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Quels terrains et pourquoi ?

B. Un monde rural en pleine mutation : « délaisssement » progressif de l’agriculture et persistance des inégalités et des problèmes alimentaires

1. Urbanisation, exode rural, migration et pluriactivité

En ce début de XXIème siècle, la population du département de Cusco est devenue pour la première fois majoritairement urbaine. En 1981, la population du département était rurale à près de 60%. En 2007, cette population rurale ne représente plus que 45% (INEI, 2007). Depuis le recensement de population de 1993, la population rurale du département diminue également en valeur absolue : En 1993, on comptait environ 557 000 ruraux (INEI, 1993), ils ne seraient « plus » qu’environ 526 700 en 2007 (INEI, 2007). La proportion de ruraux reste cependant bien supérieure à Cusco que dans le reste du pays, où ils ne représentent plus que 24% (Ibid.).

Figure 19 : Evolution de la population totale, population rurale, urbaine du département de Cusco, Pérou, entre 1940 et 2007

Réalisation : Margaux Girard. Source : INEI, Recensements nationaux.

Cette urbanisation se traduit par la croissance de la ville de Cusco, qui compte environ 420 000 habitants en 2015 (INEI, 2012b) et constitue la septième ville du pays2, alors qu’elle n’en comptait que

1 Précisons que Janine Brisseau Loaiza se référait à la région Sud-Est et Evelyne Mesclier à la région Inka, les deux englobant grossièrement trois départements actuels, ceux de Cusco, Apurimac et Madre de Dios. Notre étude ne concerne que le département de Cusco, mais finalement, les caractéristiques générales restent les mêmes, ces deux auteurs ayant surtout centré leurs études sur la région de Cusco.

2 Malgré tout, à l’échelle nationale le poids de la ville de Cusco a diminué. Au XIXème siècle et jusqu’en 1940, Cusco était démographiquement la troisième ville du pays, après Lima et Arequipa (Brisseau Loaiza, 1977 : 1005). Elle reste malgré tout la deuxième plus grande ville andine du pays après Arequipa.

130 120 000 en 1972 (Brisseau Loaiza, 1977 : 970). Sa population a donc quasiment quadruplé en quarante ans.

Figure 20 : Evolution de la population de la ville de Cusco (1906- 2015)

Réalisation : Margaux Girard. Sources : Brisseau Loaiza, 1977, INEI : Recensements nationaux et projections.

A l’échelle départementale, les plus fortes densités de population se situent dans la vallée du Huatanay (où se situe la ville de Cusco), celle du Vilcanota-Urubamba (où se situe la VSI, historiquement, « la plus densément peuplée et mise en valeur » de la région selon Janine Brisseau Loaiza (1977 : 38).) et dans la pampa d’Anta, à chaque fois dans des zones agricoles relativement productives. La carte ci-dessous montre la répartition des densités de population par district ainsi que les principales villes du département.

Cette urbanisation spectaculaire est due à une forte croissance démographique et à l’exode rural, en marche depuis le milieu du XXème siècle dans la région (Brisseau Loaiza, 1977). Ce phénomène d’urbanisation et exode rural est directement lié au développement de la pluriactivité et des mobilités et migrations dans les Andes (Cortes, 2000. Vassas Toral, 2011. Rebaï, 2012) rendues possibles par l’amélioration des infrastructures de transports et de communication. D’un côté, les villes et notamment les emplois, les études supérieures, les modes de vie urbains et souvent occidentaux qu’elles « proposent » attirent de plus en plus. De l’autre côté, dans les campagnes, déjà marquées par le minifundium et la faible rentabilité de l’agriculture, les populations augmentent également et l’activité agricole n’est plus suffisante pour répondre aux besoins des familles (Eguren, 2006, 2014a.

Chonchol, 1995 : 325-326), notamment car les terres commencent à manquer (Brisseau Loaiza, 1977.

Molinié-Fioravanti, 1982 : 57. Delgado, 1991 : 78). Il faut donc trouver d’autres sources de revenus.

