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Extension de la notion de causalité

C. Damnum datum: rapport de causalité

2. Extension de la notion de causalité

L'évolution de la responsabilité délictuelle romaine est caractérisée par une extension progressive. Dans l'analyse suivante, nous tenterons de mesurer, à travers les fragments sélectionnés, l'étendue que cette responsabilité pouvait atteindre. L'analyse montrera quel' élargissement progressif du lien de causalité

lui. D. 9,2,51,2

Aestimatio autem perempti non eadem in utriusque persona flet: nam qui prior vulneravit, tantum praestabit, quanta in anno proxima homo plurimi fuerit repetitis ex die vu/neris trecentum sexaginta quinque diebus, posterior in id tenebitur, quanti homo plurimi venire poterit in anno proximo, quo vita excessif, in quo pretium quoque hereditatis erit. eiusdem ergo servi occisi nomine alius maiorem, alius minorem aestimationem praestabit, nec mirum, cum uterque eorum ex diversa causa et diversis temporibus occidisse hominem intellegatw: quod si quis absurde a nobis haec constitui putaverit, cogitet longe absurdius constitui neutrum lege Aquilia teneri aut altemm potius, cum neque impunita maleficia esse oporteat nec facile constitui possit, uter potius lege teneatur. mu/ta autem iure civili contra rationem disputandi pro utilitate communi recepta esse innumerabilibus rebus probari potest: unum interim posuisse contentus ero. cum plures trabem alienamji1randi causa sustulerint, quam singulije1re non passent, furti actione omnes teneri existimantur, quamvis subtili ratione dici passif neminem

eorum teneri, quia neminem verum sit eam sustulisse.

128Iul. D. 9,2,51,2.

129Pour le calcul du dommage et le dies ex quo chez Celsus et Julien, N6RR, Causa mortis, 183ss.

l30Jul. D. 9,2,51,2.

Bief. SCHINDLER, Julian und Celsus, 212s.

entre 1' acte et le dommage était un des facteurs déterminants pour 1' extension de la notion de responsabilité.

La formulation initiale de la LA, nous l'avons vu, suggère essentielle-ment un rapport actif, immédiat et corporel entre 1 'acte de 1' auteur et le dom-mage provoqué. Le cas classique est celui où quelqu'un inflige un coup à autrui et le blesse ou le tue. Cependant, ce critère strict de corporalité a rapi-dement été dépassé. Celui qui incita un chien à mordre quelqu'un répond, selon Proculus, du dommage, et cela même s'il ne tenait pas l'animal en laisse: quamvis eum non tenuit132. En l'occurrence, Proculus estime que le lien de causalité est suffisant, alors que l'auteur n'intervint pas physique-ment, mais se servit simplement de l'animal comme instrument133La sage-femme qui donna à sa patiente un médicament sans le lui administrer directe-ment ne tua pas, selon Labeo, mais causa la mort: ma gis enim caus am mortis praestitit quam occidit134Pour Labeo, le lien de causalité est suffisamment étroit si la sage-femme mit à la disposition de la patiente-et lui recommanda certainement de prendre- un médicament mortel.

L'extension de la notion de causalité135 au-delà des rapports corporels immédiats a provoqué ou a été 1' instrument d'une extension progressive de la notion de responsabilité et a augmenté le nombre et modifié le caractère des actes sanctionnés. Les fragments suivants permettent de montrer cette double extension de la responsabilité civile et de la notion de causalité.

Pomp. D. 9,2,39pr

Pampanius libro septima decima ad Quintum Mucium

Quintus Mucius scribit: equa cum in aliena pasceretur, in cagenda quad praegnas erat eiecit: quaerebatur, daminus eius passetne cum ea qui

132Ulp. D. 9,2,11,5; VALDITARA, Superamento, 347s.

133Julien donne comme Proculus une a0 LA si l'auteur tenait l'animal en laisse. Autre-ment, il accorde une ao U. A la différence de Proculus, il applique ici une notion stricte de corporalité. ZIMMERMANN, Obligations, 980 et n. 190 avec littérature sélectionnée, s'attache à la question de savoir si tenuit se réfère au chien ou à l'esclave.

134Uip. D. 9,2,9pr; N6RR, Causa mortis, 166, souligne la différence que Labeo fait entre medicamentum dare qui n'est pas taxé d'occidere et suis manibus supponere qui l'est.

