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LA SAISINE DU JUGE

Dans le document Procédure pénale (Page 198-200)

SECTION 1 LE PRINCIPE

La saisine du juge porte sur le ou les fait(s) visés dans l’acte introductif de la poursuite. L’article 6, paragraphe 3, a), de la Convention européenne des droits de l’homme548 impose que le prévenu soit effectivement informé des faits qui lui sont reprochés et de leur qualification juridique. Selon la Cour européenne des droits de l’homme549, en matière pénale, « une information précise et complète des charges pesant contre un accusé, et donc la qualification juridique que la juridiction pourrait retenir à son encontre est une condition essentielle de l’équité de la procédure »550. Il convient, dès lors, de faire preuve d’un soin extrême551 lors de la notification de l’« accusation » à l’intéressé. L’acte d’accusation joue un rôle déterminant dans les poursuites pénales puisqu’à compter de sa signification, la personne mise en cause est officiellement avisée de la base juridique et factuelle des reproches formulés contre elle552.

Si la citation remise au prévenu présente des lacunes c’est, selon M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, « au juge du fond à apprécier souverainement si les manquements qui entachent la citation constituent une violation des droits de la défense »553.

547 Cass., 29 septembre 2001, Rev. dr. pén., 2002, p. 439.

548 Voir aussi l’article 14, paragraphe 3 du Pacte international de New-York relatif aux droits civils et politiques et à ce propos, Cass., 16 octobre 1984, Pas., 1985, p. 239.

549 Voir Cour eur. D.H., Spivacius c. Lithuanie, précité ; voir, mutatis mutandis, arrêts Deweer c. Belgique du 27 février 1980, série A n° 35, pp. 30-31, § 56 ; Artico c. Italie du 13 mai 1980, série A n° 37, p. 15, § 32 ; Goddi c. Italie du 9 avril 1984, série A n° 76, p. 11, § 28 ; Colozza c. Italie du 12 février 1985, série A n° 89, p. 14, § 26 ; voir encore F. KUTY, « Le droit à un procès équitable au sens de la jurisprudence strasbourgeoise en 2002 », J.L.M.B., 2003, pp. 528-529 ; S. VAN DROOGHENBROECK, « La convention européenne des droits de l’homme – Trois années de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme 2002-2004 », volume 1, Les dossiers du J.T., n° 39, 2003, pp. 177-186 ; pour une étude complète sur cette question, voir F. KUTY, Justice pénale et procès équitable, vol. 2Larcier, Bruxelles, 2006, pp. 333-353.

550 Voir Cour eur. D.H., arrêt Pélissier et Sassi c. France, 25 mars 1999, paragraphe 52. 551 Cour eur. D.H., arrêt Sadak c Turquie, 17 juillet 2001, paragraphe 48.

552 Voir notamment Cour eur..D.H., Kamasinski c. Autriche du 19 décembre 1989, série A n° 168, pp. 36-37, § 79. 553M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, op. cit., pp. 1300-1301 et références citées.

Une telle violation ne pourrait toutefois être retenue que si les droits de la défense du prévenu ont été compromis de manière irrémédiable554. Ainsi, si le juge du fond estime, selon les règles du droit interne, qu’une notification ou une précision ultérieure de l’accusation était légalement possible, sans qu’il ne soit porté atteinte de façon irréparable aux droits de la défense du prévenu, la condamnation qui s’en suivrait n’est pas entachée d’irrégularité555.

Par ailleurs, dans son arrêt du 17 avril 2007556, la Cour de cassation observe qu’il n’existe pas de fin de non recevoir de l’action publique pour manque de précision de la prévention. La Haute Cour ajoute que lorsque la prévention est imprécise à défaut d’indiquer de façon claire le fait qu’elle vise ou la loi pénale à laquelle il est contrevenu, il appartient au juge – ou au ministère public ou à la partie civile – si le prévenu devait se prévaloir d’une violation de son droit à l’information garanti par l’article 6, paragraphe 3, a) de la Convention européenne des droits de l’homme, de veiller à ce que la prévention soit précisée de sorte que le prévenu soit renseigné sur les faits mis à sa charge.

En d’autres termes, confronté à une prévention qui manque de précision et qui place le prévenu dans l’impossibilité de déterminer le fait infractionnel qui lui est reproché, il appartiendra au juge, dans la limite de sa saisine557 et après avoir informé le prévenu dans le respect des droits de la défense, de préciser cette prévention sans qu’il ne puisse déclarer, face à ce seul constat, l’action publique irrecevable558.

L’article 5bis du Titre préliminaire du Code de procédure pénale, en ce qui concerne la personne qui s’est déclarée personne lésée559, et l’article 5ter du même Titre, en ce qui concerne la

554 F. KUTY, Justice pénale et procès équitable, vol. 2, Larcier, Bruxelles, 2006, , p. 353 et les références citées.

555 Cass., 31 octobre 2000, précité ; voir aussi Cass., 28 juin 1994, Pas., 1994, n° 335 ; voy. aussi Liège, 19 septembre 2013, J.L.M.B., 2014, p. 426.

556 RG P.07.0063.N consultable sur www.cass.be qui publie le sommaire et fait référence à R. DECLERCQ, « Beginselen van Strafrechtspleging ».

557 La Cour de cassation estime que la saisine du juge est déterminée par les faits qui font l'objet de la prévention et non par la qualification qui leur est donnée par la partie poursuivante ; la recherche de la portée de l'acte de saisine par la juridiction de jugement gît en fait : Cass., 5 juin 1996, Pas., 1996, p. 584 ; rappelons encore – et la remarque est d’importance - qu’il n’appartient pas au juge, mais au seul ministère public, de prendre l’initiative d’inviter une personne poursuivie à comparaître volontairement sur un fait distinct. Il faut, dès lors, se garder de confondre « l’invitation à se défendre » sur un fait différemment qualifié de « la comparution volontaire » pour un autre fait qui permet une modification de la saisine.

558 Comparer avec M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, 4ème éd. , Larcier, Bruxelles, 2012, p. 771 ; ces auteurs concluent, quant à eux, à l’irrecevabilité des poursuites. Selon nous, toutefois, si une irrecevabilité, pour manque de précisions de la prévention, devait être retenue, de nouvelles poursuites restent envisageables et ne constitueraient pas une violation du principe non bis in idem puisque la décision prononcée ne porte sur le fond et n’éteint pas l’action publique. La prudence s’impose toutefois et on se gardera de généraliser ce constat. En effet, si une telle violation des droits de la défense devait se combiner à une irrégularité relative à la preuve – par exemple une pièce essentielle du dossier sur laquelle se base les poursuites est nulle et est à la base de toutes les autres mesures d’investigation – de nouvelles poursuites nous paraissent impossibles. Voir à ce propos les catégories de nullités proposées par J. DE CODT, « Des précautions à prendre par la loi pour que le citoyen coupable ne soit frappé que par elle », J.T., 2008, p. 650 et s.

559L’acquisition d’un tel statut sera systématiquement porté à la connaissance de la personne qui dépose une plainte auprès des services de police par la remise d’un formulaire. Ce document, une fois complété, sera transmis sans délai au secrétariat du ministère public par les services de police.

personne dont la procédure établit qu’elle pourrait subir les effets de certaines confiscations560, imposent que ces personnes soient averties de la fixation de la cause devant la juridiction de fond ; il ne s’agit pas d’une citation mais d’un avertissement. Cette obligation est dépourvue de sanction.

SECTION 2 LES MODES DE SAISINE

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