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Une nouvelle rationalité gouvernementale : la gouvernance

Chapitre trois – Reconfigurations d’un sujet économique : fabrique d’un sujet-projet néolibéral

B. Financiarisation et gouvernance

2. Une nouvelle rationalité gouvernementale : la gouvernance

Les dispositifs qui définissent notre actualité se redessinent, se déploient et s’imposent donc progressivement dans les États du monde euro-atlantique dès le milieu des années 1970, et de manière encore plus évidente à la suite de la chute du mur de Berlin, au cours des années 1990. Au-delà des modifications profondes des structures et des mécanismes économiques, on relève certains infléchissements de la rationalité gouvernementale articulés à celles-ci, ce qui a des conséquences sur les organisations politiques et sociales2 et leurs opérations de pouvoir (leur nature comme leurs modes d’exercice).

Pour rendre compte de ces modalités de pouvoir caractéristiques des dispositifs contemporains, on s’appuiera sur les catégories foucaldiennes de « rationalité politique » ou de « rationalité gouvernementale »3, désignations conceptuelles qui ouvrent à l’idée que les technologies du pouvoir (tel qu’il s’exerce effectivement, et non pas seulement tel qu’il se pense et se réfléchit) ne sont jamais uniquement le fruit des décisions conscientes des dirigeants

1 Pour employer les termes marxistes de M. Lazzarato : au profit du Capital, et au détriment de la force de travail.

2 Ce qui a, bien sûr, des conséquences (qui n’intéressent pas directement notre étude) sur les systèmes partisans et l’organisation de la vie démocratique elle-même, telle qu’elle prend forme dans les démocraties représentatives des États du monde euro-atlantique. À ce sujet, on peut lire P. Martin, Crise mondiale et systèmes partisans, Paris, Presses de Sciences Po, 2018, et notamment les pages que l’auteur consacre à la période la plus récente.

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politiques, ni l’expression directe d’une idéologie établie, ou des modalités matérielles d’organisation sociale. En ce sens, la rationalité gouvernementale représente donc la structuration normative d’un moment historique donné, et est à la fois le principe d’organisation, la condition de possibilité, et ce qui donne leur forme, aux opérations de pouvoir. La rationalité gouvernementale permet également de penser ensemble, comme nous y invite constamment Foucault, les formes historiques de savoir, de pouvoir et de sujets.

L’idée de rationalité laisse entendre, en outre, la simultanéité des opérations de pouvoir qui ciblent les individus et les populations, et permet d’envisager le caractère indirect de ces opérations. Si elle est une condition de possibilité de celles-ci, elle permet également de conférer aux pratiques de pouvoir une légitimité. C’est en se référant à une forme de raison que les opérations de pouvoir se justifient, et acquièrent peu à peu leur caractère d’évidence, au point de ne plus être interrogées par les sujets qu’elles gouvernent. Mais cette rationalité, nous l’avons vu, ne saurait se contenter d’exprimer l’articulation de principes théoriques divers, et de sélectionner puis filtrer des énoncés ou des discours, en les codant à partir de ces principes théoriques. Elle possède également une dimension éminemment pratique et matérielle : elle produit, elle élabore, elle constitue, et, en premier lieu, elle conduit, agissant sous la forme de normes, la fabrique de sujets. La rationalité politique des dispositifs du néolibéralisme façonne donc nos subjectivités : nos manières de nous rapporter à nous-mêmes, aux autres et au monde. Elle définit des formes d’existence ou des modes de vie1, et, en cela, les formes historiques et normatives du sujet.

Dans ses cours au Collège de France, Foucault parle du néolibéralisme comme d’une « rationalité gouvernementale », d’une « rationalité économique », ou encore d’une « gouvernementalité »2. En prenant une nouvelle fois appui sur cette reconfiguration des relations entre opérations de pouvoir, principes économiques et modes de subjectivation mise au jour par Foucault, W. Brown cherche, de son côté, à la fois « à prolonger quelques-unes de ses pistes de réflexions » et à « proposer une théorisation productive pour notre époque3 ». Pour cela, elle formule une hypothèse claire, en analysant méthodiquement certaines pratiques et leurs justifications théoriques telles qu’elles s’affirment à partir du milieu des années 1980. Elle

1 Foucault parle de « modes de vie » afin d’évoquer la dimension collective de l’existence des sujets, de leur gouvernement, d’une part, mais également de leur capacité à s’autogouverner, et à introduire de la différence dans le présent. Les modes de vie peuvent donc se déployer en pratiques de la liberté. Quoiqu’il en soit, ils articulent en leur sein des subjectivités individuelles et collectives. La vie s’y donne alors comme un espace d’expérimentation, dont la productivité et la créativité expriment la capacité de rupture, à l’égard de ses propres déterminations, qu’elle contient.

