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de la Restauration au Second Empire (1814/15-1870)

A. Vers une autorité républicaine ? (février-mai 1848)

1. Concilier autorité de l’Etat et démocratie : les réflexions des républicains avant 1848

Le mouvement républicain, qui s’était constitué en courant politique autonome distinct

des libéraux dans les premières années de la monarchie de Juillet250, ne disposait, au moment

de prendre les rênes du pays, que d’un corpus doctrinal d’importance limitée, en particulier en

ce qui concerne les questions constitutionnelles et institutionnelles251, et ce d’autant plus qu’il

était traversé par de profondes divisions entre les plus radicaux et les modérés. Les républicains s’accordaient néanmoins sur le fait que le régime qu’ils appelaient de leurs vœux devait être fondé sur le principe de la souveraineté du peuple, ce qui – l’ensemble des

républicains s’accordaient sur ce point depuis le début des années 1840252

– impliquait

l’instauration du suffrage universel masculin253

. Ce projet démocratique était-il compatible avec l’exercice, par les représentants de l’Etat, d’une autorité dont les fondements avaient été fixés par un régime pour le moins autoritaire, et avaient été préservés par les monarchies censitaires auxquelles les républicains étaient précisément opposés ?

Il est, tout d’abord, important de noter que, attachés à l’héritage de la Révolution

française254 et à l’unité nationale, les républicains ne remirent que rarement en cause le

principe de la centralisation255, et donc celui de l’existence de fonctionnaires chargés de faire

250 Samuel HAYAT, « Au nom du peuple français », la représentation politique en question autour de la révolution de 1848 en France, thèse de doctorat en sciences politiques sous la direction de Bertrand GUILLARME, Université de Paris 8-Saint-Denis, 2011, p. 169.

251

Armelle LE BRAS-CHOPARD, « Les socialistes devant la question constitutionnelle », in Jean BART, Jean-Jacques CLERE, Claude COURVOISIER et Michel VERPEAUX (dir.), La Constitution du 4 novembre 1848 : l’ambition d’une république démocratique, Dijon, Editions Universitaires de Dijon, 1998, p. 55-71.

252Jean-Claude CARON, « Etre républicain en monarchie (1830-1835) : la gestion des paradoxes », in Patrick HARISMENDY (dir.), La France des années 1830… op. cit., p. 35.

253 Sur ces questions, outre l’article cité dans la note précédente, voir Paul BASTID, Doctrines et institutions politiques de la Seconde République, Paris, Hachette, 1945, tome I, p. 39-50 ; Nicolas BOURGUINAT, « Les

partis de gauche pendant la monarchie censitaire », in Jean-Jacques BECKER et Gilles CANDAR (dir.), Histoire des gauches en France, vol. 1, L’héritage du XIXe siècle, Paris, La Découverte, 2004, p. 61-68 ; Jeanne GILMORE, La République clandestine, 1818-1848, Paris, Aubier, 1997, 452 p. ; Claude NICOLET, L’Idée républicaine en France (1789-1924), Paris, Gallimard, 1982, 528 p. ; Pamela PILBEAM, Republicanism in Nineteenth-Century France : 1814-1871, Basingstoke, Macmillan, 1995, XII-370 p. ; Alan B. SPITZER, « La République souterraine », in François FURET et Mona OZOUF (dir.), Le Siècle de l’avènement républicain, Paris, Gallimard, 1993 ; Georges WEILL, Histoire du parti républicain en France, Paris, F. Alcan, 1928, 431 p.

254 Jean EL GAMMAL, « La mémoire de la Révolution au XIXe siècle », in Jean-Jacques BECKER et Gilles CANDAR (dir.), Histoire des gauches… op. cit., tome I, p. 135-151 ; Alice GERARD, La Révolution française, mythes et interprétations, 1789-1970, Paris, Flammarion, 1970, 140 p.

255 Par exemple : Exposé des principes républicains de la Société des droits de l’homme et du citoyen, Grenoble, impr. de J. L. Barnel, s.d., 16 p. Un appel à la décentralisation peut toutefois être trouvé dans un manifeste publié le 29 août 1830 de la société Aide-toi le ciel t’aidera signé Godefroy Cavaignac. Voir sur ce sujet Pierre ROSANVALLON, L’Etat en France… op. cit., p. 79.

