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Tentative de repérage d’un régime discursif dans les dispositifs contemporains

B. Les « discours vrais » dans les dispositifs du néolibéralisme

2. Tentative de repérage d’un régime discursif dans les dispositifs contemporains

Il existe bien une spécificité des discours du néolibéralisme, et celle-ci s’élabore à l’intersection entre les configurations de pouvoir et les jeux de vérité contemporains. Ces « discours vrais » du néolibéralisme sont à concevoir comme des éléments distinctifs de la rationalité gouvernementale néolibérale, et, à ce titre, comme des mécanismes normatifs de production de ses sujets. On l’a vu, les discours de vérité tenus et reproduits par les sujets contribuent à les transformer. Le lieu n’est pas ici d’analyser précisément le contenu de ces discours, leur mode de diffusion ou d’énonciation2, mais bien d’interroger leur fonctionnement au regard des principes méthodologiques définis par les ontologies des discours3, et de les révéler, de ce fait, dans leurs fonctions stratégiques, en tant que principes d’organisation du

1 Pour le dire autrement, problématiser, évènementialiser ou effectuer une ontologie des discours vrais et de nous-mêmes : voilà formulée, à l’aide de quelques concepts, la tâche que nous poursuivrons dans la suite de notre travail, en prenant comme objet d’analyse les processus de subjectivation et les normes éducatives contemporaines.

2 À ce sujet, voir par exemple Agnès Vandevelde-Rougale, La Novlangue managériale. Emprise et résistance, Toulouse, Érès, 2017, Alain Bihr, La Novlangue néolibérale. La rhétorique du fétichisme capitaliste, Paris, Syllepse, 2017, ou encore E. Hazan, LQR, la propagande du quotidien, Paris, Raisons d’agir, 2006.

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réel. Ainsi, les discours ne fonctionnent jamais de manière autonome. En tant que pratiques, ils représentent des opérations de pouvoir et participent activement aux processus de subjectivations. À ce titre, ils produisent des images et s’attachent à des affects, tout autant qu’ils donnent forme à des pensées, des idées, ou même des imaginaires1, selon certains auteurs. Qu’en est-il de ces imaginaires dans les dispositifs contemporains ? Quelles formes prennent-ils dans notre présent, et selon quelles modalités se rapportent-prennent-ils à l’« intériorité » des sujets ? Comment sont-ils, dès lors, produits et structurés à la fois par des opérations de pouvoir et des « discours vrais » ? En quoi s’articulent-ils à un régime discursif singulier, et participent-ils pleinement, en cela, des processus de subjectivation ?

a. Imaginaire(s), intériorités

Profitons donc du terme d’« imaginaire », et d’une rapide discussion à son sujet, pour expliquer en quoi, si celui-ci nous parait insuffisant pour rendre compte avec précision des techniques de gouvernement engagées dans la fabrique des sujets, il a néanmoins le mérite de permettre d’aborder un point décisif : l’importance de ce que, faute de mieux, nous nommerons alors « intériorité2 », pour les dispositifs de la rationalité néolibérale, étant entendu que nous considérerons l’imaginaire comme l’un des éléments constitutifs des « intériorités ».

À ce stade, on commencera par relever deux références à un, ou des, imaginaires du néolibéralisme, aux capacités heuristiques inégales, selon nous, ce qui nous permettra de faire émerger l’intérêt qu’un tel concept peut revêtir pour notre étude. En premier lieu, arrêtons-nous sur l’usage du terme par L. Paltrinieri et M. Nicoli3, qui intègrent l’imaginaire qu’ils évoquent au cadre imposé par une « rationalité néolibérale », qu’ils entreprennent dès lors de définir. Cet imaginaire se constitue, selon eux, comme un objectif ou un idéal à atteindre, en même temps

