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Le texte initial de la lex Aquilia

Nous ne connaissons pas avec certitude l'énoncé initial de la lex Aquilia (LA). Gaius et Ulpien mentionnent trois chapitres' que chacun formule à sa façon. Dans les innombrables tentatives de reconstruction du texte primitif2, les auteurs ne sont pas arrivés à un résultat clair. Leurs efforts se concentrent principalement sur Gai. D. 9,2,2pr pour le chap. 1 et Ulp. D. 9,2,27,5 pour le chap. III, le chap. II étant tombé en désuétude3, mis à l'écart par l'actio mandati directa4.

D. 9,2,2pr (Gaius libro septimo ad edictum provinciale)

Lege Aquilia capite primo cavetur: 'ut qui servum servamve alienum alienamve quadrupedem vel pecudem iniuria occiderit, quanti id in eo anno plurimi fuit, tantum a es dare domino damnas esta':

D. 9,2,27,5 (Ulpianus libro octavo decima ad edictum)

Tertio autem capite ait eadem lex Aquilia: 'Ceterarum rerum praeter hominem et pecudem occisos si quis a/teri damnum faxit, quod usserit

1 Pour le chap. 1: Gai. D. 9,2,2pr; Gai. 3,210; Ulp. D. 9,2,2,3. Pour le chap. II: Gai. 3,215;

Ulp. D. 9,2,27,4. Pour le chap. III: Gai. 3,217 et 218; Ulp. D. 9,2,27,5. CANNATA, CARLO AUGUSTO, Delitto e obbligazione, in: Illecito e pena privata in età repubblicana.

Atti del convegno internazionale di diritto romano. Copanello 1990, Napoli 1992, 23-45, 34s., compte quatre normes, puisque Gaius mentionne en plus dans D. 9,2,2,1 la disposition adversus infitiantem in duplum actionem esse(t).

2 Bibliographies sélectionnées dans CROOK, J. A., Lex Aquilia, Athenaeum 62/1984, 67-77, 67s.; CANNATA, CARLO AUGUSTO, Sul testo originale della Lex Aquilia: premesse e ricostruzione del primo capo (cité: Sul testo originale), SDHI 58/1992, 194-214; ZIM-MERMANN, REINHARD, The law of obligations. Roman foundations of the civilian tradi-tion (cité: Obligatradi-tions), repr. München 1993, 959ss; VALDITARA, GIUSEPPE, Damnum iniuria datum, in: Derecho romano de obligaciones. Homenaje al Profesor José Luis Murga Gener, Madrid 1994, 825-885, 830ss; CANNATA, CARLO AUGUSTO, Sul testo della lex Aquilia e la sua portata originaria (cité: Sul testo della lex Aquilia), in: La responsabilità civile da atto illecito nell a prospettiva storico-comparatistica, (éd. LETIZIA VACCA), Torino 1995, 25-57. Sur les origines et les circonstances d'élaboration de la LA, voir aussi WESTBROOK, RAYMOND, The cohérence of the lex Aquilia, RIDA 42/

1995, 437-471.

Gai. 3,215; Ulp. D. 9,2,27,4. Pour une tentative de reconstruction du chap. II, cf. CANNATA, CARLO AUGUSTO, Considerazioni sul testo e la portata originaria del secundo capo della «Lex Aquilia», Index 22/1994, 151-162.

4 KASER, RPR 1, 660.

fregerit ruperit iniuria, quanti ea res erit in diebus triginta proximis, tantum aes domino dare damnas esto. '

Pour le chap. I, les tentatives récentes5 de reconstruction reprennent de Gai.

D. 9,2,2pr: ... alienum alienamve ... iniuria occiderit, quanti ... in eo anno plurimifuit, tantum aes dare ero damnas esto.

Les divergences portent principalement sur le début du texte qui com-mencerait par Si quis servum servam ... quadrupedem pecudem ... 6, par Si hominem ... 7 ou par Si quis servum servamve ... vel pecudem alienam ... 8.

Une autre discussion concerne les termes suivant quanti qui seraient quanti id ... 9, quanti is homo ... 10, quanti ea res ... 11, et quanti is homo vel ea pecus

... 12 • En outre, on considère le domino comme une adaptation du ero devenu désuet à l'époque classique13

Pour les tentatives de reconstruction du chap. III à partir de Ulp. D.

