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Critères de l'iniuria

Alfenus a été parmi les premiers à développer des critères pour 1'iniuria, dont certains comme magna vis, neglegentia, inscientia (imperitia) ou timor (metus) se sont maintenus, nous le verrons, tout au long de la tradition.

La force majeure est certainement l'argument le plus évident qui permet d'échapper à 1' emprise de la LA. Elle apparaît chez Alfenus dans D. 9 ,2,29 ,420

18 Dans Ulp. D. 9,2,29,1, l'auteur aurait dû recourir à une voie de droit qui lui était ouverte.

19 Gai. 3,211.

20 Ulp. D. 9,2,29,4

Si navis alteram contra se venientem obruisset, aut in gubernatorem aut in ducatorem actionem competere damni iniuriae Alfenus ait: sed si tanta vis navi Jacta sit, quae temperari non potuit, nul/am in dominum dandam actionem: sin autem cu/pa nautarum id factum sit, puto Aquiliae suffi cere.

Cf. VISKY, KAROL, La responsabilité dans le droit romain à la fin de la République,

EN DROIT: IN/UR/A

et sera ensuite discutée sous les formes les plus diverses21 • La règle posée par Alfenus veut que, en cas de collision navale, 1' action de la LA est ouverte à la

RIDA 3/1949, 437-484, 445ss; SCHIPANI, Responsabilità, 186ss; Pour MACCORMACK, Aquilian Studies, 45, le texte est probablement incomplet; ZIMMERMANN, Obligations, 1005 passim.

21 Dans D. 9,2,29,3, Labeo recourt à un raisonnement particulièrement complexe pour reconnaître l'exception de force majeure.

Ulp. D. 9,2,29,3

Item Labeo scribit, si, cum vi ventorum navis impulsa esset infimes anchorarum alterius et nautae fimes praecidissent, si mlllo alio modo nisi praecisis funibus exp/icare se potuit, nul/am actionem dandam. idemque Labeo et Proculus et ci rea retia piscatorum, in quae navis piscatorum inciderat, aestimarunt. plane si culpa nautarum id factum esset, lege Aquilia agendum. sed ubi damni iniuria agitur ob retia, non piscium, qui ideo capti non sunt, fieri aestimationem, cum incertum fuerit, an caperentur. idemque et in venatoribus et in aucupibus probandum.

Un bateau s'est empêtré dans les cordes d'ancrage ou dans les filets de pêche d'un autre bateau. Pour libérer leur bâtiment, les matelots devaient couper les cordages.

Labeo envisage deux hypothèses. Selon la première, le bateau a été poussé par grands vents et les matelots n'ont pu l'extraire autrement. Dans ce cas, il n'y a aucune action contre les auteurs du dommage. Selon la seconde hypothèse, les matelots sont entrés par leur propre faute dans les filets et la LA est applicable. En l'occurrence, le damnum datum pour avoir coupé des cordes est certain. Pour l'iniuria, Labeo introduit une dis-tinction selon les origines de la cause du dommage. Si la cause est extérieure et indé-pendante de l'acte des matelots, la LA ne s'applique pas. De même qu'Alfenus (Ulp.

D. 9,2,29,4), Labeo recourt ici à la force majeure comme critère pour statuer sur 1' iniuria.

En revanche, si la cause est directement liée à un comportement individuel défaillant, l'auteur en subit les conséquences juridiques s'il n'a pas d'autre exception à faire va-loir. Pour déterminer s'il y a iniuria, Labeo invente ici un nouveau mode d'appréciation qui consiste à différer dans le temps le critère d'évaluation. Dans le cas d'espèce, le dommage se produit au moment où les matelots coupent les cordes. Normalement, on aurait qualifié cet acte de dommageable et d'intentionnel. La LA aurait été ouverte indépendamment de la force majeure. Labeo contourne la difficulté en reculant le cri-tère d'évaluation à un fait antérieur au dommage. Il évalue non pas l'événement dom-mageable lui-même, c'est-à-dire le fait de couper des cordes, mais les éléments précé-dents qui, sans causer de dommage, ont créé une situation qui pouvait seulement être redressée par un dommage. Si le résultat du critère adopté par Labeo paraît plus satis-faisant, il en résulte néanmoins qu'un acte dommageable intentionnel- couper les cordes - reste impuni. La démarche de Labeo trahit une attitude essentiellement prag-matique qui préfère l'entorse d'une règle à une interprétation dogprag-matique et vise avant tout le meilleur résultat pratique. En même temps, elle témoigne du degré de liberté des juristes de fixer les critères de 1 'iniuria. Cf. également Paul. D. 9,2,30,3 et Ulp. D.

