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Une diversité des entreprises au sein de la circonscription portuaire

LES ENTREPRISES PRIVEES : PARTIES PRENANTES DE L’ORGANISATION DU CLUSTER PORTUAIRE

4.1.3. Les entreprises privées au sein des circonscriptions portuaires

4.1.3.2. Une diversité des entreprises au sein de la circonscription portuaire

Afin de prendre la mesure de la diversité des entreprises au sein des ports, nous avons mené une enquête quantitative en comparant les données des établissements portuaires.

Eurostat aurait pu être une base donnée intéressante mais le niveau de détail n’est pas convenable pour l’étude à mener. Il existe effectivement les codes NACE (Nomenclature statistique des Activités économiques dans la Communauté Européenne), avec pour équivalent les NAF français par exemple, mais nous n’avons pas utilisé ce référencement. Un autre frein intervient ensuite : l’harmonisation des données à l’échelle des ports concernés par notre étude. Les nomenclatures utilisées par les autorités portuaires ne sont effectivement pas les mêmes d’un pays à l’autre. Nous avons donc opté pour les sites internet des autorités portuaires qui répertorient avec beaucoup de précision les entreprises présentes au sein de leur circonscription, sauf le port du Havre et celui d’Anvers. Nous avons utilisé pour le port du Havre le document Aval. L’INSEE en association avec le Grand Port Maritime du Havre a mené une enquête sur l’emploi portuaire avec des données de 2010. Le compte-rendu a été restitué sous forme de plaquette, 32 000 emplois sur le complexe industrialo-portuaire du Havre publié dans le cahier Aval de février 2013. Ce travail, quelque peu daté, présente néanmoins un tableau fort pertinent. En effet, le niveau de détail n’est pas négligeable. Dans le tableau figurent les effectifs de salariés employés dans les différents secteurs ayant un lien avec le port. Mais le plus pertinent est le dénombrement des établissements présents sur le complexe industrialo-portuaire du Havre, c’est-à-dire sur « un espace ou un complexe aménagé industriellement pour traiter des produits livrés par bateau »98.

Dans notre recueil de données nous avons fait le choix de nous intéresser dans un premier temps aux activités directement liées au transport de la marchandise, considérant

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ainsi l’approche par le cluster portuaire dans son ensemble. Pour une première classification, nous avons fait le choix de sélectionner les entreprises qui nous paraissaient les plus emblématiques des zones portuaires à savoir dans un premier temps les entreprises de manutention, d’entreposage, les agences maritimes et les transitaires ou commissionnaires de transport. Dans un second temps, le choix a été porté sur les armateurs et les transporteurs terrestres. Une deuxième classification visera à mettre en lumière l’importance du secteur industriel dans les ports grâce à la notion de cluster spécialisé.

Figure 44 – Etablissements des principales branches du secteur maritime et portuaire99

Le Havre Anvers Rotterdam Hambourg Londres Agences maritimes 76 Non

disponible 70 101 55 Transitaires et commissionnaires 167 Non disponible 334 118 138 Sociétés de manutention 44 99 281 248 5

Sociétés d’entreposage 103 Non

disponible 198 200 57

TOTAL 390 Non

disponible 883 667 255

Sources : Cahier Aval de 2013, sites web des autorités portuaires de Rotterdam, Hambourg et Londres (chiffres de 2015) – Réalisation : Anne-Solène Quiec, 2018

En ne sélectionnant que les établissements du secteur maritime et portuaire qui nous paraissaient mettre en concurrence les ports, nous avons dégagé des données permettant de comprendre la structure économique des ports à travers les établissements présents. Nous précisons que beaucoup d’entreprises localisées sur le port sont en réalité des établissements dont les sociétés mères sont situées hors de la circonscription portuaire. C’est pourquoi nous serons amenés à distinguer les entreprises locales dont les sièges sociaux se trouvent dans le port et les établissements, filiales d’entreprises internationales.

Nous en concluons, sans surprise, que le port de Rotterdam compte le plus grand nombre d’entreprises de ce secteur avec une prédominance pour les transitaires et commissionnaires de transport, puis pour la manutention et l’entreposage. Le port du Havre est dominé par les transitaires et commissionnaires de transport puis par

99 Les données répertoriées dans le tableau ne représentent pas de manière exhaustive tous les établissements localisés dans les ports.

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l’entreposage. Le port d’Hambourg ensuite, montre une prédominance du secteur de la manutention puis de l’entreposage. Le port de Londres est nettement dominé par les transitaires et commissionnaires de transport.