En 2012, 42,7% des producteurs du département de Cusco (77211 sur 180641) déclarent arrêter de travailler dans l’unité agricole durant l’année pour obtenir d’autres revenus (INEI, CENAGRO IV, 2012). Parmi eux, 33% déclarent travailler dans la construction, 24% dans l’agriculture (comme ouvrier agricole dans d’autres exploitations, voire dans d’autres régions ou provinces), 21% dans le commerce, 5% dans les transports, etc. (Ibid.). L’activité extractive minière (cuivre, argent, or, hydrocarbures, etc.) « offre » de nombreux emplois sur les hautes terres (Province d’Espinar, de Paruro, etc.) ou les basses terres (orpaillage illégal dans la partie amazonienne, autour de Puerto Maldonado par exemple). Elle crée aussi des emplois indirects, via le « canon minero », cette rente

131 versée par les entreprises minières, très souvent étrangères, et redistribuée aux départements, provinces, districts et municipalités1. Avec cette manne financière, les gouvernements locaux entreprennent des travaux publics (construction de routes, d’écoles, de stades, de réseau de canalisation ou d’irrigation, etc.) et embauchent des travailleurs. « Selon le Ministère de l’économie et des finances, entre 2001 et 2007, le montant des taxes/redevances minières pour Cusco augmentèrent de plus de 5 000%, entre 2004 et 2007 Cusco reçut 1 milliard et 740 millions de soles par les redevances » (Figueroa Pinedo, 2013 : 225). Précisons toutefois que si ces exploitations minières sont rentables et alimentent en partie la croissance économique du département, elles donnent lieu à des conflits sociaux et environnementaux avec les populations locales (Bebbington et Humphreys Bebbington, 2009). Dans notre zone d’étude, beaucoup de producteurs travaillent également comme porteurs (de bagages de touristes) sur le Camino Inca. Ces mobilités et migrations induites par la recherche de revenus complémentaires s’effectuent à des échelles spatiales (provinciale, départementale, nationale, internationale) et temporelles (quotidienne, hebdomadaire, mensuelle, annuelle, pluriannuelle) très variables (Cortes, 2000. Vassas Toral, 2011. Rebaï, 2012). Mais la pluriactivité peut aussi être exercée localement. Dans notre étude, les exemples ne manquent pas. Dans la communauté d’Antapallpa (TC2), Martin Chahuayo Cezerda, agriculteur, a ouvert une petite boulangerie en mai 2014. A Acchabaja, dans la VSI, Eustaquio Hinkiliay, agriculteur, travaille également comme gardien sur les sites archéologiques. Toujours dans la VSI, Karina Castro Mamani est agricultrice mais aussi étudiante à l’UNSAAC et cuisinière, quelques jours par semaine, dans un restaurant de Cusco.

Précisons que cet exode rural et cette pluriactivité ne signifient pas pour autant un abandon global de l’agriculture : en effet entre 1994 et 2012, alors que la population rurale a diminué, le nombre de producteurs a lui augmenté2, passant d’environ 146 300 à environ 180 600, aggravant encore la pression sur les terres agricoles. Ces migrations et cette pluriactivité induisent toutefois l’absence prolongée, temporaire ou définitive, de certains membres de l’exploitation familiale, les hommes essentiellement, provoquant des conséquences majeures pour l’agriculture. On peut alors parler d’exploitation « à temps partiel », mais aussi, comme Geneviève Cortes (2000 : 239-262), de féminisation des campagnes et de l’agriculture.

1 10% est redistribuée à la municipalité dans laquelle se situe l’exploitation minière, 25% aux gouvernements de district et de province, 40% pour le gouvernement départemental, et 25% pour la grande région.

2 Plusieurs raisons peuvent expliquer cette apparente contradiction, que l’on retrouve également au niveau national, notamment le fait que de plus en plus de ruraux partent vivent en ville, mais gardent leur ferme (dans leur système de pluriactivité) et restent donc comptabilisés comme agriculteurs. Plusieurs acteurs nous ont par ailleurs mis en garde quant à la fiabilité des chiffres donnés par ces différents recensements…

132 Carte 6 : Densité de la population par district et principales villes du département de Cusco (2015)

distritales

133 Carte 7 : Niveau de pauvreté par district du département de Cusco (2013)

134 2. Une « pauvreté » réellement en baisse ? Persistance des inégalités et des

problèmes alimentaires

La question de la mesure de la pauvreté est un exercice extrêmement sensible. Premièrement, il faut définir ce que l’on entend par « pauvreté », tant les approches et définitions sont nombreuses. Par exemple, dans la culture andine et la langue quechua, la pauvreté ne fait pas référence à un manque de ressources économiques et matérielles mais plutôt à un manque de réseau, de liens sociaux. Est

« pauvre » (wakcha) celui qui n’a pas de parenté, qui est « orphelin », dans le sens d’isolé, et non dans le sens occidental d’absence du père et/ou de mère1. « Le paysan n'existe que par sa forme collective.