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appliquer, dans les départements, les décisions du pouvoir central256. Dès lors, même s’il ne

s’agissait pas d’un thème central de leur pensée, les républicains réfléchirent, dans les années 1830-1840, à la manière dont l’autorité des représentants de l’Etat pouvait s’exercer dans le

cadre d’un régime démocratique. En 1831, la Société des amis du peuple publia une

profession de foi dans laquelle elle affirmait que les préfets et les maires devaient être élus par le peuple257

; la brochure, très brève, ne s’étendait pas sur les prérogatives des administrateurs, ni sur l’obéissance qui leur était due, mais elle proposait, dans le domaine de l’autorité, une véritable révolution copernicienne : les préfets et les maires n’auraient en effet plus été les représentants de l’Etat, mais de leurs mandants, ce qui n’aurait pu que modifier de manière très profonde la façon dont ils se comportaient avec eux. Le projet de constitution rédigé par Charles-Antoine Teste était plus radical encore, puisqu’il prévoyait de confier l’exécutif départemental à un directoire nommé par le conseil général, élu au suffrage universel masculin, et de remplacer les préfets par des commissaires nommés par le pouvoir exécutif, chargés de maintenir l’unité du pays et de veiller à l’exécution des lois, et qui n’auraient joui

que d’une autorité relativement limitée258. Quelques textes s’efforcèrent de décrire avec

davantage de précision encore les contours d’une autorité véritablement républicaine. Ainsi,

en 1833, la Société des Droits de l’Homme, qui regroupait des républicains avancés de

tendance jacobine, publia le texte de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de

1793, assorti de commentaires d’Albert Laponneraye, militant révolutionnaire et admirateur de Robespierre. Or, dans son article XXIV, la Déclaration affirmait qu’il fallait « obéir religieusement aux magistrats et aux agens du gouvernement, lorsqu’ils sont les organes ou les exécuteurs de la loi », car, soulignait Laponneraye,

« Obéir aux magistrats et aux agents du gouvernement quand ils sont les organes ou les exécuteurs de la loi, c’est obéir à la loi elle-même ; or, quand la loi est l’expression de la volonté générale, lui obéir, c’est obéir à sa propre volonté, puisque chaque volonté particulière sert à former la volonté générale »259.

256 Voir par exemple « Discours du citoyen G. Desjardins sur l’association républicaine », in Les Révolutions du XIXe siècle, tome 2, La Société des amis du peuple, 1830-1832, Paris, EDHIS, 1830-1834, p. 40.

257 « L’éclaireur. 10e brochure publiée par la Société des amis du peuple », octobre 1831, in Les Révolutions… op. cit., p. 4.

258

Charles-Antoine TESTE, « Projet de constitution républicaine », in Les Révolutions du XIXe siècle tome 7,

Ecrits de Ph. Buonarroti, Voyer d’Argenson, L.-A. Blanqui, de Potter, Ch. Teste, U. Trélat, Laponneraye et autres révolutionnaires, 1830-1831, Paris, EDHIS, 1830-1834, p. 24.

259Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen avec des commentaires par le citoyen Laponneraye, publiée par la Société des droits de l’Homme, Paris, impr. de Setier, s.d. [1833], p. 7.

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Si l’autorité des représentants de l’Etat était ici clairement affirmée, celle-ci était soumise au

strict respect de la loi émanant de la volonté générale par les fonctionnaires260. Dans une

perspective rousseauiste, c’était parce que les citoyens participaient à la formation de la loi qu’ils devaient obéir aux représentants du gouvernement chargés de l’appliquer. L’autorité dont bénéficiaient les préfets et les sous-préfets provenait donc toujours par délégation du

souverain ; ce dernier n’était néanmoins plus le monarque, mais le peuple261. C’est pourquoi

l’article XIV de la même déclaration considérait que les fonctionnaires étaient les « commis » du peuple souverain. Laponneraye allait plus loin encore dans son commentaire :

« Vous l’entendez, les fonctionnaires publics sont les commis du peuple, ils sont les commis du peuple parce qu’ils sont payés par lui ; ils sont les serviteurs, les gagistes, les valets du peuple » 262.