Cette interprétation de Labeo, qui se démarque de l'acception habituelle, contribue à l'extension de la notion d'occidere.

135Concernant l'extension de la notion de responsabilité et de l'obligation de dédomma-ger, WILLVONSEDER, Condicio, 18ss, qui voit le motif de refus d'une action davantage dans les modalités de l'acte qui conduit au dommage que dans le lien de causalité lui-même.

EN FAIT: DAMNUM DATUM

coegisset lege Aquilia agere, quia equam in iciendo ruperat. si percussisset aut consulta vehementius egisset, visum est agere posse.I36 Dans le cas que Mucius discute, 1 'état des faits est décrit de manière extrême-ment succincte: une juextrême-ment pleine paissait sur le fond d'autrui. Chassée du fonds, elle avorta. Le récit retient trois faits subséquents: une jument égarée, l'intervention de l'auteur et l'avortement de la jument. Pour décider s'il y a un rapport de causalité entre l'acte et le dommage, l'intervention doit être précisée, notamment en établissant comment la jument fut chassée et quels moyens furent utilisés.

Le rapport de causalité ne pose pas de problème au cas où l'auteur frappa la jument et provoqua 1' avortement par un contact direct. En revanche, s'il ne la toucha pas, il faut supposer qu'il l'ait pourchassée, qu'elle ait pris la fuite et, peut-être même, qu'elle se soit emballée, voire blessée, suite à une chute ou d'autres mouvements violents137Quel qu'ait été le déroulement exact de la scène, l'auteur fut à l'origine d'une suite d'événements qu'il déclencha, mais qui s'enchaînèrent ensuite sans son intervention.

Avec la doctrine de son temps (visum est agere passe), Mucius admet, indépendamment de l'intervention physique directe, l'existence d'un lien de causalité entre l'intervention de l'auteur et l'avortement de la jument. Si le premier scénario correspond clairement à la disposition de la LA, le deuxième mérite une analyse plus détaillée.

L'auteur agit consulta vehementius. Vehementius signifie qu'il intervint trop violemment. Le comparatifvehementius renvoie à une comparaison en-tre deux types d'attitudes: d'une part, chasser ou éloigner la jument sans causer de tort et, d'autre part, recourir à plus de véhémence que strictement nécessaire pour atteindre le même but.

Le terme consulta suppose que l'auteur sache qu'il pourrait atteindre son but avec une véhémence moindre et qu'il puisse mesurer le degré minimal de violence nécessaire pour éloigner le cheval de son fonds.

Pour l'analyse du lien de causalité, on peut décomposer le déroulement des faits comme suit: (i) L'auteur chasse la jument; (ii) il agit consulta

136VISKY, KAROL, La responsabilité dans le droit romain à la fin de la République, RIDA 3/1949, 437-484, 448s.; SCHIPANI, Responsabilità, 133ss avec bibliographie sélection-née; BEHRENDS, ÜKKO, Rômischrechtliche Exegese: Das deliktische Haftungssystem der lex Aquilia (cité: Exegese), JuS 11/1985, 878-885, 878, reprend le fragment sous cette forme et accepte la modification proposée par Mommsen (in iciendo à la place de in abigendo ); voir aussi BEHRENDS, Fraus legis, 35ss; Gesetz, 248 passim; NôRR, Causa mortis, 129ss.

137Cf. considérations d'ordre médical chez BEHRENDS, Exegese, 880.

vehementius; (iii) le cheval prend la fuite, (iv) s'emballe, (v) se blesse et (vi) avorte.

Précisons d'emblée que les points (iv) et (v) ne sont pas directement mentionnés dans le fragment, mais qu'ils font partie d'un déroulement vrai-semblable des faits qui permet de mesurer l'étendue possible du lien de cau-salité.

La fuite du cheval (iii) est une conséquence directe et prévisible de l'in-tervention (i et ii) de l'auteur. En revanche, l'affolement de l'animal (iv) est une conséquence indirecte dans la mesure où l'auteur n'a plus d'influence sur les événements qui, par ailleurs, varieront selon l'animal. La blessure (v) du cheval est également une conséquence indirecte dépendant exclusivement de l'attitude de la jument et notamment de son habileté, ses réflexes et peut-être même du hasard. A ce stade, le déroulement des faits échappe intégralement à l'auteur. (vi) L'avortement, conséquence de la blessure, se produit en de-hors de toute intervention directe de l'auteur.

