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Chapitre trois – Reconfigurations d’un sujet économique : fabrique d’un sujet-projet néolibéral

3. Un sujet créatif et performant

Pour analyser la créativité telle qu’elle influence les processus de subjectivation les plus actuels, et pour comprendre en quoi cette notion est décisive si on veut mettre au jour les mécanismes de fabrique des sujets contemporains, on s’intéressera d’abord à un ouvrage présenté comme un manuel de management et de développement personnel. On l’a choisi car, à cause de ou grâce à, son manque d’originalité, il incarne bien les idées, les discours et les représentations développés dans un grand nombre de publications analogues : Osez la créativité. Inspirez-vous des pratiques des entreprises innovantes1. Il peut ainsi se lire comme le recueil ordinaire de ritournelles symptomatiques des dispositifs contemporains.

Soulignons d’abord deux points, qui laissent voir la mécanique à l’œuvre des normes pratiques des dispositifs. D’une part, le profil de l’auteur, qui se présente, sur la quatrième de couverture, comme « consultant international en créativité et facilitateur de réunions stratégiques et créatives », partageant ses expériences et ses réflexions à la fois dans le cadre de son cabinet et sur son blog, donnant en même temps des conférences dans des écoles de commerce, dirigeant également une entreprise, tout en développant des « pratiques inventives et originales qui libèrent la créativité des équipes ». Cumulant des activités valorisantes, et visiblement capable de mener tous ces projets à bien, Mark Raison, l’auteur, cherche à s’identifier au sujet à « haut potentiel2 », celui que cherchent à façonner les dispositifs actuels : un sujet-projet(s) créatif, conscient de sa valeur et continuant à se valoriser à travers cette créativité, responsable de sa propre existence et de ses choix, et, enfin, prêt à prendre des risques calculés afin de réussir. Par ailleurs, second point, il n’est pas anodin que le texte se présente à la fois comme un ouvrage de conseils en management et en développement personnel, et qu’il se réfère constamment au domaine des arts, de la psychologie, ou de la pédagogie, opérant, en cela, une forme de fusion des champs et des pratiques, tous et toutes destinées à améliorer la productivité des sujets et la compétitivité des entreprises.

On a là, tant du point de vue des représentations subjectives que des discours, un exemple presque caricatural de ce que proposent, sous la forme d’un idéal normatif à atteindre et d’une matrice dominante de subjectivation, les dispositifs actuels. Le style du texte est en cela également remarquable, tant il met en place une pauvreté de la langue, qui s’incarne dans la répétition monotone des mêmes mots, dont l’accumulation cherche à produire des effets

1 M. Raison, Osez la créativité. Inspirez-vous des pratiques des entreprises innovantes, Limoges, Vitrac, 2014.

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d’évidence et d’auto-renforcement du sens qui confinent à la tautologie, effets qui semblent chargés de se substituer au moindre effort d’argumentation. Il serait sans doute amusant, mais fastidieux, de compter le nombre d’occurrences, sur les 120 pages que compte le livre, des termes de créativité, d’innovation, ou de nouveauté ; le tout étant destiné exclusivement, on l’a dit, à assurer une meilleure productivité aux salariés, et à réaliser des « affaires » plus avantageuses.

Ces remarques établies, revenons à la définition de l’objectif stratégique du texte. Celui-ci a pour objet, sans surprise, de partager les « bonnes pratiques » de certaines entreprises. M. Raison cite en exemple celles qui ont su faire de la créativité et de l’innovation, qui en est la conséquence heureuse, le fondement d’une nouvelle organisation, étant entendu que, pour l’auteur (et il ne fait que reproduire là une idée largement répandue), la réussite économique au XXIème siècle passe nécessairement par la capacité des entreprises à innover1.