9,2,49,1.

Pour l'interprétation de D. 9,2,29,3, cf. aussi SCHIPANI, Responsabilità, 209ss;

MACCORMACK, Aquilian Studies, 49s.; RODGER, ALAN, Labeo, Proculus, and the ones that got away, LQR 88/1972,402-413, 405; pour VALDITARA, Superamento, 168 et 260, le texte est probablement interpolé; brièvement concernant 1 'état de nécessité HAUSMANINGER, Schadenersatzrecht, 23s.

victime. Il admet une exception pour le propriétaire du bateau qui a causé un dommage, si le vent était si fort que le bateau ne pouvait pas être retenu.

L'iniuria dénonce ici le fait qu'un bateau a coulé. Une exception est à la disposition du défendeurs 'il y eut force majeure, soit une impossibilité objec-tive de dominer le bateau. L'exception nous renseigne sur la nature de 1' in iuria qui présuppose en l'occurrence que l'auteur aurait pu éviter le dommage.

Dans D. 9,2,52pr22, Alfenus discute le cas d'un propriétaire dont l'es-clave décéda après avoir été battu. Il envisage trois hypothèses dont la pre-mière reprend simplement le fait de base: ex plagis servus mortuus. Briève-ment, il ajoute les circonstances particulières qui suivirent les coups et fourniront deux autres versions des faits. Dans la deuxième hypothèse, un médecin traita 1' esclave blessé: medici inscientia ... accidisset et la troisième, qui peut inclure ou exclure la deuxième, vise les soins éventuels que le pro-priétaire lui-même administra à l'esclave: domini neglegentia accidisset.

Ces trois hypothèses donnent lieu à des raisonnements juridiques qui sont en bonne partie implicites, mais qui peuvent être complétés. Dans la première, Alfenus applique directement la LA. Recte de iniuria occiso eo agitur renvoie textuellement au qui servum servamve ... iniuria occiderit du chap. 1 LA et ouvre sans autre l'ac LA contre l'auteur des coups.

Les deux variantes imposent d'autres considérations liées surtout à des problèmes de causalité, 1' esclave n'étant pas immédiatement décédé des coups.

Dans la deuxième hypothèse, le neque id medici inscientia exclut un lien de causalité entre le traitement du médecin et le décès. Ex contrario, si le traite-ment du médecin est en cause, le lien de causalité entre les coups et le décès est compromis. La conséquence juridique en est que l'ac LA contre l'auteur tombe. Dans ce cas de figure, Alfenus semble ouvrir une nouvelle action en responsabilité contre le médecin.

Dans la troisième hypothèse, le domini neglegentia ... accidisset exa-mine la qualité des soins du propriétaire. S'ils sont insuffisants, il perd son action. Entre les lignes, pour maintenir son action contre l'auteur, Alfenus

22 Alf. D. 9,2,52pr

Si ex plagis servus mortuus esset neque id medici inscientia aut domini neglegentia accidisset, recte de iniuria occiso eo agitur.

VISKY, KAROL, La responsabilité dans le droit romain à la fin de la République, RIDA 3/1949,437-484, 449; PUGSLEY, Damni injuria, TR 36/1968, 371-386, 382s.; SCHIPANI, Responsabilità, 177s., avec littérature sélectionnée notamment concernant l'interpola-tion, tient le fragment pour intact; MACCORMACK, Aquilian Studies, 46; MANFREDINI, Iniuria, 98ss, sur la fonction de l'iniuria; aussi brièvement SCHIPANI, lex Aquilia, !51;

CANNATA, Responsabilità, 1996, !13s.; aussi CANNA TA, CARLO AUGUSTO, Sul problema della responsabilità ne! diritto privato romano, Iura 4411993, 1-83, 8ss, mais aussi sur la notion d'iniuria (4s.).

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stipule en même temps une obligation du propriétaire de consulter un méde-cin.

Dans son raisonnement juridique, Alfenus ne donne ni implicitement ni explicitement une précision sur la signification de la notion d'iniuria. En revanche, il donne des critères précis pour le verdict. Dans la première hypo-thèse, l'iniuria découle directement de la loi. L'auteur a tué et ne fournit pas de justification juridiquement pertinente pour son acte. Dans la deuxième hypothèse, le critère appliqué au médecin est 1' inscientia. Il agit iniuria si son manque de connaissances a causé le décès du patient. Dans la troisième hypothèse, le critère appliqué est la neglegentia. Le propriétaire qui néglige les soins de son esclave n'agit pas iniuria, mais perd son action contre 1 'auteur initial du dommage. Alfenus recourt ici à deux éléments extérieurs à la LA pour trancher les hypothèses deux et trois. Inscientia23 et neglegentia24 ser-vent de critères auxiliaires pour juger s'il y a iniuria.

