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2 Une procédure non contradictoire A Principe

Dans le document Procédure pénale (Page 105-108)

Le caractère non-contradictoire de la procédure vaut pleinement à l’égard de l’inculpé et de la partie civile qui ne peuvent, en principe, participer aux actes posés par le juge d’instruction. Traditionnellement, la Cour de cassation enseigne qu’aucune disposition légale ne prévoit que l'avocat de l'inculpé assiste celui-ci lors de l'exécution d'un devoir accompli au cours de l'instruction préparatoire. Le secret de l'instruction ne vaut, par contre, pas à l'égard du ministère public, dépositaire de l'action publique. Ce dernier est dès lors en droit d’assister aux actes d’instruction ou de requérir l’accomplissement de certains devoirs335. La Cour de cassation ajoute que la présence de la partie publique à un acte de l'instruction préparatoire n'entraîne pas la nullité de cet acte lorsqu'elle n'a pas fait obstacle à la défense de l'inculpé336.

333 Sur une hypothèse de violation de la présomption d’innocence, voy. Cass., 30 octobre 2013, J.L.M.B., 2014, p. 394 et note F. KONING, « La présomption d’innocence et le devoir d’impartialité, simples sujets de colloque ? ». 334 Voir par exemple C.A., n° 53/2001, 18 avril 2001 ; voir aussi R. TACHEAU, « Le secret de l’instruction et le devoir d’informer », Rev. dr. pén., 1996, pp. 165-176.

335N. BANNEUX, « Le caractère contradictoire de certains actes d’instruction : essai de synthèse », J.T., 2008, p. 66 ;

O. MICHIELS, « Le ministère public est-il tenu au secret de l’instruction ? Ou les incidences du secret de l’instruction sur l’intervention de la partie publique dans les procédures pénales ou civiles », note sous Civ. Marche-en-Famenne, 28 juillet 2006, Rev. dr. Ulg, 2007, p. 158.

B. Les exceptions

1. La demande d’actes d’instruction complémentaires337

a. Les titulaires

L'article 61quinquies C.I.C. permet à l'inculpé (la personne que le juge d’instruction a formellement inculpée au motif qu’il existait contre elle des indices sérieux de culpabilité) et à celui qui y est assimilé (celui à l'égard de qui une instruction est ouverte, à savoir celui qui a fait l'objet d'un réquisitoire de mise à l'instruction de la part du procureur du Roi ou d'une plainte avec constitution de partie civile émanant d'une victime), ainsi qu'à la partie civile (et non à la personne lésée), de demander au juge d'instruction l'accomplissement d'un acte d'instruction complémentaire338.

b. La procédure339

La demande est introduite par requête motivée adressée ou déposée au greffe du tribunal de première instance (art. 61quinquies, § 2 C.I.C.)

Le juge d'instruction doit statuer, à peine de nullité de son ordonnance, dans le mois de l’inscription de la requête au registre ; ce délai est ramené à 8 jours si un des inculpés est en détention préventive.

Le juge d'instruction peut accepter la demande formulée par le requérant et accomplir ou faire accomplir l'acte d'instruction demandé. Il peut aussi rejeter cette demande s'il estime que la mesure suggérée n'est pas nécessaire à la manifestation de la vérité ou est, à ce moment, préjudiciable à l'instruction340.

337Voir D. VANDERMEERSCHet O. KLEES, « La réforme "Franchimont" - Commentaire de la loi du 12 mars 1998

relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction », J.T., 1998, pp. 434-435 ;

A. SADZOT, « Les droits des citoyens, des victimes et des inculpés », in La loi du 12 mars 1998 réformant la procédure

pénale, Collection Scientifique de la Faculté de Droit de Liège, C.U.P., pp. 334-342 ; P. MANDOUX, « Le droit d'accès au

dossier et le droit d'instruction complémentaire », in La loi du 12 mars 1998 relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction, Les dossiers de la Revue de droit pénal et de criminologie, n° 3, 1998, pp. 78-82 ;

B. VERDOODT, « Het verzoek tot het verrichten van bijkomende onderzoekshandelingen (art. 61quinquies Sv.) », Revue

de droit, 2000, p. 80 ; S. VANDROMME, « Regeling van de rechtspleging – Bijkomende problemen met het verzoek tot

bijkomende onderzoekshandelingen », N.J.W., 2002, p. 161.