9,2,27,5, la discussion porte aussi largement sur le début du fragment. Les auteurs récents adoptent la structure Si quis a/teri damnum (damni injuriam14) faxit, quod usserit fregerit ruperit (iniuria15), quanti ea res erit (fuit16) in

diebus triginta proximis tantum aes ero dare damnas esto17.

Dans une autre reconstruction, Pugsley révise sa position (supra) et pro-pose: Ceterarum rerum quod usserit ruperit fregerit, quanti in die bus XXX proximisfuitiS, sans cependant donner des raisons qui justifieraient l'aban-don notamment du terme iniuria.

5 Cf. notes infra.

6 CROOK, Lex Aquilia, 77; VALDITARA, GIUSEPPE, Superamento dell'aestimatio rei nella valutazione del danno aquiliano ed estensione della tutela ai non domini (cité:

Superamento), Milano 1992, 2, parle de quadrupedemve pecudem alienam ...

7 PUGSLEY, David, Si quis alteri damnum faxit, in: Americans are aliens and other essays on roman law (cité: Americans), Exeter 1989, 46.

8 CANNATA, Sul testo originale, 214.

9 CROOK, Lex Aquilia, 77.

10 PUGSLEY, Americans, 46. Il remplace en outre fiât par fidsset.

Il VALDITARA, Superamento, 3.

12 CANNATA, Sul testo originale, 214.

l3 Ulp. D. 9,2,11,6

Legis autem Aquiliae actio ero competit, hoc est domino.

14 PUGSLEY, Damni injuria, TR 36/1968, 371-386, 379.

15 CROOK, Lex Aquilia, 77; VALDITARA, Superamento, 3.

16 V ALDITARA, Superamento, 3; BEHRENDS, ÜKKO/KNÜTEL, ROLF/KUPISCH, BERTHOLD/

SElLER, HANS HERMANN, Corpus iuris civilis. Text und Übersetzung II (cité: Corpus Il), Heidelberg 1995, 747, n. 1.

17 Pour texte et littérature des chap. I et III, KASER, RPR I, 161; II, 437 n. 7.

18 PUGSLEY, Americans, 50.

DAMNUM INJURIA DATUM

Mis à part cette dernière tentative qui aboutit à une solution très éloignée des sources, on adopte aujourd'hui à juste titre une position plutôt conserva-trice en refusant des interventions massives dans les deux textes. Dans sa reconstruction du chap. 1, Cannata montre qu'Ulpien connaissait probable-ment les textes originaux de la LA et qu'il procédait pour l'essentiel à une modernisation terminologique, sans transformations fondamentales des frag-mentsi9. Il adopte des critères sévères pour toute modification.

En conséquence, la bonne connaissance probable qu'avaient les juristes classiques des textes originaux de la LA, le caractère nécessairement spécu-latif de toute correction des sources et une relative convergence des études récentes justifient de rejeter toute correction majeure des deux fragments et d'admettre pour le chap. 1 le texte Gai. D. 9,2,2pr sans le ut initial, éventuel-lement sans le quadrupedem redondant puisque tout pecus est quadrupes et, éventuellement, avec quanti is homo vel ea pecus à la place du quanti id.

Pour le chap. III, Ulp. D. 9,2,27,5 paraît très proche de la formulation ini-tiale. Outre l'introduction Ceterarum rerum praeter hominem et pecudem occisos qui fait figure d'un simple rappel des dispositions du chap. 1 et qui n'est généralement pas repris dans les dernières reconstructions20, la seule correction éventuelle, mais importante pour le mode de calcul du quantum, serait de mettre fuit à la place du erit qui pourrait provenir d'une erreur de transcription2I.

Par conséquent, les deux textes peuvent être admis sous la forme suivante:

Gai. D. 9.2.2pr

[Lege Aquilia capite primo cavetur: 'ut] qui servum servamve alienum alienamve [quadrupedem] vel pecudem iniuria occiderit, quanti id in eo anno plurimi fuit, tantum a es dare domino damnas esto ':

Ulp. D. 9,2,27,5

[Tertio autem capite ait eadem lex Aquilia: 'Ceterarum rerum praeter hominem et pecudem occisos] si quis alteri damnumfaxit, quod usserit fregerit ruperit iniuria, quanti ea res fuit in diebus triginta proximis,

tantum a es domino dare damnas esto '.