Isolé et individualisé, il devient le "pauvre", le Waqcha. » (Mazurek, 2002 : 78). Les institutions nationales (INEI) et internationales mesurent quant à elles la « pauvreté monétaire », qui correspond à un niveau de ressources monétaires insuffisant pour subvenir aux besoins alimentaires et non alimentaires d’une personne2. Si, en 2012, 25,8% de la population péruvienne est considérée comme

« pauvre » (INEI, 2012a), ce taux s’élève à 38,5% pour la région andine (Ibid.).

Dans le département de Cusco, ce taux de pauvreté, s’élève en 2012 à 21,9%, soit moins que la moyenne andine et moins également que la moyenne nationale (Ibid.). Au sein de ce département, on constate des écarts très importants notamment entre la ville de Cusco et sa proche périphérie (excepté le district de Ccorca, avec environ de 55% de pauvreté) et des zones plus éloignées et plus isolées, comme le montre la carte n°7 ci-dessus. Selon la Mapa de pobreza provincial y distrital 2009 de l’INEI, le département de Cusco compte quatre des dix districts les plus pauvres du pays : le district de Lares qui jouxte la VSI (le taux d’extrême pauvreté est de 89,2%), celui d’Omacha où se situe un de nos terrains d’étude comparatifs (82,9%), de Checca (69,7%) et de Colquepata (67,8%). Les deux premiers sont même considérés comme les deux districts les plus pauvres du pays. On constate également, au sein d’un même district, des écarts parfois très importants selon l’altitude. En résumant, les fonds de vallée sont très souvent plus prospères que les territoires d’altitude. De façon schématique, la VSI par exemple se divise en deux espaces distincts : le fond de vallée et les hauteurs.

En dehors des différences bioclimatiques, ces deux « étages » se distinguent par des populations et des modes de vie différents, s’inscrivant dans un système construit de hiérarchie sociale voire ethnique. Le fond de vallée rassemble les principaux centres urbains, globalement la population est métisse, le niveau de vie est favorisé et la culture est de plus en plus occidentalisée. Les hauteurs rassemblent, elles, des populations plus dispersées, en villages ou hameaux, la population est andine, le niveau de vie est plutôt défavorisé et la culture est encore relativement traditionnelle. « Les gens du haut sont traités d’"indiens" avec mépris par les "métis" du bas. Leur culture est proprement andine.

Généralement ils portent le costume traditionnel, mâchent de la coca et ne parlent pas l’espagnol. Ils nouent donc peu de contacts dans la vallée. » (Molinié-Fioravanti, 1982 : 44). Ce constat dressé il y a presque 30 ans est, dans les grandes lignes, et comme nous l’avons observé, toujours valable. Mais la description ici faite des « gens du haut » ne concerne aujourd’hui que les générations les plus âgées : les grands-parents, voire certains parents. Aujourd’hui, les jeunes des « hauteurs » s’habillent globalement à l’occidentale, ne mâchent plus de coca, ou occasionnellement et parlent tous espagnol,

1 Cours de quechua à l’INALCO de César Itier, le 15/05/2013.

2 “Pobreza monetaria : La pobreza monetaria se refiere a la insuficiencia del gasto per cápita respecto al valor de la Línea de Pobreza (LP) o monto mínimo necesario para satisfacer las necesidades alimentarias y no alimentarias. La pobreza monetaria se caracteriza por no considerar las otras dimensiones no monetarias de la pobreza, como por ejemplo: necesidades básicas insatisfechas, desnutrición, exclusión social, etc.”. (INEI. s.d.).

135 même si la langue parlée au foyer reste bien souvent le quechua. Malgré ces évolutions, le racisme décrit par Molinié-Fioravanti perdure et les gens du bas continuent à considérer ceux du haut comme des « non-civilisés » (Molinié-Fioravanti, 1982 : 88. de la Cadena, 2000).

