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L’élaboration d’un style sous le Consulat et le Premier empire (1799-1814/5)

C. La sélection des maires

Trouver, dans chaque commune, un homme capable d’incarner convenablement

l’autorité de l’Etat s’avéra d’une toute autre difficulté210. Il importe toutefois d’établir une

claire distinction entre les villes les plus importantes – où le choix était le plus simple – et les

petites communes211 – pour lesquelles le travail de sélection s’avéra bien plus délicat.

1. Les maires des villes importantes : un choix relativement facile

La Lorraine du XIXe siècle ne comptait pas de grandes villes (plus de 50 000

habitants), seulement deux villes moyennes, Nancy et Metz, qui rassemblaient respectivement

environ 30 000 habitants212 et près de 40 000 habitants vers 1809-1810213, et neuf autres villes

de plus de 5000 habitants (Bar-le-Duc, Epinal, Mirecourt, Lunéville, Saint-Dié, Saint-Mihiel, Thionville, Toul et Verdun). Il importait de désigner, dans ces villes, où l’on trouvait un nombre important de notables, des hommes capables d’exercer et d’incarner convenablement l’autorité de l’Etat. Ce travail ne présenta pas de difficulté particulière ; on y trouvait

208 Deux sous-préfets furent cependant anoblis par la suite. Louis Viard devint baron d’Empire en 1813, soit 11 ans après avoir quitté sa charge de sous-préfet de Château-Salins. L’un de ses successeurs, Frédéric d’Houdetot obtint également un titre de baron en janvier 1809, quelques mois après avoir quitté sa sous-préfecture.

209

Annexe 5, tableau 6, p. 687.

210 Sur cette question, voir, de manière générale, Barnett SINGER, Villages Notables… op. cit., p. 37-67.

211 On retiendra ici, pour distinguer grandes et petites communes, le seuil de 5000 habitants, qui présente, dans notre perspective, l’avantage de correspondre à une réalité administrative (il permet, rappelons-le, de distinguer les communes dont le maire était nommé par le pouvoir central de celles dont le maire était nommé par le préfet). Les sources utilisées établissaient donc une claire distinction entre ces deux catégories de communes, qu’il nous a paru préférable, et plus commode, de respecter.

212 Odile VOILLARD, Nancy au XIXe siècle, 1815-1871, une bourgeoisie urbaine, Paris, Ophrys, 1978, p. 3.

213

Metz aurait compté 34 000 habitants en 1803 et 41 000 en 1811 d’après François-Yves LE MOIGNE (dir.),

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suffisamment d’hommes compétents. Le choix des autorités centrales, qui s’appuyaient sur les informations données par les préfets, se porta de fait sur des hommes dont le profil était somme toute assez proche de ceux des préfets et des sous-préfets.

Il fallait, à la tête des deux plus grandes villes lorraines, des maires capables d’imposer leur autorité à des élites riches et influentes. Pour cela, le gouvernement décida de nommer des personnalités issues des élites locales, respectables, loyales et appréciées. Il s’agissait, à Nancy, de François Lallemand, qui occupa la mairie de 1798 à février 1814, puis à nouveau

brièvement pendant les Cent-Jours214, et de Joseph de Mique215, en poste de février 1814 à

avril 1815. A Metz, Napoléon nomma quatre maires : François Durand de Tichémont de juin

à août 1800216, Jean-François Goussaud d’Antilly , de décembre 1800217 à novembre 1805218,

Nicolas Marchant de novembre 1805 à mai 1815219, et enfin Pierre Chédeaux de mai à juillet

1815.

Tous appartenaient, de fait, aux élites urbaines. François Lallemand et Nicolas

Marchant étaient des médecins réputés220. Le second, médecin militaire, avait dirigé l’hôpital

militaire de Nancy en 1788, puis celui de Metz221. Il avait également été, en 1789, le premier

commandant de la Garde nationale de Metz222. François Durand de Tichémont et Joseph de

Mique étaient magistrats. Le premier, après une carrière militaire durant laquelle il avait été

page de Monsieur et officier de dragons, était devenu avocat général au Parlement de Metz223.

Quant au second, il était avocat. Jean-François Goussaud d’Antilly avait pour sa part

214AN, F/1bII/Meurthe/14, « Tableau de la réorganisation du corps municipal de Nanci [sic] conformément aux arrêts des 25 et 27 mars 1815 ».

215

En dépit de la particule, il n’était pas noble.