2 M. Foucault, Naissance de la biopolitique, op. cit.

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remarque en effet que le terme de « gouvernance » s’est imposé à la fois dans les discours économiques ou politiques, dans le monde de l’entreprise, dans celui des organisations à but non lucratif, des agences gouvernementales, des institutions politiques1. Mais il prend également une place de plus en plus centrale dans les sciences sociales chargées d’analyser ces organisations, notamment les sciences politiques ou économiques. La gouvernance apparait dès lors comme la forme la plus contemporaine de la gouvernementalité néolibérale, celle par laquelle se précisent ses techniques de pouvoir, ses modes de fabrique des sujets, sa capacité à produire des environnements économisés2. Si la gouvernance ne s’assimile pas au

1 Inutile sans doute ici de souligner le foisonnement de références à la plus ou moins bonne « gouvernance » des institutions ou entreprises dans la presse, les revues, les ouvrages scientifiques, les organisations internationales, etc. Signalons, à titre d’exemple, que l’entrée relative aux politiques publiques sur le site de l’OCDE – s’intitule « gouvernance publique ». À consulter ici : http://www.œcd.org/fr/gouvernance. Dans la phrase qui sert de présentation à la page, la gouvernance y apparait comme une modalité de gouvernement objectivée, construite à partir de données, réactive et prospective, et enfin contractualisée : « Nous travaillons avec les gouvernements pour les aider à concevoir et à mettre en œuvre des politiques fondées sur des données probantes et innovantes, leur permettant de réagir efficacement aux défis économiques et sociaux et de respecter leurs engagements vis-à-vis des citoyens. »

On peut également prendre l’exemple, en France, d’une institution classique, la Cour des Comptes, redéfinie par la gouvernance. En effet, lorsque la Cour, juridiction financière de l'ordre administratif, chargée de contrôler la régularité des comptes publics, se demande si l'État est un bon actionnaire, elle le fait en des termes qui permettent d’illustrer de manière spectaculaire ce que peut être une rationalité gouvernementale néolibérale, et l’importance que prend le concept de gouvernance à l’intérieur de celle-ci. Non contente de relire l’action politique en des termes purement économiques, ce qui est son rôle, après tout, elle affirme par ailleurs d’emblée se placer dans « une démarche résolument pragmatique », ce dont on peut douter, dès lors que dès les premières lignes de la présentation de son rapport de 2017, par exemple, les rapporteurs affirment, sans surprise, que « les constats effectués par la Cour montrent que l'État peine à être un bon actionnaire ». Ils poursuivent ainsi : « Malgré d'indéniables progrès, des faiblesses chroniques demeurent, notamment en matière de gouvernance. L'actionnariat public se révèle rarement le moyen le plus adapté pour contrer la perte de compétitivité et la désindustrialisation de l'économie française. En outre, les besoins financiers croissants des entreprises publiques vont peser lourdement sur les finances publiques dans les prochaines années. La Cour invite à clarifier les objectifs poursuivis, à engager des transformations profondes dans la gouvernance et à limiter les interventions au capital au strict nécessaire. » À consulter ici : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/174000061-l-etat-actionnaire-rapport-2017. Outre la traditionnelle image d’un État piètre actionnaire, il est intéressant de constater qu’une juridiction chargée de contrôler la régularité des comptes publics se comporte plutôt comme une agence d’évaluation, voire de notation, de la plus ou moins bonne gouvernance de l’État, selon ses termes. Références à la dette, à la gouvernance, et procédures d’évaluations : on voit ici comment la rationalité gouvernementale néolibérale imprègne et reconfigure l’organisation et l’expression des institutions les plus anciennes et les plus établies. On notera d’ailleurs qu’en se comportant de plus en plus comme une agence de notation des politiques publiques, la Cour des Comptes a su gagner une légitimité nouvelle dans le débat public, et que cette légitimité inédite n’est pas étrangère au fait qu’elle ait choisi de respecter les formes contemporaines de la rationalité néolibérale. Ainsi, un discours sera d’autant plus audible, des propos seront d’autant plus intelligibles, des pratiques seront d’autant plus visibles, qu’ils s’inscriront pleinement dans le cadre normatif fixé par la raison des dispositifs dominants.

