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D. Damnum datum: intention

III. EN DROIT: INJURIA

A. lniuria: évaluation juridique du damnum datum 1. Aperçu historique

Depuis le début du siècle, l'iniuria a fait l'objet d'un nombre si important d'études', que nous nous limitons ici à un bref aperçu général de sa significa-tion avant la LA. Ses origines et notamment sa portée ont retenu une attensignifica-tion particulière2Au terme de ces travaux, peu de résultats paraissent assurés.

Cela est sans doute lié à la diversité des emplois de l'iniuria qui prend dans les sources tantôt la forme d'un délit spécifique3, tantôt celle d'un terme tech-nique général4 sans signification précise.

Parallèlement à une certaine polysémie qui se maintient tout au long de la tradition romaine, on peut distinguer une évolution vers une spécialisation de l'iniuria. Initialement, elle semble avoir été un terme général désignant probablement tout acte contraire au droit5 ou tout ce qui s'opposait à un ordre généralement accepté6. Mais déjà dans les XII-Tables elle apparaît Voir par exemple HUVELIN, PAUL, La notion de l'iniuria dans le très ancien droit ro-main, in: Mélanges Ch. Appleton, Lyon 1903, 369-499; LUZZATO, GIUSEPPE IGNAZIO, Per un' ipotesi su Ile origini e la na tura delle obbligazioni romane, Milano 1934, 173ss;

PUGLIESE, GIOVANNI, Studi sull'iniuria, Milano 1941; KASER, MAX, Das altrômische lus, Gôttingen 1949; SIMON, DIETRICH V., Begriff und Tatbestand der «lniuria» im altrômischen Recht, ZSS 82/1965, 132-187; WITTMANN, Kôrperverletzung, 3ss;

MANFREDINI, lniuria; CANNATA, Per lo studio della responsabilità per colpa ne! diritto romano classico, Milano 1969 (cité: CANNAT A, Per lo studio); BIRKS, PETER B. H., The early history ofiniuria, TR 3711969, 163-208; V6LKL, Kôrperverletzung, 169ss.

2 Pendant les dernières décennies, la discussion sur l'iniuria a été largement monopoli-sée par deux problèmes connexes. D'une part, on a surtout cherché à définir les champs de répression respectifs des trois normes XII-Tables VIII,2-4 et la répartition de leurs fonctions. D'autre part, on tentait de préciser la signification exacte de la notion d'iniuria dans les XII-Tables et de retracer son évolution ultérieure. Pour un résumé succinct du débat, V6LKL, Kôrperverletzung, 3ss.

3 P. ex. XII-Tables VIII,4 (I, 15 selon Roman Statutes).

4 P. ex. Ulp. D. 9,2,5,1. V6LKL, Kôrperverletzung, 176, parle d'un double sens qui serait général et abstrait ou spécifique.

5 Pour PUGLIESE, GIOVANNI, Studi, 14, le terme «iniuria risulta senz'altro singolare, se si pensa che <iniurim significa genericamente antigiuridicità, ingiustizia, torto». KASER, Das altrômische lus, Gôttingen 1949, 207ss, qui y voit surtout «ein Zugriff auf eine Person oder Sache»; cf. aussi BIRKS, The early history of iniuria, TR 37/1969, 163-208, 163.

Selon WIEACKER, FRANZ, Rômische Rechtsgeschichte I, 269, ius (est), iure, iustum signifieraient à l'époque pré-urbaine «nicht mehr ( ... )ais die Übereinstimmung eines ( <privaten> oder <ôffentlichen>) Handelns und des dadurch geschaffenen Zustandes mit

seulement pour un certain groupe de transgressions normatives, à 1' exclusion d'autres. Dans VIII, 4 (1, 15 selon Roman Statutes), elle est utilisée sous forme d'iniuriamfacere: si iniuriam ?a/teri? faxsit, uigintiquinque poenae sunto7, alors qu'elle ne figure ni dans VIII,2 (1, 13 selon Roman Statutes) pour membrum rumpere8, ni dans VIII,3 (1, 14 selon Roman Statutes) pour osfrangere9. A supposer que le texte soit intact, rompre un membre et briser un os ne seraient alors pas tombés sous l'iniuria10Si son application dans les XII-Tables semble restrictive, sa signification devait en revanche avoir été très étendue, si iniuriam faxsit ne renvoyant ni à un ordre normatif qui défi-nirait l'iniuria, ni au type d'acte réprimé".

