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B. Les actions concurrentes

1. Actio In Factum

Les fragments analysés ici mentionnent tous explicitement l'a0 IF. Ils sont tirés du titre D. 9,2 ou traitent de dédommagement après un damnum.

42 WARMELO, PAUL VAN, Les actions autour de la loi Aquilie, in: Studi Biscardi III, 351-361, 352s., 359, soutient la thèse d'un emploi promiscue des ao IF et ao U à l'époque classique; cf. aussi BARTON, lex Aquilia, 15s. Cf. aussi LüBTOW, Untersuchungen, 136, pour qui actiones in factum = actiones utiles; SELB, Formulare Analogien I, 328.

43 Cf. notamment V ALINO, Acciones pretorias, 89ss.

44 SELB, Formulare Analogien I, dont l'analyse concerne l'ensemble des occurrences des actions IF et U, et non pas seulement, comme dans notre analyse, celles liées aux pro-blèmes de dédommagement. Il trouve chez les juristes jusqu'à Julien un emploi régu-lier des a0 IF pour élargir l'état de fait en cas de délits civils et pour élargir les diffé-rents types de contrats en cas de contrats civils. En revanche, l'a0 U servirait plutôt à élargir la légitimation active et passive (331 ).

45 ALBANESE, BERNARDO, Studi, 86, considère le fragment comme «il frutto, almeno nella sua prima parte, di una generalizzazione compilatoria, che, insieme ad altre dello stesso genere ( ... ) costituiscono gli estremi tentativi di sintesi giustinianea in materia».

Une des premières occurrences de l'a0 IF, sinon la première qui nous est connue, remonte à Ofilius46Un esclave, monté sur un cheval, se fit catapul-ter dans une rivière et se tua, un passant ayant effrayé 1' animal. Selon Ofilius, le propriétaire peut faire valoir le prix de l'esclave avec une a0 IF. L'état de fait très succinct laisse supposer que le passant effraya le cheval, mais sans toucher 1 'esclave lui-même. Si cette version des faits (qui est aussi soutenue par le fragment précédent47 traitant du dommage non corpore par fame necare) est correcte, Ofilius distinguerait entre tuer corpore suo et non corpore. Le premier serait sanctionné par l'action directe, le second par l'a0 IF. Cette interprétation restrictive du champ d'application de la LA trancherait notam-ment avec un cas plus ancien où Mucius avait admis un rumpere pour une jument qui avait avorté parce qu'elle avait été prise en chasse, mais sans nécessairement avoir été touchée directement48

Dans la même période, Alfenus attribue une a0 IF à celui qui, lors d'une promenade au bord du Tibre, montra une bague à un tiers qui la laissa tomber dans l'eau49 • Si en l'occurrence lecorporene fait pas de doute, lerumpere et, par conséquent, le corpori n'est probablement pas donné, la bague n'ayant pas été endommagée, mais perdue.

Ces deux premières occurrences connues de l'a0 IF en rapport avec la LA ont en commun d'ouvrir, à long terme, des nouvelles possibilités d'exten-sion de la responsabilité aquilienne: la première quant à l'acte, la seconde par rapport au dommage. En revanche, elles se situent différemment dans la

tra-46 Ulp. D. 9,2,9,3

Si servum meum equitantem concitato equo e.ffeceris in flumen praecipitari atque ideo homo perierit, in factum esse dandam actionem Ofi/ius scribit: quemadmodum si servus meus ab alio in insidias deductus, ab alio esset occisus.

Cf. VALINO, Acciones pretorias, 51; MACCORMACK, Aquilian Studies, 17s.; NôRR, DIETER, causa mortis, 139ss, qui souligne «das Denken in Falliihnlichkeiten» (143) pour l'attribution des actions; SCHIPANI, lex Aqui!ia, 155ss, qui analyse le fragment avec Alf. D. 19,5,23.

De manière générale sur les actions analogiques, WESENER, GUNTER, Actiones ad exemplum, ZSS 75/1958, 220-250.

