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On n’étonnera personne en avançant que les dispositifs du néolibéralisme, en émergeant, ne naissent pas du néant. Pour s’affirmer, ils travaillent l’existant, matière historique – dans leur cas, on pourrait donc dire qu’ils reconfigurent les dispositifs du libéralisme. Pour cela, ils sélectionnent des orientations de longue durée, en éliminent certaines, en radicalisent d’autres. Par ailleurs, on sait déjà que la rationalité néolibérale opère en disséminant le modèle du marché au sein de toutes les expériences, et chez ceux qui les mènent. Elle cherche ainsi, en même temps, à fabriquer son propre modèle de sujet : un homo œconomicus, certes, mais qui ne soit plus celui de la rationalité libérale, nous dit Foucault1. Si le modèle d’un sujet encore gouverné par son intérêt, habitant un marché dans lequel domine le principe de l’échange, traverse le XIXème siècle, le sujet contemporain, autrement dit l’homo œconomicus des dispositifs du néolibéralisme, prend forme d’abord comme capital humain, producteur et entrepreneur de lui-même, puis, de manière plus tardive, alors que le XXème siècle se termine, comme un capital humain recherchant les moyens de renforcer sa compétitivité, se reconnaissant lui-même comme un portefeuille d’investissement qu’il faut valoriser, et agissant sur un marché organisé désormais par le principe de la concurrence2.

Avant de repérer ce passage de l’un à l’autre de ces modèles – et qui ne constitue pas, disons-le nettement, le remplacement de l’un par l’autre, mais la reconfiguration de l’un par l’autre, et une modification, dans le modèle le plus récent, des équilibres entre des tendances déjà à l’œuvre dans les modèles précédents –, il nous faut préalablement nous attarder sur l’apparition, dans les discours scientifiques, et notamment ceux de la science économique, de cette figure, qui bientôt se diffusera jusque dans le langage ordinaire : celle de l’homo œconomicus – personnage, on l’a vu, qui s’affirme dans le cadre de la rationalité libérale, avant d’être capté, puis retravaillé, par les dispositifs du néolibéralisme.

Les processus par lesquels les individus prennent forme comme homo œconomicus opèrent selon une modalité double, ou plutôt qui s’effectue en deux temps. Une opération de

1 M. Foucault, Naissance de la biopolitique, op. cit., p. 232.

2 Pour une généalogie précise – qui excède celle qui nous intéressera directement, à savoir celle qui mène de l’entre-deux guerres à nos jours – de l’homo œconomicus, qui n’a évidemment pas une forme constante à travers les siècles, on peut lire W. Brown, Défaire le Dèmos, op. cit., pp. 35-36. On passerait ainsi de la figure du marchand ou du négociant qui poursuit ses intérêts à travers l’échange, dessinée par A. Smith, au sujet recherchant les plaisirs et évitant les peines grâce à des calculs sur les coûts et les bénéfices de toute chose, celui de J. Bentham, cent ans plus tard, puis, il y a quarante ans, au sujet du capital humain, repéré par Foucault, notamment chez G. Becker, qui devient une entreprise, avant d’aboutir, temporairement, à la reconfiguration du capital humain en capital financier.

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subjectivation unique, d’abord, qui produit l’ensemble des individus en homo œconomicus à partir de modèles théoriques et intellectuels et de représentations abstraites, et une variété de procédures de subjectivation, ensuite, des subjectivations qui contribuent à fabriquer ces sujets pratiques et historiques que nous sommes. Subjectivation se produisant à partir de représentations théoriques et d’apports intellectuels matriciels – changeants, variés, voire contradictoires, selon les moments de l’histoire et les rationalités qui s’y déploient – d’un homo œconomicus, et subjectivations opérant à partir de ce modèle originaire d’homo œconomicus pour conduire au plus près la constitution d’une multitude de sujets, les deux types d’opérations étant nécessairement articulés les unes aux autres. Tout partirait donc d’une modélisation, d’une figure : homo œconomicus. Mais de quoi parle-t-on1 ?