2 On lira également, au sujet de la gouvernance, A. Deneault, « Gouvernance », le management totalitaire, Montréal, Lux, 2013. G. Chamayou, de son côté, tout en reconnaissant la spécificité d’un gouvernement par la gouvernance, donne de celle-ci une définition plus restreinte : la gouvernance, forme de « la gouvernementalité financière », poserait la question de « savoir comment gouverner les gouvernants, comment instituer des formes de méta-contrôle telles que, quoiqu’ils aient pu vouloir au départ, ils n’aient pas d’autre option, une fois en place, que de faire ce qu’ils sont censés faire. Ce que Marx appelait le "gouvernement du capital", la novlangue contemporaine s’est mise à l’appeler "gouvernance" », G. Chamayou, La Société ingouvernable, op. cit., p. 65. Nous ne retiendrons pas ici cette conceptualisation, qui fait de la gouvernance « un gouvernement des gouvernants par les marchés » (p. 66), dans la mesure où elle se focalise sur le rôle joué par les dirigeants politiques, et exclut du cadre de sa réflexion l’une des caractéristiques de la gouvernance contemporaine, qui est sa promesse d’horizontalité.

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néolibéralisme, il semble que celui-ci, dans ses configurations les plus récentes, ne soit pas pensable sans elle.

W. Brown rappelle d’ailleurs que nulle part, dans les discours d’Hayek ou Röpke, pour ne citer qu’eux, on ne trouve de mention de la gouvernance. Il s’agit donc, plutôt que de chercher les prémisses de ce triomphe chez les premiers penseurs du néolibéralisme, de saisir la convergence non-nécessaire de deux processus contemporains : celui de la gouvernance, et celui de la rationalité gouvernementale néolibérale1. La gouvernance est mobilisée et envahie par cette dernière, tandis que l’économisation propre à la rationalité du néolibéralisme est disséminée par les pratiques de la gouvernance dans toutes les sphères de l’existence des sujets contemporains, et contribue à rénover le sens de ce qui est politique. La gouvernance apparait donc comme un mode d’organisation, d’expression et de matérialisation du pouvoir dans les dispositifs du néolibéralisme.

Mais qu’est-ce donc que cette gouvernance, dont on parlera désormais pour désigner un ensemble relativement stable et identifiable de modalités, par lesquelles se configurent, se structurent et s’ordonnent les relations de pouvoir dans les dispositifs contemporains ? Ou encore : comment repérer les principes d’organisation politique et sociale qu’elle exprime, et les agencements, notamment subjectifs, qui s’en déduisent ? Il existe sans doute une multitude d’acceptions du terme de gouvernance2. On peut toutefois en retenir une définition minimale. Le concept signifierait le passage d’un gouvernement fondé sur une direction et un contrôle hiérarchiquement organisés, dans les États comme dans l’ensemble des structures sociales, économiques ou politiques, à un gouvernement horizontal se déployant en réseau, intégré, fonctionnant sur le mode de la coopération, et partiellement auto-organisé – assez étrangement, W. Brown ne signale pas l’homologie apparente entre cette organisation horizontale et le rhizome de Deleuze et Guattari3.

