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B. Datum: désignation générique de l'acte conduisant au dommage 45

3. Corrumpere

Le terme corrumpere ne figure pas dans la formulation initiale de la LA, mais a été développé par la jurisprudence. Il apparaît à partir de la période classi-que82. Ulpien nous informe que déjà les veteres l'avaient associé au verbe rumpere&3• Corrumpere est aussi une forme particulière de damnum da re. Le magistrat municipal, par exemple, qui confisque des biens et les restitue dété-riorés (res tritas corruptasque reddat) répond pour damnum datum84 78 Alf. D. 9,2,52,2; terme qui remplace ici soit occidere, soitfi'angere ou rumpere.

79 Alf. D. 9,2,52,3; pour occidere, voir aussi Ulp. D. 9,2,7,5.

80 Ulp. D. 9,2,27,35.

8 I Ulp. D. 9,2,29,3.

82 Ulp. D. 9,2,27,14; 15; lui. D. 9,2,42; Gai. 3,217.

83 Ulp. D. 9,2,27,13

Inquit lex 'ruperit '. rupisse verbum fere omnes veteres sic intellexerunt 'corruperit '.

84 Ulp. D. 9,2,29,7

Magistratus municipales, si damnum iniuria dederint, passe Aquilia teneri. nam et cum pecudes aliquis pignori cepisset et fame eas necavisset, dum non patitur te eis cibaria adferre, in factum actio danda est. item si dum putat se ex lege cape1-e pignus, non ex lege ceperit et res tritas corruptasque reddat, dicitur !egem Aquiliam locum

EN FAIT: DAMNUM DATUM

Corrumpere contient non seulement l'état de fait du rumpere comme Ulpien l'affirme85, mais également, selon Celsus, celui d'urere etfrangere:

Et non negat fractum et ustum contineri corrupti appellatione, sed non esse novum, ut lex specialiter quibusdam enumeratis generale subiciat verbum, quo specialia complectatur quae sententia vera est86Par la même occasion, Celsus explique le procédé qui serait à la base de l'emploi de corrumpere.

Frangere et urere, mais certainement aussi rumpere, seraient l'énumération de cas particuliers (specialiter quibusdam enumeratis) qui se trouveraient-selon un processus courant en droit- contractés par la jurisprudence dans un terme général. D'après cette interprétation, la jurisprudence aurait complété le vocabulaire de la loi en formant une nouvelle terminologie qui pouvait résumer la loi. Autrement dit, elle étendait la loi dans deux sens opposés.

D'une part et conformément à sa fonction habituelle, elle spécifiait les termes par subsumption des cas particuliers. D'autre part, elle pouvait, selon Celsus et Ulpien, dégager un sens plus général qui n'était pas nécessairement ex-primé par la loi elle-même.

La description de Celsus, qui est destinée au rapport entre corrumpere et urere,frangere, rumpere, explique en même temps le rapport entre les trois verbes et le damnumfacere/dare. Ce dernier est une formulation abstraite et les trois verbes en sont des illustrations non exhaustives. Dans le cas particu-lier, le juriste peut soit renouer avec un des termes spécifiques de la loi, soit donner une description plus précise ou équivalente, ou encore se référer di-rectement à la formulation abstraite damnum datum/factum.

Dans la jurisprudence classique, corrumpere couvre des états de faits aussi différents que vinum spurcareleffundere, acetum facere87 , pecudes

habere: quod dicendum est et si ex lege pignus cepit. si quid tamen magistratus adver-sus resistentem viol en ti us fecerit, non tenebitur Aqui/ia: nam et cum pignori servum cepisset et ille se suspenderit, nul/a datur actio.

Cf. aussi BEHRENDS, Fraus legis, 33s.

85 Ulp. D. 9,2,27,13, supra.

86 Ulp. D. 9,2,27,16. DAUBE, Nocere and noxa, in: Collected Studies 1, 71-102, 89s., sur le rapport entre urere, frangere, rumpere, corrumpere et nocere/noxa; Selon WESEL, Statuslehre, 46s., suite à une interprétation extensive de rumpere, le terme corrumpere signifie toute forme de détérioration, alors que rumpere présupposerait une interven-tion violente et concrète («handgreiflich»). Il voit les origines de cette extension de rumpere déjà chez Brutus (Ulp. D. 9,2,27) et Quintus Mucius (Pomp. D. 9,2,39pr).

MACCORMACK, GEOFFREY, Celsus quaerit: D. 9,2,27,14, RIDA 20/1973, 341-348;

BEHRENDS, Fraus legis, 33s.; BEHRENDS, Gesetz und Sprache, in: Nomos und Gesetz.

Ursprünge und Wirkungen des griechischen Gesetzesdenkens, Gottingen 1995, 135-249, 244, sur le rapport entre rumpere et corrumpere.

87 Ulp. D. 9,2,27,15.

necaré8, tabulas testamenti delere&9 et rationes hereditarias delere90Une notion encore plus étendue d'urere,frangere, rumpere, corrumpere avait été développée par Gaius, dans un commentaire du chap. III91 . Son énumération des termes est regroupée en trois blocs. D'abord usta,fracta, rupta, ensuite scissa, co !lisa, effusa et finalement quoquo modo vitiata a ut perempta atque deteriora jacta. Les trois blocs sont placés dans un ordre de généralité crois-sante, des termes spécifiques de la loi aux formes les plus diverses d'altéra-tion. Le dernier bloc, qui englobe toute forme de dommage, définit la même notion extensive de responsabilité que le damnumfacere abstrait du chap. III.

L'évolution historique de l'élargissement conceptuel d'urere,ji·angere, rumpere, corrumpere et leurs extensions progressives sont difficiles à retra-cer. Ulpien prétend92, nous l'avons vu, que déjà les veteres avaient donné au rumpere le sens large de corrumpere. Comment exactement les veteres sont-ils arrivés à cette interprétation reste pour nous de 1 'ordre de la spéculation.

Cependant, même si nous n'avons pas de texte direct qui permettrait d'appor-ter une preuve formelle de cette évolution sous les ved'appor-teres, nous savons qu'une interprétation extensive est suggérée par la loi elle-même. La formulation générique du damnum datum a littéralement invité les juristes à une extension des urere, ji-angere, rumpere qui a pu passer, par association, d'abord à corrumpere et ensuite à toute forme de damnum dare. Un pas décisif a pro-bablement été d'interpréter le quod du si quis a/teri damnum faxit, quod usserit fregerit ruperit iniuria93 non pas comme un terme restrictif qui limi-tait le damnum facere au strict urere, fran gere, rumpere, mais de le traiter, comme Celsus et Ulpien le suggèrent94, comme un quod exemplifiant qui permettait à la jurisprudence une application plus libre du chap. III.

Toutefois, au terme de cette évolution c'est Gaius qui, dans Gai. 3,217, déploiera toute 1 'ampleur conceptuelle contenue in nuee dans la formulation initiale du chap. III. Toute forme de damnum datum y tombe en principe sous le coup de la LA, indépendamment du mode d'action de 1' auteur et du type de dommage infligé.

88 Ulp. D. 9,2,29,7.

89 Ulp. D. 4,3,35.

90 Ulp. D. 10,2,16,5. BEHRENDS, Gesetz, 244, sur la connotation morale de corrumpere dans la jurisprudence des veteres, notamment liée à la dépravation d'esclaves.

91 Gai. 3,217, supra 45s.

92 Ulp. D. 9,2,27,13.

93 Ulp. D. 9,2,27,5 supra.

94 Ulp. D. 9,2,27,16.

EN FAIT: DAMNUM DATUM