216

Il ne resta que peu de temps à ce poste car il fut nommé commissaire du gouvernement près le conseil des prises (il s’agit d’une juridiction administrative chargée de juger de la validité des prises maritimes en temps de guerre). Olivier TORT, L’Impossible unité… op. cit., p. 1596.

217

AD 57, 46M6, Arrêté du Premier consul, 12 prairial an VIII (1er juin 1800).

218 Il quitta sa charge pour des raisons de santé. Emile-Auguste BEGUIN, Biographie de la Moselle, ou histoire par ordre alphabétique de toutes les personnes nées dans ce département qui se sont fait remarquer par leurs actions, leurs talens, leurs écrits, leurs vertus ou leurs crimes, tome II, Metz, Verronais, 1830, p. 249.

219

AD 57, 45M, « Liste des candidats indiqués par M. le Préfet du département de la Moselle pour les places de Maires et Adjoint de maires auxquelles il doit être nommé par l’Empereur, en exécution du décret du 15 avril 1806 »

220AN, F/1bII/MEURTHE/4, « Liste des candidats indiqués par M. le Préfet du département de la Meurthe pour les places de maire et adjoint de la Mairie, auxquelles il doit être nommé par l’Empereur, en exécution du décret impérial du 15 avril 1806 » ; Emile-Auguste BEGUIN, Biographie de la Moselle… op. cit. tome III, p. 145.

221Denis IMHOFF et Thierry LENTZ, La Moselle et Napoléon… op. cit., p. 56.

222Emile-Auguste BEGUIN, Biographie de la Moselle… op. cit. tome III, p. 145.

223

AD 57, 46M6, Arrêté du Premier consul, 12 prairial an VIII (1er juin 1800). Voir également Olivier TORT,

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interrompu sa carrière militaire en 1789, et s’était alors consacré aux sciences et aux lettres224.

Il était également commandant de la Garde nationale de Metz depuis le 4 frimaire an IX (25

novembre 1800) 225. Enfin, Pierre Chédeaux était un manufacturier important, qui possédait un

établissement de broderie, et qui avait été juge au tribunal de commerce en 1806226

. Par

ailleurs, autant qu’on puisse le savoir, ces six hommes disposaient de revenus importants227

. Certains étaient même manifestement très riches. Le préfet attribuait ainsi à François

Lallemand une fortune s’élevant à quelque 124 000 francs228

. François Durand de Tichémont était un des plus riches propriétaires – et de ce fait un des contribuables les plus imposés – de

Moselle229. D’autres avaient semble-t-il des revenus plus modestes, mais qui leur assuraient

somme toute un train de vie très confortable. Nicolas Marchant aurait ainsi bénéficié de 6000

francs de revenus230, et Pierre Chédeaux de 12 000 francs231. Les préfets proposaient donc au

gouvernement de nommer des hommes qui appartenaient aux couches les plus aisées de la population urbaine, essentiellement à la bourgeoisie. Seuls deux étaient issus de famille appartenant à la noblesse de robe d’Ancien Régime. Le père de François Durand de

Tichémont était ainsi qualifié d’écuyer sur l’acte de naissance de son fils232, et portait le titre

de seigneur de Crépy. Le maire de Metz était cependant lui-même roturier233. Jean-François

Goussaud d’Antilly appartenait pour sa part à une ancienne famille de la noblesse de robe de

la ville234. Enfin, seul François Lallemand resta maire de Nancy suffisamment longtemps pour

obtenir le titre de baron d’Empire, le 19 juin 1813. Pour honorer les maires des grandes villes et renforcer leur autorité, le pouvoir leur octroyait également parfois la Légion d’honneur. Ce fut le cas de François Lallemand et Nicolas Marchant, qui devinrent chevalier, et de Joseph de

Mique, qui obtint le grade d’officier le 3 novembre 1814235

.

224

Emile-Auguste BEGUIN, Biographie de la Moselle… op. cit., tome II, p. 249.

225

AD 57, 46M6, Arrêté du Premier consul, 4 frimaire an IX (25 novembre 1800).

226Emile-Auguste BEGUIN, Biographie de la Moselle… op. cit., tome I, p. 248.

227 Les informations relatives aux revenus des maires contenues dans les dossiers des AN sont, comme pour les préfets et les sous-préfets, hautement sujettes à caution. Il ne s’agit, là encore, que d’indications.

