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Les vitraux funéraires suivent la technique tradi- tionnelle du verre inséré dans un réseau de plomb. Mais ils bénéficient des procédés mis au point aux XIXe et XXe siècles et adoptent les grands courants stylistiques contemporains. Le verre mousseline, bon marché, qui semble avoir été mis au point en Angleterre où il est présenté à l’Exposition universelle de 1851, se développe en France dans la seconde moitié du XIXe siècle. Il permet la répétition rapide de motifs de petite taille grâce à l’émail ou à la gra- vure à l’acide. La croix est souvent présentée devant un fond de verre mousseline. La vitrauphanie, tech- nique à bon marché qui consiste à coller dessins ou images sur du verre pour simuler un vitrail, produit des œuvres qui se conservent mal ce qui explique leur rareté. En revanche on remarque parfois l’em- ploi d’étroites bandes argentées collées autour d’un motif peint pour simuler des plombs.

La photographie, qui permet de fixer les traits du défunt, a en revanche été abondamment utilisée. On parle alors de vitrail photographique, technique mise au point par le chimiste Cyprien Tessié du Motay et le peintre verrier Charles Raphaël Maréchal fils. Les premières réalisations remportent une médaille d’or à l’Exposition universelle de 1867. Le procédé se

Ci-dessous : Antoine Taïx en Amérique du

Nord, cénotaphe, dit monu- ment Taïx, lieu-dit le Bois Vert, La Fare-en-Champsaur (Hautes-Alpes) (voir p. 317).

En bas : Tombeau de la famille Bazin, cimetière de Montmartre, Paris. Tombeau de la famille Lubienski, cimetière de Montmartre, Paris. (Seine-et-Marne). À droite : Le Libertaire, tombeau du

développe à partir de 1880 et est utilisé jusqu’en 1920. Le vitrail photographique n’est pas réservé aux tombeaux, on le trouve également dans les verrières d’église (effigies de soldats au bas de verrières patrio- tiques, tête d’ange ayant les traits d’un enfant défunt, souvenirs de baptême, de communion, de jubilé…).

Non plus soufflés mais réalisés par étendage à la fin du XIXe siècle, les verres industriels présentent une face à reliefs imprimés, dont on connaît de nombreuses variantes. Dans les monuments funé- raires, ils sont réservés aux verrières décoratives Art nouveau des environs de 1900 et, quelques années plus tard, à celles Art déco. Le style Art nouveau se rencontre davantage dans le vitrail funéraire (ceux de Jac Galland par exemple) que dans le vitrail d’église. Nancy est un bon exemple parmi d’autres de la coexistence des styles Art nouveau et Art déco : cinq tombeaux appartenant au premier et quinze autres, élevés entre 1927 et 1939, au second, ont été réper- toriés. Les vitraux de Jacques Gruber montrent bien l’effet décoratif obtenu par l’emploi de verres à relief qui connaissent un grand succès dans l’entre-deux- guerres. Le tombeau de la famille Hunebelle à Cla- mart (Hauts-de-Seine) est un bon exemple du Moyen Âge revisité : toutes les verrières reprennent les motifs végétaux des verrières cisterciennes mais s’éloignent

3 • L’ÉTUDE : OBSERVATION ET L’ANALYSE

Portraits photographiques de membres de sa famille et de madame Octave Trouselle pour son tombeau, cimetière

de Passy, Paris. En haut à droite : Portrait photographique de Clotilde Genté en communiante, monument funéraire de la famille Genté-Lelong, cimetière ancien d’Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Verrière décorative en verre

imprimé, mausolée de la famille Hunebelle, cimetière de Clamart (Hauts-de-Seine).

Verrière en verre imprimé par Jacques Gruber, monument funéraire de la famille Gendarme, cimetière de

l’église de Saint-Côme- de-Fresné (Calvados).

Verrière en dalle de verre du monument funéraire de la famille Le Hir, cimetière du Nord, Rennes (Ille-et-Vilaine).

du modèle médiéval par l’emploi de verre chenillé teinté au jaune d’argent.

D’une épaisseur plus importante, les dalles de verre, moulées et colorées dans la masse puis tail- lées à la marteline, sont utilisées brutes (sans ajout de grisaille), seulement « écaillées » et serties de ci- ment. La technique, mise au point en 1925 par Jean Gaudin et le verrier Albertini, se développe rapide- ment. Dans les monuments funéraires, leur emploi est lié aux compositions relevant de l’Art déco. La dalle de verre peut aussi être utilisée en inclusion dans la porte d’un monument funéraire en forme de chapelle, comme celle de la famille L. Bauchet, au cimetière parisien de Passy ou dans un monument en forme de stèle (cimetière de Bertangles).

En conclusion

Ce patrimoine vitré est souvent négligé en raison de ses dimensions modestes et de sa qualité d’exé- cution très inégale. Mais à force de ne pas être ré- pertoriées, pour en garder au moins la mémoire, ces œuvres disparaissent l’une après l’autre sans laisser de trace. Il s’avère donc important de signaler systé- matiquement les verrières dans les dossiers traitant de monuments funéraires. L’idéal est de formaliser

une analyse sommaire de chacune d’entre elles, indi- quant au moins les dimensions, l’iconographie, rele- vant l’inscription et bien sûr la signature si elle existe. Les deux faces, interne et externe, de ces œuvres doivent être photographiées, même lorsque la prise de vue est difficile et le résultat décevant. La photo de la face externe renseigne toujours sur l’état des verres, leur mise en plomb (dessin éventuel), la présence éventuelle de peintures/grisailles sur cette face et de celle d’une grille ou d’un barreaudage de protection.

Un détail de la signature et un autre du portrait représentant le défunt ou tout visage obtenu par procédé photographique complèteront efficacement la vue d’ensemble. Tout élément iconographique inhabituel – souvent en rapport avec le défunt – est à prendre en compte et à photographier. Enfin, le mauvais état constaté peut être signalé à la conser- vation régionale des monuments historiques et on peut suggérer la pose, dans le meilleur des cas d’un double vitrage, ou au moins d’une grille de protec- tion, au conservateur du cimetière qui transmettra aux ayants droit.

Inventorier au plus vite ce patrimoine, le photo- graphier dans sa totalité, le faire connaître, permettra de le sauver et d’enrichir notre connaissance de l’art du vitrail et celle de la piété des familles.

Ci-dessus : tête de Christ en dalle de verre, stèle funéraire, cimetière de Bertangles (Somme). Grillage de protection, monument funéraire de la famille Bourgeois-Dubois, vieux cimetière, Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis).

Le décor des tombeaux s’organise toujours autour des trois thèmes qu’avait bien définis César Daly en introduction de son album de tombeaux 1, à savoir : la Mort, la Foi et la Glorification. En fonction des lieux, du contexte social et économique, l’une ou l’autre de ces catégories peut dominer dans le cimetière étu- dié. Cette classification vaut pour le décor exception- nel, mais elle se retrouve également dans l’ornemen- tation figurative plus répétitive, propre au domaine funéraire. Ces éléments ne doivent pas être négligés car ils ont donné lieu à de multiples interprétations dont seule la documentation précise (notamment photographique) permettra d’étudier la variété.