1 F. Cusset, T. Labica, V. Rauline (dir.), Imaginaires du néolibéralisme, Paris, La Dispute, 2016.

2 Citons ici cette remarque de P. Macherey, à propos de la distinction entre un « intérieur » et un « extérieur », et des conséquences épistémologiques et politiques de celle-ci : « Dissocier la question du pouvoir de celle du sujet, c’est accepter de s’installer, sans examen critique, dans un espace théorique traversé par la distinction de l’intérieur (le soi, où règne ce que, faute de mieux, on appelle la conscience, et en tout premier lieu la conscience de soi) et l’extérieur (l’ensemble des relations sociales dominées par le pouvoir), en supposant cette distinction ontologiquement fondée, de la manière dont l’était pour Descartes celle de l’âme et du corps, ce qui rend du même coup très difficile à comprendre la relation qui passe entre ces deux mondes, ou ces deux ordres installés dans leur face à face figé : d’où l’illusion que, pour mieux appréhender les lois propres à l’un de ces ordres, il faudrait le protéger contre toute contamination venue de l’autre, ce qui revient à transformer la distinction en une relation d’exclusion, et à placer la réflexion théorique devant d’indépassables dilemmes qui, à terme, en bloquent le développement », P. Macherey, « Lire "la Vie psychique du pouvoir" de Judith Butler – présentation par P. Macherey », Groupe d’études "La philosophie au sens large". Consultable ici : https://philolarge.hypotheses.org/files/2017/09/07-05-2003_CRButler.pdf. Consulté le 20/08/18.

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qu’un horizon ou une promesse, en permanence proposés aux sujets, et chargés de mobiliser leurs consciences et leurs actions. En cela, l’imaginaire apparait comme une technique de gouvernement, un ensemble de discours et d’images destinés à corseter les pensées, à convoquer, stimuler et contrôler les affects, à diriger les comportements et les échanges, et à modeler les cognitions1. Cette manière de construire un imaginaire propre à façonner les subjectivités, et qui incite les sujets à se conduire, se réfléchir ou penser de telle manière plutôt que de telle autre, rappelle ce que nous formulions plus haut, au titre d’hypothèse liminaire : il s’agit, pour contraindre les joueurs à jouer le jeu des dispositifs du néolibéralisme, de les amener à se projeter eux-mêmes comme des joueurs, capables de gagner ou d’y gagner, ou au moins de s’y révéler performants, doués de qualités et de talents insoupçonnés. L’imaginaire, horizon d’attente, se comprend comme une promesse, dont l’important n’est plus qu’elle soit finalement tenue, mais qu’elle ne cesse pas d’exister. Il prend forme comme un projet en cours de réalisation indéfinie.

L. Paltrinieri et M. Nicoli expliquent par ailleurs que l’assimilation par les sujets de cet imaginaire, prédéterminé ou préformé, préexistant aux sujets eux-mêmes, amène, certes, ceux-ci à intégrer des schémas de comportement, mais sans doute moins comme une obligation que comme un ethos – un ensemble de principes ou de règles de conduites qui leur permettent d’évaluer en continu leur existence et leurs actions, à la manière d’un étalon. Au-delà du fait que cette référence à l’ethos renvoie à toute une tradition foucaldienne2, et branche ainsi le problème de l’imaginaire sur celui des dispositifs de pouvoir, cette définition non-traditionnelle de l’imaginaire comme ethos conduit à se poser la question d’un style néolibéral. Enfin, et ce n’est pas le moindre de ses mérites, cet imaginaire-là présente l’intérêt de donner forme à des pratiques, et donc de révéler le réseau que constitue tout dispositif dans sa matérialité, le lien qui attache le discursif au non-discursif.

L’hétérogénéité qui caractérise tout dispositif, est commentée par les auteurs d’une autre étude qui a recours, elle aussi, à la notion d’imaginaire : Imaginaires du néolibéralisme3. Si ces auteurs ne s’appuient pas explicitement sur les concepts de M. Foucault dans leur introduction, ils repèrent toutefois comme une difficulté majeure, lorsqu’on cherche à l’étudier, le caractère

1 On voit l’intérêt qu’un tel type d’opérations de pouvoir, s’appuyant sur la définition d’un imaginaire saturé de principes économisés, ou économicistes, et contribuant à rendre désirables les grands récits du capitalisme contemporain (et notamment ceux du capitalisme cognitif), peut représenter.

2 Voir, par exemple, la manière dont Foucault cherche à définir une « attitude » singulière, qu’il désigne comme « un ethos philosophique qu’on pourrait caractériser comme critique permanente de notre être historique », in M. Foucault, « Qu’est-ce que les Lumières ? », art. cit., p. 1390. Nous adoptons, pour cette occurrence du terme et les suivantes, une seule graphie : ethos.