D’un paradigme, peut-être2. C’est-à-dire plutôt de quelque chose que de quelqu’un, et cette objectivation initiale n’est sans doute pas neutre – elle peut renvoyer directement à toute la partie purement objectivante des procédures d’assujettissement telles que les repère Foucault dans les mécanismes de subjectivation.

Parler d’homo œconomicus, d’un homme principalement animé par des préoccupations économiques, c’est donc accepter d’abord, pour un moment, de parler une langue que nous ne maitrisons pas, celle de la science économique : discipline intellectuelle aujourd’hui dominante, au statut pourtant largement ambigu. Si elle apparait désormais, parmi les sciences sociales, comme étant dotée d’une scientificité supérieure à celle d’autres types d’étude (du fait d’une formalisation poussée, de son lien avec le langage mathématique, de son éloignement vis-à-vis du langage ordinaire, l’ensemble lui conférant un rôle d’expertise de plus en plus hégémonique dans les décisions publiques), elle semble n’être, au final, pas tant éloigné du langage ordinaire, que de l’ordinaire lui-même – c’est-à-dire de la réalité dans son ensemble, d’une part, mais, plus grave sans doute, de la réalité même lorsqu’elle est considérée sous l’angle économique3.

1 Pour éviter de faire de cette figure l’un de ces invariants dont parlait M. Foucault au début de Naissance de la

biopolitique, et dont il disait qu’ils peuplaient l’histoire de la philosophie politique, il faut admettre que la réalité,

double, à laquelle renvoient les processus de subjectivation, à la fois abstraite et concrète, théorique et pratique, doit toujours être pensée comme une formation historiquement située et constituée. Le modèle théorique d’homo

œconomicus qui influence les procédures de fabrique des sujets du néolibéralisme est tout aussi historiquement

situé que ces procédures, d’une part, et que les sujets eux-mêmes, de l’autre. Ce qui implique qu’on doive se montrer capable, afin d’historiciser un phénomène particulier, d’historiciser à la fois les modèles théoriques dont il s’inspire et qui l’informent, et la forme singulière et matérielle sous laquelle il se présente. Les idées et les images qui pénètrent et façonnent une matérialité, les opérations spécifiques qui contribuent à lui donner une forme, et le résultat forcément temporaire de celles-ci : en réalité tout cela mérite d’être rendu à sa dimension historique.

2 P. Demeulenaere, Homo œconomicus. Enquête sur la constitution d’un paradigme, Paris, PUF, 1996.

3 Ibid., p. 1. Pour approfondir cette question, on peut lire l’ensemble de l’introduction du livre. L’auteur y montre que la science économique bute avant tout sur la conception qu’elle se fait de l’un des éléments fondamentaux de son analyse : l’action humaine. Si celle-ci est bien la référence obligée de toute la discipline, l’ensemble de la constitution de la tradition économique témoigne en réalité d’une difficulté à traiter de cette action.

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Homo œconomicus est donc, dès le départ, une forme double : à la fois individu pratique et représentation théorique1. De cette origine nécessairement ambivalente nait un ensemble de malentendus, de raccourcis et de déformations, sur ce que peut désigner l’appellation homo œconomicus – mais également le caractère changeant, protéiforme, du personnage.

Par ailleurs, l’usage de ce paradigme, son influence croissante et ses différentes réinterprétations, nous renseignent sur la manière dont l’émergence de dispositifs, et des normes qui les organisent et par lesquelles ils s’exercent comme pouvoir, ne peut se faire sans une réinterprétation du réel, du présent ou de l’existant. En cela, l’imposition progressive de la figure d’homo œconomicus comme modèle d’analyse et outil principal de cette science économique, qui s’affirme peu à peu, au cours du XXème siècle, comme l’un des savoirs dominants, constitue un élément capital pour l’étude de ce que peuvent être les mécanismes de production des sujets contemporains.

On considérera donc que la science économique, au début du XXème siècle, met en jeu un paradigme, un modèle, une représentation abstraite, ceux d’homo œconomicus, liés conceptuellement à des principes, ceux d’utilité ou d’intérêt en premier lieu (au moment de son apparition, mais cela se modifiera par la suite, on l’a vu) sans que la nature de l’action économique, qui permet de l’analyser sous son versant pratique, ne soit jamais intelligible clairement, ou durablement.

