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La responsabilité aquilienne romaine : damnum iniuria datum

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Book

Reference

La responsabilité aquilienne romaine : damnum iniuria datum

WINIGER, Bénédict

WINIGER, Bénédict. La responsabilité aquilienne romaine : damnum iniuria datum . Bâle : Helbing & Lichtenhahn, 1997, 193 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:5626

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LA RESPONSABILITÉ AQUILIENNE ROMAINE

Damnum Iniuria Datum

DROIT ET HISTOIRE

Helbing & Lichtenhahn

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COLLECTION GENEVOISE

La responsabilité aquilienne romaine

Damnum Iniuria Datum

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COLLECTION GENEVOISE

Bénédict Winiger

La responsabilité aquilienne romaine

Damnum Iniuria Datum

Helbing & Lichtenhahn Bâle et Francfort-sur-le-Main 1997

Faculté de Droit de Genève

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Winiger, Bénédict

La responsabilité aquilienne romaine : damnum iniuria datum 1

Bénédict Winiger. Faculté de Droit de Genève. -Bâle ; Francfort-sur-le-Main : Helbing et Lichtenhahn, 1997

(Collection genevoise: Droit et histoire) ISBN 3-7190-1623-4

Tous droits réservés. L'œuvre et ses parties sont protégées par la loi. Toute utilisation en dehors des limites de la loi demande l'accord préalable de l'éditeur.

ISBN 3-7190-1623-4

Numéro de commande 21 01623

© 1997 by Helbing & Lichtenhahn, Bâle Conception graphique: Vischer & Vettiger, Bâle Printed in Switzerland

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Ainsi donc, les actions sont dites justes et modérées quand elles sont telles que les accomplirait l'homme juste ou l'homme modéré; mais est juste et modéré non pas celui qui les accomplit simplement, mais ce- lui qui, de plus,les accomplit de la façon dont les hom- mes justes et modérés les accomplissent. On a donc raison de dire que c'est par l'accomplissement des ac- tions justes qu'on devient juste, et par l'accomplisse- ment des actions modérées qu'on devient modéré, tan- dis qu'à ne pas les accomplir nul ne saurait jamais être en passe de devenir bon.

ARISTOTE, Ethique à Nicomaque

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Avant-Propos

Cet ouvrage, mis à jour au 31 décembre 1996, n'a pu être écrit que grâce à l'aide de nombreuses personnes et d'Institutions et, peut-être, avec le concours discret des Fata. Je voudrais les assurer ici de toute ma gratitude.

Plus particulièrement, je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance à Monsieur le Professeur Bruno Schmidlin pour le soutien exceptionnel qu'il a apporté à l'élaborationde ce livre. Par ses conseils et observations, il m'a fait bénéficier de sa longue expérience de recherche et par sa bienveillance ami- cale il m'a rendu le travail allègre. J'espère que notre collaboration se prolon- gera bien au-delà.

Je tiens également à remercier Monsieur le Professeur Carlo Augusto Cannata pour la relecture de mon manuscrit et les remarques critiques dont il a bien voulu me faire part.

Mes remerciements s'adressent également à Messieurs les Professeurs Mario Talamanca, Preside della Facoltà di Giurisprudenza de l'Università degli Studi di Roma «La Sapienza» et Feliciano Serrao, Di retto re del Istituto di diritto romano «Vittorio Scialoja» pour l'accueil généreux qu'ils m'ont réservé dans leur institut pendant mes recherches romaines en 1995/96. L' em- ploi sans restriction des fonds de bibliothèque m'a été d'une aide inestimable.

Le Fonds national suisse de la recherche scientifique a généreusement soutenu mon projet. L'Institut Suisse de Rome m'a offert un cadre de vie exceptionnel. De même, la Faculté de Droit de l'Université de Genève a fi- nancé la présente publication. Que les autorités respectives soient vivement remerciées. Leur aide a contribué de manière décisive à 1 'achèvement du pré- sent travail.

Je suis également obligé vis-à-vis de mes amis romains et genevois pour avoir agrémenté les travaux en cours.

Et surtout, je sais gré à mon amie et épouse Anastazja d'avoir consenti à un séjour romain prolongé qui nous a rendus encore plus complices.

Genève,juillet 1997 BÉNÉDICT WINIGER

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TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos ... 7

Abréviations des ouvrages principalement utilisés ... 11

Introduction ... 15

1. DAMNUM INJURIA DATUM ... 23

A. Le texte initial de la lex Aquilia ... 23

B. Damnum iniuria datum: articulation centrale de la lex Aquilia ... 26

C. Damnum iniuria datum: Fait et Droit ... 30

D. Le sens premier de la lex Aquilia: le dédommagement ... 33

Il. EN FAIT: DAMNUM DATUM ... 37

A. Damnum: nature du dommage ... 37

1. Les formes d'endommagement ... 37

2. Dommage matériel et économique ... 38

B. Datum: désignation générique de l'acte conduisant au dommage 45 1. Occidere ... 45

2. Urere,frangere, rumpere ... 49

3. Corrumpere ... 52

4. Quasi occidere, urere, fran gere, rumpere, corrumpere ... 55

C. Damnum datum: rapport de causalité ... 56

1. Formes de causalité ... 58

2. Extension de la notion de causalité ... : ... 61

3. Causam mortis praestare et causam mortis praebere ... 69

4. Causalité et omittere ... 78

D. Damnum datum: intention ... 82

III. EN DROIT: INJURIA ... 95

A. Iniuria: évaluation juridique du damnum datum ... 95

1. Aperçu historique ... 95

(12)

2. Fonction et signification de l'iniuria dans la lex Aquilia ... 98

B. Critères de l'iniuria ... 100

1. En général ... 100

2. Cu/pa et diligentia ... 116

IV. CALCUL DU DÉDOMMAGEMENT: TANTUM AES DARE DOMINODAMNASEST0 ... 139

A. Délais de calcul du dommage ... 139

1. Chapitre I ... 139

2. Chapitre III ... 141

B. Mode de calcul du dédommagement ... 142

1. Plurimi ... 142

2. Estimation du dommage: interesse ... 144

3. Dommage certain et calculable ... 147

4. Ea res ... 147

V. LES ACTIONS ... 151

A. Actio le gis Aquiliae ... 151

B. Les actions concurrentes ... 154

1. Actio In Factum ... 159

2. Actio Utilis ... 167

3. Le rapport entre actiones Legis Aquiliae, In Factum et Utilis ... 170

C. Extension de la responsabilité aquilienne et diversification des actions ... 173

VI. CONCLUSIONS ... 179

A. Le raisonnement En Fait ... 181

B. Le raisonnement En Droit ... 182

C. Calcul du dédommagement ... 183

D. Moyens procéduraux ... 184

E. Rapports entre la lex Aquilia et la responsabilité civile moderne ... 185

INDEX ... 189

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ABRÉVIATIONS DES OUVRAGES PRINCIPALEMENT UTILISÉS

ALBANESE, Studi

ANKUM, Kausalitiit

BARTON, lex Aquilia

BEHRENDS, Corpus II

BEHRENDS, Exegese

BEHRENDS, Gesetz

CANNATA, Per Jo studio

CANNATA, Responsabilità, 1992 CANNATA, Responsabilità, 1996

CANNATA, Sul testo della lex Aquilia

ALBANESE, BERNARDO, Studi sulla leg- ge Aquilia, Annali del seminario della Università di Palermo 21/1950, 5-349.

ANKUM, HANS, Das Problem der «über- holenden Kausalitiit» bei der Anwen- dung der lex Aquilia im klassischen rô- mischen Recht, in: De Iustitia et lure.

Festgabe für Ulrich von Lübtow zum 80.

Geburtstag, Berlin 1980, 325-358.

BARTON, J.L., The lex Aquilia and de- cretai actions, in: Daube noster, Edin- burgh, etc. 1974 (Allan Watson éd.), 15-25.

BEHRENDS, ÜKKO (et al.), Corpus iuris civilis. Text und Übersetzung Il, Digesten 1-10, Heidelberg 1995.

BEHRENDS, ÜKKO, Rômischrechtliche Exegese: Das deliktische Haftungs- system der lex Aquilia, Jus 11/1985, 878-885.