einem (der Gemeinschaft) Erwünschten, d.h. ihre <Richtigkeit> und also <Gesolltheit>

( ... ). lus wiire danach der richtige Zustand der Rechtsgemeinschaft, iustum die Eigenschaft eines Handelns oder Sachverhalts, diesem Zustand zu entsprechen».

7 Texte selon Roman Statutes II, 578; Aulus Gellius, Noctes Atticae, 20,1,12, donne le texte suivant: Si iniuriam a/teri faxsit, viginti quinque aeris poena sunto; in: The Attic Nights of Aulus Gellius III, with an english translation by John C. Rolfe, London 1952, 410.

8 Si membrum rupit, ni cum eo pacit, tafia esta. (I, 13 selon Roman Statutes Il, 578).

9 Si osfregit libera CCC, (si) sel'l/o, CL poena(e) su(n)to. (I, 14 selon Roman Statutes Il, 578).

10 HUVELIN, PAUL, La notion de l'iniuria dans le très ancien droit romain, in: Mélanges Appleton, Lyon 1903, 369-499, 378, soutient notamment que membrum rumpere signi-fie enlever, amputer ou arracher un membre; pour PUGLIESE, GIOVANNI, Studi suU 'iniuria, Milano 1941, 5, membrum ruptum et osfractum étaient des délits différents de l'iniuria:

« ... non ritengo che per il diritto delle XII tav. membrum ruptum e os fractum fossero sottospecie dell' iniuria e precis amen te sue forme aggravate; a mio giudizio, si tratta di delitti diversi, sebbene fossero per qualche lato connessi e dovessero più tardi venire fusi insieme». Il considère que l' iniuria ne concernait pas des attentats contre la per-sonne physique qui avaient un effet de diminution du corps:« ... stanno fuori dell'ambito dell' iniuria gli attentati alla persona fisica, che provocano la minorazione, la distruzione, l'ablazione di un membro o di un organo» (34).

Il serait certainement exagéré d'admettre que la LA contienne une refonte des membrum rumpere, osfrangere et iniuria des XII-Tables VIII,2-4 (I, 13-15 selon Roman Statutes).

Mais elle reprend et dispose ces termes dans un nouvel ordre systématique. Parmi les dispositions des XII-Tables, la formulation de VIII,2 (I, 13 selon Roman Statutes) sem-ble avoir été la plus proche des chap. I et III de la LA.

PUGLIESE, Studi, 19s., soutient la coexistence, à l'époque des XII-Tables, d'une signi-fication générique et d'une signisigni-fication technique de l'iniuria. Voir aussi sur l'étymo-logie du terme iniuria 14ss.

11 Pour SIMON, DIETRICH V., Begriff und Tatbestand der «lniuria» im altrômischen Recht, ZSS 82/1965, 132-187, 136, l'iniuriamfacere des XII-Tables était un délit concret et spécifique; il distingue entre le délit concret iniuriam fa cere des XII-Tables et la notion d'iniuria en tant que contraire de ius. Iniuria signifierait «Nicht-Rechtmiissigkeit eines privaten Zugriffsaktes auf eine Person oder Sache, eine von der vis gezeichnete Handlung, zu der man kein ius hatte.» (160/161). Simon en déduit que iniuria était une notion

EN DROIT: INJURIA

L'iniuria a ensuite pris différentes significations plus spécifiques et a été rattachée, notamment en rapport avec des infractions contre la personne, à des délits qui prévoyaient également des actions plus spécifiques12La LA marquait une des étapes décisives de cette évolution. Elle isolait parmi tous les actes commis iniuria ceux qui représentaient un damnum iniuria datum, c'est-à-dire un dommage aux biens matériels du lésé, à l'exclusion des dom-mages causés à la personne elle-même. Dorénavant, les domdom-mages relevant des droits réels du lésé tombaient sous le coup de la LA, alors que la violation des droits personnels était poursuivie séparément13. Cette séparation consa-crait la distinction entre droits réels et droits des personnes et jetait la base du concept de responsabilité civile quis' est maintenu jusqu'en droit moderne.

