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Pour comprendre la part prise par les archi- tectes dans la création de monuments funéraires, il est nécessaire d’exploiter les fonds d’archives ou de dessins d’architecture (à Paris, Centre d’archives d’architecture du XXe siècle 5, musée d’Orsay 6, École nationale supérieure des beaux-arts 7, Institut natio- nal d’histoire de l’art 8, Cabinet d’arts graphiques du musée Carnavalet, Académie d’architecture) dont les collections possèdent des documents relatifs à ces commandes privées, de faible échelle, mais sou- vent conçues avec grande précision.

À titre d’exemple, on peut noter l’intérêt du fonds Louis Bonnier 9 qui contient plusieurs documents re- latifs à la création du tombeau Duchaufour, au cime- tière de Senlis (Oise). Lettres et factures sur papier à en-tête nous renseignent ainsi sur le nom de l’entre- preneur (Labatie), la date, la typologie et le mode de pose du monument, les matériaux employés et leur mise en œuvre et, enfin, le coût total des travaux. De même, le fonds Granet contient plusieurs dessins extrêmement détaillés de la sépulture de la famille Esnault-Pelterie (Paris, cimetière de Montmartre), intégrant vitraux et mobilier, qui témoignent de l’inté- rêt particulier de l’architecte pour le décor.

Ces fonds peuvent également documenter les recherches formelles de certains architectes dans le domaine funéraire. Parmi les dessins d’Hector Guimard conservés par le musée d’Orsay, plusieurs

concernent la sépulture de Nelly Chaumier au cime- tière de Bléré (Indre-et-Loire) 10, l’un des tombeaux les moins connus de l’architecte. Pratiquement dépourvus de notes, ces dessins témoignent en re- vanche du travail de l’architecte pour atteindre une parfaite fluidité de lignes entre dalle, stèle et inscrip- tions. De même, la forme actuelle très simple du tom- beau du fabricant de porcelaine Jean Népomucène Hermann Nast (Paris, cimetière du Père-Lachaise) ne peut être comprise si l’on ne connaît pas le dessin de Jacques-Ignace Hittorff, conservé à l’École natio- nale supérieure des beaux-arts 11, révélant la partie disparue du monument : un vase monumental sous

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5 IFA, base ARCHIWEBTURE,

https://archiwebture.citedelarchitecture.fr

6 Musée d’Orsay, catalogue des collections en ligne, https://

www.musee-orsay.fr/fr/collections/catalogue-des-oeuvres

7 ENSBA, base Cat’zArts,

http://www.ensba.fr/ow2/catzarts/index.xsp

8 INHA, base AGORHA,

https://agorha.inha.fr/inhaprod/jsp/portal/index.jsp

9 IFA, Fonds Louis Bonnier (1856-1946). Tombeau Duchaufour

à Senlis (Oise). 035 Ifa 310/3.

10 Musée d’Orsay. Hector Guimard, Bléré, cimetière, sépulture

de Nelly Chaumier, vers 1897. Dessins d’architecture, GP 1505 à 1508.

11 ENSBA. Hittorff, J.I., Monument Nast au Père Lachaise [sic].

Ci-dessus :

Monument funéraire de Jean-François-Marie Cart, évêque de Nîmes mort en 1855,

cimetière Saint-Baudile, Nîmes (Gard). Ci-contre :

Article promotionnel pour la première entreprise de monuments funéraires de la région nancéenne,

L’Immeuble et la construction dans l’Est, n° 28,

13 juillet 1932.

édicule qui surmontait anciennement la chapelle et réduisait celle-ci à la fonction d’un simple piédestal.

De rares entreprises funéraires conservent des sources graphiques (dessins, plans, calques, gouaches originales pour l’impression de catalo- gues) mais il est regrettable que la plupart se soient peu souciées de la conservation de leurs archives 12. Certains documents, classés dans les dossiers parti- culiers des clients, par nature confidentiels, sont dif- ficiles à repérer. D’autres ensembles parfois conser- vés sont constitués de collections d’images (projets ou réalisations) destinées à la publication d’albums de tombeaux ou de catalogues commerciaux 13.

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12 BELLE, Véronique, « Les marbreries lyonnaises : enquête

sur quelques fonds d’archives », dans BERTRAND, GROUD, p. 188-189.

13 La Fondation FUNECAP a récemment entrepris un travail de

2 • L’ÉTUDE : SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE Présentation du premier numéro de la revue Le Mausolée, revue mensuelle de la marbrerie funéraire, avril 1933.

La presse d’architecture

L’apport de la presse d’architecture est fon- damental tant pour la documentation de certains grands tombeaux que pour la compréhension de l’influence que celle-ci a pu avoir dans la réflexion générale sur l’art funéraire et dans la diffusion des modèles 14.

Le rôle prépondérant joué par les publications de César Daly, notamment la Revue générale de l’archi-

tecture et des travaux publics (RGA), a été étudié,

en particulier pour la contribution qu’elles ont appor- tée à la recherche d’une expression architecturale renouvelée, propre au domaine funéraire 15. Entre 1847 et 1888, la RGA publie près d’une trentaine de tombeaux, selon une approche analytique et compa- ratiste. Surtout, César Daly donne la parole aux archi- tectes eux-mêmes qui décrivent leurs propres projets, illustrés de planches gravées montrant les ornements les plus parlants. Certains tombeaux publiés par la RGA sont largement diffusés et copiés, telle la châsse médiévale formant le tombeau de Louise Delaroche- Vernet (Paris, cimetière de Montmartre), qui a été déclinée partout en France en de multiples variantes durant toute la seconde moitié du XIXe siècle.

D’autres revues d’architecture s’ouvrent éga- lement au domaine funéraire, telle L’Encyclopédie

d’architecture 16 qui publie volontiers les tombeaux réalisés par les architectes diocésains, proches de Viollet-le-Duc. Des parutions contemporaines ou postérieures (notamment Le Moniteur des archi-

tectes, La Gazette des architectes et du bâtiment, La Semaine des constructeurs, La Construction mo- derne) publient régulièrement les tombeaux récem-

ment construits, intégrant progressivement l’archi- tecture funéraire comme une branche à part entière des métiers de la construction.

Cette évolution suit celle, plus générale, de l’ensemble de la presse d’architecture qui traite pro- gressivement de sujets plus pratiques, des nouveaux matériaux et techniques et s’adresse également à un public de professionnels du bâtiment. Un exemple en est donné par la publication, en 1907, du tom- beau Thuillez, dans L’Architecture usuelle, où la reproduction en couleurs du monument, valorisant la richesse des matériaux, est accompagnée de plu- sieurs planches détaillant tous les assemblages de la construction. De même, la Revue générale de la

construction publie de 1903 à 1914 un supplément, Le Journal de la marbrerie et de l’art décoratif, qui

se fait l’écho du développement des arts décoratifs et permet de comprendre l’évolution de l’emploi des matériaux (marchés, carrières, diffusion), circulant désormais à l’échelle européenne.

La presse régionale