Notons en passant la différence conceptuelle entre les deux termes.

Neglegentia relève du vocabulaire juridique et qualifie, en droit, un compor-tement de fait. En l'occurrence, les soins du propriétaire ont répondu à une certaine appréciation qui, en droit, est qualifiée (ou non) de négligente.

Inscientia par contre relève terminologiquement du fait; le médecin a su (ou non) traiter l'esclave. En même temps, inscientia figure telle quelle dans le raisonnement en droit où elle apparaît comme un argument juridique pour évaluer l'intervention médicale. Elle prend la fonction de fait normatif qui tient à la fois du fait et du droit. Elle décrit, d'une part, un état de savoir et fixe, d'autre part, le seuil de connaissances requises en deçà duquel l'auteur agit iniuria. Si la distinction entre fait et droit est rigoureuse, la terminologie employée par Alfenus montre le même flottement que nous avons déjà ob-servé dans 1' emploi des autres termes de la LA 25 • En principe, il se sert dans le raisonnement en droit d'une terminologie juridique, mais emprunte libre-ment des termes du vocabulaire extrajuridique.

Revenons une nouvelle fois à Alf. D. 9,2,52,1 où le tavernier creva un œil au passant qui avait dérobé une lampe. Notre interprétation26 a mis en évidence l'extension du champ de faits observés. La jurisprudence commen-çait à tenir compte des circonstances personnelles de l'auteur et notamment

23 Inscientia, mais surtout imperitia apparaissent comme critères d'iniuria tout au long de la tradition jusqu'à Justinien et notamment dans Ulp. D. 9,2,7,8; Ulp. D. 9,2,27,34;

Gai. D. 9,2,8,1; Paul. D. 9,2,30,3; I. 4,3,8.

24 Pour la neglegentia, cf. notamment Ulp. D. 9,2,27,9 et Ulp. Coll. 12,7,7; Gai. D. 47,9,9;

Paul. D. 9,2,30,4; Ulp. D. 9,2,7,2.

25 Par rapport aux occidere, urere, frangere, 1umpere, cf. supra 45s.

26 Cf. supra II. D. Intention 82s.

de ses intentions27. Essayons maintenant de reproduire le raisonnement en droit qui permettait de statuer sur l'iniuria. Rappelons brièvement les deux hypothèses traitées dans ce fragment que, généralement, les romanistes ana-lysent plutôt sous l'angle de la cul pa. Dans la première qui doit désigner celui qui commença la rixe, Alfenus envisage alternativement que l'aubergiste fut frappé le premier: (praeteriens) verberare tabernarium coeperat, ou qu'il commença lui-même la bagarre: si (tabernarius) ab eo non prior vapulasset.

La seconde hypothèse est concentrée uniquement sur l'attitude de l'auber-giste. Alfenus fixe d'abord comme circonstance décisive nisi data opera effodisset oculum. L'aubergiste chercha-t-il à crever un œil à son adversaire ou fut-ce plutôt un accident, comparable au dommage infligé au cours p. ex.

d'un acte de légitime défense?

Pour trancher la première hypothèse, Alfenus donne d'abord une règle juridique suggérée implicitement par le choix des éléments de fait: culpam enim penes eum, qui priorjlagello percussit. Le premier à avoir frappé sera coupable.

Dans la seconde, le data opera qui avait servi d'élément de fait décisif est intégré directement dans le raisonnement en droit: nisi data opera ... , non videri damnum iniuria fecisse. Data opera figure ici comme critère pour juger si l'acte fut commis iniuria.

La décision finale sur l' iniuria dépendra de la combinaison des deux hypothèses. L'aubergiste n'aura pas agi iniuria, sauf si (i) il commença la bagarre et (ii) il agit data opera28.

Ni la loi ni la jurisprudence ne fournissant des éléments précis, Alfenus choisit librement la volonté ou l'intention de l'auteurpour statuer sur l'iniuria et en fait ainsi des critères auxiliaires29. Dans la première hypothèse, la vo-lonté de commencer la bagarre est implicite; dans la seconde, le data opera renvoie même à une intention qualifiée.

Alfenus suit une démarche comparable dans le fameux fragment D.