47 Ulp. D. 9,2,9,2; cf. aussi Ulp. D. 9,2,27,9; sur le fame necare, VALINO, Acciones pretorias, 49.

48 Pomp. D. 9,2,39, cf. supra 62s.

49 Alf. D. 19,5,23

Duo secundum Tïberim cum ambularent, alter eorum ei, qui secum ambulabat, rogatus anulum ostendit, ut respiceret: illi excidit anulus et in Tïberim devolutus est. respondit passe agi cum eo in factum actione.

SELB, Formu1are Analogien II, 730s., voit dans l'a0 IF une application par analogie de l'a0 LA, pour remplacer le rumpere qui n'est pas donné, en l'occurrence, par le fait concret d'avoir laissé tomber la bague dans l'eau.

LES ACTIONS

di ti on jurisprudentielle de la LA. Si l'interprétation d' Ofilius revient sur une interprétation extensive du occidere en tant que datum, celle d' Alfenus ouvre la voie à une interprétation plus extensive du damnum.

Le séparation entre, d'une part, les dommages directs et, d'autre part, les dommages indirects et les dommages sans lésion matérielle d'un corps se maintient, avec certaines exceptions, jusqu'à Justinien. Les premiers sont en principe réprimés par l'a0 LA, alors que les occurrences de l'a0 IF concernent des cas de dommages non corpore50. Si le principe carpon:- non corpore s'établit, c'est, comme nous le verrons, l'interprétation, tantôt extensive tan-tôt restrictive, des termes de la loi qui variera et qui étendra dans certains cas le non corpore au non corpori.

Labeo reprend très clairement la distinction corpore- non corpore, dans Ulp. D. 9,2,9pr51, pour faire la différence entre l'acte d'administrer directe-ment un médicadirecte-ment mortel et celui de le mettre simpledirecte-ment à disposition de la victime52. Dans un autre fragment, il confirme le même principe en réser-vant explicitement l' a0 LA aux dommages qui ont des causes non extrinsecus53 .

Labeo fait même une application extensive de l'a0 IF dans Ulp. D. 9,2,27,355

4,

50 Signalons comme exception notamment Ulp. D. 9,2,17, cf. inji·a.

51 Ulp. D. 9,2,9pr; cf. supra 70; VALINO, Acciones pretorias, 48; MACCORMACK, Aquilian Studies, 18, sur la différence entre occidere direct et indirect; SELB, Formulare Analogien II, 734s.; NORR, Causa mortis, 164ss, énumère plusieurs possibilités d'interprétation;

ZIMMERMANN, Obligations, 978s.; CANNATA, Responsabilità, 1996, 139s.

52 Cf. aussi Ulp. D. 47,2,50,4 (supra 88), le fameux cas où l'auteur a utilisé le pannum rubrum pour faire fuir du bétail. Si l'auteur a agi par amusement (lusus), Labeo donne au lieu de l'a0 LA une a0 IF, à défaut d'un rumpere; au lieu d'une a0 furti, il donne à défaut d'un animusfurti aussi une ao IF, si le bétail est ensuite tombé entre les mains de voleurs. Cf. aussi Gai. 3,202 et V ALINO, Acciones pretorias, 24ss; aussi SELB, Formulare Analogien II, 735ss.

53 Iav. D. 19,2,57

Qui domum habebat, aream iniunctam ei domui vicino proxima locaverat: is vicinus cum aedificaret in sua, terram in eam aream amplius quam fundamenta caementicia locatoris erant congessit, et ea terra adsiduis pluviis inundata, ita parieti eius qui locaverat umore praestituto madefacto, aedificia corruerunt. Labeo ex locato tantummodo actionem esse ait, quia non ipsa congestio, sed umar ex ea congestione postea damna fuerit, damni autem iniuriae actio ob ea ipsa sit, per quae, non extrinsecus a/ia causa ablata, damna quis adfectus est: hoc probo.

NORR, Causa mortis, 44s., sur le type de causalité selon l'analyse de Labeo. Le refus de l'a0 LA par Labeo serait motivé par la suite chronologique des différentes causes et la médiateté entre acte et dommage qui en résulte (162).

54 Ulp. D. 9,2,27,35

Item si tectori locaveris laccum vina plenum curandum et ille eum pertudit, ut vinum sit effusum, Labeo scribit in factum agendum.