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hétérogène du néolibéralisme. Cette hétérogénéité complique l’analyse, selon eux, soit parce qu’on tenterait artificiellement de la réduire, soit parce qu’on risquerait de se disperser en en suivant toutes les ramifications. Ils lui opposent donc la notion d’imaginaires, ou plutôt ils la proposent pour rendre compte de cette hétérogénéité – et c’est en cela qu’elle ne nous parait pas totalement satisfaisante. Elle permettrait même, selon eux, de dépasser une contradiction, en levant l’illusion intellectualiste de l’homogénéité temporelle, pratique ou conceptuelle du néolibéralisme d’une part, et en affrontant pleinement et efficacement sa diversité et son caractère multiple, de l’autre. L’objectif stratégique de la construction d’un tel imaginaire – et, rapidement, de tels imaginaires – est clair, selon les auteurs : « recouvrir la réalité des rapports de production » et fonctionner comme « outil de fluidification narrative et doctrinale généralisée – il s’agit qu’un ensemble lâche de dogmes circule, imprègne, essaime, circule1 ». Un imaginaire, ou des imaginaires, qui fonctionneraient donc avant tout comme une idéologie. Mais la définition, en effet très « lâche », donnée par les auteurs du terme d’imaginaire, empêche, selon nous, de rendre pleinement convaincant l’ensemble formé par les articles qui composent le livre, dont le projet était pourtant de « cerner les spécificités de l’opération dite néolibérale », sans pour autant remettre en cause l’intérêt ou la pertinence de chacun d’entre eux, pris isolément. C’est bien l’unification de l’ensemble de ceux-ci sous la bannière du terme d’imaginaires que nous discutons ici, et non les articles eux-mêmes2. Si chaque article se révèle donc, indépendamment, passionnant, le problème consiste, selon nous, dans l’usage du terme d’imaginaires, pour tenter de rendre compte de la pluralité des opérations de pouvoir du néolibéralisme d’une part, et du lien entre (pour le dire vite) les discours, ceux qui les tiennent et les pensent, et leurs pratiques. On peut encore l’énoncer autrement : si les articles de ce livre nous paraissent tous intéressants, il ne semble pas que le terme d’imaginaire soit susceptible, à lui seul, de justifier leur rapprochement3.

Enfin, si l’usage caractérisé qu’en font L. Paltrinieri et M. Nicoli nous parait fécond, dans la mesure où il s’ouvre à la notion d’ethos, et donc, à la fois, à celles de subjectivations, d’expériences et de pratiques, la définition des auteurs d’Imaginaires du néolibéralisme, qui

1 Ibid., pp. 17-18.

2 Les auteurs précisent ainsi leur définition du terme : « Il convient de rappeler qu’"imaginaire" renvoie ici à une zone de recoupement des phénomènes sociaux et des résonances subjectives, des substrats matériels et des affects, verbalisés ou non – une zone au sein de laquelle ont lieu ces opérations indispensables au maintien de l’ordre dominant, mais aussi à son improbable renversement, que sont l’intériorisation, la subjectivation, l’association émotionnelle et l’acceptation, ou non, de l’inacceptable », ibid, pp. 22-23.

3 Quel rapport, en effet, entre les textes de W. Brown, C. Laval, H. Rosa, H. Jallon ou L. Ruffel, entre la démocratie, le management, et la littérature ? Pas seulement, nous semble-t-il, la question d’un ou des imaginaires, mais plutôt celle d’une raison, ou d’une rationalité, communes. Le problème serait alors plutôt celui de l’identification de dispositifs, et de l’analyse de leur genèse, des stratégies qu’ils poursuivent et de leurs modalités de fonctionnement, que du repérage plus ou moins précisément effectué d’imaginaires.