Voilà, en partie, à partir de quels savoirs, adossés à des opérations de pouvoir, vont se former les raisonnements chargés de penser l’individu contemporain, ce qui le caractérise, et la manière dont peut et doit s’organiser son existence. Un homo œconomicus plus ou moins instable dans ses formalisations successives, mais qui s’affirme, peu à peu, à la fois comme

Traditionnellement, le sens de la dimension économique de l’action humaine se dévoile à travers les notions d’intention et de moyens. Pour délimiter les pratiques auxquelles l’investigation théorique de la science économique se réfère, celle-ci use de notions d’autant plus ambiguës qu’elles sont faussement familières : le choix, l’utilité, la rationalité, le calcul, l’intérêt, la satisfaction, etc. L’action analysée par la science économique est donc une action travaillée par ces notions, dont la complexité est dissimulée par le fait qu’elles permettent de modéliser l’objet qu’elles contribuent à construire : du divers empirique, on ne retient alors que quelques traits jugés pertinents. Ce procédé de réduction du réel, bien connu, et bien sûr inévitable, traduit la manière dont le vocabulaire conceptuel fabrique une réalité – ici celle de l’action, mais il va sans dire qu’au-delà d’elle, c’est bien la figure d’homo œconomicus lui-même qui s’élabore. Si le vocabulaire conceptuel permet de maintenir une forme d’unité pour son objet, il existe une dualité de niveaux à l’intérieur de ces notions. Choix, rationalité, utilité, par exemple, renvoient aussi bien à des pratiques effectives qu’à des déterminations théoriques – celles-ci cherchant à maintenir celles-là dans une forme d’univocité, en écartant ce qui leur échappe dans le désordre du réel.

1 Vilfredo Pareto, sociologue et économiste italien, célèbre pour son étude des actions logiques et non-logiques et son usage d’outils statistiques au service de la science économique, et à qui on prête parfois l’origine de l’expression même d’homo œconomicus, assimile celui-ci à une fiction abstraite à usage méthodologique. Et il assigne deux formes à cette abstraction : elle désigne à la fois un être abstrait, qui ne possède que les qualités qu’on veut étudier, et ces qualités elles-mêmes, séparées des autres. Homo œconomicus n’est donc, selon Pareto, qu’une partie de l’homme réel. A ce sujet, voir ibid., pp. 157-175. Il conviendra donc de comprendre comment ce qui ne constituait qu’une partie de l’homme a fini par se présenter comme son tout.

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l’être du sujet lui-même, la vérité de celui-ci, et son devoir-être. En somme, un sujet pratique s’élabore, forme historique singulière qui se réfère en permanence à un modèle et des savoirs, constitués en horizon à atteindre, les rapports entre le sujet et ces savoirs s’articulant à partir d’une infinité de pratiques de soi.

Les processus et les flux de subjectivations qui se structurent et s’affirment au cours du XXème prennent donc appui sur ce paradigme1. Celui-ci est lui-même sans cesse retravaillé, réarticulé, selon les apports de différents auteurs, et selon les périodes, car il est, on l’a vu, en même temps qu’un modèle matriciel proposé au sujet pratique, une pure représentation théorique. Le sujet des dispositifs contemporains, homo œconomicus tel que Foucault le voit émerger, est ainsi élaboré intellectuellement, avant que sa production ne soit mise en œuvre par un ensemble de normes, techniques de gouvernement et pratiques de soi. Raison pour laquelle il convient à présent de s’intéresser aux discours et aux théories qui participent du modelage de ce personnage, dont nous héritons, et que nous sommes sans doute en partie, aux contours éminemment plastiques.

B. Généalogie d’une rationalité : P. Dardot et C. Laval, lecteurs de

Foucault

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On assiste, pour qu’émergent, prennent forme puis s’imposent les dispositifs du néolibéralisme, au triomphe conjoint de modalités et de catégories de pensée qui doivent beaucoup à la science économique, de techniques de gouvernement qui fonctionnent à l’économie et pour l’économie, et de subjectivités travaillées par un modèle spécifique d’homo

1 La thèse du livre de W. Brown est ainsi que le triomphe de la rationalité néolibérale marque la victoire de l’homo

œconomicus sur l’homo politicus, et que celle-ci met en danger la démocratie elle-même. « Nous sommes tous

partout et seulement des homines œconomici », écrit-elle par ailleurs in Défaire le Dèmos, op. cit., p. 35.

