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B. Datum: désignation générique de l'acte conduisant au dommage 45

2. Urere,frangere, rumpere

Urere, frangere, rumpere figurent, nous l'avons vu, dans le texte initial du chap. III LA: si quis aZteri damnumfaxit, quod usseritfregerit ruperit58Ces termes précisent ou exemplifient 1edamnumfacere (dare) générique en indi-quant une certaine forme de dommage. Comme occidere, la forme active des trois verbes décrit principalement l'acte de l'auteur, alors que la forme pas-sive se réfère plutôt à l'effet sur l'objet qui sera ussum, fractum, ruptum, respectivement damnum datum dans la formulation générique.

Si l'on prend à la lettre la formulation du chap. III59 , telle qu'Ulpien nous la transmet, urere, frangere, rumpere peuvent être appliqués à toute

55 Ulp. D. 9,2,27,5!

56 Gai. 3,217 supra 45s.

57 Ulp. D. 9,2,5,3; Ulp. D. 9,2,7,4; Paul. D. 9,2,12; Ulp. D. 9,2,11,3; Ulp. D. 9,2,15;

Paul. D. 9,2,18, etc.

58 Ulp. D. 9,2,27,5 supra.

59 Ulp. D. 9,2,27,5, supra I.A., 1.

sorte de biens60: ceterarum rerum praeter hominem et pecudem occisos61 •

Cette phrase qu'on lui prête comme une sorte d'introduction souligne que le chap. III est applicable à toute chose endommagée, et même aux esclaves et animaux qui ont subi un dommage autre qu'occidere.

Urere est le seul des trois termes62 à spécifier en même temps un mode de destruction (par chaleur) et l'effet qui en résulte, une brûlure ou un incendie.

Les cas énumérés dans la LA concernent tous une dévastation par le feu, tels face adureré3, vil/am exureré4 et stipulam incenderé5•

Frangeré6 et rumpere, comme l'occidere, définissent l'acte seulement par l'effet qu'il produit, sans se référer aux moyens utilisés. Leurs effets précis sont plus difficiles à cerner que ceux d'urere. Fractum désigne généra-lement la fracture ou cassure d'un membre ou objet dur (crus, calix, fores, gemma, columna67). Rumpere couvre un champ plus large avec des

domma-60 Autrement DAUBE, DAVID, On the third chapter of the «lex Aquilia», in: Collected Studies 1, 3-18, 3ss, selon qui les trois termes n'auraient initialement été appliqués qu'aux res se moventes, soit en cas de blessure d'esclaves ou animaux. L'extension sur les objets inanimés ne se serait faite qu'à partir de la deuxième moitié du 1. s. an. C.

6! Ulp. D. 9,2,27,5. Même sans cette phrase introductive qui n'a peut-être pas fait partie du texte initial, la formulation du chap. III inclut tout bien endommagé, indépendam-ment de ses particularités, à condition toutefois qu'il ait un prix.

62 Pour urere, ji·angere, rumpere, voir notamment ROTO ND!, GIOVANNI, Dalla «Lex Aquilia»

all'art. 1151 Cod. Civ. Ricerche Storico-Dogmatiche, Rivista del diritto commerciale e del diritto generale delle obbligazioni, anno 14, no 12, parte 1, 7 passim (aussi dans Scritti giuridici Il, 465ss); DAUBE, Damnum, 284, sur le rapport entre, d'une part, l'ob-jet et uri, frangi, rumpi et, d'autre part, le dommage du propriétaire (également supra 42); WESEL, UWE, Rhetorische Statuslehre und Gesetzesauslegung der rômischen Juristen (cité: Statuslehre), Kôln, etc. 1967, 45s.; SCHIPANI, Responsabilità, 334s., 340s.; WAT-SON, ALAN, Persona! injuries in the XII-Tables, TR 43/1975, 213-222, 214s., accepte expressément la thèse de Daube sur l'application initiale restreinte des trois verbes aux esclaves et animaux (supra); 216ss, notamment sur la fonction étendue de rumpere; sur urere, fran gere, rumpere et corrompe re, cf. aussi V ALDITARA, GIUSEPPE, Damnum iniuria datum, 847ss.

63 Ulp. D. 9,2,27,6.

64 Ulp. D. 9,2,27,9; 11; Gai. D. 47,9,9 (aedes comburere); Ulp. Coll. 12,7,1 (insu/am adurerelincendere); pour l'interprétation du cas particulier du four contre le mur D. 9,2,27,10, BIRKS, PETER, Cooking the meat: Aquilian liability for hearths and ovens, The Irish Jurist 20/1985, 352-377.

65 Ulp. Coll. 12,7,4; 5.

66 BIRKS, PETER, The early history ofiniuria, TR 37/1969, 163-208, 185ss, sur osfrangere dans les XII-Tables; PUGLIESE, GIOVANNI, Studi sull' «lniuria», Milano 19/1941, 29ss;

POLAY, ELEMER, Iniuria-Tatbestiinde im archaischen Zeitalter des antiken Rom, ZSS 10111984, 142-189, 159, sur os fractum et membrum ruptum en droit archaïque (cf.

aussi 152ss).

