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Ci-dessous : Monument funéraire de la famille Boglioni, cimetière de Lizy-sur-Ourcq (Seine-et-Marne). Déclinaison de la « chapelle » funéraire entièrement vitrée, les tombeaux des gens du voyage sont fréquemment imposants et protégés par un abri fermé, réalisé en verre et en métal. Celui-ci est remarquable pour l’emploi de verres colorés trans-

formant les symboles chrétiens en motifs décoratifs. En bas au centre : Tombeau de la famille Danot, cimetière de la Bouteillerie, Nantes (Loire-Atlantique). Serge Danot est le créateur de la célèbre émission pour enfants Le Manège enchanté, pro-

grammée de 1964 à 1990. Tombeau de la famille Boyer, cime- tière la Salle, Tours (Indre-et-Loire). Des verrières avec des portraits photographiques sont insérées dans les oculi perçant le fut de l’obélisque. En partie haute, la sentence « DEVENONS LES MEILLEURS NOUS SERONS LES PLUS FORTS » entoure un homme, brandissant la flamme de

la connaissance, et au pied duquel reposent un crâne et un livre, autant de références à la libre pensée.

Ci-dessus : Tombeau de la famille Giraudeau, cimetière de Saint-Martin-de-Ré (Charente-Maritime). Ci-dessous : Tombeau du colonel Pierre Nicolas Martelet, cime- tière de Châlons-en-Champagne (Marne). Le monu- ment a la forme d’un chaos romantique : le cercueil,

recouvert par un drap mortuaire est enfoncé dans l’antre ouvert au pied de la stèle, composée d’un amas de roches dans les anfractuosités desquelles apparaissent les symboles funéraires habituels, chouette, tête de mort, lierre. Sur les pierres sont gravés les noms des principales batailles révolution- naires et napoléoniennes auxquelles le militaire a participé. Son bicorne, ses épaulettes, son sabre et sa croix de la Légion d’honneur sont posés au sommet du monument.

3 • L’ÉTUDE : OBSERVATION ET L’ANALYSE

La datation d’un tombeau reste un exercice délicat pour lequel il ne faut se fier totalement ni à la date du premier décès ni à celle de la conces- sion (voir p. 102). Les signatures portées (de l’archi- tecte, du marbrier, du serrurier, du peintre verrier) peuvent donner de précieuses indications. Qualifier le style du monument funéraire s’avère souvent délicat tant les influences ou les références peuvent se mêler. Toutefois, certaines formes ou décors pri- sés à une époque donnée permettent de replacer le monument dans une chronologie resserrée.

Une approche globale du cimetière facilitera ainsi la sélection des monuments remarquables, qu’ils soient exceptionnels ou représentatifs à l’échelle du cimetière, voire du patrimoine régional ou national. En effet, chaque cimetière comprend fréquemment des tombeaux, des éléments de dé- cor ou de mobilier très similaires, produits par le même fabricant local, et que l’on ne rencontre nulle part ailleurs (nombreuses croix funéraires en ci- ment imitant le bois écoté signées Tarrete au cime- tière de Lizy-sur-Ourcq, Seine-et-Marne ; coussin ou agenouilloir en pierre devant la pierre tombale, île de Ré, Charente-Maritime) . Les monuments exis- tants inspirant souvent le choix des familles et les entreprises funéraires ne proposant qu’une sélec- tion de modèles, certains cimetières contiennent de nombreux enclos, d’autres presque aucun ; ils présentent essentiellement des croix, d’autres des stèles, d’autres encore des dalles ou des coffres. En fonction des carrières locales, de l’implantation des manufactures ou du climat, la fonte ou la pierre seront prépondérantes. C’est pourquoi l’articulation entre le dossier de synthèse sur ces monuments fu- néraires et les dossiers individuels sur une sélection de quelques tombeaux – certains choisis pour leur représentativité de la typologie établie et d’autres pour leur caractère unique – est particulièrement précieuse afin de rendre compte des phénomènes à différentes échelles.

Typologie des tombeaux et schéma de leur répartition, cimetière d’Azay-le-Brûlé (Deux-Sèvres). La numérotation renvoie par ailleurs à un relevé complet des épitaphes (dessin Zoé Lambert, SRI Nouvelle-Aquitaine, site de Poitiers).

tombeau en forme de couvercle de sarcophage surélevé avec stèle

tombeau en forme de couvercle de sarcophage surélevé

stèle ou croix dressée

dalle simple ou espace rectangulaire avec bordure autres formes

Dessin très homogène de ces tombeaux encadrés de hauts porte-couronnes métalliques, cimetière Saint-Lazare, Montpellier (Hérault).

Sépultures en pleine terre formées de cadres de pierre et de stèles identiques, cimetière de Civaux (Vienne).

