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B. Les actions concurrentes

2. Actio Utilis

Les fragments analysés dans la suite de notre étude mentionnent explicite-ment l'ac U. A l'instar du paragraphe précédent, ils sont aussi tirés du titre D. 9,2 ou apparaissent en rapport avec des questions de dédommagement.

Les occurrences de l'ac U sont, dans la LA, environ de moitié moins nombreuses que celles de l'ac IF et apparaissent de manière systématique seulement à partir de Gaius. A notre avis, les deux occurrences dans Ulp.

84 Ulp. D. 9,2,11,10

An fructuarius vel usuarius legis Aquiliae actionem habere/, Iulianus tractai: et ego puto melius utile iudicium ex hac causa dandum.

Cf. V ALINO, Acciones pretorias, 85ss; SOTTY, RICHARD, Les actions qualifiées d' «utiles»

en droit classique (cité: actions utiles), Labeo 2511979, 139-162, 147s., concernant les motifs du préteur pour l'extension de la légitimité passive par l'a0 U.

85 U1p. D. 5,1,18,1; cf. aussi SOTTY, actions utiles, 149.

86 Paul. D. 9,2,30,1

Pignori datus servus si occisus sit, debitori actio competit. sedan et creditori danda sit utilis, quia potest interesse eius, quod debitor sa/venda non sit aut quod /item tempore amisit, quaeritur. sed hic iniquum est et domino et creditori eum teneri. nisi si quis putaverit nul/am in ea re debitorem iniuriam passurum, cum prosit ei ad debiti quantitatem, et quod sit amplius consecuturus sit ab eo, vel ab initia in id, quod amplius sit quam in debita, debitori dandam actionem: et ideo in his casibus, in qui bus creditori danda est actio propter inopiam debitoris vel quod /item amisit, creditor quidem usque ad modum debiti habebit Aquiliae actionem, ut prosit hoc debitori, ipsi autem debitori in id quod debitum excedit competit Aquiliae actio.

Cf. V ALINO, Acciones pretorias, 59ss; aussi V ALINO, Actiones utiles, 63ss; LIEBS, DETLEF, Die Klagenkonkurrenz im rômischen Recht, Gôttingen 1972, 75s.; SOTTY, actions utiles, 148; VALDITARA, Superamento, 226ss, avec critique d'interpolation et littérature sélectionnée.

D. 47,8,2,20 et Ulp. D. 9,2,41 ne doivent pas être attribuées à Labeo, respec-tivement à Marcellus, mais à Ulpien lui-même87 .

Gai us, nous 1' avons vu, accorde dans son système bipartite (Gai. 3 ,21988)

l'a0 LA pour des dommages infligés corpore suo et pour tout autre mode de damnum dare l'a0 U. A titre d'exemples et peut-être aussi pour se démarquer de la tradition jurisprudentielle, il énumère dans ce même fragment plusieurs cas de figure à réprimer avec une a0 U, dont notamment le fame necare que Neratius avait sanctionné avant lui avec une a0 IF89, le iumentum (mulla) rumpere pour lequel Alfenus avait donné une a0 LA90, et le de ponte in jlumen proicere, réprimé par une a0 IF chez Ofilius au cas où la victime était montée sur un cheval91, et par une a0 LA chez Celsus si l'auteur agit de ses propres mains92 . Remarquons que Gaius admet explicitement à la fin du fragment une exception à sa propre règle, préférant l'a0 U même si le dommage a été infligé corpore suo. La victime s'étant noyée après avoir été poussée dans une rivière, il choisit entre les deux éléments dans la chaîne causale (interven-tion manu militari ou noyade) celui qui, chronologiquement, est plus

rappro-87 Ulp. D. 47,8,2,20, cf. supra 78; WITTMANN, Kôrperverletzung, 112; LÜBTOW, Untersuchungen, 148s.; NôRR, Causa mortis, 168.

Dans Ulp. D. 47,8,2,20, l'a0 U doit probablement être attribuée à Ulpien et non pas à Labeo. Traitant des moyens procéduraux liés aux vi bonorum raptorum, Ulpien signale simplement que, dans le cas où le publicain se serait emparé à tort de mon bétail, Labeo ne m'accorderait pas l'a0 vi bonorum raptorum. L'ao U dont il est question ensuite est proposée par Ulpien lui-même qui continue sans transition d'envisager d'autres cas (cf.

dans le même sens SELB, Formulare Analogien II, 738); cf. aussi V ALINO, Acciones pretorias, 29ss. De même, dans Ulp. D. 9,2,41, l'a0 U traitée à la fin du fragment est envisagée non pas par Marcellus qui s'en tient à une a0 LA pour l'effacement d'un document chirographaire, mais par Ulpien qui étend 1 'hypothèse à un acte iniuriae faciendae causa.

De manière générale sur l'a0 U, voir aussi SOTTY, RICHARD, Recherche sur les utiles actiones. La notion d'action utile en droit romain classique, Clermont 1977, Grenoble 1977-1980, qui soutient en substance que les Romains ont connu un système d'actions données utiles (dare utilem actionem), qui aurait permis de rendre efficace une action qui, appliquée dans des conditions procédurales normales, était frappée d'inefficacité pratique (631ss).