La scission en actes violant des droits réels ou des droits de personnes fournit aussi un élément pour comprendre le renversement de perspective provoqué par la LA. La loi des XII-Tables, et notamment le Talion, permet-tait essentiellement, nous l'avons vu, de punir ou de venger le tort infligé, alors que la LA cherchait à dédommager de manière nuancée le lésé. Une fois isolé des violations de droits personnels qui n'ont pas de véritable prix14le

concrète et jamais un terme général non technique désignant tous les délits (161); selon WITTMANN, Kôrperverletzung, 8s., membrum rumpere désignait une lésion corporelle grave avec séquelles durables; assis fractio visait des lésions corporelles passagères et le délit iniuria (XII-Tables VIII,4; I, 15 selon Roman Statutes) présupposait des lésions corporelles légères, à l'exclusion des délits verbaux d'injure. Pour VôLKL, Kôrper-verletzung, 183, la notion d'iniuria avait du temps des XII-Tables une seule significa-tion générale de «Widerrechtlichkeit», resp. «Unrecht».

12 Entre autres, l'iniuria désignait par exemple les délits contre la personne. Dans son commentaire de l'édit, Ulpien s'en sert pour qualifier l'a0 iniuriarum: Praetor dixit:

'qui agit iniuriarum, certum dicat, quid iniuriaefactum sit' ... (Ulp. D. 47,10,7pr);

voir aussi p. ex. dans LENEL, OTTO, Edictum perpetuum, Leipzig 1927, XXXV, De iniuriis, 397ss; également in: RICCOBONO, E. et al., Fontes iuris romani antejustiniani 1, Florentiae 1968, 369s. SCHMIDLIN, BRUNO, Das Rekuperatorenverfahren, Freiburg 1963, 35ss, montre également la différence entre, d'une part, l'iniuria atiVx, qui, de par sa violence et sa gravité, met en jeu l'ordre public et des intérêts communs, sanc-tionnée avec la procédure des recupera/ores et, d'autre part, l'iniuria ponctuelle entre particuliers, poursuivie par l'a0 LA.

Selon BIRKS, PETER B. H., The early history of iniuria, TR 37/1969, 163-208, 194ss, l'iniuria des XII-Tables n'a rien en commun avec le délit ultérieur de iniuria. Pour VôLKL, Kôrperverletzung, 176, la notion d'iniuria s'était diversifiée à l'époque classi-que; iniuria aurait alors eu à la fois la signification générale de «Unrecht»

(Ulp. D. 47,10,1pr) et désigné de manière précise les délits privés spécifiques, visés, aux yeux des classiques, par les XII-Tables, VIII, 2-4 (1, 13-15 selon Roman Statutes).

13 Ultérieurement, p. ex. dans Ulp. D. 47,10,7pr et, plus généralement, dans l'Edictum perpetuum praetoris urbani, XXXV, De iniuriis, in: RICCOBONO, Fontes iuris romani antejustiniani 1, Florentiae 1968, 369s.

14 L'application de la LA dépendra du reste toujours rigoureusement de la possibilité de calculer la valeur du dommage, cf. p. ex. Ulp. D. 9,2,41.

dommage matériel causé au lésé était calculable et pouvait sans autre être remplacé par une somme équivalente.

2. Fonction et signification de l'iniuria dans la lex Aquilia

Dans ses chapitres I et III, la LA définit avec précision, nous 1' avons vu 15 , la notion de damnum datum. Pour qu'il y ait dommage, il faut, selon le chapitre premier, qu'un ou une esclave ou un quadrupède de troupeau ait été tué et le chapitre trois exige un urere,fi'angere et rumpere. Mais le mode de calcul du dommage est lui aussi fixé en détail: la valeur la plus haute de la chose durant 1' année passée pour occidere, celle dans les trente jours avant 1' endommage-ment pour urere, fran gere et rumpere.