9,2,52,230 des deux chars sur la pente du Capitole. Dans notre analyse31, 27 SCHIPANI, Responsabilità, 171s., sur 1'iniuria; CANNATA, Genesi e vicende della co1pa aquiliana, Labeo 17/1971, 64-82, 71; MANFREDINI, lniuria, 98s.; ÜARRIDO, GARCIA, Derecho privado romano, Madrid 1982; W ACKE, ANDREAS, Notwehr und Notstand bei der aquilischen Haftung, ZSS 106/1989,469-501, 470s., 484ss; ZIMMERMANN, Obliga-tions, 1000.

28 CANNATA, Responsabilîtà, 1996, 112, souligne qu'un fait justificatif peut perdre son effet si l'auteur dépasse la zone initiale de protection offerte par la loi.

29 Pour l'intention dans l'observation des faits, cf. supra 82s.

30 Cf. supra 86; sur les différentes hypothèses, voir aussi SCHIPANI, Responsabilità, 179ss;

CANNATA, Genesi e vicende della colpa aquiliana, Labeo 17/1971,64-82, 72.

31 Cf. supra II. D. Intention 86s.

EN DROIT: INJURIA

nous avons distingué trois hypothèses de fait. Selon la première, le char re-cula parce que les muletiers cessèrent de le soutenir; dans la deuxième, il recula parce que les mulets prirent peur. Les muletiers se sauvèrent de crainte d'être écrasés. Dans la troisième, ni les muletiers ni les mulets ne sont en cause, le char ayant reculé parce que les mulets ne purent pas le retenir.

Dans le raisonnement juridique du premier cas, Al fen us suppose que les auteurs lâchèrent le véhicule sans contrainte extérieure et qu'ils créèrent ainsi la cause de l'accident: sua sponte se subduxissent et ideo factum esset, ut mulae plostrum retinere non possint. La volonté des muletiers sert ici de critère pour l' iniuria: lege Aquilia agi passe nam nihilo minus eum damnum dare, qui quod sustineret, mitteret sua voluntate32. Le point décisif n'est en l'occurrence pas qu'ils aient abandonné le char, mais qu'ils soient partis li-brement. En d'autres termes, agitiniuria celui qui commet librement un acte qui causera, directement ou indirectement, un dommage.

Dans la première analogie33 qui doit motiver cette solution, Alfenus ex-plique le raisonnement de fond qui conduit à son point de vue. Il prend 1' exemple de celui qui incita son âne à avancer sans ensuite le retenir: si quis asellum cum agitasset non retinuisset. L'iniuria ne consiste pas dans le fait d'avoir talonné l'animal, mais d'avoir causé un dommage en le laissant courir en-suite. Par analogie, les muletiers agirent iniuria parce qu'ils quittèrent le véhicule de leur propre gré, après l'avoir amené dans la situation décrite.

La deuxième hypothèse reprend le même acte des muletiers dans une situation différente. Ils se sont sauvés de crainte d'être écrasés: muliones timore permoti, ne opprimerentur, plostrum re li quissent. La me tus (ou timor) est ici le critère qui empêche 1' iniuria.

Le même acte, c'est-à-dire abandonner le véhicule, est évalué ici en fonc-tion de deux situafonc-tions psychologiques précises. Il y a iniuria34 si l'acte fut libre et il n'y en a pas s'il fut déterminé par la crainte.

32 Entre les lignes, ce passage ouvre la voie à une présomption générale de responsabilité à l'encontre de celui qui a causé le dommage. Le raisonnement d' Alfenus peut être décomposé en deux étapes: (i) Celui qui fait x cause un dommage. (ii) Celui qui cause un dommage tombe sous le coup de la LA.

33 Concernant analogie et similitude, cf. notamment N6RR, Causa mortis, 143;

MACCORMACK, Aquilian Studies, 13; MACCORMACK, Juristic interpretation of the lex Aquilia, Studi Sanfilippo I, Milano 1982, 253-283, 257s.

34 Pour MANFREDINI, Iniuria, 98, Alfenus livre ici un exemple paradigmatique de l'éva-luation de l'iniuria. Autrement, SCHIPANI, Lex Aquilia, 153s., pour qui il n'y a, dans ce fragment, pas de problème de reconnaîssance de l'iniuria (153), mais surtout de quali-fication des comportements analysés (154). Il perd de vue que sua sponte, sua voluntate et reformidare servent de critères pour établir 1 'iniuria.