19 CANNATA, Sul testo originale, 201, 204s.

20 Sauf PUGSLEY, Americans, cf. supra, mais voir déjà PERN! CE, ALFRED, Zur Lehre von den Sachbeschiidigungen nach rômischem Recht (cité: Sachbeschiidigungen), Weimar 1867, llss, 14.

21 Ulp. D. 9,2,29,8 donne fuit. Bibliographie sélectionnée des auteurs admettant fiât à la place deerit chez ZIMMERMANN, Obligations, 963, n. 80. Voir aussi CROOK, Lex Aquilia, 77, qui admet erit; VALDITARA, Superamento, 3 et BEHRENDS, etc., Corpus II, 747, n. 1, admettent filit.

B. Damnum Iniuria Datmn: articulation centrale de la lex Aquilia En premier lieu, notre analyse tend à démontrer que la formule damnum iniuria datum (DID) renferme le noyau conceptuel autour duquel la LA s'est articu-lée dès ses origines jusqu'à la codification justinienne22. Lié dans le texte de la LA à 1' occidere, ure re, fran gere, rumpere, le D ID fut progressivement élargi par la jurisprudence et revêtait, déjà à l'époque classique, un degré d'abstraction élevé. Au cours de cette évolution, la responsabilité civiles' élargit d'un état de faits précisé limitativement par le texte de la loi, à un principe général de responsabilité qui s'étendait, finalement, à toute forme de dom-mage23.

La terminologie du concept DID varie légèrement. Il prend la forme de damnum iniuriafacere/factum, etc.24, dedamnum iniuria dareldatum, etc.25,

ou d'autres expressions proches. Dans la discussion de cas concrets, le damnum dare, qui est une expression générale pour les dommages visés par la LA, peut être remplacé par 1 'acte concret comme occidere ou vulnerare. Si Julien demande Si magister in disciplina vulneraverit servum vel occiderit, an Aquilia teneatur, quasi damnum iniuria dederit?26, il prend vulnerare et occidere comme des formes spécifiques dedamnum dare.

La structure du DID se trouve déjà dans la formulation initiale de la LA.

Dans le texte du chap. 127, iniuria occiderit est une forme concrète du DID.

Occidere spécifie le damnum dare. Il précise à la fois le dare, qui est l'acte concret de 1' auteur, et le damnum, la mort de la victime comme conséquence de l'acte.

Le chap. III fait ressortir aussi clairement le lien entre l'acte concret et son expression abstraite. Si quis al teri damnum faxit, quod usserit fregerit ruperit iniuria28 établit un lien explicite entre le damnumfacere et ses modes particuliers qui sont urere, frangere, rumpere. Damnum pose la condition normative d'un dommage etfacere résume les actes qui conduisent au dom-22 Selon ALBANESE, BERNARDO «Con questa espressione si designa( ... ) la più importante

figura di danneggiamento prevista dall'ordinamento giuridico romano ... », Damnum iniuria datum, Novissimo Digesto Italiano 5, Torino 1960, 110.

23 «Risultato di questa grandiosa opera di interpretazione è la formazione di una nozione di damnum iniuria ben più generale e vicina a quella moderna che non quella originariamente prevista dai plebiscito aquiliano», ALBANESE, idem, 111.

24 Ulp. D. 9,2,27,5; Alf. D. 9,2,52,1.

25 P. ex. Ulp. D. 9,2,7,4; 11,7; 27,17; 49,1; Gai. 3,211, mais aussi Alf. D. 9,2,52,1 (cf. infra).

26 Ulp. D. 9,2,5,3.

27 Gai. D. 9,2,2pr.

28 Ulp. D. 9,2,27,5.

DAMNUM INJURIA DATUM

mage. Le quod usserit fregerit ruperit spécifie le facere qui est un terme générique, en précisant le mode d'action et le dommage causé. Les trois ver-bes se rapportent en même temps à la façon d'agir de 1' auteur, mais surtout à l'effet concret de l'acte: ustum29,fi·actum30, ruptum31 .

Le damnumfaxit, quod usseritfregerit ruperit a une forme ambivalente.

D'une part, le damnum faxit est en principe ouvert à toute forme de dom-mage. D'autre part, sa spécification quod usserit fregerit ruperit restreint l'application de la loi à certains modes d'agir suivis d'effets dommageables précis.

La première occurrence littérale du DID apparaît dans Alf. D. 9,2,52,132.