Cf. SELB, Formulare Analogien II, 735; NORR, Causa mortis, 163; ZIMMERMANN, Obliga-tions, 985; VALDITARA, Superamento, 165, qui observe l'absence de méthode pour

calcu-où un badigeonneur perça un tonneau et en laissa couler le vin. Selon le texte, l'artisan semble avoir causé deux dommages différents, dont 1 'un (percer un trou dans le tonneau) fut direct et l'autre (laisser couler le vin) indirect55 .

Même s'il avait pu donner une a0 LA pour le dommage direct, Labeo fait sanctionner les deux dommages avec une a0 IF56. En d'autres termes, en présence de différents dommages de natures différentes, l'a0 IF l'emporte ici sur l'a0 LA qui a un champ d'application plus restreint. Cela indiquerait aussi que l'a0 IF ne porte pas seulement sur les dommages indirects, mais peut également couvrir des dommages qui, normalement, tomberaient sous le coup de l'a0 LA.

Proculus aussi maintient dans le choix des actions la distinction entre dommages directs et indirects et sanctionne ces derniers avec une a0 IF. Dans Ulp. D. 9,2,7,357, il fait une analyse fine du cas où A poussa B qui causa un dommage. A ne tua pas, puisqu'il n'agit pas directement sur la victime, ni B qui ne commit pas d'iniuria. Par conséquent, A répond d'une a0 IF pour un dommage causé indirectement. En revanche, celui qui incita un chien à mor-dre un tiers répond de la LA pour dommage direct, alors qu'il ne tenait pas 1' animal en laisse58. Pro cu lus a probablement vu dans le chien un instrument de l'auteur, comparable à un bâton ou une épée. Parallèlement au cas de la bague jetée à l'eau analysé par Alfenus, Proculus accorde une a0 IF contre

1er le prix de la chose endommagée en rapport avec l'utilitas auctoris. MACCORMACK, Aquilian Studies, 59s., considère que Labeo ne s'était pas occupé du dommage causé au tonneau, dommage à récupérer selon MacCormack par une a0 locati.

55 Cf. aussi Paul. D. 9,2,30,2.

56 Cf. aussi Ulp. D. 9,2,27,24.

57 Ulp. D. 9,2,7,3

Proinde si quis alterius impulsu damnum dederit, Proculus scribit neque eum qui impulit teneri, quia non occidit, neque eum qui impulsus est, quia damnum iniuria non dedit:

secundum quod in factum actio erit danda in eum qui impulit.

Cf. VALINO, Acciones pretorias, 47; SELB, Formulare Analogien II, 747.

58 Ulp. D. 9,2,11,5

Item cum eo, qui canem irritaverat et effecerat, ut aliquem morderet, quamvis eum non tenuit, Proculus respondit Aquiliae actionem esse: sed Iulianus eum demum Aquilia teneri ait, qui tenuit et effecit ut aliquem morderet: ceterum si non tenuit, in factum agendum.

V ALINO, Acciones pretorias, 52, avec critique d'interpolation; NORR, Causa mortis, 144, discerne notamment dans Ulp. D. 9,1,1,7 du droit litigieux par rapport aux dom-mages causés par des animaux. Alors qu'Ulpien distingue des détails dans le déroule-ment des faits pour donner l'a0 LA ou l'a0 IF, dans la compilation justinienne l'a0 IF se serait imposée (pour Ulp. D. 9,1,1,7, voir aussi VALINO, Acciones pretorias, 45).

ZIMMERMANN, Obligations, 980, avec littérature sélectionnée.

LES ACTIONS

celui qui remit en liberté le sanglier d'autrui59. Dans Ulp. Coll. 12,7,860,

Proculus se sert de l'a0 IF pour donner à la responsabilité aquilienne une étendue exceptionnelle, tout en maintenant la différence des moyens de sanc-tion. Il donne une a0 IF contre celui qui effraye le voisin parce qu'il a un four placé contre une paroi mitoyenne, mais sans que cette dernière ait pris feu61

Si l'a0 LA est évidemment exclue à défaut d'unurere, l'a0 IF n'estpas seule-ment détachée de la conditioncorpori, mais entièreseule-ment dématérialisée. Elle sert ici de moyen pour étendre la responsabilité aquilienne aux dommages purement psychologiques.