La classification en zone de pauvreté ou d’extrême pauvreté est, pour beaucoup, loin d’être satisfaisante. Citons simplement le témoignage de Luisa, cette adolescente de 16 ans rencontrée dans la VSI. Elle expliquait qu’elle allait bénéficier de la « beca18 », un programme de bourse éducative destiné aux meilleurs élèves des zones classées en « extrême pauvreté ». Son village, situé à quelques kilomètres de Lamay, dans les hauteurs, est classé dans cette catégorie, ce qui n’est absolument pas justifié selon elle : « Nous ne sommes pas extrêmement pauvres, ni même pauvres, nous avons du bétail, des lamas et alpagas et cela représente de l’argent. On ne manque de rien nous. Il y a davantage de pauvreté à Lamay même, dans la ville que dans notre village. Mais bon, si ça me permet de bénéficier de cette bourse… ». L’évaluation de la pauvreté n’est pas simple, c’est aussi un exercice éminemment politique. Selon les données officielles, la pauvreté diminue au niveau national comme au niveau départemental, comme le montre le diagramme ci-dessous.

Figure 21 : Part de la population « pauvre » dans le département de Cusco (2004-2013)

Réalisation : Margaux Girard. Source : INEI, Encuesta Nacional de Hogares (ENAHO) 2004 – 2013

On note notamment une forte diminution entre 2010 (49,5%) et 2011 (29,7%). Ces chiffres doivent être considérés avec beaucoup de précautions. Outre les doutes partagés par de nombreux acteurs péruviens quant à la fiabilité des enquêtes, l’INEI a procédé, à cette époque, à un changement méthodologique dans l’évaluation de la pauvreté monétaire (RPP Noticias. 2012a). Par ailleurs, la baisse générale de la pauvreté masque l’augmentation des inégalités, du moins leur maintien. Le graphique suivant montre qu’en 2014, le niveau des inégalités, ou plus précisément l’indice de Gini, est le même que celui de 1994.

136 Figure 22 : Evolution de l’indice de Gini au Pérou (1986-2014)

Sur l’axe vertical : 1 = inégalités extrêmes. 0 = pas d'inégalités. Réalisation : Margaux Girard. Source : Banque mondiale. http://data.worldbank.org/indicator/SI.POV.GINI?locations=PE

Depuis 2006, les inégalités semblent en diminution… extrêmement lente. Mais là encore ces chiffres sont-ils fiables ? Le changement de méthode de calcul de la pauvreté en 2010 se « traduit » par une diminution des chiffres de la pauvreté générale mais une augmentation des écarts entre la pauvreté rurale (qui passe pour la même année 2010 de 54 à 61%) et la pauvreté urbaine (qui passe elle de 19 à 20%) (RPP Noticias, 2012a). Plusieurs de nos interlocuteurs cusquéniens affirment en effet que cette pauvreté rurale augmente, comme Justo Gonzalez, président de la Coordinadora rural de Cusco qui estime que « la pauvreté rurale augmente. Mais pas dans les statistiques officielles, parce que ce sont des moyennes, mais les extrêmes sont plus importants : il y a plus de très riches urbains et plus de très pauvres ruraux. Les inégalités sont très fortes au Pérou » (le 26/09/2014). Déjà en 1987, Annette Salis constatait à propos de la région de Cusco que « l’évolution générale est celle d’une paupérisation et d’un développement inégal […] » (1987 : 265). La diminution de la pauvreté n’est donc pas une tendance uniforme. D’ailleurs, le graphique ci-dessus montre une hausse de la pauvreté entre 2006 (49.9%) et 2008 (58.4%). De même la « pauvreté extrême » augmente entre 2004 (23,5%) et 2007 (27,8%) et ce, alors que la région reçoit d’importants revenus issus de l’exploitation minière à partir de 2004 (Figueroa Pinedo, 2013 : 231). A titre indicatif, le revenu mensuel moyen (provenant du travail) dans le département de Cusco est de 1 081 soles en 2015 (INEI, 2016b : 157-158), alors qu’il est de 1 305 soles au niveau national, mais de 979 soles pour l’ensemble de la région andine (et 1 518 soles pour la costa, et 1 088 pour la selva). Au niveau national, le salaire mensuel moyen en zone rurale est de 668 soles (770 pour les hommes et 433 pour les femmes) et de 1 463 soles en zone urbaine.