BEHRENDS, ÜKKO, Gesetz und Sprache, in: Nomos und Gesetz. Ursprünge und Wirkungen des griechischen Gesetzes- denkens, Gôttingen 1995, 135-249.

CANNATA, CARLO AUGUSTO, Per Jo stu- dio della responsabilità per colpa ne!

diritto romano classico, Milano 1969.

CANNAT A, CARLO AUGUSTO, Sul proble- ma della responsabilità ne! diritto pri- vato romano, Iura 43/1992, 1-82.

CANNAT A, CARLO AUGUSTO, Sul proble- ma della responsabilità ne! diritto pri- vato romano, Catania 1996.

CANNATA, CARLO AUGUSTO, Sul testo della lex Aquilia e la sua portata origi- naria, in: La responsabilità civile da atto illecito nella prospettiva storico- comparatistica. I Congresso internazio- nale ARISTEC, Madrid 1993, Torino

1995 (a cura di Letizia Vacca), 25-57.

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CANNATA, Sul testo originale

Collected Studies I et II

CROOK, Lex Aquilia DAUBE, Damnum

DAUBE, Nocere and noxa

HAUSMANINGER, Schadenersatzrecht

KASER,RPR

LIEBS, Klagenkonkurrenz LQR

LÜBTOW, Untersuchungen

MACCORMACK, Aquilian Studies MACCORMACK, Dolus

MANFREDINI, lniuria

PERNICE, Sachbeschiidigungen

CANNATA, CARLO AUGUSTO, Sul testo originale della lex Aquilia: Premesse e ricostruzione del primo capo, SDHI 58/

1992, 194-214.

DAUBE, DAVID, Collected Studies in Ro- man law (2 vol.), édités par David Cohen et Dieter Simon, Frankfurt 1991.

CROOK, J. A., Lex Aquilia, Athenaeum 62/1984, 67-77.

DAUBE, DAVID, On the use of the term damnum, in: Collected Studies I, édités par David Cohen et Dieter Simon, Frankfurt 1991,279-340 (aussi in: Studi Solazzi, Napoli 1948, 93-156).

DAUBE, DAVID, Nocere and noxa, in:

Collected Studies I, 71-102 (aussi in:

Cambridge Law Journal, 7/1939, 23-54).

HAUSMANINGER, HERBERT, Das Schaden- ersatzrecht der lex Aquilia, Wien 1996 (5. Auflage).

KASER, MAX, Das rômische Privatrecht, München 1971 (2. Auflage ).

LIEBS, DETLEV, Die Klagenkonkurrenz im rômischen Recht, Gôttingen 1972.

The Law Quarterly Review (London).

LÜBTOW, ULRICH VON, Untersuchungen zur lex Aquilia de damno iniuria dato, Berlin 1971.

MACCORMACK, GEOFFREY, Aquilian Studies, SDHI 4111975, 1-78.

MACCORMACK, GEOFFREY, Dolus, Culpa, Custodia and Diligentia. Criteria ofliability or content of obligation, Index 22/1994, 189-209.

MANFREDINI, ARRIGO, Contributi allo studio dell' «iniuria» in età repubblica- na, Milano 1977.

PERNICE, ALFRED, Zur Lehre von den Sachbeschiidigungen nach rômischem Recht, Weimar 1867.

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PUGSLEY, Americans

RIDA

Roman Statutes

SCHIPANI, Diritto romano

SCHIPANI, lex Aquilia

SCHIPANI, Responsabilità

SDHI

SELB, Formate Analogien 1

SELB, Formate Analogien II

SOTTY, Actions utiles

Studi Biscardi Studi Grosso Studi Sanfilippo TR

ABRÉVIATIONS

PUGSLEY, DAVID, Americans are aliens and other essays on roman law, Exeter 1989.

Revue internationale des droits de 1 'An- tiquité.

Roman Statutes, edited by M.H. Crawford, London 1996.

SCHIPANI, SANDRO, Diritto romano e at- tuali esigenze della responsabilità civi- le: pluralità di prospettive e ruolo della culpa come criterio elaborato dalla scien- za del diritto nell'interpretazione della lex Aquilia, Studia luri di ca 1211985, 251-279.

SCHIPANI, SANDRO, Lex Aquilia, culpa, responsabilità, in: Illecito e pena priva- ta in età repubblicana. Atti del conve- gno internazionale di diritto romano.

Copanello 1990, Napoli 1992 (a cura di Francesco Milazzo), 129-187.

SCHIPANI, SANDRO, Responsabilità «ex lege Aquilia». Criteri di imputazione e problema della «culpa», Torino 1969.

Studia et Documenta Historiae et Iuris SELB, WALTER, Formate Analogien in

«Actiones utiles» und «actiones in factum» am Beispiel Julians, in: Studi Biscardi III, Milano 1982, 315-350.

SELB, WALTER, Formale Analogien in

«Actiones utiles» und «actiones in factum» vor Julian, in: Studi Sanfilippo 5, Milano 1984,729-759.

SOTTY, RICHARD, Les actions qualifiées d'«utiles» en droit classique, Labeo 25/

1979, 139-162.

Studi in onore di Arnaldo Biscardi, Mi- lano 1982.

Studi in onore di Giuseppe Grosso, To- rino 1972.

Studi in onore di Cesare Sanfilippo, Milano 1982.

Tjidschrift voor Rechtsgeschiedenis.

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V ALDITARA, Damnum iniuria datum

V ALDITARA, Superamento

V ALINO, Acciones pretorias

V ALINO, Actiones utiles V6LKL, Kôrperverletzung

WESEL, Statuslehre

WILLVONSEDER, Conditio

WITTMANN, Kôrperverletzung

ZIMMERMANN, Obligations

Autres abréviations a0 IF

a0 LA a0 U DID LA

V ALDITARA, GIUSEPPE, Damnum iniuria datum, in: Derecho romano de obliga- ciones. Homenaje al Profesor José Luis Murga Gener, Madrid 1994, 825-885.

V ALDITARA, GIUSEPPE, Superamento dell'aestimatio rei nella valutazione del danno aquiliano ed estensione della tu- tela ai non domini, Milano 1992.

V ALINO, EMILIO, Acciones pretorias comple- mentarias de la accion civil de la ley aquilia, Pamplona 1973.

V ALINO, EMILIO, Actiones utiles, Pam- plona 1974.

VôLKL, ARTUR, Die Verfolgung der Kôr- perverletzung im frühen rômischen Recht, Wien 1984.

WESEL, UWE, Rhetorische Statuslehre und Gesetzesauslegung der rômischen Juristen, Kôln, etc. 1967.

WILLVONSEDER, REINHARD, Die Verwen- dung der Denkfigur der «condicio sine qua nom> bei den rômischen Juristen, Wien, etc. 1984.

WITTMANN, ROLAND, Die Kôrperverlet- zung an Freien im klassischen rômischen Recht, München 1972.

ZIMMERMANN, REINHARD, The law of obligations. Roman foundations of the civilian tradition, München 1993 (re- print).

actio in factum actio legis Aquiliae actio utilis

damnum iniuria datum lex Aquilia

(17)

INTRODUCTION

Depuis plusieurs décennies déjà, la notion de responsabilité se trouve en pleine évolution. Le développement rapide des sciences et de la technique place l'homme devant un nouveau défi. Parmi les possibilités toujours plus nom- breuses qui lui sont offertes, il doit choisir celles qu'il veut réaliser et celles à rejeter. L'ampleur des moyens disponibles dans un monde physiquement li- mité met enjeu ses intérêts vitaux et lui interdit de se tromper.

Tant pour le philosophe que pour le juriste, la responsabilité est devenue un instrument privilégié pour répondre à ce défi. En philosophie, elle est sur- tout un critère pour déterminer les actes autorisés ou interdits et pour définir les attitudes à adopter. En droit par contre, sa fonction est essentiellement de nature réparatrice et répressive, destinée à dédommager le lésé et à sanction- ner la violation normative. Accessoirement, elle peut servir d'instrument de prévention.