228AN, F/1bII/MEURTHE/4, « Liste des candidats indiqués par M. le Préfet du département de la Meurthe pour les places de maire et adjoint de la Mairie, auxquelles il doit être nommé par l’Empereur, en exécution du décret impérial du 15 avril 1806 ».

229

Il possédait notamment des domaines à Jouaville et à Solgne. Denis IMHOFF et Thierry LENTZ, La Moselle et Napoléon, Metz, éd. Serpenoise, 1986, p. 56.

230 AD 57, 45M, « Liste des candidats indiqués par M. le Préfet du département de la Moselle pour les places de Maires et Adjoint de maires auxquelles il doit être nommé par l’Empereur, en exécution du décret du 15 avril 1806 »

231

Denis IMHOFF et Thierry LENTZ, La Moselle et Napoléon… op. cit., p. 57.

232 LH/886/46, Copie de l’acte de naissance.

233 Olivier TORT, L’impossible unité… op. cit., p. 1595.

234

François-Yves LEMOIGNE (dir.), Histoire de Metz, Toulouse, Privat, 1986, p. 317.

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Il est intéressant de souligner que si certains de ces hommes maîtrisaient les rouages du droit, ou avaient acquis dans la carrière des armes une aptitude particulière au commandement, ils ne disposaient en revanche pas tous de réelle expérience dans le domaine administratif. Nicolas Marchant était ainsi simplement membre du Conseil général quand il

fut nommé maire236

. Le seul édile qui pouvait se prévaloir d’une authentique connaissance des affaires communales était François Lallemand, qui avait été conseiller municipal de Nancy pendant la Révolution, et avait déjà occupé le poste de maire de la ville d’octobre à novembre 1795 puis en 1798. De manière générale, il semble que les préfets n’accordaient pas une grande importance à l’expérience antérieure. Ce qui importait était que les candidats leur paraissent avoir les capacités nécessaires pour remplir cette lourde tâche.

Il ne pouvait, en outre, s’agir que d’hommes connus pour leur respectabilité. Tous étaient d’âge mûr. Le plus jeune des six maires, François Durand de Tichémont, avait été nommé à l’âge de 35 ans, et le plus âgé, Joseph de Mique, avait 57 ans lors de sa nomination. Deux d’entre eux au moins étaient par ailleurs mariés et pères de famille – Nicolas Marchant

avait deux enfants237, et François Durand de Tichémont en avait sept238. Deux autres (François

Lallemand239 et Jean-François Goussaud d’Antilly240) étaient célibataires. Quant aux deux

derniers, la documentation consultée n’a pas permis de savoir s’ils étaient mariés ou non. Par ailleurs, les gouvernants nommaient ou renommaient des hommes qui jouissaient de l’estime publique. En 1813, le préfet disait ainsi de François Lallemand qu’il « jouit de la

considération la plus distinguée et la mieux méritée »241. En revanche, on peut constater que

lorsqu’ils proposaient au gouvernement une candidature pour un poste de maire, les préfets n’évoquaient pas l’influence de sa famille. On peut pourtant supposer qu’un maire dont la famille jouait de longue date un grand rôle dans la cité pourrait imposer son autorité plus facilement. Le fait que François Durand de Tichémont soit le gendre de l’ancien procureur

236 AN, F/1bII/MOSELLE/4, « Liste des maires et adjoints à la nomination de l’Empereur qui sont actuellement en fonction », s.d. [1812].

237

AD 57, 45M, « Liste des candidats indiqués par M. le Préfet du département de la Moselle pour les places de Maires et Adjoint de maires auxquelles il doit être nommé par l’Empereur, en exécution du décret du 15 avril 1806 »

238Olivier TORT, L’impossible unité… op. cit., p. 1595.

239 AN, F/1bII/MEURTHE/4, « Liste des candidats indiqués par M. le Préfet du département de la Meurthe pour les places de maire et adjoint de la Mairie, auxquelles il doit être nommé par l’Empereur, en exécution du décret impérial du 15 avril 1806 ».

240Emile-Auguste BEGUIN, Biographie de la Moselle… op. cit., p. 249.

241

AN, F/1bII/MEURTHE/5, « Liste des maires et des adjoints nommés par Sa Majesté l’Empereur et roi dans le département de la Meurthe », 1813.

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général du Parlement de Metz242 avait-il compté dans la décision de le nommer ? Il est

impossible, faute de source, de répondre à cette question. Il ne s’agissait, en tout état de cause, pas d’un élément déterminant, puisque François Lallemand devint maire bien que sa famille n’ait exercé aucune influence particulière dans la commune.