La conception qui s’énonçait ici de l’autorité des représentants de l’Etat était donc très différente de celle en vigueur depuis l’an VIII. Les fonctionnaires y tenaient leur autorité de

ceux sur qui ils l’exerçaient263. Ces derniers devaient, en retour, obéissance aux premiers, du

moins tant que ceux-ci se soumettaient à la volonté générale exprimée par la loi. L’objectif était clairement de parvenir à concilier l’exercice de la démocratie avec l’efficacité d’une administration qui relaie les décisions du gouvernement et lui permette de se faire obéir. Dans

une perspective sensiblement plus modérée, l’auteur de l’article « Autorités » du Dictionnaire

politique : encyclopédie du langage et de la science politique… affirmait que l’autorité était avant tout un ascendant moral. Or à ses yeux, sous la monarchie censitaire, les fonctionnaires, à commencer par les préfets, ne disposaient que de la force pour imposer l’obéissance. C’est ce qui lui faisait dire « Dans les gouvernements de fait, en général, et dans la France en

particulier, on trouve beaucoup d’Autorités, mais il n’y a pas d’Autorité ». On retrouve ici

l’idée que la démocratie était compatible avec l’exercice de l’autorité. L’auteur allait même plus loin encore, puisqu’à ses yeux, seul un régime de type démocratique pouvait permettre aux représentants de l’Etat d’imposer une véritable autorité, fondée sur la capacité d’influence et non sur la peur264

. En revanche, contrairement à celle défendue par Laponneraye, la

260 On retrouvait cette idée dans l’article « Administration », du Dictionnaire politique : encyclopédie du langage et de la science politique rédigée par une réunion de députés, de publicistes et de journalistes avec une introduction par Garnier-Pagès, Paris, Pagnerre, 1842, p. 29.

261 L’article « Autorité » du Dictionnaire politique… op. cit., p. 129, affirmait, dans une perspective similaire, que « l’Autorité, c’est la Souveraineté du peuple ».

262Ibid., p. 5.

263

Cette conception ne peut que faire penser à celle que les procureurs-syndics de la Révolution avaient de leur autorité. Voir Gaïd ANDRO, Une génération… op. cit., p. 404-405.

264 Article « Autorités », Dictionnaire politique… op. cit., p. 129-130, p. 129 pour la citation. Dans le même ordre d’idée, le magistrat et militant républicain Paul-Mathieu LAURENT considérait, dans Du Principe d’autorité en politique : des causes de sa décadence et des moyens de le relever (Paris, J.-J. Dubochet, 1844, 160 p.), que

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conception de l’autorité proposée ici ne soumettait pas les fonctionnaires aux citoyens, mais considérait les premiers comme les protecteurs des seconds. En cela, elle était en définitive beaucoup plus proche que l’auteur ne voulait bien l’admettre de celle qu’avaient les dirigeants du Consulat, du premier Empire, de la Restauration et de la monarchie de Juillet. Il est à cet égard surprenant que, contrairement à Laponneraye, l’auteur ne dise rien de l’origine de cette autorité et des modalités de sa dévolution, comme si cela allait de soi. On voit ici qu’il existait des désaccords entre les républicains radicaux et modérés au sujet de l’autorité des représentants de l’Etat ; il n’y avait pas, en ce domaine comme en d’autres, de doctrine

unifiée. Il n’en reste pas moins que tous pouvaient s’accorder a minima sur le fait qu’en

démocratie, l’autorité était nécessaire – il fallait bien que les décisions de l’Etat central fussent obéies. Celle-ci ne reposerait néanmoins plus sur la force, mais d’une part sur le consentement

de ceux sur qui elle pesait, et d’autre part sur la moralité, la compétence265, la modération et la

responsabilité de ceux qui en étaient revêtus. Quoi qu’il en soit, cela montre que des idées circulaient au sein du mouvement républicain, et purent, à ce titre, influencer les décisions du

gouvernement provisoire après la révolution de février. Le Dictionnaire politique

constituait, en particulier, une des références majeures des membres du Gouvernement provisoire266.

La question de l’autorité des maires faisait l’objet d’un consensus nettement plus grand au sein du courant républicain. Attaché aux libertés communales, ses membres entendaient clairement refonder l’autorité des maires sur une base démocratique, en instaurant

l’élection des édiles au suffrage universel masculin267.

l’autorité – entendue ici dans son sens politique le plus général – s’était considérablement dégradée sous le règne de Louis XVI puis durant la Révolution française. Napoléon, en voulant la relever, n’avait fait qu’imposer un pouvoir tyrannique. Quant à la Restauration, son caractère rétrograde la rendait incapable d’une telle mission. Seul un régime républicain pouvait à ses yeux parvenir à rétablir l’autorité, en conciliant la fermeté nécessaire au maintien de l’ordre et la modération.

265Paul-Mathieu LAURENT, Du Principe d’autorité… op. cit., p. 156.