Qu’est-ce que la créativité, lorsqu’elle est travaillée par les normes économicistes des dispositifs actuels ? Elle n’est pas un don inné, mais un art, une technique, l’agencement d’un ensemble de pratiques qui s’enseignent. Voici la manière dont est décrit un processus créatif : « une démarche structurée qui permet de clarifier un problème et de s’en imprégner, de rechercher des idées nouvelles et originales et de transformer ces idées en recommandations créatives et aussi pratiques que possible pour résoudre le problème initial2. » On y décèle sans mal l’idée selon laquelle l’organisation entrepreneuriale (et, plus largement, toute l’organisation sociale) se structure autour du repérage de problèmes, auxquels il s’agit de trouver des solutions techniques. La créativité apparait en cela comme le processus intellectuel et pratique qui permet d’apporter une solution adaptative originale et économiquement rentable à un problème technicisé, ce qui la réduit à un mécanisme utilitariste, typique des dispositifs contemporains.

1 Il s’agit, là encore, d’une ritournelle, poncif des discours et des représentations théoriques des dispositifs contemporains. Pour s’en convaincre, on peut se reporter à l’abondante littérature produite par l’OCDE à ce sujet, et notamment au rapport intitulé : L’Impératif d’innovation. Contribuer à la productivité, à la croissance, et au

bien-être, Paris, OCDE, 2016. Le titre est éloquent : il ne s’agit déjà plus d’un conseil, mais d’une injonction, d’un

impératif ainsi délivré aux États, impératif qui a pour objet d’articuler bien-être des sujets-salariés, productivité des entreprises et croissance des États. Voici, en quelques mots, défini le programme des dispositifs du néolibéralisme. Le résumé de la publication est sans doute encore plus explicite : « L’innovation, lorsqu’elle est bien ciblée et vient au bon moment, améliore la productivité, accélère la croissance économique et aide à la résolution des problèmes sociétaux. Des questions demeurent cependant : comment les gouvernements peuvent-ils encourager les personnes à innover en plus grand nombre et plus fréquemment ? Comment le gouvernement peut-il lui-même être plus innovant ? La Stratégie de l’Innovation de l’OCDE propose un ensemble de principes pour stimuler l’innovation au sein de la population, des entreprises et du gouvernement. À partir de recherches et de données actualisées, elle analyse en détail l’étendue de l’innovation, son évolution ainsi que les endroits où elle apparaît et les formes qu’elle revêt. » Voir https://www.œcd.org/fr/innovation/l-imperatif-d-innovation-9789264251540-fr.htm (consulté le 22/03/19).

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On voit ainsi comment une notion spécifique, considérée a priori comme plutôt positive, celle de créativité, est captée et transformée par les normes intellectuelles et discursives du néolibéralisme, et comment son sens est reprogrammé. Par ailleurs, lorsqu’il s’agit pour l’auteur d’énumérer les « recettes » de la créativité, on repère, là encore, des réflexes de pensée largement répandus : pour que chaque sujet puisse faire advenir la créativité qui lui est propre, il suffit ainsi qu’il modifie ses habitudes, qu’il se réforme lui-même, sans qu’il ne soit d’ailleurs possible d’identifier d’obstacles à ces changements attendus. Se laisser croire qu’on ne possède pas les formations adéquates pour opérer notre mue, qu’on n’a pas constitué de réseau1 suffisant pour nous y aider, ou encore qu’on manque des moyens matériels qui nous permettraient de développer notre créativité : voilà des formulations qui sont identifiées comme de fausses excuses par M. Raison, des « inhibiteurs de créativité2 », dit-il. Tout le travail de la recherche en sciences sociales est ainsi nié en quelques phrases. On lui substitue une affirmation dont la simplicité et la banalité ne réduisent visiblement pas l’efficacité, selon laquelle « quand on veut, on peut », les raisons repérées sociologiquement ou analysées philosophiquement, qui viendraient éclairer échecs ou difficultés rencontrés par les sujets, sont ramenées à de fausses excuses, nécessairement proférées par des individus défaillants, pour le moins de mauvaise foi, et, on l’imagine, amers, et jaloux de ceux qui jouissent d’une réussite forcément bien méritée.