1 À ce propos, voici ce qu’Étienne Balibar écrit en parlant des « diverses combinaisons de la tendance

technocratique, agressivement moderniste, qui vise à remplacer le gouvernement représentatif (caractéristique du

libéralisme) par une gouvernance d’experts économiques et administratifs anonymes » : celle-ci « peut être dite néo-libérale parce qu’en dernière instance elle trouve sa source dans la mondialisation et la financiarisation du capitalisme qui déplacent les centres du pouvoir réel hors d’atteinte des collectivités de citoyens historiquement constituées (généralement identifiées comme des "peuples" ou des "nations") ». É. Balibar appuie donc les analyses de W. Brown, d’autant qu’il explique, comme elle, que le passage du gouvernement à la gouvernance est bien un facteur de « dé-démocratisation », pour reprendre l’une des expressions de la philosophe américaine. Par ailleurs, il partage également les vues de celle-ci en affirmant que la gouvernance est néolibérale. Voir É. Balibar,

Libre Parole, Paris, Galilée, 2018, p. 29.

2 Voir W. Brown, Défaire le Dèmos, op. cit., p. 130.

3 Pour une caractérisation du rhizome, voir G. Deleuze et F. Guattari, Mille Plateaux, op. cit., notamment « Introduction : rhizome », pp. 9-37.

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Gouverner, dans le sens de la gouvernance, est par ailleurs employé comme équivalent du terme « gérer », ce qui signale explicitement la fusion des pratiques politiques et entrepreneuriales. Remarquons-le tout de suite, mais nous y reviendrons : cette congruence entre les concepts de gouvernance et de gestion a des conséquences directes sur les subjectivations. On parle en effet de « se gérer soi-même », ou de gestion de soi, pour évoquer des modalités de contrôle de soi, de ses affects, de ses émotions ou de ses représentations1 : de son intériorité. La gouvernance tend donc à « économiser2 » les pratiques de soi, en les codant sous la forme de techniques de gestion de soi, mais également en ciblant minutieusement ces intériorités qui représentent une matière aisément « marchandisable » pour le capitalisme. Ainsi, lorsque le sujet contemporain est incité à se gouverner lui-même, cela signifie qu’on attend de lui qu’il sache « se gérer », et, pour y parvenir, on met à sa disposition un ensemble de pratiques, d’expériences, de gestes ritualisés (qui peuvent être parfois, dans le même temps, des techniques de ralentissement existentiel, destinées à lutter contre l’accélération exponentielle des existences contemporaines), et qui se diffusent à de nombreux domaines (cette gestion de soi peut, par exemple, prendre la forme de la méditation, de la pratique sportive plus ou moins intensive comme de la prise en charge par les élèves eux-mêmes, et de plus en plus précocement, de leur orientation scolaire). L’influence d’une gouvernance gestionnaire sur les processus de subjectivations se repère également dans les préceptes du développement personnel, qui visent à enseigner aux sujets à se prendre en charge afin de mieux se valoriser. Le modèle d’une existence réussie s’assimile alors à celui d’une entreprise, dont la gouvernance serait optimale, ou à celui d’une institution bien dirigée. Le terme « gérer » apparait ici comme un autre de ces concepts qui autorise des glissements sémantiques, et la colonisation de domaines psychologiques ou subjectifs par des logiques économiques3.

À la fois horizontale et gestionnaire, la gouvernance, associée à la rationalité gouvernementale du néolibéralisme, se signale aussi sous la forme de politiques publiques concrètes. De manière exemplaire, le New Public Management (NPM), né en Grande-Bretagne dans les années 1980, traduit la fusion entre le langage et les pratiques de l’entreprise et ceux

1 Il faudrait étudier plus précisément la manière dont les pratiques de soi reconfigurées en gestion de soi empruntent, de manière plus ou moins explicite, aux principes du stoïcisme – il n’y a qu’à voir fleurir les couvertures d’hebdomadaires à ce sujet, et les interventions médiatiques récurrentes de certains philosophes. Il s’agit évidemment, dans ce cas, de la captation et de l’exploitation, largement économique et financière, d’une pensée et de pratiques antiques par des dispositifs contemporains, plus que d’une simple relecture, ou d’une forme de lien tissé avec une tradition.

2 Au sens d’un devenir-économique, d’une économisation.

3 On peut donc parler, au sujet de l’injonction à la bonne gestion, de soi comme des ressources des États, d’un opérateur conceptuel d’homologie, chargé de transférer des logiques et des pratiques d’un domaine à un autre, afin d’organiser une rationalité normative cohérente, celle du dispositif. Cf. supra, partie II, chap. trois, A : « Projet, créativité, libération : trois opérateurs d’homologie ».