Mais déjà Sabinus remet du moins partiellement en question cette exten-sion exceptionnelle du champ d'application del 'a0 IF et revient même à une interprétation d'avant le cas de la bague d' Alfenus (Alf. D. 19,5,23). Celui qui, en donnant un coup à autrui, lui fit perdre l'argent qu'il tenait dans la main répond en principe de l'a0 LA, l'a0 IF étant, apparemment, admise seu-lement dans des circonstances particulières62

Celsus par contre souligne expressément l'importance de la distinction entre dommages directs et indirects: Celsus autem multum interesse dicit, occiderit an mortis causam praestiterit, ut qui mortis causam praestitit, non Aquilia, sed in factum actione teneatur63Le multum interesse ne reflète pas seulement un intérêt théorique, mais surtout l'importance pratique pour le demandeur de choisir l'action adéquate. Si Celsus attache autant d'impor-tance à la distinction, on peut supposer que le demandeur qui engagerait une a0 LA pour un cas par exemple de causam mortis praestare se ferait dé-bouter. Cela laisserait entendre que, à l'époque de Celsus, 1' interprétation des termes de la LA aurait plutôt été restrictive. Le recours à l'a0 IF pour des cas

59 Proc. D. 41,1,55

... sin autem aprum meum ferum in suam naturalem laxitatem dimisisses, et eo facto meus esse desisset, actionem mihi in factum dari oportere, velu ti responsum est, cum quidam poculum a/terius ex nave eiecisset.

(MOMMSEN corrige le texte de ... aprum meum factum in su am ... en ... aprum meum ferum in suam ... ) Cf. SELB, Forrnulare Analogien II, 746s.; ZIMMERMANN,

Obliga-tions, 986s., regroupe les cas où le propriétaire était privé de son bien sans que ce dernier fût détruit, ni endommagé.

6

°

Cf. supra 66.

61 Cf. supra.

62 Ulp. D. 9,2,27,21; cf. supra 40. Le texte n'indique pas si l'ac IF constitue une alterna-tive seulement à l'ac furti ou, de manière générale, aussi à l'ac LA. Cf. LÜBTOW, Untersuchungen, 181; BARTON, lex Aquilia, 18s., observe chez Sabinus un véritable enthousiasme pour l'ac LA (19); SELB, Forrnulare Analogien II, 739s., tient le texte pour intact; Nôrr, Causa mortis, 15ls.

63 Ulp. D. 9,2,7,6, cf. supra 71; aussi VALINO, Acciones pretorias, 47; SELB, Formulare Analogien II, 758.

qui ne remplissaient pas très précisément les conditions d' occidere, urere, etc., était alors certainement devenu courant et même impératif.

La distinction nette entre les deux actions apparaît également dans Ulp.

D. 9,2,27,1464 . Contre celui qui a mélangé la semaille d'autrui avec du grain sauvage, Celsus donne l'a0 IF, puisque matériellement l'auteur ne modifia ni n'endommagea un bien.

Toutefois, malgré son point de vue théorique tranché en faveur de l'a0 IF pour dommages indirects, Celsus résout plusieurs cas limites non pas avec l'a0 IF, mais au moyen d'une extension de l'a0 LA. Celui qui jeta autrui d'un pont s'expose à l'a0 LA, même si la victime ne mourut pas du coup reçu, mais se noya d'épuisement65. La solution est discutable en vertu des princi-pes énoncés par Celsus lui-même. Car ce cas n'est pas plus unoccidere qu'un causam mortis praestare, le coup n'ayant peut-être même pas blessé l'es-clave au sens d'un rumpere. A la même époque dans un cas comparable, Neratius accorde du reste une a0 IF66 . Mais dans d'autres fragments aussi, Celsus recourt à des interprétations plutôt restrictives de l'a0 IF et résout le problème posé par l'extension du champ d'application de l'a0 LA. Celui qui salit, déversa ou aigrit du vin répond selon Celsus de l'a0 LA67 . Encore une fois, Labeo déjà avait donné pour ce cas de figure une ao IF68 •

Par contre, dans d'autres fragments, Celsus applique la méthode inverse et restreint l'application de l'a0 LA en deça des termes mêmes de la loi. Une

64 V ALINO, Acciones pretorias, 81; pour SELB, Forrnulare Analogien II, 756s., le texte est écourté; le point de vue de Celsus par rapport à l'action à attribuer s'inscrirait cepen-dant dans la conception traditionnelle.

