• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4 Les arguments des verbes existentiels - Essais d’analyse syntaxique

4.4 Verbe impersonnel

Il existe d’autres hypothèses postulant que haber sélectionne un argument locatif qui occupe la position externe du verbe, comparable à celle du sujet. Kuno (1972) a été le premier à formuler une telle analyse, et depuis elle a connu un succès considérable.

Dans une telle hypothèse, on considère en général que le locatif monte en position externe (specifier position) lorsque le SN sujet est indéfini et cela pour satisfaire le principe de la projection étendue (Extended Projection Principle de Chomsky 1982), qui veut que tout prédicat sélectionne un sujet ou au moins un argument externe. Le SP locatif est alors considéré comme un sujet dérivé (i.a. Hoekstra & Mulder 1990, Freeze 1992).

En revanche, pour Fernández Soriano (1999), le locatif (spatial ou temporel) dans la construction existentielle se comporte comme un véritable sujet (et non comme un sujet dérivé). Dans son article de 1999, elle propose une analyse détaillée de données espagnoles qui soutiennent une telle analyse du locatif :

106

Data concerning idiom formation, existential interpretation, raising, extraction from coordinate structures, position in interrogatives, and nominalization also show that locative PP’s behave as real subjects in impersonal constructions and contrast with those which appear in so-called locative-inversion constructions (LIC). (Fernández Soriano 1999 : 102)

Fernández Soriano (1999 : 112) appelle impersonnelles les constructions qui se caractérisent par la position préverbale canonique (unmarked or canonical order) d’un locatif, comme dans (60). En cela, ces constructions impersonnelles se distinguent des constructions à inversion locative, où la position préverbale du locatif est marquée comme dans (61) par rapport à la position postverbale canonique comme dans (62). Dans ces deux dernières constructions, le locatif ne serait pas le sujet, mais un argument interne, qui peut être antéposé comme c’est le cas dans (61).

(60) Aquí hay café.

(61) Por la colina rodó el carrito del niño. (Fernández Soriano 1999 : 112) (62) El carrito del niño rodó por la colina.

Dans les constructions qui nous concernent, les constructions impersonnelles, deux types de prédicat peuvent apparaître : (a) les prédicats statiques (stative), comme haber et faltar, et (b) les prédicats événementiels (eventive) comme pasar ou nevar. Dans les constructions avec ces prédicats, le rôle de sujet est assumé soit par un datif, soit par un locatif. Ces deux types de sujets y sont en distribution complémentaire en fonction du trait [+/- animé]. Les illustrations (63) à (65) exemplifient le verbe statique faltar et (66) à (68) le verbe événementiel pasar.

(63) Me falta café.25

(64) Aquí falta café. (65) ??Aquí me falta café. (66) Me pasa algo.

(67) Aquí pasa algo. (68) ??Aquí me pasa algo.

107 Le comportement syntaxique du locatif dans les constructions impersonnelles (où il assume le rôle de sujet) présente quelques caractéristiques remarquables par lesquelles il diffère du comportement que les locatifs manifestent lorsqu’ils fonctionnent comme adjoint (par exemple dans une construction transitive) ou comme argument interne (par exemple dans une construction à inversion locative). Dans ce qui suit, nous allons passer en revue les cinq caractéristiques les plus frappantes du locatif sujet, relevées par Fernández Soriano (1999) et Fernández Soriano et Táboas Baylín (1999).

4.4.1 Expressions idiomatiques

Le premier phénomène qui semble suggérer que le locatif assume la fonction de sujet auprès de hay consiste en ce que le locatif n’apparaît pas dans les expressions idiomatiques avec haber, comme (69) et (70).

(69) Hay gato encerrado. (70) Hay tomate.

En effet, Marantz (1984) postule qu’un argument externe ne s’intègre jamais dans une expression idiomatique. Conformément à l’hypothèse de Fernández Soriano, les locatifs peuvent parfaitement apparaître dans les expressions idiomatiques avec des verbes transitifs comme poner dans (71). Il en va de même pour les verbes de mouvement pouvant apparaître dans une constructions à inversion locative comme llegar dans (72). (71) Poner una pica en Flandes.

(72) Juan ha llegado al límite.

4.4.2 Constructions à montée

Une deuxième caractéristique intéressante consiste dans le comportement du locatif dans les constructions à montée. Ainsi, lorsque haber est subordonné à un auxiliaire comme parecer, c’est le locatif qui se met en position de sujet (75). En revanche, le SN postverbal ne peut pas monter en tant que sujet de l’auxiliaire (74), contrairement aux SN postverbaux des verbes intransitifs de mouvement (77). Les exemples (73) à (75) sont repris à Fernández Soriano et Táboas Baylín (1999 : 1757).

(73) Parece haber fantasmas en esta casa. (74) * Fantasmas parece haber en esta casa.

108

(75) En esta casa parece haber fantasmas.

(76) *Por esta colina parece rodar el carro del bebé. (Fernández Soriano 1999 : 113) (77) El carro del bebé parece rodar por esta colina.

4.4.3 Propositions interrogatives

Troisièmement, il est frappant que dans les propositions interrogatives, le locatif auprès de haber puisse se trouver entre l’auxiliaire et le verbe principal (80), c’est-à-dire la position habituellement occupée par le sujet, comme Juan dans (78).

(78) ¿ Habrá Juan hecho lo mismo ? (79) *¿ Habré aquí puesto los libros ?

(80) ¿ Cómo puede en un sitio así no haber aire acondicionado ? (81) *¿ Cómo puedes en un sitio así dejar el coche ?

4.4.4 Noms nus

Une quatrième caractéristique remarquable consiste en ce que le locatif apparaissant avec les verbes impersonnels ne peut pas être un pluriel nu, que le verbe soit statique (82) ou événementiel (83). En revanche, le nom nu peut apparaître en position préverbale avec d’autres types de prédicats comme le montrent (84) et (85).

(82) *En restaurantes grandes faltan bastantes camareros. (83) *En ciudades grandes ocurren catástrofes.

(84) En restaurantes grandes no hay que invertir dinero. (85) En ciudades grandes no me gusta vivir.

En effet, nous avons vu sous 4.2.1.3 qu’en espagnol, les noms nus ne peuvent jamais fonctionner comme des arguments externes.

109

4.4.5 Infinitivo concertado

La dernière caractéristique que nous mentionnons concerne la capacité de haber à apparaître avec ou comme un infinitivo concertado, c’est-à-dire un infinitif qui partage son sujet avec un prédicat supérieur. Aussi ce sujet est-il généralement elliptique. Considérons les exemples (86) à (88) de Fernández Soriano & Táboas Baylín (1999 : 1757) :

(86) En este pueblo a veces hay mosquitos después de llover. (87) A veces nieva después de haber tormenta.

(88) * A veces encendemos hogueras después de llover / haber tormenta.

Dans (86), l’infinitif llover apparaît comme infinitivo concertado auprès de haber. Si cette configuration est possible, les deux verbes doivent sélectionner le même sujet (88). Le seul argument qui entre en ligne de compte est le locatif en este pueblo, qui peut partant être identifié comme sujet. Inversement dans (87), où haber fonctionne comme infinitivo concertado avec nevar, les deux verbes ont en commun le sujet temporel a veces. Le locatif doit donc assumer le rôle de sujet des deux prédicats successifs, l’un météorologique et l’autre existentiel.

110