Le récit des faits, selon lequel un tavernier creva un oeil à un passant qui avait dérobé une lampe posée devant la taverne, se conclut par la question

29 P. ex. Ulp. D. 9,2,27,8; 9; 10; 16.

30 P. ex. Ulp. D. 9,2,27,16; Iav. D. 9,2, 57.

31 P. ex. Ulp. D. 9,2,27,22; 34; 29,2; Gai. 3,217.

32 Alf. D. 9,2,52,1

Tabernarius in semita noctu supra lapidem lucernam posuerat: quidam praeteriens eam sustulerat tabernarius eum consecutus lucernam reposcebat et fitgientem retinebat:

ille flagella, quod in manu habebat, in quo do/or inerat, verberare tabernarium coeperat, ut se mitteret: ex eo mai ore rixa Jacta tabernarius ei, qui lucernam sustulerat, oculum effoderat: consul ebat, nwn damnum iniuria non videtur dedisse, quoniam prior flagella percussus esset. respondi, ni si data opera effodisset oculum, non videri damnum iniuria fecisse, culpam enim penes ew11, qui priorjlagello percussit, residere: sed si ab eo no11 prior vapulasset, sed cum ei lucernam eripere velle/, rixatus esse!, tabernarii cu/pa factum videri.

Différentes parties du raisonnement juridique ont été soupçonnées d'interpolation, dont notamment celle portant sur la cu/pa et la proposition nisi data opera effodisset oculum.

Voir le résumé critique de VISKY, KAROL, La responsabilité dans Je droit romain à la fin de la république, RIDA 3/1949, 437-484, 45Jss, qui tient ici cu/pa pour originaire, désignant la culpabilité qui serait située entre l'acte intentionnel et non intentionnel;

LÜBTOW, Untersuchungen zur lex Aquilia de damno iniuria dato (cité: Untersuchungen), Berlin 1971, 108 passim; SCHIPANI, Responsabilità, 168s., 172 n. 7, à propos de la propositionnisi, etc. Critique par rapport à Schipani CANNAT A, CARLO AUGUSTO, Genesi et vicende della col pa aquiliana, Labeo 17/1971, 64-82, 71; WITTMANN, ROLAND, Die Kôrperverletzung am Freien im klassischen rômischen Recht (cité: Kôrperverletzung), München 1972, 99s., n'exclut pas que la victime, le quidam praeterie11s, était libre, mais ne suspecte pas le fragment d'interpolation; ni WACKE, ANDREAS, Notwehr und Notstand bei der aquilischen Haftung, ZSS 106/1989, 469-501, 484ss; ni VALDITARA, Superamento, 357ss. Les critiques d'interpolation citées ont laissé indemnes les ex-pressions damnum i11iuria 11011 videtur dedisse et non videri damnum iniuriafecisse qui nous intéressent plus particulièrement. CANNATA, CARLO AUGUSTO, Sul problema della responsabilità nel diritto privato romano, Catania 1996 (cité: Responsabilità, 1996), 112; cf. aussi CANNATA, CARLO AUGUSTO, Sul problema della responsabilità in diritto privato romano, Iura 44/1993, 1-83, 7ss.

juridique de la consultation: num damnum iniuria non videtur dedisse et la réponse d' Alfenus: respondi, ... , non videri damnum iniuriafecisse.

Avec le damnum iniuriafacere, Alfenus reprend dans sa réponse la ter-minologie du chap. III si quis a/teri damnumfaxit ... iniuria. S'il maintient un lien étroit avec le texte original, ille reformule néanmoins avec une légère variation en utilisant, dans la question, damnum iniuria dare à la place de damnum iniuriafacere. Le sens des deux expressions est évidemment le même.

Cependant, la formulation de la questionnum damnum iniuria non videtur dedisse ne montre pas seulement un léger éloignement formel du texte initial, mais contient également une évolution de fond. Oculum effodere, qui est sans doute un dommage au sens du texte de la LA, n'est pas évalué à 1 'aide du rumpere auquel il correspondrait précisément, mais est confronté directe-ment à la formule plus large du DID. Autredirecte-ment dit, contrairedirecte-ment au texte initial de la LA qui mettait côte à côte le DID et ure re, fran gere, rumpere, Alfenus dissocie ici le concept général et la terminologie spécifique.