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renvoie à une zone particulière, dans laquelle se croiseraient indifféremment mécanismes sociaux, processus psychiques, affectifs ou matériels individuels, opérations de domination et leur envers, nous parait trop imprécise pour être utilisée comme telle. En revanche, leur intérêt pour le terme a le mérite indéniable de mettre l’accent sur l’articulation (qui, selon nous, pourrait être repérée et analysée plus précisément grâce aux concepts de dispositifs et de rationalité) entre les affects, les pensées, les discours, et les opérations de pouvoir, dans les processus de subjectivation. Articulation qui ouvre, dès lors, à un second type de questionnement : celui qui concerne les « intériorités » des sujets, cible privilégiée des techniques de pouvoir individualisantes (celles qui intéressent en priorité notre travail, redisons-le).

Ainsi, si l’on perçoit bien les limites de la conception d’un néolibéralisme, dont la consistance et l’équilibre ne se forgeraient qu’au travers de l’élaboration d’un imaginaire ou d’un ensemble d’imaginaires, au croisement entre représentations et discours, affects et idées, tant il y manquerait l’attention portée aux pratiques et aux conduites des sujets, ces analyses nous paraissent recéler un autre intérêt, on l’a dit : affronter la manière dont les dispositifs néolibéraux fonctionnent en profilant et en façonnant les intériorités des sujets – qu’on définira ici comme un mélange de conscience et d’inconscient, de pensée et d’affects, de rêveries et d’images, d’idées et de mots, de connaissances, de pouvoirs et de désirs. Les dispositifs du néolibéralisme s’attachent à construire cet objet, « l’intériorité », dont ils s’emparent et qu’ils occupent, et grâce auquel ils conduisent plus efficacement, et avec une économie de moyens, les conduites des sujets qu’ils gouvernent et produisent.

Qu’est-ce donc, sommairement, que cette « intériorité », prise prioritairement pour cible par les technologies de gouvernement contemporaines ? Au-delà de la vérité que le sujet doit y découvrir sur lui-même1, et qui constitue le point d’appui pour les techniques de l’aveu et leurs multiples prolongements, l’intériorité peut être analysée selon trois types d’approche. Elle est, en effet, à la fois ce qui fonde l’entreprise continue de valorisation de soi qui structure les existences contemporaines ; la source de toute forme de vérité pour le sujet ; la substance à laquelle s’accrochent, et sur laquelle agissent, les opérations de pouvoir des dispositifs.

Elle apparait ainsi d’abord comme un recours pour le sujet contemporain et le travail qu’il est conduit à entreprendre sur lui-même : un espace de repli et d’authenticité, un recours et un mode d’élaboration ou de réélaboration de sa propre identité, tout autant qu’une source de

1 Voir par exemple M. Foucault, Dire vrai sur soi-même. Conférences prononcées à l’université de Toronto, 1982, Paris, Vrin, 2017.

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revenus, de productions diverses et aisément marchandisables, d’investissements constants et de valorisation continue, dans la mesure où elle est à l’origine, pour le sujet, et en lui, de sa propre créativité. Son intériorité est le cœur même du projet qu’il élabore tout au long de son existence : lui-même.

Elle légitime également une vérité qui n’est plus seulement vérité sur soi, d’un point de vue éthique, ou vérité relative, d’un point de vue épistémologique, mais à la fois expression d’une vérité absolue et fondement de celle-ci – ce qui n’est pas sans poser certains problèmes, relativement, notamment, à la construction de savoirs partagés.

Elle est enfin le matériau, ou la substance, par lesquels s’élabore la subjectivation, et sur lesquels travaillent ses techniques, en même temps qu’aboutissement sans cesse différé de cet interminable processus. En cela, cette intériorité apparait bien comme le terrain de jeu privilégié des opérations de pouvoir contemporaines. Elle est à la fois produite par les techniques de gouvernement, et travaillées continument par celles-ci1.

Ainsi, le thème de l’intériorité permet-il bien de mettre au jour l’articulation des discours, de la pensée et de la rationalité des dispositifs du néolibéralisme, et de développer l’idée, fondamentale, répétons-le, du caractère indissociable des opérations de pouvoir, des processus de subjectivation et des effets de vérité produits par un régime discursif normatif.

