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4 La prescription et le délai raisonnable

Dans le document Procédure pénale (Page 38-41)

L'exigence du délai raisonnable, garantit notamment par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, se fonde sur la nécessité d'épargner à l'inculpé de trop longues incertitudes sur son sort. Le danger de dépérissement des preuves et d'atteinte aux droits de la défense rentre également en ligne de compte.

En Belgique, la sanction du dépassement du délai raisonnable a été fixée par l’article 21ter du Titre préliminaire du Code d’instruction criminelle qui enseigne que le juge peut se limiter à une déclaration de culpabilité ou prononcer une peine inférieure au minimum légal107.

Le délai raisonnable et la prescription de l'action publique ne se recoupent donc pas puisqu’une affaire peut être prescrite sans que le délai raisonnable soit dépassé et inversement. Toutefois, plus la loi allonge le délai de prescription, plus il y a, évidemment, de risques que le délai raisonnable soit dépassé, même si l'affaire n'est pas prescrite au moment où elle est jugée.

SECTION 8 LE NON-EXERCICE DE POURSUITES PENALES AU

PROFIT DE L'APPLICATION DE SANCTIONS ADMINISTRATIVES

Diverses législations108 permettent de réprimer un même comportement soit par des sanctions pénales, soit par des sanctions administratives109. Elles visent, d’une part, à assurer le respect effectif de certaines réglementations et, d’autre part, à décharger les parquets de manière à leur permettre de se consacrer à d’autres phénomènes criminels.

A titre d’exemple, l’on peut citer l’article 72, alinéa 1er du Code pénal social qui énonce

que lorsque le ministère public est saisi d’une infraction de niveau 2, 3 ou 4, il doit notifier à l’administration compétente en matière d’amendes administratives sa décision d’intenter ou non des poursuites pénales. S’il renonce à poursuivre ou s’il ne s’est pas prononcé dans les six mois à

107 Sur cette question, voir le chapitre consacré aux droits de la défense ; voir aussi Cass., 24 novembre 2009, Rev. dr. pén., 2010, p. 1157 et note F. KUTY ; R.W., 2009-2010, p. 1383 et note B. DE SMET ; voir aussi F. KUTY, « Dépassement du délai raisonnable, peine inférieure au minimum légal et irrecevabilité des poursuites », J.T., 2001, p. 41

108 Voy. D. CLESSE, « Aperçu de la nouvelle loi du 24 juin 2013 relative aux sanctions administratives communales, C.R.A., 2014, pp. 3-6. Voy. aussi la loi du 20 septembre 2012 instaurant le principe « una via » dans le cadre des poursuites des infractions à la législation fiscale et majorant les amendes pénales fiscales.

109Pour une réflexion sur les sanctions administratives en général, voy. J. PUT, « Naar een kaderwet administratieve sancties », R.W., 2005-2006, pp. 321-336 ; A. MASSET, « De vraies sanctions administratives ou des sanctions pénales camouflées ? Réflexions en droit interne belge », Rev. dr. Ulg, 2005, pp. 441-466 ; S. VAN DROOGHENBROECK, « De vraies sanctions administratives ou des sanctions pénales camouflées ? Réflexions à propos de la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme », Rev. dr. Ulg, 2005, pp. 467-490.

compter de la réception du procès-verbal constatant l’infraction, l’administration compétente peut entamer la procédure visant à l’imposition d’une amende administrative (art. 72, al. 2)110.

Il en est de même en matière de sanctions administratives communales111, lesquelles sont réglementées par la loi du 24 juin 2013 relative aux sanctions administratives communales, entrée en vigueur le 1er janvier 2014. Cette loi a abrogé la quasi totalité de l’article 119bis de la Nouvelle

loi communale qui règlait auparavant la matière. Cette législation permet de frapper certaines formes de « petite criminalité » par des sanctions pénales ou administratives, étant entendu que la sanction pénale est prioritaire. En effet, ce n’est que si le Procureur du Roi fait part au fonctionnaire sanctionnateur, dans un certain délai, de sa décision de ne pas réserver de suite à l’infraction que ce dernier peut infliger une sanction administrative au contrevenant (art. 22 et 23).