338Voir Civ. Bruxelles (juge d'instruction), ordonnance du 6 novembre 1998, J.T., 1999, p. 308 qui estime recevable la demande des parties civiles fondée sur l'article 61quinquies de décerner un mandat d'arrêt à l'encontre de l'inculpé (affaire Pinochet) ; voir cependant la critique de G. WAILLIEZ, J.T., 1999, p. 522.

339 Voir un schéma de synthèse de cette procédure dans A.SADZOT, « Les droits des citoyens, des victimes et des

inculpés », in La loi du 12 mars 1998 réformant la procédure pénale, Collection Scientifique de la Faculté de Droit de Liège, C.U.P., p. 344. Il y a cependant lieu de tenir compte des modifications apportées à l’article 61quinquies par la loi du 4 juillet 2001.

340 Mons (Ch. m. acc.), 28 janvier 1999, Rev. dr. pén., 1999, p. 1053. Il peut également rejeter la demande au motif que la constitution de partie civile du requérant n’est pas recevable à défaut d’intérêt (cf. Bruxelles (Ch. m. acc.), 6 mars 2000, Rev. dr. pén., 2000, p. 862).

c. Les recours

La partie requérante qui se heurte à un refus ou à une absence de réponse du juge d’instruction (dans le mois, majoré de quinze jours, de l’inscription de la requête dans les registres) et le ministère public qui voit accueillie une demande de mesure d'instruction complémentaire qu'il estime inutile ou inopportune disposent d'un recours devant la chambre des mises en accusation (art. 61quinquies, §§ 4 et 5 C.I.C.). Le requérant et son conseil ainsi que le ministère public sont entendus devant cette juridiction.

Si le juge d'instruction n'a pas statué, le requérant pourra saisir la chambre des mises en accusation par requête afin que celle-ci prenne position (art. 61quinquies, § 5 C.I.C.).

L’arrêt de la chambre des mises en accusation qui rejette une requête tendant à l’accomplissement d’un ou de plusieurs actes d’instruction complémentaires ne constitue pas une décision définitive au sens de l’article 416 du Code d’instruction criminelle ; il n’est donc pas susceptible de pourvoi en cassation immédiat341.

d. Nouvelle requête

La partie qui a déjà introduit une requête tendant à l'accomplissement de mesures d'instruction complémentaires ne pourra en adresser ou déposer une ayant le même objet342 avant l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la dernière décision rendue en la matière (soit l'ordonnance du juge d'instruction, soit l'arrêt de la chambre des mises en accusation s'il y a eu appel) (art. 61quinquies, § 6 C.I.C.).

2. L’audition de témoin sous anonymat complet

Lorsque le juge d’instruction décide d’entendre un témoin sous le couvert de l’anonymat complet, l’article 86ter du Code d’instruction criminelle décide, par exception au caractère non contradictoire de l’instruction, que l’audition se déroulera de manière contradictoire.

3. La descente sur les lieux

Plus récemment, sous l’influence de la Cour européenne des droits de l’homme, le législateur a modifié l’article 62 du Code d’instruction criminelle343 qui prévoit désormais la présence de l’avocat lorsqu’une descente sur les lieux est organisée par un juge d’instruction en vue d’une reconstitution des faits.

341 Pareille décision ne statue pas non plus sur une contestation de compétence, ni en application des articles 135 et 235bis du Code d’instruction criminelle, ni sur le principe d’une responsabilité, comme l’exige l’article 416, al. 2 pour ouvrir le droit à se pourvoir sans devoir attendre la décision au fond (Cass., 1er décembre 1998, J.L.M.B., 1999, p. 58). 342 Voir cependant Bruxelles (Ch. m. acc.), 8 janvier 2001, Rev. dr. pén., 2001, p. 595 : « Par l’expression ‘même objet’, il faut entendre la demande visant à l’accomplissement du même acte d’instruction complémentaire sans qu’il soit nécessaire qu’il s’agisse du même acte d’instruction. ».

D’aucuns soutiennent que l’assistance de l’avocat lors de la reconstitution est une avancée appréciable mais reste insuffisante au regard du droit à un procès équitable. « En effet, rien n’est prévu pour garantir l’assistance de l’avocat « lors d’autres actes d’enquête qui supposent la collaboration active » de la personne poursuivie (…). À cet égard, la Cour européenne précise que « (…) l’équité de la procédure requiert que l’accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d’interventions qui sont propres au conseil (….) et que l’absence d’un avocat lors de l’accomplissement des actes d’enquêtes constitue un manquement aux exigences de l’article 6 »344.

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