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Le Code général des collectivités territoriales permet aux communes de procéder à la reprise administrative et matérielle des différentes sépul- tures se trouvant au sein des cimetières dont elles assurent la gestion.

L’objectif des reprises est double : d’une part, faire disparaître les sépultures laissées à l’abandon afin de maintenir le bon ordre et la décence au sein du cimetière ; d’autre part, faire de la place pour pouvoir proposer des emplacements à de nouvelles familles confrontées à un deuil.

Un troisième et nouvel objectif est de plus en plus poursuivi par les communes soucieuses de la conser- vation de leur patrimoine funéraire : devenir proprié- taire de sépultures présentant un intérêt patrimonial et historique afin de pouvoir les restaurer et les mettre en valeur 10. En effet, tant qu’une sépulture n’a pas fait l’objet d’une reprise administrative, celle-ci de- meure la propriété privée de la famille, empêchant ainsi toute action de l’administration à son égard.

La reprise des terrains communs et des conces- sions funéraires à durée limitée est en pratique très simple. Aucune formalité n’étant prévue par les textes, la commune peut effectivement reprendre un terrain commun 5 ans après l’inhumation du défunt. Quant aux concessions funéraires, l’emplacement concédé fait un retour automatique à la commune à l’issue d’un délai légal de deux ans à compter de la date d’échéance si le concessionnaire ou ses ayants droit n’ont pas procédé à leur renouvellement. En pratique, il est néanmoins fréquent que le maire prenne un arrêté pour préciser la date à partir de laquelle les terrains communs et concessions funé- raires échues seront repris.

Depuis la loi du 3 janvier 1924, les communes ont aussi la faculté de procéder à la reprise des concessions funéraires abandonnées. Les conces- sions pouvant faire l’objet d’une telle reprise admi- nistrative doivent remplir certaines conditions cumu- latives qu’il appartient à la commune de vérifier : – Concession de plus de 30 ans (ou 50 ans à comp-

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10 La Ville de Paris a procédé à la reprise de la sépulture de

Balzac, située au cimetière du Père-Lachaise, et dont plus aucun héritier n’assurait l’entretien. Grâce à sa reprise admi- nistrative, la Ville de Paris peut désormais l’entretenir et la mettre en valeur.

ter de la date d’inhumation dans la concession d’un défunt « mort pour la France »)

– Concession à l’abandon (aucune définition juri- dique mais la circulaire du 30 mai 1924 a précisé que l’état d’abandon se décèle « par des signes extérieurs nuisibles au bon ordre et à la décence du cimetière ») – Dernière inhumation de plus de 10 ans

Si les conditions sont réunies, la commune peut convoquer à un 1er constat le concessionnaire ou ses ayants droit afin de constater l’état d’aban- don de la sépulture dans un procès-verbal. Trois ans plus tard, la commune doit convoquer de nou- veau le concessionnaire ou ses ayants droit pour un 2 e constat au cours duquel il sera constaté si des travaux de restauration ont été réalisés ou si, au contraire, l’état d’abandon persiste. Le cas échéant, le conseil municipal pourra prononcer la reprise de la concession funéraire.

La commune doit, tout au long de la procédure, respecter un très lourd formalisme imposant notam- ment l’envoi de lettres recommandées avec accusé de réception et de nombreux affichages aux portes de la mairie et du cimetière. Une telle procédure ne peut se faire dans l’urgence et contraint les com- munes à adopter un plan de gestion domanial de leur cimetière. Ainsi, une procédure qui aurait dé- buté le 29 juin 2017 se terminerait seulement le 19 mars 2021.

Au moment de procéder à la reprise matérielle des emplacements, la commune dispose d’une totale liberté concernant les monuments funéraires qui tombent dans son domaine privé 11 : elle peut soit les démolir, soit les revendre, soit procéder à leur préservation si la sépulture reprise présente un intérêt patrimonial ou historique.