Enfin, on pourrait supposer qu’il fallait, dans des villes aussi importantes, où résidaient de nombreux électeurs, des maires loyaux envers le régime. Il semble pourtant que ce critère n’ait joué qu’un rôle relativement marginal lors des nominations, même si l’on sait qu’un homme comme Nicolas Marchant était connu pour la modération dont il avait fait

preuve pendant la Révolution243, et qui était depuis dévoué à l’empereur244.

Le profil des trente maires des neuf autres communes, plus petites et dominées par une petite et moyenne bourgeoisie de rentiers, de propriétaires, de commerçants et d’hommes de loi, était plus modeste. Bien que la documentation consultée ne permettre de connaître la profession que de dix-huit des maires – soit 60% du total – il apparaît clairement que les

édiles appartenaient, sans surprise, aux catégories dominantes de leur commune245. Sept

étaient des hommes de lois, trois des administrateurs, trois des manufacturiers, trois d’anciens officiers (dont un général, Charles Joseph Boyé, nommé maire de Saint-Mihiel pendant les Cent-Jours), un était négociant et un rentier. Ils disposaient donc des revenus relativement importants. Certains pouvaient même être considérés comme riches. Jean-Philippe Milleret, maire de Thionville de 1808 à 1814, possédaient d’importantes propriétés, notamment près de

Trèves, qui lui auraient rapporté quelques 9000 francs de revenus chaque année246. Son

successeur, Germain Tailleur, aurait eu quant à lui 6000 francs de revenus annuels247

. La plupart disposaient de revenus confortables, à l’instar du maire de Bar-le-Duc Jean-Louis

Pierre (3000 francs)248, du maire d’Epinal Charles Nicolas Launoy (4000 francs)249

, des maires

242Olivier TORT, L’Impossible unité… op. cit., p. 1595.

243Emile-Auguste BEGUIN, Biographie de la Moselle… op. cit. tome III, p. 150-155.

244

Ibid., p. 158.

245 Les informations utilisées ici proviennent des listes de maire, des fiches de renseignements et des lettres adressées au ministère de l’Intérieur par les préfets contenues dans les dossiers chronologiques de la sous-série F/1bII des AN.

246AN, F/1bII/MOSELLE/4, « Liste des maires et adjoints à la nomination de l’Empereur qui sont actuellement en fonction », s.d. [1812]. François ROTH (dir.), Histoire de Thionville… op. cit., p. 159.

247 AN, F/1bII/MOSELLE/5, « Tableau de présentation de maires et d’adjoints de la ville de Thionville », 4 mai 1815

248

AN, F/1bII/MEUSE/4, « Liste des maires et adjoints nommés par Sa Majesté l’Empereur dans le département de la Meuse », 1er juillet 1812.

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de Saint-Mihiel Joseph Léopold Miscault (4500 francs)250, et Henry de Faillonnet (3500

francs)251, ou du maire de Verdun Louis Gand (4000 francs)252. Sans être dans le besoin,

quelques-uns étaient cependant nettement moins bien lotis, comme le maire de Bar-le-Duc

Nicolas-Louis Henriquet (1200 francs)253

, du maire de Saint-Dié François Ferry (2000 francs)254

et du maire de Saint-Mihiel Christophe Thomas Connard (1500 francs)255

. Enfin, le maire de Toul de 1800 à 1813, Dominique Etienne Houillon, était beaucoup plus pauvre, puisqu’il n’aurait joui que de 600 francs de revenus annuels.

Il s’agissait par ailleurs d’hommes expérimentés et respectables. Contrairement aux maires de Metz et de Nancy, certains maires des petites villes lorraines disposaient d’une réelle expérience des affaires communales, puisque cinq avaient exercé des fonctions dans l’administration municipale ou dans l’administration de district pendant la Révolution, et trois au moins étaient membres du Conseil municipal lorsqu’ils furent nommés maires. Ils étaient en outre assez âgés au moment de leur première nomination. Les sources permettent de connaître la date de naissance de quatorze maires. Seuls deux avaient moins de 40 ans, et dix étaient quadragénaires ou quinquagénaires. On ignore malheureusement la situation maritale de seize des maires. On sait cependant de manière certaine que treize étaient mariés et un était célibataire. Dix d’entre eux au moins avaient des enfants.