Mucius admet ici une notion de causalité étendue qui tranche avec la causalité directe corpore suggérée par le texte initial de la LA. L'auteur est confronté non seulement aux suites immédiates de son acte, mais aussi aux suites ultérieures qui en découlent. Il répond des conséquences éloignées, résultant du moins partiellement d'un concours de circonstances.

Le texte montre que, déjà à l'époque de Mucius, la notion de causalité permet de rendre l'auteur responsable de tout acte, indépendamment du moyen utilisé. Dans le cas d'espèce, il ne porta aucun coup et ne se servit d'aucun outil.

En même temps, l'auteur répond de toutes les conséquences de son acte, qu'elles soient voulues ou non. Dans cet exemple, son but était de chasser la jument de son champ, sans intention de causer un dommage. En d'autres termes, selon le cas d'espèce, l'auteur peut être responsable de toutes les conséquences virtuelles de son acte, peut-être parce que, en l'occurrence, il a consciemment pris un risque en agissant consulta vehementius.

Gaius poursuit l'extension du rapport de causalité notamment dans Gai. 3,219:

Ceterum placuit ita demum ex ista lege actionem esse, si quis cmpore suo damnum dederit; ideoque alio modo damno dato utiles actiones dantur, velut si quis alienum hominem aut pecudem incluserit et fame necaverit, aut iumentum tarn vehementer egerit, ut rumperetur; item si quis alieno servo persuaserit, ut in arborem ascenderet vel in puteum descenderet, et si ascendendo aut descendendo ceciderit, aut mortuus fuerit aut aliqua parte corporis laesus sit. item si quis alienum servum de ponte aut ripa in flumen proiecerit et is suffocatus fuerit, quamquam

EN FAIT: DAMNUM DATUM

hic c01pore suo damnum dedisse eo, quod proiecerit, non difficiliter intellegi potest.138

L'hypothèse qui nous intéresse concerne l'auteur qui a persuadé l'esclave d'autrui de monter sur un arbre ou de descendre dans un puits. L'esclave s'étant blessé ou tué au cours de son escalade ou de sa descente, l'auteur peut être poursuivi avec une actio utilis.

Selon le récit des faits, l'escalade ou la descente ne présentait pas de danger particulier, et il n'y avait pas non plus de lien entre l'événement dom-mageable et les qualités personnelles de l'esclave qui pouvait même avoir été un spécialiste en la matière, un pépiniériste ou un élagueur, un maçon ou un nettoyeur de puits. L'accident pouvait résulter d'un geste maladroit de l'es-clave, d'une imprudence ou encore d'une faute grave ou intentionnelle qu'il aurait commise au cours de son intervention.

Sur la plan juridique, il n'y avait pas, ou pas nécessairement, de rapport de droit entre l'auteur et le maître de l'esclave qui aurait obligé l'esclave d'exécuter ce qu'on lui demandait. Par ailleurs, s'il y avait eu un rapport juridique entre l'auteur et le maître, ce dernier aurait eu à sa disposition une action contractuelle au lieu de l' actio utilis.

La formulation même de Gai us suggère 1' absence de liens contractuels: si quis aliena servo persuaserit. Persuadere évoque une attitude de conseiller, de suasor, de la part de l'auteur qui a su décider l'esclave. S'il y avait eu un rapport de subordination contractuelle, l'auteur n'aurait pas persuadé 1' esclave, il lui aurait ordonné 1 'acte. En d'autres termes, l'esclave se laissa convaincre et s'exécuta de son propre gré.

Le récit des faits peut être décrit comme suit: (i) l'auteur persuade l'es-clave d'autrui de monter sur un arbre ou de descendre dans un puits. (ii) L'esclave donne son accord, (iii) monte sur l'arbre ou descend dans le puits.

(iv) Il se blesse ou se tue.

Gai us accepte ici une notion de causalité plus vaste que Mucius et étend davantage le champ de la responsabilité aquilienne. L'auteur répond d'un simple acte de conseil, suivi par la victime sans contrainte juridique.