Les législateurs- ceux surtout du monde industrialisé- cherchent à ré- pondre aux nouveaux problèmes en perfectionnant leurs réglementations. Les pays européens de droit codifié reformulent les dispositions générales sur la responsabilité civile 1 ou complètent et multiplient les lois spéciales2•

Cette évolution, qui répond à un besoin accru de sécurité des victimes potentielles, ne pose pas seulement de nombreux problèmes techniques, elle impose des options dirigistes qui soutiendront le développement vers une so- ciété sécuritaire ou, inversement, vers une société à risque. Par les normes adoptées, le législateur peut favoriser les activités dangereuses en offrant une haute protection à l'auteur potentiel d'un dommage ou, au contraire, le dé- courager en soutenant la victime à 1' aide de moyens de défense efficaces.

Le législateur est aussi appelé à se prononcer sur le type de justice à instaurer en faisant supporterle dommage soit à 1' auteur, soit à la victime ou encore à la société dans son ensemble.

Finalement, il se trouve confronté à des questions d'ordre éthique. Selon la distribution des risques sur les différents acteurs, il détermine dans quelle mesure l'individu répond de ses actes.

1 Le législateur suisse travaille depuis 1988 à une révision totale du droit de la responsa- bilité civile.

2 P. ex. la loi Badinter de 1985 qui tente d'améliorer la situation des victimes d'accidents de la circulation; cf. aussi la loi suisse sur l'aide aux victimes d'infractions de 1991 qui cherche à assister les victimes d'atteintes à l'intégrité corporelle, sexuelle et psycholo- gique. Sur le plan contractuel, voir notamment le Deutsches Produkthaftungsgesetz de 1989 et la loi suisse du fait des produits de 1993.

(18)

Dans la discussion juridique moderne, les problèmes décrits sont princi- palement centrés autour de la notion de faute. L'auteur du dommage répond- il seulement de sa faute ou est-il responsable de tout dommage causé, indé- pendamment des circonstances? Chacune des deux options présente des avantages et des défauts. Acceptant le danger inhérent à l'activité humaine, la responsabilité pour faute décharge malheureusement 1' auteur du dommage au détriment de la victime. Mais cette solution renferme aussi un atout. Une analyse détaillée des faits et une évaluation précise de la faute permettent une jurisprudence nuancée, adaptée au cas particulier. La responsabilité causale produit des effets exactement inverses. Plus frileuse à l'égard des risques de la vie, elle protège efficacement la victime et offre à l'auteur du dommage moins de possibilités de se soustraire à la réparation de celui-ci. Par contre, en faisant abstraction d'un comportement- fautif ou non- de 1' auteur, elle observe avec moins de précision les circonstances du cas d'espèce et aboutit à des jugements moins nuancés. Par ailleurs, selon une doctrine plus an- cienne\ le fait de ne pas tenir compte de la faute réduirait les problèmes à leur aspect purement matériel et porterait atteinte aux fondements moraux de la responsabilité civile qui visaient aussi à protéger la dignité de 1 'homme.

Les racines historiques du débat moderne sur la responsabilité civile re- montent jusqu'au droit romain. C'est la lex Aquilia (LA) (3e siècle avant notre ère) qui en a fixé les grandes lignes. Le principe du dédommagement de la victime- trait révolutionnaire de la loi par rapport aux législations précé- dentes-, mais aussi la triple exigence pour une réparation- un dommage, un acte dommageable et un acte illicite- marquent encore nos législations. La jurisprudence romaine a ensuite ajouté à la responsabilité, qui était à l'ori- gine purement causale, la responsabilité pour faute et a ainsi fait naître les concepts qui sont encore les plus disputés dans le débat contemporain: faute,

diligence, négligence, etc. ·

Évidemment, le débat romain n'a jamais atteint 1' ampleur thématique qui nous paralyse aujourd'hui. Essentiellement pragmatique, il est concentré sur l'utilitas de la loi, le dédommagement, auquel il subordonne toute l'in- terprétation. Attentive d'abord au déroulement desfaits pour assurer au lésé la meilleure protection, la jurisprudence romaine confère à des notions comme la faute une portée limitée. Elles servent de moyens termes pour juger si l'auteur du dommage a agi avec la diligence requise. C'est plus tard seulement, lors- que la théologie néo-scolastique et la philosophie jusnaturaliste s'emparent

3 STARK, EMIL W., Probleme der Vereinheitlichung des Haftpflichtrechts, Bâle 1967, 13;

cf. aussi GJLLIARD, FRANÇOIS, Vers l'unification du droit de la responsabilité, Bâle 1967, 316.

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INTRODUCTION

du droit, que la faute, et plus généralement le droit dans son ensemble, sont chargés de valeurs morales. Alors seulement, 1' auteur du dommage répond à la fois du dommage matériel causé et de la transgression normative qui est considérée comme un péché. Cette influence, qui se fera sentir encore au 19e et même au 20e siècle, n'est qu'une conséquence indirecte de la LA, dont la jurisprudence n'a pas ou peu recouru à la morale ou à l'éthique, mais qui a

préparé la voie à une telle évolution.

Le même constat est vrai aussi pour des problèmes connexes qui tracas- sent nos législateurs. Si le choix entre responsabilité subjective et objective, qui nous paraît aujourd'hui crucial, préoccupait déjà les juristes romains, ils adoptaient de cas en cas des solutions souples. Encore une fois très pragma- tique, la jurisprudence accentuait les investigations concernant les faits, lors- que les circonstances, l'impératif d'une justice équilibrée ou 1'utilitas de la loi l'exigeaient, mais sans s'enchaîner à un principe rigide de subjectivité ou d'objectivité. Le débat sur les deux systèmes- subjectif ou objectif- a pris du poids plus tard seulement, sans doute sous l'influence de la philosophie kantienne qui érige la responsabilité individuelle en maxime. Ici encore, la jurisprudence romaine a ouvert différentes possibilités d'évolution à la res- ponsabilité civile. Mais ce sont les héritiers lointains seulement, au deuxième millénaire, qui ont mis en exergue le sujet autonome et responsable.

Le présent ouvrage est le premier volume d'une monographie sur la res- ponsabilité civile, de la LA au droit moderne. Il étudie le concept aquilien romain de responsabilité et en retrace 1 'évolution des origines au droit classi- que.

D'abord, il met en évidence la structure fondamentale, la méthode juri- dique et la finalité de la LA.

Le damnum iniuria datum (DID) exprime la structure fondamentale de la LA. Il résume sous forme générale et abstraite le iniuria occiderit et le damnum faxit, quod usserit fregerit ruperit iniuria des chap. 1 et III de la LA.

Le DID fournit en même temps la méthode d'application de la LA. Le damnum datum regroupe les considérations En Fait. L' iniuria se rapporte à 1' ensemble du raisonnement En Droit.

La finalité de la LA est le dédommagement du lésé. Elle découle de la conséquence juridique attachée au DID: tantum aes dare domino damnas esta. Le législateur met la réparation du dommage au centre de la LA. L'auteur d'un acte dommageable doit remplacer à la victime exactement la valeur du dommage causé.

(20)

La présente analyse suit l'ordre du raisonnement imposé par le DID. Elle étudie les différentes étapes de l'application de la LA et la transformation progressive des catégories normatives par la jurisprudence.

Le juriste romain qui traite d'un problème de responsabilité civile com- mence son travail par l'analyse des faits. Si les conditions légales dudamnum datum sont remplies, il poursuit avec le raisonnement En Droit. Sinon, il met immédiatement fin à son investigation.

Dans la partie En Fait, 1edamnum désigne le dommage infligé par l'auteur de l'acte. Le datum représente l'acte dommageable. Le caractère général et abstrait de 1' expression damnum datum permet à la jurisprudence d'étendre le champ d'application des occidere, urere,frangere, rumpere du texte de la loi à toute forme de corrumpere et finalement même à toute forme de dom- mage et à toutes les formes d'agir. Cette extension progressive met ledamnum au centre de la LA et efface les modalités de 1 'acte.

Dans la partie En Droit, le terme iniuria résume l'ensemble des raison- nements en droit. Il est l'évaluation juridique du damnum datum. Pour arri- ver au verdict iniuria, les parties au procès et le juge se servent de critères auxiliaires qu'ils choisissent en principe librement.