Cette question de la pauvreté est intimement liée aux problèmes alimentaires (Peltre-Wurtz, 2004).

Une partie importante de la population andine souffre encore de carences nutritionnelles. En 2013, un enfant de moins de cinq ans sur cinq, soit 20%, souffrait de sous-nutrition chronique dans le département de Cusco alors que ce taux était de 17,5% au niveau national, mais de 28,7% dans l’ensemble de la région andine (INEI, 2013). Globalement, dans la région andine, ces problèmes alimentaires sont davantage caractérisés par un manque de diversité et de qualité que par un manque de quantité de produits consommés. Karina Castro Manani et son mari expliquent que : « [son mari]

Ici le problème ce n’est pas la sous-nutrition, c’est la mal nutrition, l’alimentation n’est pas équilibrée, ils [les producteurs de la région] ne consomment qu’une petite variété de produits, surtout papa, céréales… et parfois leur production n’est pas autoconsommée mais destinée au marché. Dans

137 quel but ? Pour avoir de l’argent et acheter du riz, des vidéos… [Karina] : Certes le riz n’est pas cher mais c’est pas seulement cela, le riz est prêt à l’emploi, lavé et facile à cuisiner… pas comme le quinoa qu’ils font pousser… » (le 12/05/2012). On parlera donc de sous-nutrition mais aussi de malnutrition. L’alimentation dans les Andes est en effet dominée par les tubercules (alors qu’elle est dominée par les fruits dans la selva et est plus diversifiée sur la costa, avec plus de protéines, viande, œuf, produits laitiers, etc.) (Eguren, 2014b : 11-12.). On note aussi, à l’échelle nationale, des différences importantes entre zones rurales (consommation de tubercules très importante, puis céréales) et zones urbaines (alimentation plus diversifiée comme sur la costa) (Eguren, 2014b : 11-12.

Mesclier, 1991 : 105. Delgado, 1991 : 75-76). Notons que les Andes sont la région où l’on mange le plus en quantité, et c’est aussi la région où l’on mange le plus de légumes, avec évidemment de grandes variations selon les étages écologiques (AgroEco, 2013 : 2), mais aussi le plus de pâtes et de farines. Les aliments qui font défaut sont surtout la viande - exception faite du cuy (Salis, 1987 : 25.

Celestino, 1998) qui revient à la mode ces dernières années -, le poisson, les œufs (Eguren, 2014b : 11-12). Globalement dans les Andes, la sous-nutrition et la mal nutrition concernent, certes, surtout les populations rurales mais plus globalement les populations « pauvres », rurales ou urbaines (Eguren, 2014b : 11-12. Peltre-Wurtz, 2004). Notons qu’en 1990, André Dudzinksi (1990) considérait que les problèmes alimentaires au Pérou ainsi que leurs solutions étaient liés à la question des intermédiaires entre producteurs et consommateurs.

Ces mutations profondes du monde rural participent-elles, ou non, à la durabilité de l’agriculture andine ? Le maintien de la pauvreté et des problèmes de nutrition constitue assurément un indicateur de non-durabilité et est directement lié à la faible rentabilité de cette agriculture. Parallèlement, si, a priori, l’exode rural, l’urbanisation et la pluriactivité laissent présager un certain abandon de l’activité agricole, dans les faits le nombre de producteurs ne diminue pas. Toutefois, les Andins et notamment les jeunes générations sont de moins en moins attirés par ce métier négativement connoté, associé au passé, à la pauvreté, à la pénibilité, etc. Globalement, cette agriculture souffre aujourd’hui d’un manque d’acceptabilité socio-culturelle. Dans ce contexte, il apparaît légitime de penser que les agricultures durables pourraient constituer des solutions. En effet, celles-ci se caractérisent, du moins dans leurs principes théoriques, par la recherche d’équité dans la distribution des revenus et dans l’accès à une alimentation de qualité1, par la recherche d’éco-efficience et notamment d’efficience économique synonyme de rentabilité mais aussi par la recherche d’acceptabilité via la valorisation économique et socio-culturelle du métier d’agriculteur.

C. Un système agraire en pleine mutation : une petite agriculture familiale

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