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L’EUROPE PORTUAIRE : CONTEXTUALISATION ECONOMIQUE

3.2. Le tournant économique des années 1980-1990 : une donne incontournable

3.3.1. Une Europe communautaire sans politique portuaire commune

« Nos ports maritimes sont des maillons essentiels qui relient nos axes de transport au reste du monde. Nous possédons déjà quelques-unes des installations portuaires les plus performantes au monde. Nous devons les conserver. Mais de grands défis nous attendent en termes de congestion, de croissance du trafic et d’investissements. Nos ports doivent être plus nombreux à répondre à ces normes élevées. »

Siim Kallas, vice-président de la Commission européenne chargé de la mobilité et des transports de 2004 à 2014

La mise en place d’une politique commune des transports est relativement récente et débute à partir des années 1980. Les grands défis qui sous-tendent la mise en place de ces politiques de transports sont les suivantes : densité du trafic routier et aérien, dépendance au pétrole (96% des besoins en énergie), émissions de gaz à effet de serre, qualité des infrastructures, concurrence internationale de marchés en pleine expansion comme l’indique le site Europa.eu. En ce sens, la politique des transports s’inscrit dans la politique générale de l’Union Européenne. En 1992, le Traité de Maastricht pour la création d’un marché commun et libre circulation des biens et des personnes est signé et l’ouverture du marché permet aux compagnies maritimes, par exemple, de circuler d’un pays à l’autre, montrant ici un principe important : celui de la liberté d’entreprendre.

74 europa.eu, « Affaires maritimes et pêche – préserver l’avenir de nos mers et de nos océans et générer de la croissance » - 13 décembre 2016

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La Commission européenne édicte des règlements, dont l’objectif est de contraindre directement les Etats membres de l’Union Européenne à appliquer une politique communautaire, et des directives qui obligent à transposer l’orientation d’une politique communautaire par les Etats membres, « laissant aux autorités nationales la compétence quant à la forme et aux moyens »75 et ainsi l’adapter au mieux au contexte national. La sécurité et la sureté des personnes, des outils et des territoires, la liberté de circulation, le contrôle des frontières, les infrastructures, les questions environnementales sont les enjeux importants pour la Commission européenne. La Commission européenne est l’organe supranational qui émet des propositions concernant les lois à mettre en œuvre dans le cadre de la politique des transports maritimes de l’Union Européenne. Cette politique est consignée dans le Traité sur le fonctionnement de l’Union intégrant notamment la politique commune des transports. Celle-ci englobe les transports maritimes et tous les autres modes. Les ports sont concernés par cette politique mais ne font pas l’objet d’une politique à part entière.

Outre son importance économique au sein de l’Union, le secteur des transports est stratégique. La Commission européenne considère en ce sens que « les réseaux de transport sont au cœur de la chaîne d’approvisionnement et constituent le fondement de l’économie d’un pays »76

. Les transports sont la pierre angulaire du marché intérieur. Ils constituent pour la Commission européenne, une source d’emploi et de richesse, tels que le rappelle les nombreux rapports européens. En 2014 ce secteur a employé environ 10 millions de personnes.

La hiérarchie des normes place le droit européen au-dessus des droits nationaux. Le droit européen doit également se conformer au droit international : Acte unique, conférences de Genève, convention internationale des Nations Unies de Montego Bay adoptée le 10 décembre 1982 qui « définit les espaces maritimes, les droits et les devoirs des Etats dans ces espaces, notamment ceux de la navigation et de l’exploitation des ressources. La convention définit également les obligations en matière de protection du milieu marin »77. Le droit de la mer en Europe se base sur deux principes : la protection de l’environnement et la défense de la liberté des mers. Le droit communautaire emprunte à

75 Définition de règlement et directive, Larousse, 2004.

76 Comprendre les politiques de l’Union Européenne – transport, Commission Européenne, 2014

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plusieurs directions générales (DG) : DG Mare en charge de deux principaux domaines, DG recherche, DG industrie, DG marché intérieur, DG aides d’Etat, DG environnement, DG transports : « c’est bien là tout l’enjeu de la politique maritime, à savoir concilier les diverses compétences de toutes les instances de l’Union européenne pour faciliter le développement de l’économie maritime »78

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Malgré tout, à l’échelle Européenne, il n’existe aucune loi légiférant l’activité maritime et portuaire des nations maritimes européennes en tant que tel. En effet, « la politique des transports maritimes, libérale, est transversale et emprunte aux politiques d’aménagement du territoire, des douanes, de la concurrence, de l’environnement, de l’énergie, etc. » (Gallais-Bouchet, 2010). Les politiques maritimes concernent donc avant tout le secteur des transports. Il n’y a donc pas d’« objectifs clairs en matière de schéma portuaire européen et de capacité d’analyse des coûts externes sur l’ensemble de la chaîne de transport (le coût environnemental d’un port sur un site fragile peut être inférieur aux coûts externes provoqués par l’acheminement des marchandises vers un port concurrent), on en est resté à des considérations très générales, avec surtout l’espoir que les réalités du marché rendraient finalement leur verdict, au lieu et place du politique » (Guillaume, 2011).

Or, le secteur maritime représente un enjeu stratégique pour l’Union Européenne : son littoral s’étend sur 68 000 kilomètres de long, les régions maritimes de l’Union génèrent plus de 40 % du PIB de l’Europe, la valeur ajoutée brute est de près de 500 milliards d’euros par an79

. Par ailleurs « plus de 70% des frontières extérieures de l’Union sont maritimes »80. Il rassemble également une multitude de secteurs allant de l’industrie à la pêche. Les ports sont « à la fois des places majeures du grand commerce et des équipements incontournables du système de transport européen en cours de gestation » et présentent donc un intérêt stratégique (Guillaume, 2011). Jacques Guillaume (op. cit) considère que la politique portuaire européenne se doit à la fois de consolider le « grand marché que les traités fondateurs lui recommandent de mener à bien » et à la fois « les résistances des États à accepter des harmonisations de leurs propres politiques ». Pour lui, l’équilibre se trouve dans les avancées en matière de développement durable. Dans ce contexte, quelques tentatives de régulation, sectorielles, du secteur maritime ont été

78 www.cluster-maritime.fr

79 Ibid

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opérées. La Stratégie de sécurité maritime de l’Union Européenne adoptée en juin 2014 par le Conseil européen, représentation des chefs d’Etat et de gouvernements de l’Union, est un plan commun visant à améliorer la manière dont l’Union Européenne répond à ces défis, à protéger ses intérêts maritimes dans le monde entier et à associer la stratégie européenne de sécurité globale à la politique maritime intégrée81. Cette politique maritime intégrée a été consignée dans un Livre bleu appelé communication sur une politique maritime intégrée pour l’Union Européenne. Elle repose sur deux approches, celle de l’agenda de Lisbonne concernant l’emploi et la croissance et celle de l’agenda de Götenborg concernant la durabilité. L’un des axes est lié à la participation des parties prenantes pertinentes se basant sur l’approche par l’écosystème82

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