Le raffinement de 1' observation des faits, qui verra la jurisprudence tenir compte même des actes de volonté et des intentions de l'auteur, influence le raisonnement En Droit. Les juristes allongent la liste des critères auxiliaires pour motiver 1' iniuria.

Parmi les critères auxiliaires se trouvent des termes comme diligentia et neglegentia, mais surtout la notion de culpa qui désigne une personne et lui reproche le damnum datum comme un acte inadéquat.

Le jugement iniuria ouvre la voie à l'évaluation du dommage. Le juge fixe avec précision le dommage causé et tient compte, le cas échéant, de la valeur résiduelle de la chose partiellement endommagée.

Le raffinement des catégories En Fait et En Droit et leur extension modi- fient et complètent aussi les actiones mises à disposition du demandeur qui fait valoir ses prétentions. A côté de 1'actio legis Aquiliae (a0 LA) qui est applicable lorsque le damnum datum correspond au sens littéral de la LA, les juristes développent notamment l' actio in factum (a0 IF) et l' actio utilis (a0 U) qui couvrent généralement les cas de damnum datum autres que occidere, ure re, fran gere, rumpere.

Par rapport aux ordres juridiques modernes, les conclusions de la pré- sente étude ne montrent pas seulement que notre droit est tributaire de la LA jusqu'à en reprendre fidèlement les concepts, mais que les débats actuels s'inscrivent dans une continuité millénaire. Si l'évolution historique du droit romain nous permet de mieux comprendre les problèmes de responsabilité

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INTRODUCTION

civile, on ne peut pas exclure que l'expérience romaine de presque huit siè- cles puisse nous apporter des éclaircissements et, peut-être même, des élé- ments de réponse aux problèmes actuels.

Sur le plan méthodologique, nous avons renoncé à la critique interpolationniste, rejetée aujourd'hui unanimement, car elle n'a pas trouvé de critères décisifs pour désigner les textes intacts ou corrompus et elle a échoué dans la tentative de retrouver la forme authentique des textes selon des critères d'un style classique préconçu.

La méthode d'interprétation doit d'abord tenir compte de la structure de la LA et de sa jurisprudence. Regroupés par les codificateurs autour des thèmes respectifs des chap. I (occidere) et III (urere, etc.), les fragments ont été arrachés au discours dans lequel les différents juristes les avaient placés dans leurs œuvres. Sortis de leur contexte, ils ne retiennent en général qu'un élément précis qui éclaircit un point spécifique ou un aspect particulier d'un problème.

Sollicitée par ce texte composé de fragments éparpillés, la recherche a essayé de reconstituer au moins les positions et points de vue respectifs des différent juristes. Cette méthode procède par des exégèses reconstructives individuelles qui nous apprennent souvent des faits ponctuels. Ainsi, nous savons que la formule causam mortis praebere a peut-être servi de base à Ofilius pour 1 'actio in factum4, que le damnum iniuria datum apparaît pour la première fois textuellement chez Alfenus, ou encore que l'extension du terme rumpere à corrumpere a déjà été effectuée par les veteres. Ces apports individuels des jurisconsultes s'intègrent dans la jurisprudence, contribuent à la façonner et marquent l'interprétation de la loi. Si elles sont sans doute nécessaires et si leurs résultats sont évidemment précieux pour la recherche, les tentatives de reconstruire les contributions des différents juristes négligent cependant le fait primordial que 1' interprétation de la LA ne se limite pas aux fragments singuliers, mais les situe toujours dans le contexte global de toute la jurisprudence.

Les juristes romains eux-mêmes recouraient régulièrement à l'ensemble des précédents disponibles. Comme point de départ pour leurs interpréta- tions, ils prenaient toujours, implicitement ou explicitement, la loi. Si le texte seul ne suffisait pas, les points litigieux étaient tranchés à la lumière de la jurisprudence. Le recours à la tradition juridique se faisait souvent diachroniquement et pouvait confronter des opinions ou précédents de plu-

4 N6RR, DIETER, Causa mortis, München 1986, 212.

(22)

sieurs siècles5. A côté des principes mêmes de la loi, cette méthode récapitu- lative et parfois même circulaire mettait au centre des considérations les rè- gles jurisprudentielles que les juristes reprenaient pour faire évoluer 1 'appli- cation de la loi. Ainsi, la jurisprudence a-t-elle toujours été étroitement liée à sa propre tradition qu'elle modifiait avec précaution, pour en prolonger les grandes lignes qui imprégnaient sa propre évolution.

Par conséquent, il nous semble que l'interprétation de la LA doit néces- sairement tenir compte de tous les textes disponibles. Les considérations sui- vantes, liées directement à la structure de la LA et de sa jurisprudence, ont principalement détetminé notre méthode de travail.

Premièrement, la formulation succincte de la LA a conduit à une juris- prudence spécifiquement structurée. L'interprétation extensive de la loi n'élar- gissait pas seulement les termes occidere, urere, frangere, rumpere, mais aussi, nous l'avons dit, le lien causal entre l'acte et le dommage et dévelop- pait même des concepts auxiliaires pour statuer sur l'iniuria. Grâce à cette extension progressive, la jurisprudence renforçait la LA par une deuxième structure, formée de notions comme causam mortis praestare, damnum iniuria datum, empare, cu !pa, neglegentia et, sur le plan procédural, des actiones IF et U, etc. Ces termes formaient au-dessous de la LA un deuxième filet norma- tif qui était plus souple et permettait de saisir les cas qui ne tombaient pas directement sous le coup de la loi.

C'est la discussion de cette jurisprudence graduée qui prend des formes particulières. Les juristes semblent travailler avec un matériel casuistique réduit en petits cas qui illustrent les lignes directrices et forment, ensemble, les grandes orientations de la jurisprudence. Ils s'en servent comme précé- dents d'une pratique établie, pour motiver, par analogie ou ex contrario, leur propre point de vue et pour formuler leur sentence.

Nous pensons que la structure et le mode de travail décrits entraînent les conséquences méthodologiques suivantes. Si 1 'on ne veut pas se perdre dans un travail exégétique pointilleux, chargé de reconstructions hypothétiques et de conjectures, il faut, à l'instar des juristes romains eux-mêmes, traiter les fragments non pas comme une série de solutions de cas isolés, mais comme des règles de portée plus étendue, extraites de discussions et de cas précé- dents, et comprimées en règles casuistiques (Fallrechtsregeln). Ces dernières se situent entre la casuistique proprement dite et les règles juridiques abstrai- tes. De la première, elles se distinguent par le caractère succinct du récit qui ne retient pas l'ensemble des faits, mais seulement les points essentiels par

5 Parmi d'autres seulement Ulp. D. 9,2,5,2; Ulp. D. 9,2, 11; Ulp. D. 9,2,29,3 et, surtout, Ulp. D. 43,24,7,4.

(23)

INTRODUCTION

rapport à un problème précis. Des secondes elles diffèrent par la présence d'un récit de faits concrets qui limitent le degré de généralité de la règle juri- dique énoncée. Exprimées comme les chap. 1 et III sous la forme condition- nelle «si. .. alors, ... »,elles font figure de sous-règles de la LA et spécifient des cas de figure qui ne sont pas envisagés de manière détaillée dans la loi.

Une analyse à la fois thématique et chronologique petmet alors de déga- ger, à 1' aide de cette double structure normative, les éléments qui relient 1 'en- semble des fragments. Le présent travail veut montrer les règles de base contenues dans le texte de la LA et les catégories juridiques que la jurispru- dence a mises en place pour faire face aux problèmes qu'elle était appelée à résoudre. Dans cette perspective, l'intérêt n'est pas porté sur les contribu- tions individuelles des différents juristes, mais sur les principes juridiques qui ceignent la responsabilité aquilienne et qui en conduisent 1' interprétation.

(24)
(25)

1.