67 lui. D. 9,2,57; Alf. D. 9,2,52,4; Ulp. D. 9,2,27,29; Ulp. D. 9,2,27,31; Ulp. D. 19,2,13,5;

Gai. D. 19,2,25,7.

EN FAIT: DAMNUM DATUM

ges moins précis qui vont du cas classique de membrum rumpere68 aux iumentum/mulum ruptum69 et jusqu'aux formes particulières de vestimenta scindere vel inquinare70 ou instrumentum interlavare71Selon une définition d'Ulpien72 , rumpere couvre tout le champ de vulnerare etscindere de corps ainsi que le tumoremfacere.

Frangere étant un concept plus restreint, mais voisin de rumpere, cer-tains cas jugés par fractum auraient également pu tomber sous ruptum, par exemple si la fracture d'un os est accompagnée d'autres blessures. Si Ulpien explique que les blessures résultant de pierres tombées d'un chariot sont sanc-tionnées par la LA pourfrangere ou rumpere, il montre la proximité que les deux états de faits peuvent avoir73 •

Si les concepts frangere et rumpere se sont peu à peu modifiés, leur évolution historique est difficile à retracer. Les occurrences anciennes de frangere sont trop peu nombreuses pour reconstruire le développement

sé-mantique du terme74Pour rumpere, Ulpien prétend que déjà les veteres lui donnaient une acception large au sens de corrumpere: Inquit lex 'ruperit'.

rupisse verbumfere omnes veteres sic intellexerunt, 'corruperit'75Ils avaient apparemment fait une interprétation extensive des termes du chap. III qui permettait de couvrir un champ étendu de dommages liés à des formes diver-ses d'urere,frangere, rumpere.

Comme pour occidere, l'emploi terminologique d' urere,frangere, rumpere n'est pas rigoureux. Le chap. III trouve application même si aucun des trois termes n'est utilisé. A la place d'ure re apparaît le terme équivalent incendere76 .

Frangere et rumpere sont remplacés notamment par oculum effodere77 ,

68 Ulp. D. 9,2,27,23; Gai. 3,223 par rapport aux XII-Tables.

69 Gai. 3,219; Ulp. D. 9,2,27,34; Muc./Pomp. D. 9,2,39 (equam rumpere); Alf. D. 19,2,30,2.

70 Ulp. D. 9,2,27,18.

71 Ulp. D. 47,2,27,3.

72 Ulp. D. 9,2,27,17; cf. supra 28s.

73 Ulp. D. 9,2,27,33.

74 Mis à part la formulation initiale du chap. III par Ulpien (D. 9,2,27,5), les fragments les plus anciens sont d' Alfenus (D. 9,2,52,4) et de Iavolenus (D. 9,2,57) (et éventuelle-ment de Labeo). Ces deux occurrences traitent d'un cheval, respectiveéventuelle-ment d'un petit esclave qui se sont cassé les jambes (crus frangere) lors d'un accident. Cette observa-tion constitue au mieux un indice, mais jamais une preuve, pour la thèse affirmant que frangere avait été utilisé initialement seulement par rapport à la blessure d'esclaves ou

d'animaux.

75 Ulp. D. 9,2,27,13; cf. NôRR, Causa mortis, 50 passim, 129s.; ZIMMERMANN, Obliga-tions, 983s., sur l'évolution de l'interprétation de rumpere.

76 Ulp. D. 9,2,27,7.

77 Alf. D. 9,2,52,1.

obterere78,percutere79,pertundere80,praecidere81, etc. En même temps, cha-cun des trois termes peut être remplacé par 1 'expression générale damnum fa cere/

dare.

Sur le plan pratique, la technique de substitution permettait aux juristes de concentrer le récit des faits sur le problème essentiel du cas d'espèce. Si les modalités n'importaient pas, par exemple, lorsque le problème n'était pas d'ordre factuel mais juridique, le tenne générique damnum datum pouvait être suffisant. En revanche, si le problème était lié à des éléments de fait,.la solution passait par un récit en termes d' occidere, ure re, fran gere, rumpere ou même par une description plus précise.

La pratique de substitution montre que l'application de la LA n'était pas liée littéralement aux termes figurant dans la loi, mais aux résultats désignés.

Dès lors, du moins à partir des premiers fragments de jurisprudence dont nous disposons, l'interprétation concernait à la fois la lettre et, de manière plus générale, le but pragmatique de la loi. La technique de substitution per-mettait, d'une part, d'éviter des définitions rigoureuses et souvent délicates d'urere, frangere, rumpere. Mais d'autre part, la souplesse terminologique qui en résultait combinée avec une interprétation inspirée de la ratio legis, pouvait conduire à une extension de la responsabilité aquilienne.