Paradoxalement, dans ces deux chapitres la notion d' iniuria, le troisième élément dans la formule damnum iniuria datum, ne reçoit aucune précision:

elle y figure comme iniuria occiderit (Gai. D. 9 ,2,2) et usserit,fregerit ru perit iniuria (Ulp. D. 9,2,27,5).

Comment interpréter cet étrange contraste entre la définition détaillée du damnum datum et l'absence de toute explication concernant l'iniuria? La formulation des chap. I et III laisse supposer que le législateur avait jugé nécessaire de circonscrire ledamnum datum, alors que l'iniuria lui paraissait être un terme suffisamment clair pour remplir la fonction que la LA lui assi-gnait. Sans que sa signification ait été proprement dit évidente, le terme d' iniuria devait renvoyer à un horizon normatif commun qui pouvait englo-ber, outre la législation au sens strict du terme et la jurisprudence, un ensem-ble de principes généraux, de mœurs et de règles de comportement largement acceptés.

Le damnum datum, qui relève du factuel, devait être défini minutieuse-ment pour viser des actes et des dommages précis, à 1' exclusion de tous ceux qui ne répondaient pas aux critères retenus. Par contre, l'iniuria, qui relève du juridique, renvoyait à un ordre normatif plus ou moins connu et reconnu dans son ensemble, mais qui ne se prêtait pas ou peu à des définitions exhaus-tives.

L'utilisation d'un terme apparemment sous-déterminé dans une loi aussi centrale que la LA peut paraître périlleuse. En effet, on s'attendrait au moins à une délimitation schématique des normes dont la violation représentait une iniuria. Rappelons cependant que, aujourd'hui encore, les législateurs recou-rent à des formulations comparables. Le droit suisse, par exemple, régit la

!5 Cf. supra Damnum Iniuria Datum; Damnum Datum; 23s., 37s.

EN DROIT: INJURIA

responsabilité civile dans les termes suivants: «Celui qui cause, d'une ma-nière illicite, un dommage à autrui, ... , est tenu de le réparer» (art. 41 CO).

Il appartient alors à la jurisprudence de déterminer la signification exacte de 1' illicéité et le champ normatif concerné.

Mais surtout, la technique juridique elle-même dispensait le législateur d'une définition de l'iniuria. Une fois l'état de fait clairement délimité, le juriste pouvait contrôler si une des règles de l'ordre normatif avait été violée.

Au besoin, il pouvait déterminer lui-même quelles règles en faisaient partie et lesquelles en étaient exclues 16

L'emploi de la notion d'iniuria dans la LA ne peut pas être séparé de la méthode qui est rattachée au damnum iniuria datum. Rappelons que la pre-mière démarche du juriste consiste à confronter 1 'état des faits, d'une part, aux conditions du damnum datum, soit à 1' occidere, urere,frangere, rumpere et, d'autre part, aux qualités d'esclave, de quadrupède ou de chose au sens du chapitre trois. Puis, après avoir sélectionné l'ensemble des faits pertinents dont, le cas échéant, les circonstances personnelles des parties, le juriste véri-fie le rapport de causalité entre le damnum et le datum. C'est ensuite seule-ment que, dans la partie juridique de la démarche, il détermine si le dommage en question a été infligé iniuria. C'est alors qu'il évaluera du point de vue juridique chacun des éléments de fait, pour statuer si l'auteur a transgressé une norme.

Pour saisir la véritable portée du terme iniuria dans la LA, il faut distin-guer entre sa fonction et sa signification. Quant à sa fonction, nos analyses montreront que la notion d'iniuria exprime l'évaluationjuridique d'un état de faits donné. Elle indique qu'un acte a été commis en violation soit d'un droit individuel, soit d'une autre règle considérée par les juristes romains comme une norme. En principe, elle apparaît, explicitement ou implicitement et conformément aux chapitres premier et troisième de la LA, sous la forme de iniuria occiderit, usserit fregerit, ru perit ou une de ses variantes 17• Comme terme d'aboutissement du raisonnementdamnum iniuria datum, l 'iniuria ouvre la voie au dédommagement prévu dans la LA.