Enfin, là encore, les préfets veillaient à proposer aux autorités supérieures de nommer des hommes bénéficiant de l’estime publique. Ainsi, en 1803, le préfet des Vosges proposa de nommer maire d’Epinal M. Brouillard, qui était considéré comme capable et qui jouissait « de

la considération générale et de l’estime publique »256

. De même, en 1812, le préfet des Vosges

249AN, F/1bII/VOSGES/3, « Liste des candidats indiqués par M. le Préfet du département des Vosges pour les places de maires et d’adjoints auxquelles il doit être nommé par Sa Majesté l’Empereur et Roi en exécution du décret impérial du 5 avril 1806 », 2 novembre 1812.

250 AN, F/1bII/MEUSE/4, « Liste des maires et adjoints… », 1er juillet 1812.

251 AN, F/1bII/MEUSE/19, « Liste de candidats présentés pour la nomination à la place de maire de la ville de Saint-Mihiel », 17 juillet 1813.

252

AN, F/1bII/MEUSE/4, « Liste des maires et adjoints nommés par Sa Majesté l’Empereur dans le département de la Meuse », 1er juillet 1812.

253 AN, F/1bII/MEUSE/3, « Liste des candidats indiqués par le Préfet du département de la Meuse pour les places de maires et d’adjoint de maire auxquelles il doit être nommé par l’Empereur en exécution du décret impérial du 15 avril 1806 », 1807.

254 Ibid.

255AN, F/1bII/MEUSE/19, Fonctions de maire de la ville de Saint-Mihiel, 18 brumaire an XIII (9 novembre 1804).

256

AN, F/1bII/VOSGES/12, Lettre du préfet des Vosges au ministre de l’Intérieur, 11 prairial an XI (31 mai 1803).

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proposa à l’Empereur de renommer François Ferry, maire depuis 1797, en soulignant qu’il

« jouit de la considération publique »257.

2. Les maires des petites communes : un choix plus délicat258

Dans les petites communes des quatre départements lorrains, les préfets devaient également trouver des hommes capables de bien représenter l’Etat. C’était d’autant plus important que l’Etat n’était guère présent et visible dans les zones rurales. Il était donc essentiel de choisir des maires capables de le représenter avantageusement. Généralement étrangers au département qu’ils administraient, les préfets ne disposaient pas, la plupart du temps, des informations nécessaires pour bien choisir, surtout lorsqu’ils venaient d’entrer en fonction. Ils s’appuyaient donc volontiers sur les informations délivrées par les sous-préfets, mais aussi par les juges de paix, les commissaires de police ou encore les chefs des bataillons de gendarmerie, ce qui laissait une large place au népotisme et au clientélisme. Cette

dimension essentielle du travail des préfets a été fort bien étudiée259. Il n’est donc pas

nécessaire d’y revenir ici. Ce qui compte dans notre perspective est que les préfets, lorsqu’ils désignaient un maire, s’appuyaient sur différents critères qui leur permettaient de penser que les personnes choisies seraient aptes à l’exercice de l’autorité de l’Etat. L’étude de la documentation disponible permet d’en identifier cinq.

Le premier critère était le niveau social. Il est impossible, dans le cadre ce travail, d’établir avec précision le profil sociologique de l’ensemble des maires lorrains, compte de la

charge considérable de travail qu’une telle entreprise nécessiterait260. Ce serait, du reste, d’une

bien maigre utilité compte tenu des objectifs poursuivis. Une approche par échantillonnage permet de mettre en évidence quelques lignes de force, qui suffisent à la démonstration. On dispose, pour identifier la profession des maires, d’une source extrêmement utile : l’administration préfectorale dut au moins à deux reprises, après les renouvellements de 1808 et 1812, constituer des listes exhaustives des maires en exercice dans chaque arrondissement,

257 AN, F/1bII/VOSGES/3, « Liste des candidats indiqués par M. le Préfet du département des Vosges pour les places de maires et d’adjoints auxquelles il doit être nommé par Sa Majesté l’Empereur et Roi en exécution du décret impérial du 5 avril 1806 », 2 novembre 1812.

258 Puisqu’ils ne furent pas nommés par les préfets mais élus, les maires des Cent-Jours n’ont pas été pris en compte dans cette sous-partie.

259

Voir notamment Jocelyne GEORGE, Histoire des maires… op. cit., p. 55.

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qui, en règle générale, faisaient mention du statut professionnel des édiles. En dépit de sa richesse, l’exploitation statistique de cette source s’avère cependant délicate, car les catégories