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des institutions publiques, entre le lexique économique et le vocabulaire politique, qui structure l’ensemble des dispositifs contemporains, et s’identifie à un régime discursif, et aux pratiques qui s’en déduisent, propres à la gouvernance. Ce mode d’organisation, issu des méthodes de management du secteur privé, contribue à diffuser la rationalité gouvernementale néolibérale dans les services publics, et constitue la matrice de toutes les réorganisations des services de l’État dans les pays du monde euro-atlantique1. Cette nouvelle forme de gestion de la fonction publique impose une mise en concurrence de tous ses domaines d’intervention, et à l’intérieur de ceux-ci, de tous les acteurs et les activités dont elle a la charge (emploi, protection sociale, éducation, jeunesse, etc.), à partir d’indicateurs quantitatifs. Elle a comme conséquence « des transformations structurelles visant à réduire les coûts des administrations2 », et « le terme de gouvernance [y] remplace celui de souveraineté avec laquelle elle est pourtant contradictoire3 ».

1 En France, on citera par exemple la « révision générale des politiques publiques » (RGPP) en 2007, comme un exemple typique de l’influence du New Public Management sur les différentes réformes administratives qui se sont succédées à partir des années 2000. Elles concernent massivement l’organisation de l’école, et nous aurons l’occasion d’y revenir. Après le quinquennat de Nicolas Sarkozy, marqué par la RGPP, celui de François Hollande s’est illustré en mettant en place la MAP (« modernisation de l’action publique »), dont les objectifs d’amélioration de l’organisation des services publics d’une part, et de restrictions budgétaires de l’autre, ressemblent à ceux de l’équipe précédente. Depuis 2017, sous la présidence d’Emmanuel Macron, seuls les sigles changent, les buts fixés demeurant ceux de « faire mieux avec moins » ; on parle désormais de « CAP 2022 », pour comité d’action publique, celui-ci étant composé majoritairement de personnalités issues, sans surprise, du secteur privé.

On peut par ailleurs souligner que l’OCDE, en 2005, dans une publication intitulée Moderniser l’État. La route à

suivre (Paris, OCDE, 2005) signale comme une nécessité la modernisation du secteur public, en vue de maintenir

la compétitivité des économies « dans un environnement international incertain ». L’organisation préconise ainsi « l’introduction de la budgétisation et de la gestion orientées vers les performances » (pp. 24-26). Elle précise :« La réorientation de la gestion du secteur public a entraîné l’adoption d’approches nouvelles en matière de gestion, de budgétisation, de ressources humaines et d’organisation institutionnelle dans le but d’améliorer les performances. La création d’agences décentralisées, l’externalisation et la privatisation de l’offre de services publics sont des exemples de changements institutionnels caractéristiques. Elle induit également des évolutions de l’emploi dans le secteur public comme la contractualisation et la rémunération liée aux performances » (p. 28). Encore aujourd’hui, ce sont, évidemment, les mêmes arguments et les mêmes prescriptions qui sont formulés, le plus souvent sous la forme de ritournelles : l’OCDE préconise ainsi « l’emploi de mécanismes de type marché dans la prestation de services publics », « l’externalisation (sous-traitance), le partenariat public-privé et le chèque-service » (p. 28). Elle insiste, enfin, sur la nécessité de « créer une culture fondée sur les résultats […] dans toute l’administration » ; pour cela, il faut « réussir à changer le comportement des fonctionnaires et des responsables politiques » (p. 90). En un mot, il s’agit donc bien d’appliquer aux administrations publiques les règles du management privé.

On renverra enfin, dans la perspective (qui est la nôtre) d’une analyse des politiques éducatives, à C. Laval, F. Vergne, P. Clément, G. Dreux, La Nouvelle École capitaliste, Paris, La Découverte, 2011. On y définit le New

Public Management comme « l’ensemble des dispositifs et des pratiques, qui, sous prétexte d’introduire une

nouvelle "culture du résultat" dans les services publics, cherchent à y modifier les rapports de pouvoir afin d’accroitre le contrôle sur les agents publics et d’augmenter leur productivité » (p. 28). Ces auteurs signalent