Selon le fragment de Gaius, l'auteur pouvait être rendu responsable de tout acte qui avait un rapport lointain avec le dommage corporel, même si son 138DAUBE, On the use of the term damnum, in: Collected Studies 1, 279-339, 294 passim;

WESEL, Statuslehre, 86; LÜBTOW, Untersuchungen, 135 passim; BARTON, lex Aquilia, 15-25; N6RR, Causa mortis, 144 passim concernant la doctrine de la proximité corpo-relle comme critère pour l'aD LA; BEHRENDS, Gesetz, 245, insiste sur l'évolution de l'interprétation qui serait de plus en plus restreinte avec l'apparition notamment de l'aD IF, réservant l'aD LA aux cas de causalité corporelle directe.

influence paraissait secondaire par rapport à d'autres éléments qui ont con-duit à 1' événement dommageable. Autrement dit, toute personne peut répon-dre de l'ensemble des dommages corporels qui découlent de chacun de ses actes, indépendamment du degré de proximité entre l'acte et le dommage et d'autres facteurs qui influencent le déroulement des faits.

Une autre forme d'extension de la notion de causalité est énoncée dans un fragment qui traite d'un damnum iniuria pour un four installé contre une paroi commune:

Ulp. Coll. 12,7,8

Item libro VI ex Vibiano relatum est: si furnum secundum parietem communem haberes, an damni iniuria teneris? Et ait Proculus agi non passe Aquilia lege, quia nec cum eo qui focum ha beret: et ideo aequius putat in factum actionem dandam. Sed non proponit exustum parietem.

Sane enim quaeri potest, si nondum mihi damnum dederis et ita ignem habeas, ut metuam ne mihi des, an aequum sit me interim actionem, id est in factum, impetrare? Fortassis enim de hoc senserit Proculus. Nisi quis dixerit damni non facti suffi cere cautionem. 139

Proculus accorde une a0 IF. Selon Ulpien, Proculus n'exige pas que la paroi ait brûlé 140. Dans ce scénario, 1' état de fait peut être reconstruit de la manière suivante: (i) X a un four contre une paroi commune; (ii) le four inspire de la peur à Y. Ulpien, qui paraît plutôt réservé (sane enim quaeri potest), ne tranche pas si la responsabilité de X est engagée en dehors de tout dommage matériel. Toutefois, en admettant que la question puisse être posée, il laisse entrevoir une nouvelle f01me de responsabilité détachée de tout dommage matériel, basée exclusivement sur une crainte justifiée par les circonstances.

l39Ulp. D. 9,2,27,10

Si furnum secundum parietem communem haberes, an damni iniuria tenearis? et ait Proculus agi non passe, quia nec cum eo qui focum habere/: et ideo aequius puto in factum actionem dandam, sei li cet si paries exustus sit: sin autem nondum mihi damnum dederis, sed ita ignem habeas, ut metuam, ne mihi damnum des, damni infecti puto sufficere cautionem.

Pour la critique des textes et interpolation, avec littérature sélectionnée, BIRKS, PETER, Cooking the meat: Aquilian liability for hearths and ovens, The Irish Jurist 20/1985, 352-377, 353s., 372s., qui accepte tel quel le fragment Coll. 12,7,8 (356, 373), mais tient Ulp. D. 9 ,2,27, 1 0 pour malheureusement raccourci (3 7 4 ); MACCORMACK, Aquilian Studies, 36ss.

140N6RR, Causa mortis, 171s. et n. 41 avec bibliographie sélectionnée, rappelle l'opinion dominante selon laquelle le texte serait interpolé en tout cas à partir desed an proponit ...

En conséquence, il ne répond pas à la question de savoir si la seule menace d'incendie permettait de fonder la responsabilité (171).

EN FAIT: DAMNUM DATUM

Dans un tel concept, la responsabilité civile serait en principe ouverte à toute virtualité d'un événement et 1 'auteur répondrait, outre les dommages immaté-riels, même des conséquences psychologiques de son acte.

Birks141 complète l'état de faits pour le cas de figure où aucun incendie ne s'est encore produit. Il admet que le feu érode peu à peu la paroi commune et cause ainsi un dommage lent («not to destroy it [the wall, B.W.] but slowly to degrade its mortar and, perhaps, cause sorne cracking of the bricks or stone», 360). Cet emploi des lieux serait autorisé («case of proper user», 363) et ne pourrait, selon Proculus, être sanctionné par la LA. Le complé-ment que Birks apporte à 1 'état de faits suppose un endommagecomplé-ment lent de la paroi. En réalité, cette version des faits substitue à 1' éventuel dommage futur visé par Ulpien (si nondum mihi damnum dederis) un dommage lent par érosion. Là où Ulpien exclut expressément tout dommage actuel, Birks sup-pose un dommage progressif142

Conduit par sa propre version des faits qui évacue le problème posé par Ulpien, Birks ne traite pas l'hypothèse d'un dommage non matériel (Sed non proponit exustum parietem) qu 'Ulpien formule explicitement: si ... ita ignem habeas, ut metuam ne mi hi des, ... Il perd ainsi de vue ce qui constitue le véritable élément novateur du texte, celui où Ulpien envisage de sanctionner avec une a0 IF la terreur que subit le voisin qui craint un dommage.