DAMNUM

INJURIA DATUM

A. Le texte initial de la lex Aquilia

Nous ne connaissons pas avec certitude l'énoncé initial de la lex Aquilia (LA). Gaius et Ulpien mentionnent trois chapitres' que chacun formule à sa façon. Dans les innombrables tentatives de reconstruction du texte primitif2, les auteurs ne sont pas arrivés à un résultat clair. Leurs efforts se concentrent principalement sur Gai. D. 9,2,2pr pour le chap. 1 et Ulp. D. 9,2,27,5 pour le chap. III, le chap. II étant tombé en désuétude3, mis à l'écart par l'actio mandati directa4.

D. 9,2,2pr (Gaius libro septimo ad edictum provinciale)

Lege Aquilia capite primo cavetur: 'ut qui servum servamve alienum alienamve quadrupedem vel pecudem iniuria occiderit, quanti id in eo anno plurimi fuit, tantum a es dare domino damnas esta':

D. 9,2,27,5 (Ulpianus libro octavo decima ad edictum)

Tertio autem capite ait eadem lex Aquilia: 'Ceterarum rerum praeter hominem et pecudem occisos si quis a/teri damnum faxit, quod usserit

1 Pour le chap. 1: Gai. D. 9,2,2pr; Gai. 3,210; Ulp. D. 9,2,2,3. Pour le chap. II: Gai. 3,215;

Ulp. D. 9,2,27,4. Pour le chap. III: Gai. 3,217 et 218; Ulp. D. 9,2,27,5. CANNATA, CARLO AUGUSTO, Delitto e obbligazione, in: Illecito e pena privata in età repubblicana.

Atti del convegno internazionale di diritto romano. Copanello 1990, Napoli 1992, 23- 45, 34s., compte quatre normes, puisque Gaius mentionne en plus dans D. 9,2,2,1 la disposition adversus infitiantem in duplum actionem esse(t).

2 Bibliographies sélectionnées dans CROOK, J. A., Lex Aquilia, Athenaeum 62/1984, 67- 77, 67s.; CANNATA, CARLO AUGUSTO, Sul testo originale della Lex Aquilia: premesse e ricostruzione del primo capo (cité: Sul testo originale), SDHI 58/1992, 194-214; ZIM- MERMANN, REINHARD, The law of obligations. Roman foundations of the civilian tradi- tion (cité: Obligations), repr. München 1993, 959ss; VALDITARA, GIUSEPPE, Damnum iniuria datum, in: Derecho romano de obligaciones. Homenaje al Profesor José Luis Murga Gener, Madrid 1994, 825-885, 830ss; CANNATA, CARLO AUGUSTO, Sul testo della lex Aquilia e la sua portata originaria (cité: Sul testo della lex Aquilia), in: La responsabilità civile da atto illecito nell a prospettiva storico-comparatistica, (éd. LETIZIA VACCA), Torino 1995, 25-57. Sur les origines et les circonstances d'élaboration de la LA, voir aussi WESTBROOK, RAYMOND, The cohérence of the lex Aquilia, RIDA 42/

1995, 437-471.

Gai. 3,215; Ulp. D. 9,2,27,4. Pour une tentative de reconstruction du chap. II, cf. CANNATA, CARLO AUGUSTO, Considerazioni sul testo e la portata originaria del secundo capo della «Lex Aquilia», Index 22/1994, 151-162.

4 KASER, RPR 1, 660.

(26)

fregerit ruperit iniuria, quanti ea res erit in diebus triginta proximis, tantum aes domino dare damnas esto. '

Pour le chap. I, les tentatives récentes5 de reconstruction reprennent de Gai.

D. 9,2,2pr: ... alienum alienamve ... iniuria occiderit, quanti ... in eo anno plurimifuit, tantum aes dare ero damnas esto.

Les divergences portent principalement sur le début du texte qui com- mencerait par Si quis servum servam ... quadrupedem pecudem ... 6, par Si hominem ... 7 ou par Si quis servum servamve ... vel pecudem alienam ... 8.

Une autre discussion concerne les termes suivant quanti qui seraient quanti id ... 9, quanti is homo ... 10, quanti ea res ... 11, et quanti is homo vel ea pecus

... 12 • En outre, on considère le domino comme une adaptation du ero devenu désuet à l'époque classique13

Pour les tentatives de reconstruction du chap. III à partir de Ulp. D.

9,2,27,5, la discussion porte aussi largement sur le début du fragment. Les auteurs récents adoptent la structure Si quis a/teri damnum (damni injuriam14) faxit, quod usserit fregerit ruperit (iniuria15), quanti ea res erit (fuit16) in

diebus triginta proximis tantum aes ero dare damnas esto17.

Dans une autre reconstruction, Pugsley révise sa position (supra) et pro- pose: Ceterarum rerum quod usserit ruperit fregerit, quanti in die bus XXX proximisfuitiS, sans cependant donner des raisons qui justifieraient l'aban- don notamment du terme iniuria.

5 Cf. notes infra.

6 CROOK, Lex Aquilia, 77; VALDITARA, GIUSEPPE, Superamento dell'aestimatio rei nella valutazione del danno aquiliano ed estensione della tutela ai non domini (cité:

Superamento), Milano 1992, 2, parle de quadrupedemve pecudem alienam ...

7 PUGSLEY, David, Si quis alteri damnum faxit, in: Americans are aliens and other essays on roman law (cité: Americans), Exeter 1989, 46.

8 CANNATA, Sul testo originale, 214.

9 CROOK, Lex Aquilia, 77.

10 PUGSLEY, Americans, 46. Il remplace en outre fiât par fidsset.

Il VALDITARA, Superamento, 3.

12 CANNATA, Sul testo originale, 214.

l3 Ulp. D. 9,2,11,6

Legis autem Aquiliae actio ero competit, hoc est domino.

14 PUGSLEY, Damni injuria, TR 36/1968, 371-386, 379.

15 CROOK, Lex Aquilia, 77; VALDITARA, Superamento, 3.

16 V ALDITARA, Superamento, 3; BEHRENDS, ÜKKO/KNÜTEL, ROLF/KUPISCH, BERTHOLD/

SElLER, HANS HERMANN, Corpus iuris civilis. Text und Übersetzung II (cité: Corpus Il), Heidelberg 1995, 747, n. 1.

17 Pour texte et littérature des chap. I et III, KASER, RPR I, 161; II, 437 n. 7.

18 PUGSLEY, Americans, 50.

(27)

DAMNUM INJURIA DATUM

Mis à part cette dernière tentative qui aboutit à une solution très éloignée des sources, on adopte aujourd'hui à juste titre une position plutôt conserva- trice en refusant des interventions massives dans les deux textes. Dans sa reconstruction du chap. 1, Cannata montre qu'Ulpien connaissait probable- ment les textes originaux de la LA et qu'il procédait pour l'essentiel à une modernisation terminologique, sans transformations fondamentales des frag- mentsi9. Il adopte des critères sévères pour toute modification.

En conséquence, la bonne connaissance probable qu'avaient les juristes classiques des textes originaux de la LA, le caractère nécessairement spécu- latif de toute correction des sources et une relative convergence des études récentes justifient de rejeter toute correction majeure des deux fragments et d'admettre pour le chap. 1 le texte Gai. D. 9,2,2pr sans le ut initial, éventuel- lement sans le quadrupedem redondant puisque tout pecus est quadrupes et, éventuellement, avec quanti is homo vel ea pecus à la place du quanti id.

Pour le chap. III, Ulp. D. 9,2,27,5 paraît très proche de la formulation ini- tiale. Outre l'introduction Ceterarum rerum praeter hominem et pecudem occisos qui fait figure d'un simple rappel des dispositions du chap. 1 et qui n'est généralement pas repris dans les dernières reconstructions20, la seule correction éventuelle, mais importante pour le mode de calcul du quantum, serait de mettre fuit à la place du erit qui pourrait provenir d'une erreur de transcription2I.

Par conséquent, les deux textes peuvent être admis sous la forme suivante:

Gai. D. 9.2.2pr

[Lege Aquilia capite primo cavetur: 'ut] qui servum servamve alienum alienamve [quadrupedem] vel pecudem iniuria occiderit, quanti id in eo anno plurimi fuit, tantum a es dare domino damnas esto ':

Ulp. D. 9,2,27,5

[Tertio autem capite ait eadem lex Aquilia: 'Ceterarum rerum praeter hominem et pecudem occisos] si quis alteri damnumfaxit, quod usserit fregerit ruperit iniuria, quanti ea res fuit in diebus triginta proximis,

tantum a es domino dare damnas esto '.

