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La pose de vitraux funéraires est directement liée à la construction des tombeaux en forme de chapelle qui les abritent. Ceux-ci sont rares avant 1820, puis se multiplient dans les décennies suivantes. Leur édification s’étend sur un peu plus d’un siècle. Ce qui date le corpus des vitraux funéraires entre 1840 et 1940. Mis à part quelques rares vitraux anciens remployés, provenant de la collection de la famille du défunt, un des premiers vitraux dont nous connais- sons la date a été posé en 1840 par l’atelier parisien Billard dans le monument de la famille Adam aîné au cimetière parisien du Père-Lachaise. Il représente un ange volant au-dessus de quatre pierres tombales. Après 1940, à quelques exceptions, les verrières funéraires disparaissent.

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1 Inventaire des vitraux de Seine-Saint-Denis, terminé en 2003,

dont les diapositives sont conservées aux archives départe- mentales de Seine-Saint-Denis.

Auteurs

Les verrières figurées sont souvent seules signées, mais Jac Galand signe aussi ses compo- sitions décoratives (Paris, cimetière de Passy, en lettres d’or sur la face externe). Ces paraphes sont peu lisibles, cachées par la poussière accumulée le long du bord inférieur. Exception faite de quelques ateliers tels Gebel, Collinet, Guillemin, Javot, R. Mathieu, qui ne sont connus que par les verrières funéraires qu’ils ont réalisées, la plupart des signa- tures émanent d’ateliers régionaux, réalisant des vitraux dans les églises voisines : Champigneulle en Lorraine et en Île-de-France, Haussaire dans le nord et l’est de la France, Höner et Janin en Lor- raine, Vantillard, Chabin et Lusson en Île-de-France, Alleaume en Mayenne, J-P. Florence et Chigot dans la région Centre pour ne citer que quelques-unes des signatures rencontrées. Parfois le commandi- taire fait appel à un atelier étranger à la région, ainsi les ateliers parisiens Henri Carot et Didron travaillent respectivement à Nancy (chapelle Mme Jules Rais) et à Lille (chapelle Gonnet), ou l’atelier A. Bergès de Toulouse à Angeac (Charente) pour la famille Izam- bert en 1844.

Au XXe siècle, certains cartons sont demandés à des artistes célèbres : Fernand Léger fournit ceux des six verrières de la grande chapelle funéraire néo- gothique de la famille Laniel à Lisores (Calvados), vil- lage où l’artiste a vécu. Georges Desvallières donne le carton du Christ en croix apparaissant à saint Do- minique au peintre verrier Marguerite Huré pour un tombeau du cimetière parisien de Passy.

3 • L’ÉTUDE : OBSERVATION ET L’ANALYSE

Jeanne d’Arc bergère écoutant ses voix,

monument funéraire de la famille Riston, cimetière de Malzéville (Meurthe-et-Moselle). Verrière du monument funéraire de la famille protestante Barbaud, cimetière de Bressuire (Deux-Sèvres). À droite : Verrière du monument funéraire de la famille juive B. Citrine, orné d’une étoile de David contenant au centre le mot shalom « paix » en hébreu, cimetière de Montmartre, Paris.

La Résurrection, monument funéraire de la famille JeanDonnenc Morand, cimetière d’Asnières- sur-Seine (Hauts-de-Seine). La Crucifixion, tombeau de la famille Grellet-Desormeaux, cimetière de Saint-Maur-des- Fossés (Val-de-Marne).

Iconographie

Les verrières les plus modestes sont d’ordre symbolique. Chez les catholiques, le motif le plus représenté est celui de la croix, symbole chrétien de la Résurrection. À titre indicatif, sur les 420 ver- rières funéraires repérées en Seine-Saint-Denis par Françoise Cannot, 155 sont ornées d’une croix. Le modèle le plus répandu est celui d’une croix gravée à l’acide sur un verre bleu doublé, plus rarement rouge, souvent encadrée d’arabesque. Le prix mo- dique de ce type de vitrail fait en série a contribué à sa popularité (il coûtait 10 francs en 1898 à Garches par exemple).Les verrières sont exceptionnelles chez les protestants. Chez les Israélites, les symboles les plus fréquemment représentés sont l’étoile de David,

Magen David, étoile à six branches en verre jaune

monté en plomb se détachant sur un fond générale- ment bleu et l’inscription en lettres hébraïques « Sha- lom », paix, le plus souvent gravée sur verre rouge ou bleu doublé. On trouve aussi mais plus rarement, des Tables de la Loi, des motifs végétaux, couronne d’immortelles et lierre, ou une urne funéraire voilée (Paris, cimetière de Montmartre).