2 Notre source principale sera donc, dans un premier temps, P. Dardot et C. Laval, La Nouvelle Raison du monde,

op. cit., parce que les auteurs y revendiquent un héritage, intellectuel et méthodologique, foucaldien, et qu’ils

mènent un travail double, à la fois archéologique et généalogique, argumenté, érudit, extrêmement précis et approfondi. On s’appuiera également explicitement sur B. Stiegler, « Il faut s’adapter », op. cit. Mais on pourra aussi se reporter à C. Laval, L’Homme économique, op. cit. Dans une perspective beaucoup plus critique, on s’intéressera enfin à un ouvrage déjà signalé : S. Audier, Penser le néolibéralisme, op. cit. Dans ce texte, S. Audier reproche à Foucault, dans son cours de 1978-1979, certaines imprécisions historiques, voire certaines confusions conceptuelles entre les différentes sources théoriques de ceux qu’il repère comme les penseurs du néolibéralisme naissant. S. Audier regrette également que de nombreux commentateurs de Foucault, qu’il juge critiques du libéralisme et du néolibéralisme, aient utilisé les analyses issues de Naissance de la biopolitique à des fins de pure tactique politique, sans leur apporter la nuance critique nécessaire, selon lui, et sans reconnaitre que le contexte dans lequel Foucault avait tenu son cours avait influencé celui-ci. Ils auraient, en cela, réduit l’histoire complexe du libéralisme au récit biaisé de la construction d’une cohérence artificielle entre des points de vue pourtant contradictoires.

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œconomicus. On cherche à faire apparaitre la figure d’un homme nouveau, aux caractéristiques et aux vertus multiples, qui, toutes, visent à développer « l’ethos entrepreneurial », et à « y convertir tous les individus qui ne sont pas entrepreneurs de profession1 ».

P. Dardot et C. Laval établissent la généalogie de cette rationalité nouvelle, qu’ils identifient au néolibéralisme : celle qui se définit comme une mise en concurrence et une compétition généralisées2. Ils prennent appui, pour ce faire, sur les cours de 1978-1979 : Foucault montre alors que, dans l’entre-deux guerres, un sujet nouveau et une rationalité gouvernementale nouvelle ont été pensés, en même temps, et articulés par un ensemble hétérogène d’intellectuels ; puis comment, et ce sujet nouveau, et cette gouvernementalité nouvelle, ont commencé à habiter les discours politiques, à partir des années 1950 ; avant de structurer de plus en plus nettement les stratégies et les objectifs des politiques menées dans les décennies suivantes. Mais, plutôt qu’une généalogie complète des discours et des pratiques, Foucault entreprend l’esquisse d’une histoire en train de s’écrire, une histoire presque exclusivement intellectuelle, partielle et en partie spéculative.

Nous nous appuierons essentiellement sur celle-ci pour dresser le portrait du sujet dont nous héritons, sujet économisé, entrepreneur de lui-même. Cette représentation en partie schématique du sujet n’a aujourd’hui pas disparu, mais a été modifiée, en même temps que les dispositifs économiques et la gouvernementalité contemporains (et à travers les métamorphoses de ceux-ci, telles qu’on les repère à partir des années 1980). Le sujet économique, tel qu’il est espéré par les premiers penseurs néolibéraux, ne se dissout pas dans les dernières décennies du XXème siècle, mais, de même que l’ambition des ordo-libéraux allemands, comme celle des « anarcho-capitalistes » américains, était de produire un homme nouveau, capable de s’adapter aux bouleversements économiques dont ils étaient les témoins, qui déjà avaient eu lieu, ou encore qu’ils appelaient de leurs vœux, ainsi qu’aux mutations politiques qu’ils rêvaient d’imposer, il sera question, à partir des années 1980-1990, de donner forme à un sujet inédit, reconfiguration du sujet entrepreneur de lui-même, conduit à assimiler son existence à un processus de valorisation et d’investissement de soi interminable, que des normes éducatives

1 M. Feher, Le Temps des investis. Essai sur la nouvelle question sociale, Paris, La Découverte, 2017. De leur côté, P. Dardot et C. Laval montrent que la rationalité néolibérale, qu’ils cherchent à définir, structure non seulement l'économie au sens propre, mais l'ensemble des activités sociales, autour des principes de concurrence et de compétition, et qu’« elle transforme jusqu'à l'individu, appelé désormais à se concevoir comme une entreprise », P. Dardot et C. Laval, La Nouvelle Raison du monde, op. cit., p. 5.