Avec la séparation de l'urere,fi·angere, rumpere et du damnum iniuria dare(facere, Alfenus porte la LA à un nouveau degré d'abstraction, où les modalités précises de l'acte fixées dans la LA s'effacent devant une notion générale de damnum dare. Désormais, le DID peut en principe s'appliquer à toute forme de dommage, indépendamment de la manière dont il a été infligé.

Alfenus ne fait en l'occurrence pas une utilisation isolée du DID. Le videtur de la formulation damnum iniuria non videtur dedisse laisse enten-dre que l'emploi en était déjà courant à l'époque de la rédaction du fragment.

Alfenus lui-même l'utilise une autre fois dans D. 9,2,52,233 . Il n'y précise même pas la nature du dommage qui, selon le contexte, peut être aussi bien un ure re, frange re, rumpere qu'un occidere accidentel par une arme échap-pée de la main: si quis ex manu telum aut aliud quid immisisset, damnum iniuria daret.

A partir d' Alfenus, 1' emploi de la formule DID se généralise et entre dans la terminologie juridique courante34. Le DID désigne chez Gai us la res-ponsabilité pour tout dommage qui ne relève pas du chap. 1 et qui va de urere, frangere, rumpere à toute forme de détérioration: quod quoquo modo corruptum est . ... quoquo modo viti a ta a ut perempta at que deteriora facta35

33 Cf. infra 86ss.

34 Parmi les emplois complets du DID, sans tenir compte des occurrences amputées comme damnum dare, etc.: Proc./Ulp. D. 9,2,7,3; Iui./Ulp. D. 9,2,5,3; 11,7; lui. D. 13,6,19;

Gai. 3,217; Paul. D. 9,2,30,2; Ulp. D. 9,2,27,17; 29,7; I. 4,3,13.

35 Gai. 3,217.

DAMNUM INJURIA DATUM

A l'instar d'Alfenus, Julien et Ulpien appliquent le DID à l'ensemble de la responsabilité aquilienne36.

Cependant, le DID n'a pas remplacéoccidere, urere,frangere etrumpere, mais a été utilisé parallèlement. Alfenus par exemple continue à appliquer frangere lorsque l'état de fait s'y prête37. De même, Gaius38 et Ulpien39

ana-lysent des cas selon occidere, urere, frangere, rumpere ou d'autres verbes spécifiques, comme Justinien qui reprend cette terminologie40.

Pour Ulpien, rumpere, mais certainement aussioccidere, urere etfrangere sont des formes spécifiques dudamnum dare: Rupisse eum utique accipiemus, qui vulneraverit, ... ,si damnum iniuria datum esf1, de même quecorrumpere en est une espèce: nam alia quaedam species dam ni est ipsum quid corrumpere et mutare42. En d'autres termes, le rapport entre le DID et l' occidere, ure re,

36 Ulp. D. 9,2,5,3; 49,1.

37 Alf. D. 9,2,52,4.

38 P. ex. Gai. D. 9,2,4pr; 19,2,25,7; 47,9,9pr; Gai. 3,217; 219; 223.

39 P. ex. Ulp. 9,2,27,3; 9,2,27,6; 8; 12; 14; 29.

40 P. ex. 1. 4,3,13; 14; 16.

41 Coll. 2,4,1 Ulpianus libroXVIII ad edictum sub titulo sifatebitur iniuria occisum esse, simplum et cum diceret.

Rupisse eum utique accipiemus qui vulneraverit, vel virgis vel loris vel pugnis caedit, vel tel a quove a lia vis genere sciderit hominis corpus vel tumoremfecerit sed ita demum, si damnum datum est. ceterum si in m1llo selvwn pretia viliorem deterioremve fecerit, Aquilia cessat iniuriarumque erit agendum. e1go et si pretia quidem non sit deterior factus se1vus, verum sumptus in salutem eius et sanitatem facti su nt, in haec nec mi hi videri damni Aquilia lege agi passe.

D. 9,2,27,17

Rupisse eum utique accipiemus, qui vulneraverit, vel virgis vel Joris vel pugnis ceci dit, vel telo vel quo a lia, ut scinderet alicui corpus, vel tumorem.fecerit, sed ita demum, si damnum iniuria datum est ceterum si milio se1vum pretia viliorem deterioremve fecerit, Aquilia cessai iniuriarumque erit agendum dumtaxat: Aquilia enim eas ruptiones, quae damna dant, persequitw: e1go etsi pretia quidem non sit deterior servus factus, verum sumptus in salutem eius et sanitatem facti sunt, in haec mihi videri damnum datum:

atque ideoque lege Aquilia agi passe.