SECTION 9 L’ARTICLE 138BIS DU CODE JUDICIAIRE : L’ACTION

CIVILE DE L’AUDITEUR DU TRAVAIL112

Un des apports de la loi du 3 décembre 2006113 est la création d’une « action de groupe » via l’insertion d’un article 138bis, § 2 dans le Code judiciaire. Cette action de groupe permet à l’auditeur du travail d’entamer une procédure devant les juridictions du travail afin de constater les infractions aux lois et règlements qui relèvent de la compétence de ces juridictions et ce, dans le but d’obtenir une décision déclaratoire de responsabilité de l’employeur. Cette action bénéficie à l’ensemble des travailleurs victimes de l’infraction qui ne devront plus démontrer la faute de leur employeur.

Cet article 138bis, § 2 du Code judiciaire offre donc la faculté à l’auditeur du travail de renoncer à intenter l’action publique à l’encontre d’un employeur et de privilégier une « action civile » dans l’intérêt des travailleurs préjudiciés. Il s’agit d’une alternative à l’action publique qui, lorsqu’elle est choisie, exclut cette dernière. Le choix entre la voie répressive et la voie civile relève du pouvoir d’appréciation de l’auditeur du travail.

110M. DE RUE, « Les lignes de force du nouveau Code pénal social », J.T., 2011, pp. 107-108 ; C. CLESSE, « Code pénal social : les nouveautés importantes », Orientations. Droit social, 2011, p. 32.

111À cet égard, voy. C. DE BOLLE, « Les sanctions administratives communales », Vigiles, 2005, pp. 33-35 ; A. MASSET, « La loi du 13 mai 1999 relative aux sanctions administratives dans les communes », in Le point sur le droit pénal, C.U.P., vol. 37, 2000, pp. 209-248 ; A. MASSET, « Les sanctions administratives dans les communes : en route vers le droit communal armé », J.T., 2001, pp. 833-838 ; F. SCHUERMANS et D. LYBAERT, « Le droit de sanction communal en tant qu’élément d’une approche plus globale : l’administration armée », Vigiles, 1999, pp. 11-17. 112Voy. O. MICHIELS, « L’action de l’auditeur du travail organisée par l’article 138bis, paragraphe 2 du Code judiciaire », Rev. dr. pén., 2007, pp. 549-563 ; F. KÉFER, Précis de droit pénal social, Anthémis, Louvain-la-Neuve, 2008, p. 245 et s. ; M. DE RUE et P. JANSSENS, « L’action civile de l’auditeur du travail », Chron. D.S., 2009, pp. 1-10 ; A. CHÔMÉ, « L’action collective en droit pénal social : quelques questions de procédure », Chron. D.S., 2009, pp. 10-15 ;

D.F. RANERI, « L’action civile « suis generis » de l’auditeur du travail – Un cas d’application », Rev. dr. pén., 2009, p. 759.

Deux conditions sont nécessaires pour que ce dernier puisse diligenter l’action prévue par l’article 138bis, § 2 :

• Il faut que les infractions dont s’est rendu coupable l’employeur concernent des dispositions de droit social qui relèvent de la compétence des juridictions du travail ; • Il faut un préjudice collectif, c'est-à-dire un préjudice subi par au moins deux travailleurs.

Enfin, l’article 138, § 2, alinéa 2 précise que cette procédure n’est plus possible si l’action publique a déjà été entamée ou si une amende administrative a déjà été notifiée à l’employeur pour les mêmes faits. Si ce n’est pas le cas, dès le moment où l’auditeur du travail exprime son choix en faveur de « l’action civile », l’action publique s’éteint.

Dans le document Procédure pénale (Page 38-41)