• Aucun résultat trouvé

L’histoire de la localisation, même approximative, au fil des siècles, des différents cimetières d’un ter- ritoire constitue une première approche. Il convient, dans la mesure du possible, de repérer, d’expliquer et de dater les créations, déplacements, agrandisse- ments, suppressions, voire les « endormissements ». Certains cimetières, notamment urbains, existent toujours, mais ne reçoivent plus d’inhumations et sont devenus, au fil du temps, davantage des lieux de promenade (cimetières Saint-Ouen, Saint-Pierre, Saint-Nicolas, Saint-Jean, des Quatre-Nations et cimetière protestant, Caen, Calvados). Il ne faut pas oublier les cimetières d’hôpitaux, où les paroissiens pouvaient être inhumés sous l’Ancien Régime (nou- veau cimetière de l’hôtel-Dieu de Reims ouvert en 1787, devenu le cimetière Nord). Les cimetières

3 • L’ÉTUDE : OBSERVATION ET L’ANALYSE

Plan cadastral de 1813 indiquant la chapelle Saint-Honoré et son cimetière (aujourd’hui détruits), Amiens (AD Somme). Plan historique du cimetière

protestant de Montpellier (Hérault), réalisé par Charles

Delormeau et revu par Pierre-Yves Kirschleger

(dessin V. Marill, SRI Occitanie).

antérieurs au début du XIXe siècle sont le plus sou- vent situés à côté ou autour d’une église catholique ou d’une chapelle. Mais celle-ci a pu disparaître, ou le centre du village être déplacé. Un cimetière isolé peut ainsi être plus ancien qu’il n’y paraît à pre- mière vue et ne pas avoir été ouvert après le décret de 1804 (le cimetière de Guéméné-sur-Scorff, Mor- bihan, implanté à côté d’une chapelle en écart au- jourd’hui disparue, a été rattaché à la commune en 1807 pour devenir le cimetière municipal). La carto- graphie de ces informations sera toujours plus expli- cite que de longs développements rédigés. L’analyse des cartes anciennes est précieuse à cet égard et la carte de restitution aura tout intérêt à mentionner les édifices religieux quand ils ont existé. Pour le XXe siècle, on se reportera aussi à Géoportail qui met à disposition des photographies aériennes anciennes. Cette cartographie chronologique gagnera à distin- guer les cimetières antérieurs au XIXe siècle et ceux ouverts après 1804 en ville ou après 1843 dans les zones rurales.

À l’échelle de chaque cimetière, les cartes an- ciennes et les archives permettent de renseigner d’autres points. Il s’agit d’évaluer a minima la surface de l’enclos dans son premier état, et ainsi ses éven- tuelles extensions ou réductions d’emprise au fil du temps. Il est possible de comprendre le choix de son implantation (le long de la grande route, à un carre- four, au milieu de terres agricoles…), sa proximité avec les habitations, sa desserte (route existante, chemin créé, place…), le nombre d’accès (princi- pal, secondaires, depuis le parc du château…). Il convient de relever si les entrées ont été modifiées, de nouvelles entrées créées (le cimetière de Saint-Es- tèphe, Gironde, conserve les deux piliers de l’ancien portail d’entrée qui se trouvent aujourd’hui au milieu des tombes, du fait de l’extension de la nécropole). Les sources documentent parfois d’autres éléments de la composition : la présence du végétal, le type de clôture ou son absence. Dans ce dernier cas, il est parfois possible de dater la construction des murs ou d’éléments architecturés, tels les cloîtres (ou aîtres). Des constructions (maisons) pouvaient s’appuyer le long de cette clôture. On veillera à analyser les projets, leurs plans et les mémoires qui les accom- pagnent conservés aux archives, même lorsque ces projets n’ont pas été réalisés. Ils reflètent souvent des besoins et des intentions à une date donnée qui ont pu être formalisés différemment mais qui expliquent

3 • L’ÉTUDE : OBSERVATION ET L’ANALYSE

l’existant. Les photographies anciennes peuvent do- cumenter une réorganisation des sépultures.

Certaines sources renseignent sur la place du vé- gétal, les enclos réservés, l’espace non consacré dé- volu à certaines catégories d’exclus, les circulations et la composition générale des allées, la présence de certains monuments funéraires. Il est également possible de retracer la chronologie d’éventuelles constructions, parties constituantes du cimetière : la chapelle des morts, le calvaire, l’ossuaire, le loge- ment ou le bureau du conservateur (conciergerie), le caveau provisoire, le columbarium, le créma- torium, les monuments aux morts… Certaines de ces constructions peuvent justifier l’établissement d’un dossier documentaire spécifique. Il importe de signaler leurs éventuels déplacements, situation fré- quente pour les croix de cimetière, par exemple.