Alfenus applique le même critère aux mulets pour décider de l'a0 de pauperie, mais avec des conséquences juridiques inverses. S'ils prirent peur, leur propriétaire répond du dommage: sed si mulae, quia aliquid reformidassent ... actionem ... cum domino mu/arum esse. Il choisit comme critère le comportement peureux des mulets. Il ne s'explique pas sur cette inversion, mais considère évidemment l'attitude des animaux comme dé-faillante35.

La dernière hypothèse ne met en cause ni les muletiers ni les mulets, mais envisage d'autres circonstances, notamment accidentelles. Alfenus refuse ici toute action si les mulets furent trop faibles pour retenir le véhicule ou s'ils glissèrent: sed mulae retinere anus nequissent aut cum coniterentur lapsae concidissent36

Les critères data opera, inscientia, sua sponte et me tus sont développés librement, sans référence à la loi. La démarche initiale pour les élaborer a sans doute été l'affinement de l'analyse des faits observés et surtout son ex-tension aux actes intérieurs de l'auteur. La conceptualisation juridique pou-vait suivre plus tard. Cela expliquerait le statut hybride du data opera, mais aussi de 1' inscientia, qui apparaissent à la fois comme éléments de fait déter-minants et comme critères juridiques, sans être traduits, dans la partie en droit, dans un langage juridique.

Du coup, la remarque préliminaire d' Alfenus respondi in causa ius esse positum37 prend une signification méthodologique. Les considérations en fait non seulement précèdent la réflexion en droit, mais en déterminent aussi le développement. Le raisonnement juridique qui suit le schéma souple du DID s'adapte en principe à la constellation spécifique des faits et les concepts juridiques ne sont qu'un reflet des faits retenus.

Il appartenait à Ulpien d'élaborer un concept plus précis de l'iniuria et de fournir même des explications théoriques de portée générale. Dans son commentaire de 1' édit, il procède systématiquement en expliquant la fonction de 1' iniuria dans la LA et les exceptions qui permettent de faire échec à 1' ap-plication de la loi, pour culminer dans une définition abstraite du terme.

35 On peut voir une analogie avec le propriétaire d'esclaves dangereux qui porte une res-ponsabilité du simple fait d'avoir de tels esclaves (Ulp. D. 19,2,llpr). Le propriétaire des mulets peureux assumerait alors la responsabilité parce que ses animaux représen-tent également un danger.

36 Autrement, p. ex. dans Ulp. D. 9,1,1,4 et Ulp. D. 9,2,7,2, où celui qui a surchargé un animal ou s'est surchargé lui-même et a causé un dommage à autrui s'expose à l'a0 LA.

Pour une série de cas d'animaux qui ont été surchargés, cf. aussi N6RR, Causa mortis, 142.

37 Alf. D. 9,2,52,2. Sur ce passage SCHIPANI, Responsabilità, 181; voir aussi SCHIPANI, Lex Aquilia, 154. Pour la notion causa, N6RR, Causa mortis, 143.

EN DROIT: INJURIA

Dans Ulp. D. 9,2,338, il reprend les éléments essentiels du chap. I LA et expose les liens entre eux. L'occidere seul ne permet pas d'appliquer la LA.

Encore faut-il que l'acte ait été commis iniuria: non enim su.fficit occisum, sed oportet iniuria id esse factum. Le principe qu'il énonce dans D. 47,10,13,1 par rapport à l'exercice du droit public (iuris enim executio non habet iniuriam) a son équivalent dans la LA. Tout exercice d'un droit exclut per definitionem 1' iniuria aquilienne. Il en résulte directement le mode de raison-nement qui conduit au verdict iniuria. Si le fait dommageable est établi, il s'agit de contrôler, en droit, si l'auteurpeut invoquer un droit qui lui permet-tait d'agir. Dans D. 9 ,2,49, 139, Ulpien souligne aussi le rapport entre damnum datum et iniuria: ut videatur damnum iniuria datum, quod cum damna iniuriam attulerit et illustre immédiatement le mode de raisonnement qui en découle. En principe, tout damnum datum sera sujet à l'a0 LA. Il est iniuria si l'auteur n'a pas d'argument à faire valoir pour justifier son acte, tels la force majeure ou la crainte fondée.Nisi magna vi cogenteoumetu ductus ont un effet guérisseur pour un acte qui, autrement, tomberait sous le coup de la LA.

Dans Ulp. D. 9,2,5pr40, les exemples répondent également à ce mode de raisonnement. Celui qui abat son agresseur armé d'une épée ne tue pas iniuria:

... si quemcumque alium ferro se petentem quis occiderit, non videbitur

... si quemcumque alium ferro se petentem quis occiderit, non videbitur