19 CANNATA, Sul testo originale, 201, 204s.

20 Sauf PUGSLEY, Americans, cf. supra, mais voir déjà PERN! CE, ALFRED, Zur Lehre von den Sachbeschiidigungen nach rômischem Recht (cité: Sachbeschiidigungen), Weimar 1867, llss, 14.

21 Ulp. D. 9,2,29,8 donne fuit. Bibliographie sélectionnée des auteurs admettant fiât à la place deerit chez ZIMMERMANN, Obligations, 963, n. 80. Voir aussi CROOK, Lex Aquilia, 77, qui admet erit; VALDITARA, Superamento, 3 et BEHRENDS, etc., Corpus II, 747, n. 1, admettent filit.

(28)

B. Damnum Iniuria Datmn: articulation centrale de la lex Aquilia En premier lieu, notre analyse tend à démontrer que la formule damnum iniuria datum (DID) renferme le noyau conceptuel autour duquel la LA s'est articu- lée dès ses origines jusqu'à la codification justinienne22. Lié dans le texte de la LA à 1' occidere, ure re, fran gere, rumpere, le D ID fut progressivement élargi par la jurisprudence et revêtait, déjà à l'époque classique, un degré d'abstraction élevé. Au cours de cette évolution, la responsabilité civiles' élargit d'un état de faits précisé limitativement par le texte de la loi, à un principe général de responsabilité qui s'étendait, finalement, à toute forme de dom- mage23.

La terminologie du concept DID varie légèrement. Il prend la forme de damnum iniuriafacere/factum, etc.24, dedamnum iniuria dareldatum, etc.25,

ou d'autres expressions proches. Dans la discussion de cas concrets, le damnum dare, qui est une expression générale pour les dommages visés par la LA, peut être remplacé par 1 'acte concret comme occidere ou vulnerare. Si Julien demande Si magister in disciplina vulneraverit servum vel occiderit, an Aquilia teneatur, quasi damnum iniuria dederit?26, il prend vulnerare et occidere comme des formes spécifiques dedamnum dare.

La structure du DID se trouve déjà dans la formulation initiale de la LA.

Dans le texte du chap. 127, iniuria occiderit est une forme concrète du DID.

Occidere spécifie le damnum dare. Il précise à la fois le dare, qui est l'acte concret de 1' auteur, et le damnum, la mort de la victime comme conséquence de l'acte.

Le chap. III fait ressortir aussi clairement le lien entre l'acte concret et son expression abstraite. Si quis al teri damnum faxit, quod usserit fregerit ruperit iniuria28 établit un lien explicite entre le damnumfacere et ses modes particuliers qui sont urere, frangere, rumpere. Damnum pose la condition normative d'un dommage etfacere résume les actes qui conduisent au dom- 22 Selon ALBANESE, BERNARDO «Con questa espressione si designa( ... ) la più importante

figura di danneggiamento prevista dall'ordinamento giuridico romano ... », Damnum iniuria datum, Novissimo Digesto Italiano 5, Torino 1960, 110.

23 «Risultato di questa grandiosa opera di interpretazione è la formazione di una nozione di damnum iniuria ben più generale e vicina a quella moderna che non quella originariamente prevista dai plebiscito aquiliano», ALBANESE, idem, 111.

24 Ulp. D. 9,2,27,5; Alf. D. 9,2,52,1.

25 P. ex. Ulp. D. 9,2,7,4; 11,7; 27,17; 49,1; Gai. 3,211, mais aussi Alf. D. 9,2,52,1 (cf. infra).

26 Ulp. D. 9,2,5,3.

27 Gai. D. 9,2,2pr.

28 Ulp. D. 9,2,27,5.

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DAMNUM INJURIA DATUM

mage. Le quod usserit fregerit ruperit spécifie le facere qui est un terme générique, en précisant le mode d'action et le dommage causé. Les trois ver- bes se rapportent en même temps à la façon d'agir de 1' auteur, mais surtout à l'effet concret de l'acte: ustum29,fi·actum30, ruptum31 .

Le damnumfaxit, quod usseritfregerit ruperit a une forme ambivalente.

D'une part, le damnum faxit est en principe ouvert à toute forme de dom- mage. D'autre part, sa spécification quod usserit fregerit ruperit restreint l'application de la loi à certains modes d'agir suivis d'effets dommageables précis.

La première occurrence littérale du DID apparaît dans Alf. D. 9,2,52,132.

Le récit des faits, selon lequel un tavernier creva un oeil à un passant qui avait dérobé une lampe posée devant la taverne, se conclut par la question

29 P. ex. Ulp. D. 9,2,27,8; 9; 10; 16.

30 P. ex. Ulp. D. 9,2,27,16; Iav. D. 9,2, 57.

31 P. ex. Ulp. D. 9,2,27,22; 34; 29,2; Gai. 3,217.

32 Alf. D. 9,2,52,1

Tabernarius in semita noctu supra lapidem lucernam posuerat: quidam praeteriens eam sustulerat tabernarius eum consecutus lucernam reposcebat et fitgientem retinebat:

ille flagella, quod in manu habebat, in quo do/or inerat, verberare tabernarium coeperat, ut se mitteret: ex eo mai ore rixa Jacta tabernarius ei, qui lucernam sustulerat, oculum effoderat: consul ebat, nwn damnum iniuria non videtur dedisse, quoniam prior flagella percussus esset. respondi, ni si data opera effodisset oculum, non videri damnum iniuria fecisse, culpam enim penes ew11, qui priorjlagello percussit, residere: sed si ab eo no11 prior vapulasset, sed cum ei lucernam eripere velle/, rixatus esse!, tabernarii cu/pa factum videri.

Différentes parties du raisonnement juridique ont été soupçonnées d'interpolation, dont notamment celle portant sur la cu/pa et la proposition nisi data opera effodisset oculum.

Voir le résumé critique de VISKY, KAROL, La responsabilité dans Je droit romain à la fin de la république, RIDA 3/1949, 437-484, 45Jss, qui tient ici cu/pa pour originaire, désignant la culpabilité qui serait située entre l'acte intentionnel et non intentionnel;

LÜBTOW, Untersuchungen zur lex Aquilia de damno iniuria dato (cité: Untersuchungen), Berlin 1971, 108 passim; SCHIPANI, Responsabilità, 168s., 172 n. 7, à propos de la propositionnisi, etc. Critique par rapport à Schipani CANNAT A, CARLO AUGUSTO, Genesi et vicende della col pa aquiliana, Labeo 17/1971, 64-82, 71; WITTMANN, ROLAND, Die Kôrperverletzung am Freien im klassischen rômischen Recht (cité: Kôrperverletzung), München 1972, 99s., n'exclut pas que la victime, le quidam praeterie11s, était libre, mais ne suspecte pas le fragment d'interpolation; ni WACKE, ANDREAS, Notwehr und Notstand bei der aquilischen Haftung, ZSS 106/1989, 469-501, 484ss; ni VALDITARA, Superamento, 357ss. Les critiques d'interpolation citées ont laissé indemnes les ex- pressions damnum i11iuria 11011 videtur dedisse et non videri damnum iniuriafecisse qui nous intéressent plus particulièrement. CANNATA, CARLO AUGUSTO, Sul problema della responsabilità nel diritto privato romano, Catania 1996 (cité: Responsabilità, 1996), 112; cf. aussi CANNATA, CARLO AUGUSTO, Sul problema della responsabilità in diritto privato romano, Iura 44/1993, 1-83, 7ss.

(30)

juridique de la consultation: num damnum iniuria non videtur dedisse et la réponse d' Alfenus: respondi, ... , non videri damnum iniuriafecisse.

Avec le damnum iniuriafacere, Alfenus reprend dans sa réponse la ter- minologie du chap. III si quis a/teri damnumfaxit ... iniuria. S'il maintient un lien étroit avec le texte original, ille reformule néanmoins avec une légère variation en utilisant, dans la question, damnum iniuria dare à la place de damnum iniuriafacere. Le sens des deux expressions est évidemment le même.