65 Ulp. D. 9,2,7,7

Sed si quis de ponte aliquem praecipitavit, Celsus ait, sive ipso ictu perierit aut continuo submersus est a ut lassatus vifluminis victus perierit, lege Aquilia teneri, quemadmodum si quis puerum saxo inlisisset.

Pour une extension par une actio utilis damni iniuriae quasi ex lege Aquilia, cf. aussi Gai. D. 47,2,51. LÜBTOW, Untersuchungen, 140ss, concernant l'élargissement de la notion d'occidere et ses conséquences sur les actions à attribuer; MACCORMACK, Aquilian Studies, 17; V ALDITARA, Superamento, 344s., sur la question du statut de la personne jetée dans l'eau.

66 Nerat. D. 9,2,53

Boves alienas in angustum locum coegisti eoque effectum est, ut deicerentur datur in te ad exemplum legis Aquiliae in factum actio.

LüBTOW, Untersuchungen, 150; selon SELB, Forrnulare Analogien II, 741s., l'a0 IF suit l'a0 LA à la fois matériellement et formellement; pour NôRR, Causa mortis, 131s., le comportement des animaux a fourni un critère décisif à Neratius pour attribuer l'a0 IF.

67 Ulp. D. 9,2,27,15; cf. HAUSMANINGER, Zur Gesetzesinterpretation des Celsus, in: Studi Grosso 5, 243-277, 267s.; MACCORMACK, Aquilian Studies, 5s.

68 Ulp. D. 9,2,27,35; cf. aussi supra 161.

LES ACTIONS

interprétation extrêmement restrictive de la LA se trouve dans Ulp. Coll.

12,7 ,5. Celui qui laissa un feu se propager de son champ dans celui du voisin répond de l'a0 IF. Pris à la lettre, le dommage est, selon Celsus lui-même, un exurere. Néanmoins, il refuse d'accorder l'a0 LA en raisonnant sur le motif de l'auteur: quia non principaliter hic exussit69. L'intention première de l'auteur ayant été de brûler la paille sur son propre champ, l'effet accessoire de son acte ne tombe plus sous le coup de l'a0 LA.

En réalité, Celsus arrive ici à une interprétation restrictive de la LA non pas pour des raisons inhérentes à la loi elle-même, mais en tenant compte du critère jurisprudentiel de 1 'intention, dont les premières traces se trouvent du reste déjà chez Mucius70. En d'autres termes, l'extension des faits observés a conduit, dans un premier temps et par exemple chez Mucius, à l'extension interprétative des termes de la LA. Avec le recours plus fréquent aux actions indirectes, ce phénomène a pu s'inverser. Les faits observés qui n'avaient pas de fondement direct dans la LA, pouvaient dorénavant servir d'argument contre l'a0 LA et pour l'a0 IF. Ainsi, le recours tantôt à l'a0 LA, tantôt à l'a0 IF pour des cas limites introduit dans la jurisprudence classique une hétérogénéité qui assouplit les catégories rigides du corpore- non corpore.

Dans les grandes lignes, les règles observées jusqu'à Celsus se stabili-sent dans la jurisprudence qui nous est parvenue et vont s'affiner71 jusqu'aux fragments d'Ulpien. En principe, l'a0 IF reste réservée aux dommages indi-rects non corpore ou non corpori et- fait nouveau- couvre également plu-sieurs cas où l'intention de l'auteur joua un rôle72 . Dans une jurisprudence qui n'est pas sans rappeler celle d' Alfenus 73, Pomponius notamment prévoit une a0 IF pour le cas d'un calice jeté à l'eau avec l'intention de causer un

69 Ulp. Coll. 12,7,5

Sed plerisque Aquilia lex locum habere non videtw; et ita Celsus libro XXXVII digestorum scribit. ait enim 'si stipulam incendentis ignis effugit, Aquilia lege eum non teneri, sed in factum agendum, quia non principaliter hic exussit, sed dum aliud egit, sic ignis processif'. Cf. aussi Ulp. Coll. 12,7,6.