La créativité apparait en tout point comme un choix personnel, qui relève de la responsabilité des sujets, et l’auteur cite indifféremment Mozart, Picasso ou Steve Jobs comme exemples de personnalités créatives, possédant une « capacité de travail hors du commun » et ne se dispersant pas3. La créativité repose en effet sur un ensemble d’attitudes, de dispositions pratiques, qui vont de l’ouverture au monde à la curiosité, de la confiance en soi à l’audace, de la pensée libre à la suspension du jugement critique – cette suspension permettant de s’émanciper des carcans d’une pensée préétablie, et en cela d’accéder à une réflexion qui apparaitra à l’auteur d’autant plus « libre » qu’elle aura été entièrement élaborée par les ritournelles normatives des dispositifs contemporains.

Il est clair que cette conception de la créativité s’appuie sur des considérations politiques (implicites) spécifiques, sinon conservatrices, à tout le moins acritiques : « La cause des

1 On peut rappeler ici que le « réseau » est l’une des formes symptomatiques de la sociabilité contemporaine, dans la mesure où l’objectif stratégique qui commande sa constitution et son développement est exclusivement professionnel, ou économique.

2 M. Raison, Osez la créativité, op. cit., p. 23.

3 Ibid., p. 24. On verra toutefois que l’argument qui ferait de la « dispersion » un handicap pour le développement de la personnalité et des potentialités de l’individu est aujourd’hui battu en brèche par certains psychologues ou neuroscientifiques, qui s’emparent des questions éducatives : l’agitation pourrait même devenir signe d’une certaine forme d’excellence cognitive et de foisonnement créatif. Cf. infra, partie IV, chap. trois, B, 2 : « Une version neuronalisée du "surdoué" ».

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blocages est dans la manière dont on considère un problème : ce n’est pas la réalité qu’il convient de changer en premier, c’est le regard que l’on porte sur elle qu’il faut modifier radicalement1 ». Il ne s’agit donc en aucun cas de mettre en place des stratégies de transformations sociales, ou même ici, plus modestement, d’organisation entrepreneuriale nouvelle, contrairement à ce que promet le titre de l’ouvrage en termes d’audace2, mais de modifier la façon dont on considère les situations. Il faut atténuer les problèmes, taire les contestations – ce qui constitue, en quelque sorte, les éléments d’un programme politique. On voit comment la praxis du « quand on veut, on peut », se double d’une éthique du « voir le verre à moitié plein, plutôt que le verre à moitié vide ». Dès lors, on constate que les pratiques qui caractérisent une attitude créative correspondent à des mécanismes qui fonderont un type spécifique de psychologie, éminemment contemporain, définie en grande partie par la « psychologie positive » américaine, dont la figure de proue est Martin Seligman3. C’est à travers l’injonction à l’audace que le management et ce type de psychologie s’articulent, et se déploient conjointement en une infinité de pratiques de soi, qui ont pour objectif stratégique commun d’inciter les sujets à une adaptation permanente aux changements, résolument heureuse et épanouissante.

L’ingénierie normative, sous l’action de laquelle se développent les dispositifs du néolibéralisme, et qui permet de fonder la « seconde nature4 » des sujets contemporains, produit en même temps des arguments ou des conseils, énoncés qui se diffusent comme évidences dans

1 Ibid., p. 33. On retrouvera ce type d’argumentation dans un autre ouvrage du même type : Philippe Gabilliet,

Éloge de l’optimisme, Quand les enthousiastes font bouger le monde, s. l., Saint-Simon, 2018.

2 Il serait sans doute intéressant de revenir sur cette injonction permanente à l’audace, au courage, développée par les dispositifs contemporains : elle s’étale sur les couvertures des magazines, où on demande aux lecteurs d’« oser être soi », ou dans les ouvrages de management, de développement personnel ou de psychologie, où on pourra, au choix, oser réussir (voir, pour le point de vue managérial, C. S. Dweck, Osez réussir ! Changez d’état d’esprit, trad. J. B. Dayez, Ixelles, Mardaga, 2017, ou, pour le point de vue thérapeutique, R. Marti, Oser réussir : sortir

des conduites d’échec, Paris, Retz, 2000), oser l’optimisme (C. Testa, Osez l’optimisme !, Paris, Michel Lafon,

2017), oser se faire respecter (S. Clerget et B. Costa-Prades, Osez-vous faire respecter ! Au travail, en famille,

dans la rue,…, Paris, Albin Michel, 2010), oser être parents (Marie-Rose Moro, avec O. Amblard, Osons être parents ! Avec nos ados, Montrouge, Bayard, 2016), etc. O. Babeau, se contente, lui de réclamer « de l’audace,

encore de l’audace, toujours de l’audace », O. Babeau, Devenez stratège de votre vie, op. cit., p. 237.