A son tour, Justinien confirme la tendance croissante à étendre la notion de causalité:

1. 4,3,16

Ceterum placuit ita demum ex hac lege actionem esse, si quis praecipue empare sua damnum dederit. ideoque in eum, qui alio modo damnum dederit, utiles actiones dari salent: veluti si quis hominem alienum aut pecus ita incluserit, ut fame necaretur, aut iumentum tam vehementer egerit, ut rumperetur, a ut pecus in tantum exagitaverit, ut praecipitaretur, aut si quis aliena servo persuaserit, ut in arborem ascenderet vel in puteum descenderet, et is ascendendo vel descendendo aut mortuusfuerit aut aliqua parte corporis laesus erit, utilis in eum actio datur. sed si quis alienum servum de ponte aut ripa influmen deiecerit et is suffocatus fuerit, eo quod proiecerit corpore suo damnum dedisse non difficiliter intellegi poterit ideoque ipsa lege Aquilia tenetur. sed si non empare damnumfuerit datum neque corpus laesumfuerit, sed alio modo damnum ali cui conti gît, cum non sufficit neque direct a ne que utilis Aquilia, placuit 141BIRKS, Cooking the meat, 352ss.

l42D'après BIRKS, Cooking the meat, 369, Ulpien n'a pas envisagé cette forme de dom-mage graduel, mais seulement le domdom-mage par incendie.

eum qui obnoxius fuerit in factum actione teneri: veluti si quis misericordia ductus alienum servum compeditum solverit, ut fugeret.143 Justinien reprend ici très largement le texte Gai. 3,219. Comme Gaius, il s'intéresse surtout à la question des actions applicables aux différents cas de figure envisagés et aligne des exemples sans en développer de manière dé-taillée les raisonnements juridiques.

A la fin du fragment, Justinien ajoute une règle qui confirme l'évolution déjà dessinée par Ulpien144: neque cmpus laesum fuerit, sed alio modo damnum contigit. Selon cette règle, le dommage, conçu longtemps comme un dommage corporel, peut aussi prendre toute forme non corporelle. On peut imaginer des dommages purement économiques sans lien avec une lésion physique ou des dommages juridiques, par exemple sous forme d'une perte de droits, ou même des dommages touchant à la vie psychologique ou aux valeurs morales de la victime.

En d'autres termes, selon cette règle, la LA est en principe applicable à tout acte qui engendre un dommage, quelle que soit la nature de ce dernier.

Ainsi, l'extension du lien de causalité porte à la fois sur le datum et sur le damnum, de même que sur les dommages qui en résultent ultérieurement.

Initialement, la notion de datum, 1' acte dommageable, avait été précisée par le ternie corpore, tandis que le damnum, le dommage, devait avoir été infligé corpori, c'est-à-dire à un corps. Les transformations observées chez Mucius et Gai us concernent le datum, le mode d'action. Ils étendaient 1' acte dommageable ducmpore au non corpore. Un dommage tombait alors sous le coup de la LA s'il avait été infligé par un moyen corporel direct ou indirect, mais également par un moyen non corporel. Ce changement donnait une im-portance centrale à la notion de causalité, parce que le lien de cause à effet devenait médiat et perdait par conséquent de son évidence.

La transformation discutée par Ulpien, et confirmée par Justinien, con-cerne le damnum, le dommage lui-même. A la différence du texte initial de la LA, mais également des fragments de Mucius et de Gai us, le dommage n'était plus nécessairement corpori, mais pouvait tout aussi bien concerner un

La transformation discutée par Ulpien, et confirmée par Justinien, con-cerne le damnum, le dommage lui-même. A la différence du texte initial de la LA, mais également des fragments de Mucius et de Gai us, le dommage n'était plus nécessairement corpori, mais pouvait tout aussi bien concerner un