L’élaboration d’intériorités néolibérales apparait à la fois comme un mode de gouvernement, une forme du contrôle des individus, un instrument pour la prédictibilité de leurs comportements, en même temps qu’une technique de subjectivation et un moyen d’informer le devenir-sujet des individus. Il serait presque tentant d’user de la métaphore de l’occupation ou de la colonisation2 – une intériorité colonisée ou occupée par les évidences des dispositifs du néolibéralisme, leurs pensées, leurs affects et leurs discours – si celle-ci ne risquait pas de passer sous silence un aspect décisif du problème : cette intériorité, considérée sous le prisme de

1 Notons, avant de, provisoirement, s’en tenir là, que l’usage du terme de normes, puis la généalogie de psychologies contemporaines utiles au développement des dispositifs du néolibéralisme, nous serviront, dans la suite de notre développement, à préciser et dépasser l’idée d’intériorité. Cf. infra, partie IV, chap. premier : « Une généalogie des psychologies contemporaines ». Par ailleurs, admettons que le terme même d’intériorité, et l’usage qu’on en fait ici, peut paraitre paradoxal, dans la mesure où il appartient plutôt au registre le plus ordinaire de la psychologie, et est en cela passé au crible de la critique antipsychologiste de Foucault – on peut d’ailleurs lire à ce sujet P. Gillot et D. Lorenzini (dir.), Foucault/Wittgenstein. Subjectivité, politique, éthique, Paris, CNRS, 2016, et notamment la première partie de l’ouvrage. Nous employons pourtant ce terme à dessein, dans la mesure où il nous parait être un point d’appui solide pour développer les problématiques qui nous intéressent : celles qui concernent la fabrication des sujets, l’élaboration de psychologies contemporaines, et les rapports que celles-ci entretiennent avec les modes de gouvernement. Pour autant, l’intériorité dont nous parlons n’a évidemment pas d’existence propre, en dehors des jeux de pouvoir et d’historicité dans lesquels elle prend place et par lesquels elle se construit. En cela, elle est en même temps produite par les technologies de gouvernement, et cible privilégiée de celles-ci.

2 Mais il serait sans doute plus intéressant d’examiner ici les concepts de déterritorialisation et territorialisation, de Deleuze et Guattari, ce que le cadre de notre étude ne nous permet pas. Voir G. Deleuze et F. Guattari,

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psychologies particulières, est elle-même une construction, et ne préexiste pas aux dispositifs du néolibéralisme et à ses opérations, attendant que ceux-ci s’emparent d’elle afin de lui donner une forme. Il ne s’agit pas de dire que l’intériorité des sujets n’existe pas, mais qu’elle est construite, d’abord, puis remplie, façonnée, profilée continument, ensuite, et que cette construction puis ce remplissage constituent des modes de gouvernement d’une redoutable efficacité, éminemment contemporains.

En interrogeant les notions d’imaginaire et d’intériorité, la première devant être identifiée comme l’un des éléments constitutifs de la seconde, on tourne, on le pressent, autour de la question des discours et des jeux de véridiction. En effet, les images « intérieures » se nourrissent de mots et d’affects, et le problème qui va nous intéresser est celui du fonctionnement d’un régime de véridiction et des discours qui acquièrent, dans le cadre de la dissymétrie posée par les rapports de pouvoir, une position dominante. Dès lors, comment s’élaborent des lieux communs, des réflexes de pensée, des arguments immédiatement disponibles pour les sujets ? Que sont ces jeux du vrai et du faux, au sein desquels se bâtissent les discours et les représentations qui travaillent les sujets, et permettent aux dispositifs d’un néolibéralisme, qui sans cesse menace de céder sous le poids de ses contradictions, de maintenir une forme de cohérence, qui signe son efficacité ? Les intériorités, et les imaginaires qui y prennent forme, sont donc nourris et travaillés par une langue et des discours, un véritable régime discursif, normatif et caractérisé, que l’on doit à présent interroger, dans la perspective posée par Foucault1 : quel est le mode d’être de ces discours, comment fonctionnent-ils en introduisant dans le réel un certain type de jeux de vérité ? Quel grain, quelles formes ou quelle consistance ces discours confèrent-ils au réel dont ils parlent ? Quel mode d’être ces discours imposent-ils aux sujets qui les tiennent, et à leurs intériorités ? Et, enfin, empruntant, (et détournant en partie) un concept deleuzien : en quoi peut-on dire que ces discours se