3 Dont nous traiterons dans notre quatrième partie : « Des enfants dans les dispositifs du néolibéralisme ».

4 Si cette formule renvoie pour nous aux analyses de P. Macherey, on la retrouve de manière exemplaire sous la plume d’O. Babeau, qui, vantant les mérites de certains individus, afin de (à partir du portrait de ceux-ci) proposer à ses lecteurs un modèle ou un paradigme de subjectivité auquel se référer, écrit : « Vous avez sûrement déjà été époustouflés comme moi par l’assurance avec laquelle certains prennent des risques, échafaudent des projets, multiplient les victoires, enchainent les succès. Ils font de la stratégie comme on parlerait une langue maternelle. Ce que l’on appelle "le sens des affaires" est sans doute une forme de ce don étonnant. Faire de l’argent, conclure des marchés, acheter et vendre avec profit est pour ces gens uns sorte de seconde nature, une activité aussi naturelle que respirer et boire », O. Babeau, Devenez stratège de votre vie, op.cit, p. 27. Nous soulignons certains termes, qui montrent à quel point les analyses de P. Macherey sont heuristiques, et donnent, en même temps, une idée assez précise du type de rapports « économisé » qui peuvent se nouer entre dispositifs du néolibéralisme et subjectivations.

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toutes les sphères de l’existence. Un ouvrage tel que celui de M. Raison n’est en effet pas seulement destiné à promouvoir des méthodes managériales, mais à définir des techniques de soi et une éthique de vie. Il s’agit de fixer un ensemble de règles, d’exercices, de rituels, de schémas de comportements, par lesquels les sujets doivent s’élaborer et se rapporter à eux-mêmes, en légitimant leurs pratiques grâce au concept de créativité. M. Raison énumère ainsi les caractéristiques qui permettent d’identifier une attitude créative individuelle1 :

- La confiance dans l’avenir, dans le progrès, dans les changements positifs - L’aptitude au changement, car rien n’est jamais acquis

- L’importance de la remise en question et de la curiosité - La responsabilité de chacun dans l’organisation

- La quête de l’unicité, le développement de la différenciation - L’ouverture à la nouveauté, à l’originalité

- L’importance de l’initiative personnelle et de la proactivité

Puis il fait de même avec les qualités propres à une « culture d’entreprise créative » : - Valoriser les talents

- Favoriser la collaboration

- Échanger et faire circuler les idées ; pas de pensée solitaire, pas de « tour d’ivoire » - Développer la multidisciplinarité, la transversalité

- Créer des lieux de travail inspirants, enthousiasmants - Favoriser le plaisir dans le travail

- Se former sans cesse, enrichir ses compétences - Savoir s’émerveiller

- Évaluer la créativité

L’aptitude à la créativité ressort donc à un ensemble d’attitudes et de dispositions, qui s’apprennent et se travaillent, et qui, telles qu’elles sont mises au jour par M. Raison, permettent d’identifier certaines des offres de subjectivité dominantes en ce début de XXIème siècle : de l’appel à la responsabilité à la capacité à s’adapter indéfiniment, de la remise en question permanente à l’injonction à l’initiative personnelle et au courage.

