et ethnique constitutive de la société brésilienne, les approches interculturelles datent d'une quinzaine d'années. Le pays a successivement connu l'esclavagisme et une politique officielle de « blanchissement » de la population ; les afro-brésiliens continuent de cumuler actuellement inégalités sociales et raciales. Toutefois, on a assisté durant les dernières années à l'émergence de nombreuses

approches interculturelles dans le système éducatif. » (p. 56, 2010). Dans le cas brésilien, la

notion d' « interculturel » est largement associée à l'éducation interculturelle prenant en compte les différentes ethnies qui composent sa nation pour promouvoir une égalité des chances à l'école. Les auteurs précisent que : « l'interculturel doit opérer entre d'une part « droit à la différence » et « impératif d'égalité », et d'autre part, entre « traitement équitable des différents groupes ethniques » et « système éducatif unitaire d'un État-nation ». Cela peut aboutir à un paradoxe persistant. Tout le monde parle depuis quelques années de l'interculturel au Brésil, certaines initiatives législatives ont, par conséquent, eu la volonté de le valoriser dans le système éducatif. Toutefois, il est encore très 152 Notre recherche s'appuie sur le Dicionário da língua Portuguesa, Evanildo Bechara, Academia Brasileira de

Letras, Editora Nova Fronteira (2009).

153 Akkari, A. Da Silva, C. P. (2010), Les approches interculturelles dans le système éducatif brésilien : entre

exceptionnel de le voir fonctionner vraiment dans le quotidien de l'école car il réveille des blessures historiques, des antagonismes et des conflits qui pourraient mettre en péril la cohésion nationale. » (ibid., p. 56). L'interculturel ne serait-il au Brésil qu'un concept impossible à appliquer dans le domaine éducatif ? Force est de constater que le contexte est différent de celui de la France et qu'une société multi-ethnique est à considérer dans une perspective d'éducation interculturelle.

L' « interculturel » au Brésil : un enjeu éducatif crucial ?

La notion d' « interculturel » trouve officiellement ses origines dans les décennies 1980/1990 à travers la notion de « diversité culturelle » au Brésil afin de former les enseignants à cette notion. À cet égard, des directives curriculaires nationales « furent définies pour les formations en pédagogie, par l’intermédiaire du rapport CNE/CP n°5 (2005)154, soulignant l’idée que les étudiants en

pédagogie devaient recevoir une formation pour garantir l’intégration pleine et entière des segments historiquement exclus de l’enseignement, dans le domaine des droits sociaux, culturels, économiques et politiques. À travers ces « directives », que l’on peut donc entendre comme étant des « orientations » en matière de curriculum, on remarque que la diversité est encore traitée de manière générale, sans formuler de recommandations sur la façon d’inclure cette diversité dans les contenus curriculaires de la formation, ni sur les compétences à développer, ni même sur les critères d’évaluation à utiliser, ce qui relève de la responsabilité des institutions en charge de l’offre de formations en pédagogie. »155 (Santiago et Canen, p. 45, 2013). Ces directives curriculaires ont par

la suite pris en compte les sensibilités multiculturelles par le biais de la promulgation de lois traitant l'intégration des cultures indigènes et africaines et afro-descendants dans le curriculum scolaire. L'objectif de l'État était une conscientisation et une éducation à l'histoire et à la culture afro- brésilienne et africaine et en filigrane une éducation aux questions d'inégalité, de marginalisation, de préjugés (indiens, noirs).

La notion d' « interculturel » n'est plus que jamais associée au domaine éducatif au Brésil car elle fait le « pari » de la prise en compte des trois ethnies composant sa nation afin qu'elles aient une égalité de droits face au défi que représente l'éducation à l'échelle nationale. D'ailleurs, c'est le Ministère de l’Éducation (MEC), qui a pour mission de mettre en œuvre les politiques linguistiques

154 Ministério da Educação (MEC) : Diretrizes Curriculares Nacionais para a Educação das Relações Étnico-Raciais

e para o Ensino de História e Cultura Afro-Brasileira e Africana. (2005)

http://www.uel.br/projetos/leafro/pages/arquivos (consulté le 18 juin 2016).

155 Santiago, M., Canen, A. (2013), Les approches interculturelles dans l’éducation au Brésil, Revue internationale d’éducation de Sèvres 63, L’école et la diversité des cultures.

et politiques éducatives, qui veille aussi au traitement des questions liées à la diversité culturelle dans le contexte brésilien. Les syntagmes utilisés sont ceux d « approche interculturelle » ou d' « éducation interculturelle » et ils soulignent tout le paradoxe de la notion puisque ces approches sont censées résoudre l'équation de la société multi-ethnique brésilienne et sa diversité culturelle face à l'éducation en charge de considérer toutes ces différences pour faire en sorte qu'il y ait une égalité de droits dans une dialogique de l'universalité et de la singularité de sa population. Les approches interculturelles sont liées à la formation des professeurs afin qu'ils soient en capacités d'enseigner la question de la diversité culturelle et ethnique. C'est la raison pour laquelle au niveau législatif, de nombreuses lois ont promu cette éducation interculturelle visant à interroger les relations inter-ethniques à l'école et dans la société en général tout en garantissant une plus grande égalité des chances. D'où le paradoxe de l'interculturel qui serait censé apporter une réponse éducative tout en traitant de la diversité culturelle.