88 Cf. supra.

89 Ulp. D. 9,2,9,2. Concernant l'action en cas de fame necare, THIELMANN, «Actio utilis»

und <<actio in factum». Zu den Klagen im Umfe1d der lex Aquilia, in: Studi Biscardi Il, Milano 1982, 295-318, 307s.

90 Alf. D. 19,2,30,2. Cf. SCHIPANI, Responsabilità, 191s., avec littérature sélectionnée;

LÜBTOW, Untersuchungen, 72, avec critique d'interpolation; NôRR, Causa mortis, 142, qui présente une chaîne de cas comparables et rapproche Alf. D. 19,2,30,2 d' Alf. D.

9,2,52,2; CANNATA, Responsabilità, 1996, 63s.

9! Ulp. D. 9,2,9,3, cf. supra 160.

92 Ulp. D. 9,2,7,7, cf. supra 164.

LES ACTIONS

ché du damnum. Pour distinguer entre les actions directe et indirecte, Gai us maintient donc les critères de corporalité corpore suo - alio modo, mais choisit au lieu de l'ac IF comme moyen procédurall'ac U. Relevons que, conformément à son point de vue théorique exprimé dans Gai. 3,219, Gai us ne recourt jamais à l'ac IF pour le dédommagement.

Paul, par contre, n'est apparemment pas toujours fidèle à son postulat qui prévoit seulement des actiones LA et IF93. Il le respecte dans Paul.

D. 9,2,30,1 en donnant une ac LA au créancier gagiste et au débiteur, si un esclave mis en gage a été tué94. En revanche, le fragment suivant, Paul.

D. 9,2,30,295 , semble violer la règle évoquée, puisque alienum vinum vel frumentum consumere entraîne une ac U. Ce fragment est délicat à

interpré-ter et la raison pour laquelle Paul ne le soumet pas à l'ac LA n'est pas claire.

Certes, il nie qu'il y ait damnum iniuria dare, mais il n'a pas pu nier l'exis-tence d'un damnum pour le propriétaire des biens consommés. En même temps, il n'a pas non plus nié l'existence d'une iniuria. Selon Lübtow, vinum vel frumentum consumere n'est pas un corrumpere, parce que l'emploi

corres-pond à la destination des aliments96. Zimmermann considère qu'il y a laesio corporis, mais peut-être pas corrumpere au sens de la LA97 •

Chez Ulpien, l'emploi de l'ac Use modifie. D'une part, il s'en sert pour étendre la légitimation active. Dans Ulp. D. 9,2,11,10, l'ac U revient aux fructuarius98 et usuarius et, dans Ulp. D. 9,2,13pr99, à l'homme libre. Dans Ulp. D. 9,2,27,32100, Ulpien traite de la démolition d'un aqueduc, situé sur le

93 Paul. D. 9,2,33,1; cf. supra 157.

94 Cf. supra 167.

95 Paul. D. 9,2,30,2

Si quis alienum vinum vel frumentum consumpserit, non videtur damnum iniuria dare ideoque utilis danda est actio.

Paul. D. 9,2,12 est indécidable, puisque Paul ne précise pas l'action à accorder. Selon VALINO, Acciones pretorias, 88, il ne peut pas s'agir d'une a0 U.

96 LÜBTOW, Untersuchungen, 185s.; cf. VALINO, Acciones pretorias, 35s.

97 ZIMMERMANN, Obligations, 987, avec littérature sélectionnée et critique d'interpréta-tion.

9B Ulp. D. 9,2,11,10

An fructuarius vel usuarius legis Aquiliae actionem ha beret, Julian us tractat: et ego puto melius utile iudicium ex hac causa dandum.

VALINO, Acciones pretorias, 85s.; selon LÜBTOW, Untersuchungen, 169s., le texte a été raccourci par les compilateurs; V ALDITARA, Superamento, 448ss, tient le passage éga-lement pour écourté. Cf. aussi Ulp. D. 7,1,17,3.

99 Cf. SOTTY, actions utiles, 150s.

lOOUip. D. 9,2,27,32

Si quis aquae ductum meum diruerit, /icet cementa mea sunt, quae diruta sunt, tamen quia terra mea non sit, qua aquam duco, melius est dicere actionen1 utilem dandam.

fonds d'un tiers, mais construit avec les pietTes du demandeur. Probablement pour éviter des discussions délicates sur la qualité de dominus/erus du de-mandeur, il attribue une a0 U.

D'autre part, il donne l'a0 U dans au moins un cas101 pour étendre la notion d'urere: dans Ulp. D. 9,2,27,9102, un esclave s'endormit auprès d'un feu qu'il aurait dû surveiller. Quelle action s'applique en cas d'incendie, puis-que s'endormir ou garder négligemment un feu n'est, stricto sensu, pas com-pris dans le urere? Ulpien résout le problème avec une a0 U qui, en réalité, revient à étendre un urere actif à un ure re par abstention. En même temps, Ulpien étend aussi l'a0 LA elle-même, en l'accordant directement à l'usufrui-tier103.