266 Paul BASTID, Doctrines et institutions politiques… op. cit., p. 46.

267

Par exemple : Déclaration de la société constitutionnelle centrale de Paris, s.l., s.d., p. 2 ; Manifeste de la société des amis du peuple, Paris, Delaforêt, Rouen frères, Delaunay, 1830, p. 16 ; Armand MARRAST,

Programme de l’hôtel de ville, ou récit de ce qui s’est passé depuis le 31 juillet jusqu’au 6 août 1830, extrait de la tribune politique et littéraire, article du 7 avril 1831, non démenti par le Gouvernement, Paris, Rouanet, 1831, p. 6.

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2. Les commissaires et sous-commissaires de la République, entre autorité et modération

Immédiatement après l’abdication de Louis-Philippe Ier

, le 24 février 1848, un gouvernement provisoire fut constitué. Il lui fallait, avant toute chose, rétablir l’ordre dans le pays et s’assurer l’obéissance des habitants. Dans un premier temps, il délégua cette tâche, en

province, aux préfets de la monarchie de Juillet268, qui étaient restés à leur poste, et qui

conservèrent donc, momentanément, leur autorité. Rapidement, cependant, des commissions provisoires, composées de républicains et de modérés, s’emparèrent spontanément des

fonctions préfectorales, et en dépouillèrent de fait les préfets269. Dans le département de la

Meurthe, par exemple, elle était composée de MM. Morot, Digout, Vincenot, Fraisse, Louis, La Flize, Georges-Leclerc, Favier-Gervais, Lorentz, Aubertin, Georgé, Quillen, Conquignot,

Lefèvre, de Ludre, Dauné, Valerot, Lalire, le colonel Girard, Grandjean et Claudin270, qui

avaient, pour la plupart, appartenu à l’opposition républicaine sous la monarchie de Juillet271.

Le gouvernement provisoire n’entendait toutefois pas laisser ces commissions exercer une autorité indépendante de celle du gouvernement. Le ministre de l’Intérieur, Alexandre Ledru-Rollin, envoya très vite en province des agents nommés par le pouvoir central. Dès le 28

février, des commissaires du gouvernement prirent la succession des préfets272

. Dans la Meurthe, deux commissaires se partageaient le pouvoir, le comte Charles de Ludre et Victor Léoutre, également chargé de la Meuse, et qui après avoir opté pour ce dernier département,

fut remplacé dès le 7 mars par Eugène Lorentz273. Dans les Vosges, cette fonction échut dans

un premier temps à Léopold Turck, mais, dès le 20 mars, deux autres commissaires, Arthur Ballon et Antoine Quillot, furent nommés à ses côtés, ce qui provoqua sa démission. Enfin, en Moselle, le gouvernement nomma Prosper Billaudel, qui reçut également à la fin du mois de

mars le titre de commissaire général pour les quatre départements de l’ancienne Lorraine274.

Les commissions provisoires ne furent pas dissoutes, mais durent collaborer avec les

268 AD 55, 71 M 12, Dépêche télégraphique du 25 février 1848.

269 Ces derniers ne furent cependant officiellement révoqués que dans les premiers jours du mois du mars.

270 Proclamation, s.d. [février 1848], in Recueil des actes administratifs du département de la Meurthe, bulletin n° 9, p. 69.

271 Odette VOILLIARD, Nancy au XIXe siècle… op. cit., p. 97.

272 Sur l’épuration de 1848, Vincent WRIGHT, « Les épurations administratives de 1848 à 1885 », in Paul GERBOD et alii, Les Epurations… op. cit., p. 72-74.

273 Il est intéressant de souligner, à son sujet, que c’est la commission provisoire, à la demande de Léoutre, qui désigna Lorentz pour ce poste ; le gouvernement se contenta ensuite de ratifier ce choix.

274 Les commissaires généraux avaient essentiellement une mission de surveillance des administrateurs, et de propagande républicaine. Ils étaient généralement plus radicaux que les commissaires nommés en mars. Voir Paul HAURY, « Les commissaires de Ledru-Rollin en 1848 », La Révolution française, revue d’histoire moderne et contemporaine, tome 57, juillet-décembre 1909, p. 457.

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nouveaux représentants de l’Etat. Quant aux sous-préfets, ils furent, dans les départements de

la Meurthe, de la Meuse et des Vosges, presque tous275 remplacés entre le 24 février et la

mi-mars par des sous-commissaires, d’abord désignés par les commissions provisoires, puis

nommés par les commissaires276

.