En ce qui concerne les défunts, les restes mortels doivent être réunis dans un même reli-

quaire (voir p. 78) 12. Autrement dit, il est interdit de réunir les restes mortels de différentes conces- sions funéraires dans la même boîte à ossements. L’utilisation de sacs plastiques ou de housses est également prohibée. Les ossements doivent être manipulés avec respect et décence 13. Les vols per- pétrés à l’occasion d’opérations de reprises admi- nistratives ont été considérés par le juge comme un acte portant atteinte au respect dû aux morts et les fossoyeurs ayant commis de tels actes ont été condamnés pour violation de sépultures et atteinte à l’intégrité des cadavres 14.

Une fois réunis au sein d’un reliquaire, ces restes mortels peuvent être soit réinhumés dans l’ossuaire, soit faire l’objet d’une crémation sauf si les éléments en possession de la commune font apparaître une opposition connue ou attestée des défunts à la crémation 15. Précisons par ailleurs que la loi impose au maire de distinguer les restes des personnes qui avaient manifesté leur opposition à la crémation au sein de l’ossuaire 16. Enfin, en cas de crémation, les cendres des restes exhumés peuvent être déposées dans un columbarium, dans l’ossuaire ou dispersées dans le lieu spécialement affecté à cet effet 17.

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11 Circulaire n° 93-28 du 28 janvier 1993 reprenant avis du

Conseil d’État du 4 février 1992.

12 Cercueil en bois destiné à recevoir les restes mortels lors des

opérations d’exhumation.

13 La loi du 19 décembre 2008 est venue affirmer ce principe en

créant l’article 16-1-1 du Code civil qui dispose dans son alinéa 1er que « Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec

la mort. » Par exemple, le transport des ossements dans une brouette ou dans des sacs poubelles est strictement interdit.

14 Cass. Crim, 25 octobre 2000, pourvoi n° 00-82.152. 15 Article L.2223-4 alinéa 2 du CGCT. 16 Article L.2223-4 alinéa 3 du CGCT. 17 Article R.2223-6 du CGCT. Intérieur de l’ossuaire du cimetière de Saint-Pierre-Quiberon (Morbihan).

Le droit français n’offre aucun texte unique consacré au statut des restes humains. Au contraire, ce dernier doit être appréhendé à travers la lecture combinée de dispositions disséminées dans diffé- rents corpus juridiques, tels le Code civil, le Code pénal, le Code du patrimoine ou encore par exemple le Code général des collectivités territoriales ou le Code des pensions militaires d’invalidité et des vic- times de guerre. L’ensemble de ces textes demeure toutefois irrigué par un principe commun à valeur constitutionnelle, celui de la dignité de la personne humaine (Décision n° 94-343/3444 DC du 27 juillet 1994). Ce principe a été introduit dans le Code civil par la loi dite bioéthique du 29 juillet 1994 : l’article 16-1 de ce code dispose que « Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est invio- lable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial ». La réforme de la législation funéraire de 2008 vint enri- chir ce code de l’article 16-1-1, aux termes duquel « Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Les restes des personnes décédées, y com- pris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, digni- té et décence ». Ainsi, si la personnalité juridique cesse avec la mort, autrement dit si le corps sans vie devient une chose, il n’en demeure pas moins une chose dont le caractère sacré est inscrit dans la loi. Le traitement juridique des restes humains porte l’empreinte de cette sacralité. Cependant, on observe que l’ascendant juridique de cette dernière s’amoindrit au fur et à mesure que s’amoindrit le souvenir du mort dans la mémoire des vivants.

Lorsque la mémoire du mort perdure au sein de son cercle familial, la jurisprudence reconnaît que la dépouille mortelle d’un individu fait l’objet d’un droit de copropriété familial, inviolable et sacré. Cette copropriété familiale s’étend à la dépouille mor- telle sous toutes ses formes, y compris les cendres. Ces droits visent à assurer le respect dû au défunt, l’intégrité et l’inviolabilité de son corps ainsi qu’à préserver sa mémoire. Selon la doctrine et la juris- prudence, la titularité des droits de cette propriété spéciale échoue aux membres de la famille ayant un lien de parenté ou un lien d’alliance avec le défunt. Alors que le droit international ou d’autres droits nationaux reconnaissent des droits spécifiques à

LA LÉGISLATION SUR LES RESTES HUMAINS