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Le développement du marché national comme dynamique transversale et intérêt spécifique de la région de Cusco

l’agriculture traditionnelle andine

Carte 11 : Principales cultures biologiques au Pérou, 2015

4. Le développement du marché national comme dynamique transversale et intérêt spécifique de la région de Cusco

Ces trois approches de l’agriculture durable ne peuvent être appréhendées indépendamment les unes des autres. Elles participent en effet à la même dynamique globale de développement de l’agriculture durable et entretiennent, à ce titre, des liens parfois étroits. On l’a vu, la reconnaissance institutionnelle de l’agriculture biologique et écologique de même que le moratoire contre les OGM furent en grande partie portés et revendiqués par les acteurs de la société civile. Et cette agriculture biologique reconnue par les institutions publiques correspond finalement à l’agriculture biologique commerciale labellisée du secteur privé. Un des exemples les plus manifestes de ces similitudes entre agriculture biologique institutionnelle et agriculture biologique commerciale est l’accord « Euro-Eco-Trade », signé entre l’Etat péruvien et l'Union européenne pour la période 2012-2015, qui vise, entre autres, à soutenir la

« politique péruvienne de promotion des exportations des produits écologiques »3.

Ces trois approches sont particulièrement indissociables lorsqu’on s’intéresse au développement des marchés locaux, régionaux et nationaux. Certes, les stratégies de commercialisation sont différentes entre les acteurs mais elles participent toutes de la même dynamique d’augmentation de la consommation de produits biologiques sur le territoire national. Cette dynamique devient significative à partir des années 2000 (Higuchi, 2015). La première ecoferia de l’ANPE Perú fut organisé en 1998 à Abancay (D. Apurimac). Le premier Comité de consommateurs écologiques (CCE) est créé, en 2002, à Lima (Wú Guin et Alvarado de la Fuente, 2008), et l’année suivante, en 2003, débute la vente dans les supermarchés, impulsée par le Grupo EcoLógica Perú (Ibid.). Parallèlement, le mouvement international Slow Food, en coordination avec la ANPE, organise, lui, des « ferias de biodiversidad y de comida tradicional » à Cusco, Cajamarca, Huánuco et Huancayo (D. Junin) (Ibid.). Le marché national du bio se densifie à partir des années 2010. A Lima, une quinzaine de « marchés bio » sont

1 Traduction de : “Registro Nacional de Organismos de Certificación de la Producción Orgánica”.

2 Termes quechuas signifiant « Vamos a crecer », « Nous allons grandir ». Aussi traduit par « Noa Jayatai » en langue « shipibo-conibo ».

3 http://www.minam.gob.pe/ordenamientoterritorial/proyectos/apoyo-de-la-union-europea-a-la-politica-de-promocion-de-las-exportaciones-peruanas-de-productos-ecologicos-euro-eco-trade/

Voir aussi le document : Convenio marco de Financiación N° DCI-ALA/2012/023-475 EURO-ECOTRADE sur : https://www.mef.gob.pe/index.php?option=com_content&view=article&id=3454&Itemid=101937&lang=es

173 désormais organisés dans différents quartiers de la capitale chaque semaine (Willer et Lernoud, 2016 : 236. Higuchi, 2015). Des systèmes de « paniers bio » fleurissent dans les principales villes (Garrido Valero, 2005 : 216), ainsi que des systèmes de commande et de vente par Internet (Higuchi, 2015) mis en place par la RAE Perú (www.EcomercadoPeru.com) et par l’ANPE Perú (www.frutosdelatierra.com). Enfin, les produits bio, jusque-là vendus dans des boutiques spécialisées, sont de plus en plus présents sur les étalages des supermarchés, à Lima (Ibid.), mais aussi récemment à Cusco. Selon Angie Higuchi, cette dynamique nationale de développement des marchés du bio est directement corrélée à l’augmentation du PIB national (2015). Ces différents circuits de commercialisation, « alternatifs » (marchés bio, paniers bio, vente en ligne, etc.) et conventionnels (supermarchés), rassemblent les produits biologiques disposant d’une certification par un organisme tiers, ceux bénéficiant d’une certification SGP et ceux ne bénéficiant pas de certification et réunissent donc des acteurs de la société civile, des acteurs privés et des acteurs publics.

Dans notre étude, nous nous intéressons au développement de l’agriculture durable en général, prenant en compte les différentes approches, toutefois, nous faisons le choix de mettre de côté l’agriculture biologique d’exportation - cette dimension internationale ayant déjà fait l’objet de nombreux travaux universitaires, notamment au Pérou (Carimentrand, 2008) - pour nous focaliser sur la dynamique locale, c’est-à-dire à l’émergence de la production mais aussi de la commercialisation et de la consommation de produits biologiques à l’échelle régionale, dans un pays du Sud. La très grande majorité des producteurs suivis dans cette étude ne dispose pas de certification (les producteurs certifiés se situent surtout dans la partie amazonienne du département, soit en dehors de notre zone d’étude) et n’exporte pas, même si des producteurs certifiés bio et tournés vers l’exportation ont également été rencontrés, visités et interrogés. Malgré tout, nous gardons bien à l’esprit que ces deux dynamiques, globale et locale, ne peuvent être appréhendées séparément, la dynamique internationale ayant nécessairement impulsé la dynamique régionale.

Enfin, nous faisons le choix de nous intéresser spécifiquement à la région de Cusco dans la mesure où, historiquement, cette région concentre les trois approches de l’agriculture durable qui viennent d’être présentées. Il s’agit en effet, avec les régions de Cajamarca et Junin, d’une région pionnière dans le mouvement agroécologique porté par la société civile et le monde académique. Dans ce département, l’agriculture biologique d’exportation existe depuis longtemps, notamment pour le café de la région amazonienne (comme dans les départements de Junin et de San Martin) et la dynamique d’institutionnalisation de l’agriculture biologique y est pleinement en marche depuis les années 2010.

Enfin, les marchés locaux du bio et plus généralement les expériences multiformes d’agriculture durable s’y multiplient. Ils rassemblent des acteurs classiques : société civile, secteur privé et institutions publiques, ainsi que certains acteurs spécifiques, davantage présents à Cusco que dans le reste du pays (hors Lima) : les touristes et les expatriés, mais aussi nous le verrons, les ONG.

Présentons à présent plus en détail les différentes agricultures durables présentes dans la région de Cusco.

174 Figure 30 : Frise chronologique : l’apparition de l’agriculture durable au Pérou

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B. L’agriculture durable dans la région de Cusco : diversité des acteurs de

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