Quant à sa signification, nous montrerons également que la notion d'iniuria n'a dans le DID pas de contenu matériel propre sauf celui de quali-fier un état de faits donné comme une violation normative.

Pour arriver à la conclusion qu'il y a iniuria, le juriste recourt à des critères d'évaluation. Ces derniers sont multiples et établis par la jurispru-dence au fur et à mesure. Peu de règles générales se dégagent et celles-ci

16 Cf. seulement KASER, RPR 1, 181.

17 Cf. supra DID 26s.

apparaissent tardivement. Cependant, certains critères ponctuels comme force majeure, metus, légitime défense, etc., se cristallisent tôt et restent constants tout au long de la tradition jusqu'à Justinien, non sans être discutés, approu-vés et contestés.

En principe, aucun critère ne semble être exclu de l'évaluation de l'iniuria.

Il peut par exemple être observable extérieurement (force majeure), lié aux états intérieurs de la personne (metus), se référer à des qualités objectives de 1' auteur ( inpubes) ou faire valoir des particularités juridiques 18. Toutefois, chez Gaius19, l'iniuria prend, nous le verrons ultérieurement, une forme dif-férente, déterminée par les notions de dolus et culpa.

Nous montrerons également que la distinction entre ce que le droit mo-deme appelle la responsabilité causale et la responsabilité pour faute appa-raît déjà dans la LA. Elle résulte, du moins partiellement, de l'interprétation de la notion d'iniuria. En effet, déjà à partir de Mucius et Alfenus, la qualifi-cationjuridique d'un acte comme iniuria peut dépendre des qualités extérieu-res qui accompagnent l'acte (p. ex. force majeure), des qualités liées à l'auteur lui-même (inpubes) ou à ses décisions (neglegentia, etc.).

A défaut d'une définition explicite jusqu'à Ulpien (D. 9 ,2,5, 1 ), c'est seu-lement le mode d'utilisation dans le raisonnement des juristes qui nous rensei-gne sur la signification et la fonction de 1'iniuria. Les analyses suivantes cherchent à montrer 1 'emploi que les juristes en faisaient et à mettre en évi-dence les critères et motifs invoqués pour juger un état de faits.

B. Critères de l'iniuria 1. En général

Alfenus a été parmi les premiers à développer des critères pour 1'iniuria, dont certains comme magna vis, neglegentia, inscientia (imperitia) ou timor (metus) se sont maintenus, nous le verrons, tout au long de la tradition.

La force majeure est certainement l'argument le plus évident qui permet d'échapper à 1' emprise de la LA. Elle apparaît chez Alfenus dans D. 9 ,2,29 ,420

18 Dans Ulp. D. 9,2,29,1, l'auteur aurait dû recourir à une voie de droit qui lui était ouverte.

19 Gai. 3,211.

20 Ulp. D. 9,2,29,4

Si navis alteram contra se venientem obruisset, aut in gubernatorem aut in ducatorem actionem competere damni iniuriae Alfenus ait: sed si tanta vis navi Jacta sit, quae temperari non potuit, nul/am in dominum dandam actionem: sin autem cu/pa nautarum id factum sit, puto Aquiliae suffi cere.

Cf. VISKY, KAROL, La responsabilité dans le droit romain à la fin de la République,

EN DROIT: IN/UR/A

et sera ensuite discutée sous les formes les plus diverses21 • La règle posée par Alfenus veut que, en cas de collision navale, 1' action de la LA est ouverte à la

RIDA 3/1949, 437-484, 445ss; SCHIPANI, Responsabilità, 186ss; Pour MACCORMACK, Aquilian Studies, 45, le texte est probablement incomplet; ZIMMERMANN, Obligations, 1005 passim.

21 Dans D. 9,2,29,3, Labeo recourt à un raisonnement particulièrement complexe pour reconnaître l'exception de force majeure.