2 Ibid. B. Stiegler, commentant la vision « lippmannienne » d’une telle compétition, parle d’une « compétition coopérative », chargée de « dégager une hiérarchie entre "les plus doués" et les moins doués, compétition dans laquelle "le gagnant sera le meilleur coureur" », B. Stiegler, « Il faut s’adapter », op. cit., p. 187. Enfin, W. Brown assimile la rationalité néolibérale à une façon inédite de se rapporter à l’État, à la société, à l’économie et au sujet, ainsi qu’à une économisation de sphères jusque-là non-économiques, in Défaire le Dèmos, op. cit., p. 53.

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singulières et une psychologie refondée, à la fois en tant que savoirs et que pratiques, seront chargées de rendre possible1.

Mais avant cela, et pour revenir à Foucault, rappelons qu’au-delà de son analyse des débats strictement intellectuels qui fondent l’ordo-libéralisme allemand et les néolibéralismes américain ou français, le philosophe montre et anticipe à la fois la manière dont la théorie s’est insinuée dans les pratiques et la rationalité politique. Ses cours s’attachent donc, on le sait, à l’étude de courants intellectuels ou universitaires, séparés par deux décennies, le premier européen, l’autre américain : l’ordo-libéralisme allemand entre les deux guerres, puis l’école de Chicago, dans les années 1950. À leur suite, P. Dardot et C. Laval vont s’atteler, préalablement à la mise au jour de la rationalité néolibérale proprement dite, à l’étude généalogique minutieuse des théories et apports intellectuels des premiers penseurs de ce qu’on nommera par la suite « néolibéralisme ».

Ceux-ci ont tous, ou presque, participé au fameux « colloque Walter Lippmann » – « acte de naissance du néolibéralisme2 », selon P. Dardot et C. Laval. Les auteurs repèrent clairement l’avènement du néolibéralisme comme une rupture historique, et constitue celui-ci en évènement3 : sa genèse s’affirme comme le produit d’une contingence historique qu’il s’agit

1 B. Stiegler souligne l’importance, pour Lippmann, et donc dès les prémisses du néolibéralisme, de la psychologie et des psychologues, dont le rôle sera « d’indiquer aux dirigeants comment gouverner la masse statique, amorphe et hétérogène de la population, rigidifiée par ses stéréotypes, en la conduisant dans la bonne direction : celle d’une réadaptation à son nouvel environnement, mobile, imprévisible et mondialisé », B. Stiegler, « Il faut s’adapter »,

op. cit., p. 187.

2 P. Dardot et C. Laval, La Nouvelle Raison du monde, op. cit., p. 157.

3 Ibid., p. 171. Rappelons ici la structure générale de l’ouvrage, en nous appuyant sur le compte-rendu de lecture qu’en tire J.-L. Metzger, « Pierre Dardot, Christian Laval, La nouvelle raison du monde. Essai sur la société

néolibérale », Lectures [En ligne], 2010, mis en ligne le 18 janvier 2010, consulté le 09 octobre 2018. URL :

http://journals.openedition.org/lectures/910. Dans ce texte, les auteurs reconstituent les étapes de la pensée libérale, puis néolibérale, à travers les tensions qui opposent leurs différentes variantes. Ils proposent donc un détour par l'histoire des théories, qui permet de situer précisément la spécificité du néolibéralisme et de ses courants, apparus au XXème siècle, dans l'entre-deux-guerres, et de dégager ce qu'il contient de réellement nouveau et ce à quoi il s'oppose. Le livre démontre que l’objectif premier de la gouvernementalité néolibérale est d'imposer