Le carrelage recouvrant les semelles de certains caveaux forme des motifs de tapis, cimetière Vieux, Béziers (Hérault).

Les métaux, très présents dans les cimetières, sont parfois difficiles à différencier car leur appa- rence peut être trompeuse 1. Leurs finitions visent quelquefois à imiter un autre matériau : une mise en couleurs avec une peinture simple ou métallisée, le bronzage (pour donner l’apparence du bronze - jugé plus prestigieux - à des objets en fer, fonte, zinc), le sablage qui, avant peinture, donne du grain pour imiter la pierre. Aussi, le test de l’aimant s’impose : le fer, l’acier, la fonte (les métaux ferreux donc) attirent l’aimant qui « colle » à la surface de la pièce (avec quelques hésitations si les couches de peinture sont trop épaisses). Autre indice : le fer et la fonte s’oxydent, rouillent ; apparaissent alors des points de corrosion et des coulures de même couleur.

Les productions des XIXe et XXe siècles uti- lisent les métaux ferreux (fer doux, fer « dur », fonte...), les métaux cuivreux (le bronze, alliage de cuivre et d’étain, le laiton dit cuivre jaune, alliage de cuivre et de zinc, les deux autrefois confondus sous l’appellation airain), le zinc, le plomb. L’aluminium demeure très rare. Le zamac (alliage de zinc, d’aluminium, de magnésium et de cuivre, inventé en 1926) a deux qualités : sa basse température de fusion (400°C) et sa bonne résistance à la corrosion. Cela explique qu’il soit utilisé pour des pièces moulées de petites dimen- sions telles que les vases et les jardinières.

Le zinc se reconnaît à son aspect mat, bleu-

gris. Il est travaillé soit par martelage ou estam- page sur une forme qui permet de modeler des décors, soit par coulée à chaud, comme de la fonte. C’est un métal peu onéreux, facile à travail- ler car ductile et relativement inaltérable, ce qui explique son usage pour les toitures, gouttières et toutes sortes de récipients en contact avec l’eau. Dans les cimetières, il est utilisé pour réaliser des abris, des dais, des auvents protecteurs de tombeaux, souvent complétés d’ornements. Les plaques de zinc sont assemblées et supportées par des structures en fer, plus rigides. Avec le temps, le métal s’oxyde, se patine, ce qui ternit son éclat mais cette patine est protectrice.

Les métaux cuivreux, bronze et laiton, se recon-

naissent aisément à la couleur verte due à l’oxydation du cuivre. Si le métal est traité, doré par exemple, des coulures vertes ne manquent pas d’apparaître sur la pierre. Différencier les deux alliages est difficile sans analyse métallographique : il semblerait que nombre de bronzes du XIXe siècle soient en fait du laiton. Le bronze se coule soit à cire perdue (pour les objets de haute valeur) soit au sable (comme la fonte de fer), ce qui permet une production à moindre coût et plus abondante. Dans la fonte funéraire de série, le bronze est utilisé pour des petits ornements tels que palmes, vases, trophées, médailles. Les bustes, médaillons et statues ornant les tombeaux relèvent de la sculpture monumentale, traditionnellement commandée à des artistes.

Le plomb est très malléable et aisément fondu. La

plomberie d’art se pratique également par martelage d’une feuille mince, de la même façon que le zinc ou la tôle de fer. Dans le passé, le métal était fréquem- ment traité pour imiter d’autres alliages, notamment le bronze. Plutôt utilisé en décor de toitures, on le trouve dans les cimetières, employé pour des petits objets (vases, bacs, jardinières).

Les métaux ferreux. Pendant longtemps, le fa-

çonnage des croix, décors, grilles a été le domaine de l’artisan ferronnier qui, à partir de fer doux (très pauvre en carbone), pouvait travailler le métal : le forger (aplatir, cintrer, torsader, estamper, etc.), le repousser, le découper, le graver afin de donner des formes simples ou complexes, parfois richement décorées 2. On reconnaît le fer forgé à son aspect artisanal, fait main – il présente des irrégularités – on repère les assemblages (soudure à chaud, brasure, bague, rivet, mi-fer…) pour raccorder des pièces complexes. Prudence toutefois car les décors en fer forgé peuvent être complétés par des éléments en fonte moulée, rapportés et soudés (pommes de pin, fleurs, rosaces). Par ailleurs, le fer forgé ayant atteint au XVIIIe siècle des sommets de virtuosité dans l’ar- chitecture aristocratique ou religieuse, certains fon- deurs ont essayé de donner à leurs fontes moulées des formes ou des détails voire des « irrégulartés »

FER FORGÉ, FONTE, ZINC, BRONZE…