Ulp. D. 9,2,29,3

Item Labeo scribit, si, cum vi ventorum navis impulsa esset infimes anchorarum alterius et nautae fimes praecidissent, si mlllo alio modo nisi praecisis funibus exp/icare se potuit, nul/am actionem dandam. idemque Labeo et Proculus et ci rea retia piscatorum, in quae navis piscatorum inciderat, aestimarunt. plane si culpa nautarum id factum esset, lege Aquilia agendum. sed ubi damni iniuria agitur ob retia, non piscium, qui ideo capti non sunt, fieri aestimationem, cum incertum fuerit, an caperentur. idemque et in venatoribus et in aucupibus probandum.

Un bateau s'est empêtré dans les cordes d'ancrage ou dans les filets de pêche d'un autre bateau. Pour libérer leur bâtiment, les matelots devaient couper les cordages.

Labeo envisage deux hypothèses. Selon la première, le bateau a été poussé par grands vents et les matelots n'ont pu l'extraire autrement. Dans ce cas, il n'y a aucune action contre les auteurs du dommage. Selon la seconde hypothèse, les matelots sont entrés par leur propre faute dans les filets et la LA est applicable. En l'occurrence, le damnum datum pour avoir coupé des cordes est certain. Pour l'iniuria, Labeo introduit une dis-tinction selon les origines de la cause du dommage. Si la cause est extérieure et indé-pendante de l'acte des matelots, la LA ne s'applique pas. De même qu'Alfenus (Ulp.

D. 9,2,29,4), Labeo recourt ici à la force majeure comme critère pour statuer sur 1' iniuria.

En revanche, si la cause est directement liée à un comportement individuel défaillant, l'auteur en subit les conséquences juridiques s'il n'a pas d'autre exception à faire va-loir. Pour déterminer s'il y a iniuria, Labeo invente ici un nouveau mode d'appréciation qui consiste à différer dans le temps le critère d'évaluation. Dans le cas d'espèce, le dommage se produit au moment où les matelots coupent les cordes. Normalement, on aurait qualifié cet acte de dommageable et d'intentionnel. La LA aurait été ouverte indépendamment de la force majeure. Labeo contourne la difficulté en reculant le cri-tère d'évaluation à un fait antérieur au dommage. Il évalue non pas l'événement dom-mageable lui-même, c'est-à-dire le fait de couper des cordes, mais les éléments précé-dents qui, sans causer de dommage, ont créé une situation qui pouvait seulement être redressée par un dommage. Si le résultat du critère adopté par Labeo paraît plus satis-faisant, il en résulte néanmoins qu'un acte dommageable intentionnel- couper les cordes - reste impuni. La démarche de Labeo trahit une attitude essentiellement prag-matique qui préfère l'entorse d'une règle à une interprétation dogprag-matique et vise avant tout le meilleur résultat pratique. En même temps, elle témoigne du degré de liberté

En revanche, si la cause est directement liée à un comportement individuel défaillant, l'auteur en subit les conséquences juridiques s'il n'a pas d'autre exception à faire va-loir. Pour déterminer s'il y a iniuria, Labeo invente ici un nouveau mode d'appréciation qui consiste à différer dans le temps le critère d'évaluation. Dans le cas d'espèce, le dommage se produit au moment où les matelots coupent les cordes. Normalement, on aurait qualifié cet acte de dommageable et d'intentionnel. La LA aurait été ouverte indépendamment de la force majeure. Labeo contourne la difficulté en reculant le cri-tère d'évaluation à un fait antérieur au dommage. Il évalue non pas l'événement dom-mageable lui-même, c'est-à-dire le fait de couper des cordes, mais les éléments précé-dents qui, sans causer de dommage, ont créé une situation qui pouvait seulement être redressée par un dommage. Si le résultat du critère adopté par Labeo paraît plus satis-faisant, il en résulte néanmoins qu'un acte dommageable intentionnel- couper les cordes - reste impuni. La démarche de Labeo trahit une attitude essentiellement prag-matique qui préfère l'entorse d'une règle à une interprétation dogprag-matique et vise avant tout le meilleur résultat pratique. En même temps, elle témoigne du degré de liberté