Cependant, la formulation de la questionnum damnum iniuria non videtur dedisse ne montre pas seulement un léger éloignement formel du texte initial, mais contient également une évolution de fond. Oculum effodere, qui est sans doute un dommage au sens du texte de la LA, n'est pas évalué à 1 'aide du rumpere auquel il correspondrait précisément, mais est confronté directe- ment à la formule plus large du DID. Autrement dit, contrairement au texte initial de la LA qui mettait côte à côte le DID et ure re, fran gere, rumpere, Alfenus dissocie ici le concept général et la terminologie spécifique.

Avec la séparation de l'urere,fi·angere, rumpere et du damnum iniuria dare(facere, Alfenus porte la LA à un nouveau degré d'abstraction, où les modalités précises de l'acte fixées dans la LA s'effacent devant une notion générale de damnum dare. Désormais, le DID peut en principe s'appliquer à toute forme de dommage, indépendamment de la manière dont il a été infligé.

Alfenus ne fait en l'occurrence pas une utilisation isolée du DID. Le videtur de la formulation damnum iniuria non videtur dedisse laisse enten- dre que l'emploi en était déjà courant à l'époque de la rédaction du fragment.

Alfenus lui-même l'utilise une autre fois dans D. 9,2,52,233 . Il n'y précise même pas la nature du dommage qui, selon le contexte, peut être aussi bien un ure re, frange re, rumpere qu'un occidere accidentel par une arme échap- pée de la main: si quis ex manu telum aut aliud quid immisisset, damnum iniuria daret.

A partir d' Alfenus, 1' emploi de la formule DID se généralise et entre dans la terminologie juridique courante34. Le DID désigne chez Gai us la res- ponsabilité pour tout dommage qui ne relève pas du chap. 1 et qui va de urere, frangere, rumpere à toute forme de détérioration: quod quoquo modo corruptum est . ... quoquo modo viti a ta a ut perempta at que deteriora facta35

33 Cf. infra 86ss.

34 Parmi les emplois complets du DID, sans tenir compte des occurrences amputées comme damnum dare, etc.: Proc./Ulp. D. 9,2,7,3; Iui./Ulp. D. 9,2,5,3; 11,7; lui. D. 13,6,19;

Gai. 3,217; Paul. D. 9,2,30,2; Ulp. D. 9,2,27,17; 29,7; I. 4,3,13.

35 Gai. 3,217.

(31)

DAMNUM INJURIA DATUM

A l'instar d'Alfenus, Julien et Ulpien appliquent le DID à l'ensemble de la responsabilité aquilienne36.

Cependant, le DID n'a pas remplacéoccidere, urere,frangere etrumpere, mais a été utilisé parallèlement. Alfenus par exemple continue à appliquer frangere lorsque l'état de fait s'y prête37. De même, Gaius38 et Ulpien39 ana-

lysent des cas selon occidere, urere, frangere, rumpere ou d'autres verbes spécifiques, comme Justinien qui reprend cette terminologie40.

Pour Ulpien, rumpere, mais certainement aussioccidere, urere etfrangere sont des formes spécifiques dudamnum dare: Rupisse eum utique accipiemus, qui vulneraverit, ... ,si damnum iniuria datum esf1, de même quecorrumpere en est une espèce: nam alia quaedam species dam ni est ipsum quid corrumpere et mutare42. En d'autres termes, le rapport entre le DID et l' occidere, ure re,

36 Ulp. D. 9,2,5,3; 49,1.

37 Alf. D. 9,2,52,4.

38 P. ex. Gai. D. 9,2,4pr; 19,2,25,7; 47,9,9pr; Gai. 3,217; 219; 223.

39 P. ex. Ulp. 9,2,27,3; 9,2,27,6; 8; 12; 14; 29.

40 P. ex. 1. 4,3,13; 14; 16.

41 Coll. 2,4,1 Ulpianus libroXVIII ad edictum sub titulo sifatebitur iniuria occisum esse, simplum et cum diceret.

Rupisse eum utique accipiemus qui vulneraverit, vel virgis vel loris vel pugnis caedit, vel tel a quove a lia vis genere sciderit hominis corpus vel tumoremfecerit sed ita demum, si damnum datum est. ceterum si in m1llo selvwn pretia viliorem deterioremve fecerit, Aquilia cessat iniuriarumque erit agendum. e1go et si pretia quidem non sit deterior factus se1vus, verum sumptus in salutem eius et sanitatem facti su nt, in haec nec mi hi videri damni Aquilia lege agi passe.

D. 9,2,27,17

Rupisse eum utique accipiemus, qui vulneraverit, vel virgis vel Joris vel pugnis ceci dit, vel telo vel quo a lia, ut scinderet alicui corpus, vel tumorem.fecerit, sed ita demum, si damnum iniuria datum est ceterum si milio se1vum pretia viliorem deterioremve fecerit, Aquilia cessai iniuriarumque erit agendum dumtaxat: Aquilia enim eas ruptiones, quae damna dant, persequitw: e1go etsi pretia quidem non sit deterior servus factus, verum sumptus in salutem eius et sanitatem facti sunt, in haec mihi videri damnum datum:

atque ideoque lege Aquilia agi passe.

WITTMANN, Kôrperverletzung, 100, considère D. 9,2,27,17 comme interpolé. Pour SCHIPANI, Responsabilità, 416 n. 12, Ulp. 9,2,27,17 est altéré. Selon ANKUM, HANS, L'actio de pauperie et l'actio legis Aquiliae dans le droit romain classique, in: Studi Sanfilippo Il, Milano 1982, pp. 11-59, 56, le fragment Coll. 2,4,1 est le texte original, alors que Ulp. D. 9,2,27,17 serait évidemment interpolé. VALDITARA, Superamento, 206, 252ss, soutient que les deux textes reflètent deux périodes différentes, l'une clas- sique et l'autre justinienne. Cf. aussi CANNATA, Responsabilità 1996, 43 n. 91.

42 Ulp. D. 9,2,27,14

Et ideo Celsus quaerit, si lolium aut avenam in segetem alienam inieceris, quo eam tu inquinares, non solum quod vi a ut clam dominum passe agere vel, si locatus fundus sit, colonum, sed et in factum agendum, et si colon us eam exercuit, cavere eum debere amplius non agi, scilicet ne dominus amplius inquiete!: nam alia quaedam species

(32)

frangere, rumpere et corrumpere est celui de genus à species. La différence dans l'ordre de généralité laisse au juriste le choix entre une terminologie générique ou spécifique, selon les particularités du cas concret.

C. Damnum Iniuria Datum: Fait et Droit

La formulation initiale de la LA contient in nuee une séparation entre fait et droit. Dans le chap. I, occidere résume dans un seul terme l'essentiel de l'état de fait. Dans le chap. III, qui a un champ d'application plus étendu, damnum faxit, quod usserit fregerit ruperit énumère succinctement les actes et les dommages visés. Iniuria regroupe dans les deux chapitres les raisonnements en droit qui culminent dans l'acquittement ou dans le verdict tantum aes domino (ero) dare damnas esta. La même séparation se trouve dans le DID.

Damnum dare/facere désigne génériquement l'acte et le dommage, alors qu'iniuria renvoie à l'évaluation des faits à la lumière du droit.

Nos analyses montrent que la structure fondamentale fait-droit, qui ca- ractérise encore le droit moderne, détermine la LA dès ses débuts jusqu'à la codification justinienne. En même temps et surtout, elle en fixe la méthode de travail et conduit le raisonnement juridique.

Méthode et raisonnement sont directement calqués sur le texte de la LA.

La démarche juridique suit deux étapes: (i) En fait: occidere, urere,frangere, rumpere/damnum facere ( dare); (ii) En droit: iniuria, avec, le cas échéant, fixation du dommage: damnas est o. Le juriste commence par vérifier (i) 1' exis- tence d'un dommage et d'un auteur. L'absence de l'un ou de l'autre met un terme à sa démarche. Si les conditions du damnum datum sont remplies, il vérifie (ii) si 1 'acte a été commis iniuria ou s'il est éventuellement justifié par les circonstances. S'il y a iniuria, il fixe le montant de la réparation.