Conformément aux différents contextes de l'apparition de la notion d' « interculturel », nous pouvons souligner que celle-ci s'inscrit d'emblée dans différents champs : politique, économique, éducatif, linguistique, culturel, et que ses acceptions varient selon les continents, les pays et les contextes civilisationnels – institutionnels. Nombreux sont les syntagmes pour décrire la notion d' « interculturel » et ils caractérisent les divers champs et difficultés que cette nouvelle notion revêt : « dialogue interculturel », « phénomènes interculturels », « pédagogie interculturelle », « option interculturelle », « approches interculturelles », « communication interculturelle » pour n'en citer seulement quelques-uns que nous venons de voir dans ces considérations historique et épistémologique.

Néanmoins, nous notons que tous ces syntagmes mettent en évidence la dynamique d'aller/retour entre les langues-cultures dans une visée de dialogue, de contact, d'interaction et pose la question de l'altérité et de la réciprocité. La dimension éducative est consubstantielle à la notion et au contexte dans lequel elle s'inscrit. Nous pouvons donc nous demander comment ces syntagmes seront-ils dès lors adoptés par la communauté scientifique pour en faire un champ de recherche, et autant que faire se peut traduire cela en termes de compétences interculturelles en didactique des langues- cultures ? Si la notion de dialogisme est inhérente à celle d'interculturel, nous nous demanderons comment ce dialogisme peut-il être pensé dans l'élaboration d'une politique linguistique éducative tout en prenant en compte les différences de chacun des groupes ou des individus ? Porcher précise en ce sens que : « c'est le préfixe -inter qui donne son poids au mot » et que « l'interculturel

s'efforce de lutter en faveur de l'égalité. »156 (p 117, 2004). La notion d' « interculturel » s'érigerait-

elle en rempart contre le multiculturalisme qui ne reconnaît pas la nature des relations des différents groupes composant la société ? Ou relèverait-elle davantage des notions de « pluriculturel », « diversité culturelle » récurrentes dans sa définition ? Dans le contexte européen, ce serait d'ailleurs « à cause de » ces difficultés d'intégration que connaissent les différents groupes composant la société que s'imposerait une « pédagogie interculturelle » et une « communication interculturelle ». Si la dimension éducative est omniprésente dans la notion d' « interculturel », ce qui renvoie à notre problématique de politique linguistique éducative, nous reviendrons dans un souci de clarté sur les notions sous-jacentes de « diversité culturelle », « multiculturel / multiculturalisme » et « transculturel / transculturalisme » afin de ne pas tomber dans une description insipide de la notion d' « interculturel » sans l'articuler aux notions-clefs qui l'alimentent et/ou la distinguent.

1.2 CONSIDÉRATIONS DES CONCEPTS : « DIVERSITÉ CULTURELLE », « MULTICULTUREL / MULTICULTURALISME », ET « TRANSCULTUREL /

TRANSCULTURALISME »

Remarque liminaire :

Nous soulignons que le terme « interculturel » est de loin le plus récurrent dans la littérature française. Serait-ce un simple effet de mode ou une prise en considération du concept par la communauté scientifique ? Il est à souligner que le concept d'interculturel est à une moindre échelle utilisé comme synonyme d' « interculturalisme » ou d' « interculturalité ». Au-delà de l' « interculturel », la notion d' « interculturalisme » se définit comme « un modèle de la gestion de la diversité culturelle » (Bouchard, p. 393, 2012). L’interculturalisme revêt d'une construction d'inter- relations entre les diverses cultures d'une société qui induit des échanges réciproques entre les cultures tout en préservant un respect mutuel. Il recherche les points communs entre les cultures tout en préservant les différences individuelles. Nous notons que le terme « interculturalisme » est fréquemment utilisé en opposition au « culturalisme ». Le culturalisme considère l'autre comme représentant d'un État-Nation (français comme entité collective abstraite) et se focalise sur les différences nationales et sur les connaissances culturelles et linguistiques (démarche ethnographique). Cette démarche ne favorise pas la rencontre, l'interaction contrairement à l'interculturalisme (interculturel ou interculturalité) qui se base sur l'instabilité de l'identité et se 156 Porcher, P. (2004), L'enseignement des langues étrangères, Paris : Hachette Éducation.

focalise sur les revendications identitaires et l'interaction pour analyser une situation d'échange. Abdallah-Pretceille constate que : « la question n'est pas tant la culture de l'autre, mais tout simplement la question de la relation à l'autre. C'est autrui, qui, dans sa totale diversité et singularité, sous toutes ses formes, s'impose à nous. (…) Ainsi, la connaissance hors contexte, hors relation, hors communication avec autrui, ne facilite pas la rencontre. » (p. 146, 2004). Il faut bien faire attention entre la notion d'interculturalisme, qui reconnaît le caractère multiculturel de nos sociétés, et de multiculturalisme, qui est un autre modèle de gestion de la diversité culturelle que nous définirons ci-après.

1.2.1 LA « DIVERSITÉ CULTURELLE » : UNE IDÉE EN VOGUE, UNE ARME

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