Cf. SELB, Fonnulare Analogien Il, 757s.; NôRR, Causa mortis, 172ss, distingue (pour [ex]urere) entre la causa principalis sanctionnée par l'a0 LA et la causa per accidens qui entraîne une a0 IF (176).

70 Cf. D. 9,2,39pr, supra 62s. et II. D. 82ss.

7! Pour un exemple de raffinement peut-être même trop subtil, sans grande chance d'être suivi, cf. Julien Ulp. D. 9,2,11,5 qui prend comme critère pour l'a0 LA ou IF si le chien était tenu en laisse ou non.

72 Sur le champ d'application de l'a0 IF ad exemplum legis Aquiliae, cf. aussi WITTMANN, Kôrperverletzung, 112s.

73 Ulp. D. 19,5,3.

dommage 74, de même qu'un certain Quintus s'en prend avec une a0 IF à celui qui, par miséricorde- ici certainement une forme d'intention éthiquement fondée -libéra un esclave ligoté15. Ulpien, finalement, donne une a0 IF pour l'effacement ou la lecture publique d'un document chirographaire, si l'auteur a agi avec l'intention de causer un dommage76

En martelant le contenu d'urere, etc., Ulpien montre que la définition exacte des termes de la LA, et donc l'étendue du champ de l'a0 LA et sa délimitation par rapport à l'a0 IF, reste à son époque toujours une préoccupa-tion majeure77.

Il réserve explicitement 1' a0 LA aux dommages infligés ipso suo corpore 78 et, dans de nombreux exemples, se sert de l'a0 IF pour des dommages infligés indirectement non corpore79, non corpori80 et/ou intentionnellement81

Les exceptions les plus importantes à ce schéma concernent l'extension de la légitimation active. La première exception concerne Ulp. D. 4,3,7,4, où 1 'extension de la légitimation active du propriétaire à 1 'usufruitier se fait di-rectement avec l'a0 LA82. Ulpien fait une autre exception dans D. 9,2,17, où il se sert de l'ao IF pour l'extension de la légitimation active du propriétaire au bonae fidei possessor et au créancier gagiste: Si do minus servum suum occiderit, bonae fi dei possessori vel ei qui pignori accepit in factum actione tenebitur83. Rappelons que, selon le texte de la loi, la légitimation active revient au dominus/erus du bien endommagé. Ulpien ne peut donc pas accor-der l'a0 LA au possesseur de bonne foi ou au créancier gagiste sans s'écarter du texte de la loi. Pour néanmoins protéger ces deux catégories de titulaires de droits contre le propriétaire qui, à leur détriment, tua son propre esclave, il leur accorde une a0 IF. Ulpien n'est pas le premier à soulever la question de

Les exceptions les plus importantes à ce schéma concernent l'extension de la légitimation active. La première exception concerne Ulp. D. 4,3,7,4, où 1 'extension de la légitimation active du propriétaire à 1 'usufruitier se fait di-rectement avec l'a0 LA82. Ulpien fait une autre exception dans D. 9,2,17, où il se sert de l'ao IF pour l'extension de la légitimation active du propriétaire au bonae fidei possessor et au créancier gagiste: Si do minus servum suum occiderit, bonae fi dei possessori vel ei qui pignori accepit in factum actione tenebitur83. Rappelons que, selon le texte de la loi, la légitimation active revient au dominus/erus du bien endommagé. Ulpien ne peut donc pas accor-der l'a0 LA au possesseur de bonne foi ou au créancier gagiste sans s'écarter du texte de la loi. Pour néanmoins protéger ces deux catégories de titulaires de droits contre le propriétaire qui, à leur détriment, tua son propre esclave, il leur accorde une a0 IF. Ulpien n'est pas le premier à soulever la question de