WITTMANN, Kôrperverletzung, 100, considère D. 9,2,27,17 comme interpolé. Pour SCHIPANI, Responsabilità, 416 n. 12, Ulp. 9,2,27,17 est altéré. Selon ANKUM, HANS, L'actio de pauperie et l'actio legis Aquiliae dans le droit romain classique, in: Studi Sanfilippo Il, Milano 1982, pp. 11-59, 56, le fragment Coll. 2,4,1 est le texte original, alors que Ulp. D. 9,2,27,17 serait évidemment interpolé. VALDITARA, Superamento, 206, 252ss, soutient que les deux textes reflètent deux périodes différentes, l'une clas-sique et l'autre justinienne. Cf. aussi CANNATA, Responsabilità 1996, 43 n. 91.

42 Ulp. D. 9,2,27,14

Et ideo Celsus quaerit, si lolium aut avenam in segetem alienam inieceris, quo eam tu inquinares, non solum quod vi a ut clam dominum passe agere vel, si locatus fundus sit, colonum, sed et in factum agendum, et si colon us eam exercuit, cavere eum debere amplius non agi, scilicet ne dominus amplius inquiete!: nam alia quaedam species

frangere, rumpere et corrumpere est celui de genus à species. La différence dans l'ordre de généralité laisse au juriste le choix entre une terminologie générique ou spécifique, selon les particularités du cas concret.

C. Damnum Iniuria Datum: Fait et Droit

La formulation initiale de la LA contient in nuee une séparation entre fait et droit. Dans le chap. I, occidere résume dans un seul terme l'essentiel de l'état de fait. Dans le chap. III, qui a un champ d'application plus étendu, damnum faxit, quod usserit fregerit ruperit énumère succinctement les actes et les dommages visés. Iniuria regroupe dans les deux chapitres les raisonnements en droit qui culminent dans l'acquittement ou dans le verdict tantum aes domino (ero) dare damnas esta. La même séparation se trouve dans le DID.

Damnum dare/facere désigne génériquement l'acte et le dommage, alors qu'iniuria renvoie à l'évaluation des faits à la lumière du droit.

Nos analyses montrent que la structure fondamentale fait-droit, qui ca-ractérise encore le droit moderne, détermine la LA dès ses débuts jusqu'à la codification justinienne. En même temps et surtout, elle en fixe la méthode de travail et conduit le raisonnement juridique.

Méthode et raisonnement sont directement calqués sur le texte de la LA.

La démarche juridique suit deux étapes: (i) En fait: occidere, urere,frangere, rumpere/damnum facere ( dare); (ii) En droit: iniuria, avec, le cas échéant, fixation du dommage: damnas est o. Le juriste commence par vérifier (i) 1' exis-tence d'un dommage et d'un auteur. L'absence de l'un ou de l'autre met un terme à sa démarche. Si les conditions du damnum datum sont remplies, il vérifie (ii) si 1 'acte a été commis iniuria ou s'il est éventuellement justifié par les circonstances. S'il y a iniuria, il fixe le montant de la réparation.

Ulp. D. 9,2,27,2543 montre de manière détaillée la partie en fait de ce raisonnement. Il s'agit de savoir si la LA est applicable à celui qui a cueilli damni est ipsum quid corrumpere et mutare, ut lex Aquilia locwn habeat, alia nulla ipsius mutatione applicare aliud, cuius molesta separatio sit.

MACCORMACK, GEOFFREY, Celsus quaerit: D. 9,2,27,14, RIDA 20/1973, 341-348, 34ls.

(n.l), tient le récit qu'Ulpien avait fait de la discussion pour fortement résumé, respec-tivement condensé par les compilateurs. La formulation initiale de Celsus serait per-due. Toutefois, Celsus lui-même aurait conclu au corrumpere (343). CERAMI, PIETRO,

(n.l), tient le récit qu'Ulpien avait fait de la discussion pour fortement résumé, respec-tivement condensé par les compilateurs. La formulation initiale de Celsus serait per-due. Toutefois, Celsus lui-même aurait conclu au corrumpere (343). CERAMI, PIETRO,