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Si la silhouette du sujet-projet contemporain prend forme peu à peu, il est également important de rappeler à ce stade du travail, la manière dont les normes managériales1, telles qu’elles sont définies ici, vont être transposées à l’identique dans d’autres domaines, a priori très éloignés de l’organisation des entreprises, et notamment celui de l’éducation et de ses normes, qu’elles concernent l’institution scolaire ou la sphère familiale2. Psychologie et éducation constituent en effet deux des domaines dans lesquels les mécanismes de subjectivation semblent les plus directement actifs et repérables. Les normes éducatives contemporaines, on le verra, renvoient (en partie seulement, mais de manière directe) à celles du néomanagement, du développement personnel et d’un certain type de psychologie contemporaine. En transposant des normes pratiques d’un domaine à un autre, les dispositifs prennent une consistance particulière. Les processus de transfert des discours et des représentations des uns aux autres contribuent à produire une forme de continuité et de cohérence qui confèrent aux opérations de subjectivations néolibérales une redoutable efficacité. L’ouvrage de M. Raison, et son usage du concept de créativité, nous en fournit un exemple. Explorons à présent les différents traits par lesquels s’identifie le sujet créatif des dispositifs actuels, les pratiques qu’il met en œuvre, et notamment la manière dont il est informé par les préceptes du développement personnel.

En effet, le sujet contemporain est, également, celui du développement personnel3. S’il doit affronter une offre multiple de subjectivités, le monde du travail et l’entreprise contribuent, en premier lieu, à cette offre – on le répète, l’ambition de bâtir un sujet-entreprise, propre aux configurations initiales des dispositifs du néolibéralisme, n’a pas disparu, mais ses priorités et ses modalités ont changé. Encore une fois, les modèles ne se substituent pas les uns aux autres, mais les offres de subjectivités s’affinent ou disparaissent, tout autant qu’on modifie les hiérarchies et les équilibres entre elles. Au cœur des dispositifs du néolibéralisme, « le management constitue une sorte d’archi-science entrepreneuriale ; il figure une rationalité

1 « Le management, nouvelle loi du monde », écrit, par exemple, O. Babeau, in Devenez stratège de votre propre

vie, op. cit., p. 26.

2 Ce sera l’objet de notre troisième partie.

3 Il existe une littérature abondante concernant le phénomène du développement personnel, et celui du coaching. Parmi celle-ci, l’un des titres les plus complets est l’ouvrage de V. Brunel, Les Managers de l’âme, op. cit. Nous nous réfèrerons ainsi essentiellement à ses analyses. On pourra lire aussi N. Marquis, Du Bien-être au marché du

malaise. La société du développement personnel, Paris, PUF, 2014. Signalons également, l’article de F. Gros, « Le

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d’ensemble, une logique spécifique que ses concepteurs proposent d’appliquer à toutes les institutions sociales et à tous les domaines de l’existence1 ».

En cela, le développement personnel, en tant qu’il est pensé dans son rapport au management, c’est-à-dire tel qu’il s’affirme à partir des années 1980, et se structure positivement dans les années 1990, marque une inflexion dans les modes de subjectivation. Il vise à articuler les complexités d’un monde économique en crise perpétuelle, celui qui fait suite aux années de prospérité relative d’après-guerre dans les pays occidentaux, à celles du psychisme humain. Aux unes, on devrait renvoyer les autres. À cela, deux objectifs : une adaptation sans fin aux mutations de l’environnement économique, au sein et hors de l’entreprise ; une augmentation indéfinie des capacités productives des sujets, liée à l’accroissement de leur créativité.

Afin d’améliorer leurs performances, c’est-à-dire d’atteindre les buts qu’on leur a fixés, les salariés se voient ainsi proposer des objectifs de comportement – être dynamique, être un leader, savoir gérer son temps ou se montrer créatif – et des techniques de transformation de soi, qui s’assimilent à une gestion de soi, sur laquelle nous reviendrons. Dans un monde du travail qui s’inscrit dans un environnement économique en perpétuel bouleversement, se met en place une forme de narcissisation du travail. Les options managériales qui triomphent considèrent désormais que « le salarié aura à gérer subjectivement des contraintes contradictoires, à donner de soi pour concilier des logiques inconciliables2 ». C’est ce don de soi, réclamé par la nouvelle organisation du travail au sujet salarié, qui devra être géré psychologiquement par les mécanismes du coaching et du développement personnel. Une logique d’implication subjective et de réflexivité de cette implication se met en place.