Les verrières figurées, très nombreuses, reflètent la dévotion catholique privée à une époque donnée. Les programmes iconographiques demeurent rares, tel celui illustrant la révélation de la foi aux jeunes filles issues de la paysannerie dans la chapelle funé- raire de la famille Riston au cimetière de Malzéville (Meurthe-et-Moselle). En revanche, les représen- tations mariales, christiques et hagiographiques se répartissent de façon sensiblement égale sur le terri-

toire français. Christ en croix, Calvaire et grande Cru-

cifixion, Mise eu tombeau et Résurrection sont les

thèmes les plus fréquents. La Crucifixion peut n’être qu’évoquée par les seuls Instruments de la Passion (voir p. 187). Les représentations du Sacré Cœur sont nombreuses à partir de 1871, date à laquelle le pape Pie IX place la France sous la protection de celui-ci. Plus rarement, les membres de la famille du défunt prêtent leurs traits aux principaux person- nages d’une scène christique (chapelle funéraire Grellet-Desormeaux, Saint-Maur-des-Fossés, Val-de- Marne). Les représentations de la Vierge, symbole de douceur et d’amour maternel, sont principalement empruntées à trois sources graphiques : La Vierge à

la chaise de Raphaël (palais Pitti à Florence), L’Im- maculée Conception de Murillo (musée du Prado

à Madrid mais le tableau fut exposé au Louvre de 1852 à 1940) et, œuvre plus récente, partiellement reproduite, La Vierge consolatrice (1877) de William Bouguereau (musée des Beaux-Arts de Strasbourg). Les saints, protecteurs et intercesseurs, ont le plus souvent une attitude hiératique ; près d’un tiers d’entre eux représente le saint patron du premier défunt enterré dans le tombeau, conservé malgré les inhumations ultérieures par respect mais aussi par facilité et par économie. Saint Joseph et saint Louis, auxquels parfois le défunt prête ses traits, arrivent en tête du corpus des verrières hagiographiques recen- sées. D’autres exemples sont plus exceptionnels : Jac Galland donne à sainte Marguerite le visage de la comtesse Ogliastro (Asnières-sur-Seine, Hauts-

de Seine) et Didron donne à Marie le visage d’un enfant de la famille Labouret dans l’Éducation de la

Vierge de la chapelle éponyme, (Paris, cimetière du

Père-Lachaise). Un ange accompagne en priorité les jeunes enfants disparus qu’il guide vers l’au-delà. Cette dévotion du XVIIe siècle connaît un regain de popularité au XIXe siècle et est toujours vivace dans l’entre-deux-guerres, comme en témoigne un vitrail d’Antony (Hauts-de-Seine) en 1928.

Le portrait du défunt occupe parfois l’unique baie du monument en forme de chapelle. Rares en 1860, ces portraits sont nombreux dans la der- nière décennie du XIXe siècle. Le défunt y figure en buste, parfois accompagné de ses armoiries (Neuil- ly-sur-Seine), plus rarement d’attributs rappelant ses choix (soldat déserteur, Toussieux dans l’Ain), un fait marquant de sa vie (Antoine Thaïs, émi- gré en Amérique, représenté entre deux Indiens à La Fare-en-Champsaur dans les Hautes-Alpes) ou ses goûts (Marie-Hortense Souffrain, musicienne, représentée avec lyre et partition, Paris cimetière du Montparnasse). Des portraits photographiques d’enfants défunts prêtent souvent leurs traits aux têtes d’anges surmontant une scène christique (chapelle Bléreau-Bordet à Le Blanc, Indre).

3 • L’ÉTUDE : OBSERVATION ET L’ANALYSE

Ci-dessus :

Sainte Marguerite, tombeau

de la famille Ogliastro, cime- tière ancien d’Asnières-sur- Seine (Hauts-de-Seine). À droite :

Vierge consolatrice d’après

W. Bouguereau, tombeau de la famille Charet de La Frémoire, cimetière ancien de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Ci-contre :

Ange gardien, tombeau de la

famille Herber Niederberger, cimetière d’Antony