Ulp. D. 9,2,27,2543 montre de manière détaillée la partie en fait de ce raisonnement. Il s'agit de savoir si la LA est applicable à celui qui a cueilli damni est ipsum quid corrumpere et mutare, ut lex Aquilia locwn habeat, alia nulla ipsius mutatione applicare aliud, cuius molesta separatio sit.

MACCORMACK, GEOFFREY, Celsus quaerit: D. 9,2,27,14, RIDA 20/1973, 341-348, 34ls.

(n.l), tient le récit qu'Ulpien avait fait de la discussion pour fortement résumé, respec- tivement condensé par les compilateurs. La formulation initiale de Celsus serait per- due. Toutefois, Celsus lui-même aurait conclu au corrumpere (343). CERAMI, PIETRO, La concezione celsina del ius, Annali Palermo 1985, 5-250, 12lss; VALDITARA, Superamento, 486s. passim.

43 Ulp. D. 9,2,27,25

Si olivam imnaturam decerpserit vel segetem desecuerit inmaturam vel vineas crudas, Aquilia tenebitur: quod si iam maturas, cessai Aquilia: nulla enim iniuria est, cum tibi

(33)

DAMNUM INJURIA DATUM

des raisins ou olives appartenant à autrui. Ulpien envisage deux hypothèses:

premièrement, (i) si les fruits n'étaient pas mûrs, ou s'il les a jetés par terre, il y a damnum (datum). (ii) Il y a iniuria et l'auteur sera tenu par le LA.

Deuxièmement, (i) si les raisins étaient mûrs, il n'y a pas de dommage (l'auteur ayant même évité au propriétaire les impenses des vendanges). (ii) Sans dommage, il n'y a pas d'iniuria et la LA ne s'applique pas. Dans ce deuxième cas de figure, l'absence de dommage qui relève des faits met un terme au raisonnement en droit et toute iniuria est exclue: quod si iam maturas, cessat Aquilia.

Paul D. 9,2,3144 met en évidence toute la complexité du raisonnement en droit. Si un élagueur a tué un passant avec une branche qu'il a jetée d'un arbre répond-il de la LA? Parmi les différentes solutions envisagées, nous esquissons seulement le raisonnement de Mucius. Étant donné qu'il y a mort d'homme, l'existence du damnum ne pose pas de problème. En revanche, d'autres éléments de fait déterminent le raisonnement en droit: par exemple, si l'élagueur n'avertitpas le passant avant dejeter la branche. (i) N'ayant pas averti le passant, 1 'auteur du dommage a agi fautivement; (ii) sa faute a consisté etiam impensas donaverit, quae in collectionem huiusmodi jh1ctuum impenduntur: sed si collecta haec interceperit, ji1rti tenetzu: Octavenus in uvis adicit, nisi, inquit, in terram uvas proiecit, ut effimderentur.

44 Paul. D. 9,2,31

Si putator ex arbore ramum cum deiceret vel machinarius hominem praetereuntem occidit, ita tenetur, si is in publicum decidat nec ille proclamavit, ut casus eius evita ri possit. sed Mucius etiam dixit, si in privato idem accidisset, possede cu/pa agi: culpam autem esse, quod cum a diligente provideri poterit, non esset provisum aut tum denuntiatum esset, cum periculum evitari non possit. secundum quam rationem non multum refert, per publicum an per privatum iter fieret, cum plerumque per privata loca vulgo iter fiat. quod si nullum iter erit, dolum dumtaxat praestare debet, ne immittat in eum, quem viderit transeuntem: nam culpa ab eo exigenda non est, cum divinare non potuerit, an per eum locum aliquis transiturus sit.

Après le doute radical de KUNKEL, WOLFGANG, Exegetische Studien zur aquilianischen Haftung, ZSS 45/1925, 266-351, 298ss et ZSS 49/1929, 158-187, !80s., certains auteurs plus récents tiennent la définition culpa autem esse, quod cum a diligente pmvideri poterit, non esset provisum pour interpolée. WITTMANN, Kôrperverletzung, 58 n. 36;

SCHIPANI, Responsabilità, 141ss, 144, voit dans ce passage non pas une définition gé- nérale, mais une règle particulière, applicable à des cas de figure partiellement diver- gents, également 371ss, 375s. LÜBTOW, Untersuchungen, 99s., avec une proposition de reconstruction du fragment; NôRR, DIETER, Causa mortis, 133ss, interprète le fragment sans modifications. Comme Schipani, ZIMMERMANN, Obligations, 1008 n. 69, inter- prète ce passage non pas comme une définition générale, mais comme une règle de circonstance. Voir aussi BEHRENDS, OKKO, Das Handwerk in vor- und frühgeschichtlicher Zeit, Rechtsformen des rômischen Handwerks, Gôttingen 1981, 145 n. 14; cf. aussi CARDILLI, RICCARDO, L'obligazione di «praestare» e la responsabilità contrattuale in diritto romano, Milano 1995, 194; CANNATA, Responsabilità, 1996, 45 n. 104 et 50s.

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à ne pas avoir prévu ce qu'une personne diligente aurait pu prévoir, ou, s'il l'a prévu, de ne pas avoir averti à temps le passant. (iii) L'auteur sera tenu par la LA.

Dans les deux cas, le raisonnement juridique est structuré par le D ID qui présuppose un damnum datum, sans lequel la question juridique sur 1' iniuria est sans objet. En conséquence, le juriste reconstruit d'abord les faits pour établir l'existence d'un dommage: Les fruits étaient-ils verts? Ont-ils été jetés par terre ou laissés à la disposition du propriétaire? L'élagueur a-t-il averti le passant? Si le damnum est établi, le juriste procède, dans la deuxième étape du raisonnement, à l'évaluationjuridique des faits reconstruits. S'il n'a pas averti le passant, l'élagueur a-t-il agi fautivement? Quelle est la notion de faute? Quelle est la notion de diligence? Dans la situation donnée, qu'aurait- on pu attendre d'une personne diligente? Les réponses à ces questions de droit conduisent le juriste à décider s'il y ainiuria ou non, et à fixer éventuel- lement le montant du dédommagement.

Les structure et méthode du DID sont présentes dans tous les cas traités dans la LA. Cependant, étant donné 1' extrême simplicité de ce schéma et la routine du juriste dans le maniement des concepts, les parties du raisonne- ment qui ne posent pas de problèmes sont souvent atrophiées ou laissées en- tièrement de côté. Si Ulpien avait voulu que son analyse de D. 9,2,27,25 soit exhaustive, il aurait dû expliquer le raisonnement qui le conduit au verdict.

S'il se contente d'expliquer si olivam inmaturam decerpserit ... , Aquilia tenebitur, respectivement, si iam maturas, cessat Aquilia, il ne développe pas le raisonnement en droit, mais en donne simplement le résultat. En ajou- tant nul! a enim iniuria est, cum ti bi etiam impensas donaverit ... , il ne donne pas d'explication juridique supplémentaire, mais souligne seulement le fait que le verdict iniuria dépend directement de 1' existence d'un dommage. S'il ne développa pas davantage son raisonnement juridique, il considéra proba- blement qu'il allait de soi et ne nécessitait pas d'explications.

Dans D. 9 ,2,31, Paul fait explicitement allusion au développement plus ou moins complet des parties en fait et en droit. Après avoir relaté le point de vue de Mucius, il commente: secundum quam non multum refert, par publicum an privatum iter jieret. En d'autres termes, le raisonnement de Mucius rend in casu inutile la distinction entre domaine public et privé, distinction qui, du point de vue de Mucius, n'aurait dès lors plus aucune place dans le récit des faits, puisqu'elle serait sans portée juridique.

Le degré de développement des parties en fait et en droit est déterminé par le souci de condenser l'écriture autour du problème à traiter. Il s'agit d'éviter des récits superflus ou des explications qui vont de soi. En même temps, le juriste construit, comme aujourd'hui encore, l'argumentation en

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