Il s’agit enfin de documenter l’apparition et l’or- ganisation des sépultures : les plus anciennes sont- elles implantées de manière « spontanée » ou non régulière ; à quelle date apparaissent les premières concessions ? Comment se développent et s’orga- nisent-elles ? Le plus souvent, dans les cimetières ur- bains, les familles choisissent les carrefours, les bords d’allées et les murs périphériques, notamment pour des concessions perpétuelles plutôt monumentales. D’autres communes, parfois pour des cimetières plus récents, choisissent de remplir une section après l’autre, de manière régulière ou aléatoire. Lorsqu’il existe des regroupements confessionnels, il est sou- haitable d’indiquer à quelle date ils ont été initiés, tout

Plan du cimetière de Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine), 1867 (AM Fontenay-aux-Roses, 1 M 140). Plan du cimetière de Jauzé,

1935 (AD Sarthe, 2 O 15O/8).

comme de signaler les anciens carrés confession- nels. À cet égard, les plans anciens sont des sources précieuses ; les règlements successifs du cimetière peuvent également être riches d’informations.

Sa description

Après avoir réuni les informations d’ordre his- torique, il s’agit de décrire le cimetière tel qu’il est visible à la date de l’étude. Les éléments de la compo- sition déjà évoqués doivent être repris et comparés à l’existant. On commence ainsi par la situation actuelle du cimetière, son rapport à l’espace bâti (y compris l’église lorsqu’elle existe) et urbain environnants. Il s’agit ensuite d’évoquer son emprise, sa surface, la forme de sa parcelle, l’importance et la vocation des voies qui l’entourent et le desservent ainsi que l’éven- tuel profil du terrain. Lorsque celui-ci présente un dénivelé, il est nécessaire de préciser la manière dont est gérée la déclivité (pente, terrasses, escaliers plus ou moins monumentaux…). Il faut observer la mise en scène urbaine précédant l’accès principal (espla- nade, allée plantée, carrefour…) et la présence d’ac- cès secondaires. Il convient de préciser également les possibilités de stationnement et les dessertes en transports en commun, ainsi que le type de clôture (haut mur, mur-bahut, grillage, haie végétale…) et son matériau de construction. L’entrée principale est fréquemment théâtralisée et encadrée de bâtiments de service (conciergerie, logement du conservateur, abri à corbillard, espace d’attente abrité, éventuelle- ment locaux réservés aux commerces funéraires…). Le portail, notamment lorsqu’il dispose d’un décor sculpté, doit être étudié en tant que tel.

La description du plan permet d’évoquer l’orga- nisation des zones d’inhumation (plaines, carrés, divisions…) et des allées qui les desservent, ainsi que leur hiérarchie (voies carrossables, voies pié- tonnes…). Leur composition globale, la présence de ronds-points, de perspectives, de points de vue, leur revêtement sont autant d’éléments à prendre en compte. L’implantation des équipements – par- ties constituantes dans le vocabulaire de l’Inventaire général – (dépositoire, chapelle de cimetière, créma- torium, salle omniculte…), des monuments (croix de cimetière, lanterne des morts, monument aux morts, sculpture…) et de certains enclos ou sépul- tures d’importance (curés, militaires, communau- tés religieuses…) jouent un rôle déterminant dans

la composition du cimetière. Il convient également d’évoquer l’orientation des tombeaux par rapport aux allées – principales ou secondaires – la présence encore visible d’anciens carrés confessionnaux (ves- tiges de murs les délimitant, d’accès indépendants) et celle de regroupements actuels. Pour les cime- tières urbains notamment, il peut exister une signa- létique, voire une numérotation des tombeaux ou un nommage particulier des allées. Plus récemment sont apparues les bornes informatiques permettant de localiser une sépulture à partir d’un nom et le « mur des disparus » ou nécrologe, implanté à côté de l’espace de dispersion des cendres 2. Il ne faut pas négliger la prise en compte des petits équipements (borne-fontaine, banc, local poubelle, local technique des fossoyeurs, voire WC) ni celle d’éléments parfois assez récents, postérieurs à la limite de 30 ans que se fixe l’Inventaire général (funérarium, columba- rium, ensemble d’enfeus, jardin du souvenir, jardin des anges, carrés confessionnaux ou spécialisés…).

L’observation du végétal et la lecture des aména- gements paysagers revêtent une grande importance, des types d’essences présents à leur organisation (clôture, alignement, bosquet, spontané…) et au rôle des tombes plantées. La végétalisation du cimetière, ces dernières années, va souvent de pair avec la création d’aménagements tendant à varier et propo- ser aux familles différents modes d’inhumation qu’il convient de noter : cercueil en pleine terre, en caveau (enterré ou en superstructure), en enfeu ; urne en pleine terre, en cavurne ou en columbarium.

Les personnels du cimetière présents sur place et qui souvent y travaillent depuis de longues années, lorsqu’ils sont interrogés, peuvent apporter beaucoup de précisions et permettent de mieux comprendre certains détails ou de clarifier des éléments : ce qui semble être un tombeau particulièrement monumen- tal est en réalité l’ancien dépositoire ; le local servant de remise au matériel des jardiniers est l’ancienne chambre mortuaire ; la fosse fermée par une plaque métallique cadenassée n’est pas un ossuaire mais les vestiges d’un tombeau en forme de chapelle qui s’est effondré ; la dernière messe dans la chapelle du cimetière s’est déroulée il y a x mois ou années…

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

2 Robert Auzelle avait dessiné un nécrologe dans certains de

ses cimetières, sans qu’aucun n’ait malheureusement été construit. Cette dénomination paraît plus appropriée, mais les entreprises de fournitures funéraires, malheureusement, ne l’utilisent pas.

3 • L’ÉTUDE : OBSERVATION ET L’ANALYSE