Les commissaires furent dotés d’une autorité considérable, bien supérieure à celle dont disposaient les préfets. Leurs arrêtés de nomination affirmaient ainsi qu’ils étaient investis des pouvoirs des préfets, qu’ils étaient autorisés à « prendre toutes les mesures d’ordre et de salut public qu’il[s] jugera[ient] nécessaires », et que « toutes les autorités civiles et militaires

[étaient] placées sous [leurs] ordres »277. Ils étaient en effet chargés de maintenir l’ordre et la

sécurité dans le pays pendant la période de transition278. Mais ils ne devaient user de ces

pouvoirs étendus que dans le respect des lois, et dans l’intérêt du peuple :

« Nous sommes les serviteurs du peuple, et par notre application et notre zèle, nous lui prouverons que nous sommes dignes de sa confiance. Donnez donc partout l’exemple de la vigilance et du travail »279

En effet, les commissaires étaient également chargés de rallier les habitants à la République, et de permettre la victoire des républicains aux élections. Pour cela, ils devaient se faire apprécier par la qualité de leur administration, l’attention qu’ils portaient à l’amélioration du sort des plus démunis, mais également par leur comportement exemplaire et empreint de modération, en d’autres termes par leur capacité d’influence. Ajoutons que, bien que le gouvernement provisoire ne se souciait manifestement guère de la question, l’autorité des

commissaires transparaissait dans les honneurs dont ils étaient de facto entourés. Ils n’avaient

275 Un seul sous-préfet de la monarchie de Juillet fut maintenu en poste sous la Deuxième République. Il s’agissait d’Adolphe Fournier à Commercy.

276

Circulaire du ministre de l’Intérieur aux commissaires du gouvernement provisoire, 12 mars 1848, in Emile CARREY, Recueil complet des actes du gouvernement provisoire (février, mars, avril, mai 1848) avec des notes explicatives, des tables chronologiques et une table alphabétique, analytique et raisonnée des matières, Paris, Auguste Durand, 1848, tome 2, p. 125-129.

277 AD 88, 3 K 28, Arrêté du gouvernement provisoire, 28 février 1848, AD 55, 71 M 12, Lettre du sous-commissaire du gouvernement à Verdun au sous-commissaire du gouvernement pour la Meuse, 7 avril 1848 ; ou encore Proclamation portant un arrêté du gouvernement provisoire, 28 février 1848, in Recueil des actes administratifs du département de la Meurthe, bulletin n° 9, p. 70.

278 D’après Samuel HAYAT, le gouvernement provisoire cherchait à légitimer son autorité en se présentant comme le seul pouvoir capable de maintenir l’ordre dans le pays (1848. Quand la République était révolutionnaire. Citoyenneté et représentation, Paris, Seuil, 2014, p. 81-105). Nombreuses étaient en effet les proclamations qui affirmaient, comme celle du 14 mai 1848, que « la République est fondée sur l’ordre » (Proclamation de la Commission du Pouvoir exécutif, 14 mai 1848, in Bulletin des lois… op. cit., bulletin n°36, p. 421 ; on peut également renvoyer à la proclamation du gouvernement provisoire du 18 avril 1848, in Bulletin des lois… op. cit., bulletin n°28, p. 259-260 et à celle du 24 avril 1848, in Bulletin des lois… op. cit., bulletin n°29, p. 276-278).

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pas de costume officiel, mais ils continuaient à occuper les bâtiments prestigieux des préfectures et les règles de préséance continuaient à s’appliquer.

Cette conception d’une autorité importante en droit mais modérée en fait fut apparemment remise en cause par la circulaire adressée le 12 mars aux commissaires par Alexandre Ledru-Rollin. Celui-ci y mettait en effet davantage qu’auparavant l’accent sur le caractère discrétionnaire des pouvoirs qui leur étaient conférés. Puisqu’ils étaient les « agens d’une autorité révolutionnaire », les commissaires se trouvaient de fait investis de la souveraineté du peuple ; leurs pouvoirs – et donc leur autorité – étaient de ce fait « illimités ». Cette soudaine radicalité peut s’expliquer par le fait que, compte tenu des troubles que la révolution avait occasionnés dans certaines communes, Ledru-Rollin estimait qu’il fallait donner aux commissaires les moyens leur permettant de mettre en œuvre « ce que les circonstances exigent pour le salut public ». En outre, il était impératif, à ses yeux, que les candidats républicains soient victorieux lors des élections prévues le 9 avril280 ; il détaillait donc dans sa circulaire le rôle que les commissaires devaient jouer à cette occasion :

« Les élections sont votre grande œuvre ; elles doivent être le salut du pays. C’est de la composition de l’Assemblée que dépendent nos destinées. Il faut qu’elle soit animée de l’esprit révolutionnaire, sinon nous marchons à la guerre civile et à l’anarchie. […]

Eclairez les électeurs, et répétez-leur sans cesse que le règne des