Pour précision, le total des entreprises de la circonscription portuaire, au-delà des activités relevant des agences maritimes, du transit ainsi que des sociétés de manutention et d’entreposage, est de 625 établissements au Havre, 2901 établissements à Rotterdam, 1247 établissements à Hambourg et 643 établissements à Londres. Nous ne disposons pas d’information de ce type pour le port d’Anvers.

En ce sens, les ports présentent des structures économiques différentes les unes des autres permettant de mieux appréhender la spécialisation de l’activité portuaire de chacun d’entre eux et l’environnement économique. Le port d’Hambourg présente une particularité vis-à-vis des autres ports puisque la manutention y est très importante. En effet, l’importance des trafics de conteneurs dans ce port a été soulignée précédemment. Les ports du Havre, de Rotterdam et de Londres, dominés par les sociétés de transit et de commissions de transport, présentent ainsi une structure autre. Il s’agit donc de ports où l’organisation du passage de la marchandise est prépondérante. Nous en concluons que l’activité économique du port d’Hambourg est davantage tournée vers des activités purement portuaires puisque les activités de manutention, plus précisément de conteneurs, dominent. Il convient de souligner l’ancrage physique de ces activités. S’agissant des ports du Havre, de Rotterdam et de Londres, les activités liées davantage au transport de la marchandise prédominent. Il est d’ailleurs intéressant de revenir sur les cartes des hinterlands qui montraient que les ports du Havre et de Rotterdam n’avaient pas d’hinterland très dense loin dans l’arrière-pays. Nous supposons que ces ports sont davantage tournés vers l’acheminement de la marchandise depuis le foreland.

Nous avons choisi de détailler la catégorie des opérateurs de terminaux à conteneurs car elle est aujourd’hui emblématique des grands mondiaux et permet de questionner la stratégie commerciale et territoriale des opérateurs privés au sein des places portuaires. Les sites web des autorités portuaires donnent accès facilement aux informations dont nous avons besoin. Nous précisons qu’il existe des opérateurs internationaux qui sont Port of Singapore Authority (PSA) International, Hutchison Port Holdings, Dubaï Port (DP) World et APM Terminals, filiale de l’armateur Maersk. Ils ont développé des stratégies visant à organiser un réseau de terminaux à l’échelle

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internationale. C’est le processus de terminalisation. Par ailleurs, certains armateurs peuvent aussi investir dans la gestion de terminaux comme Mediterranean Shipping Company (MSC) au Havre par exemple. D’autres opérateurs de terminaux sont issus du tissu local, certains d’entre eux s’internationalisent mais d’autres restent cantonnés à leur port d’attache.

Figure 45 – Nombre de terminaux à conteneurs par port

Port Nombre de terminaux à conteneurs

Le Havre 5

Anvers 24

Rotterdam 13

Hambourg 4

Sources : autorités portuaires, 2018 – Réalisation : Anne-Solène Quiec, 2018

Ce tableau montre une très nette disparité du nombre de terminaux à conteneurs dans les ports. Beaucoup de terminaux sont aujourd’hui gérés par des filiales locales de groupes internationaux. Le nom des opérateurs de terminaux ainsi que leurs dimensions figure dans le tableau suivant.

Figure 46 – Les terminaux à conteneurs, le nom et la dimension des opérateurs au Havre, à Anvers, à Rotterdam et à Hambourg

Port Nom du terminal Nom de l’opérateur Dimension de l’opérateur

Le Havre Terminal de France GMP Locale

Terminal Port Océane Perrigault Locale Terminal de Normandie Perrigault / MSC Locale/internationale

(Naples) Terminal de l’Atlantique CNMP Locale

Terminal Nord GMP Locale

Anvers Antwerp Container Terminal Sea-Invest International (Gand) Antwerp Euroterminal NV AET Locale

AST AST nv Locale

Associated Terminal Operators

(ATO) ATO Locale

BNFW Sea-invest International (Gand) Combinant nv Combinant Locale DP World Antwerp Gateway DP World Antwerp International (Dubaï)

DP World Antwerp Global

Container Services - GCS DP World Antwerp International (Dubaï) Euroports Antwerp Leftbank

K1207 Euroports International (Dubaï) Euroports Containers 524 Euroports Containers International (Anvers)

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524 nv Euroports Terminals Antwerp

K168 Euroports International (Anvers) Hupac Intermodal BVBA Hupac Itd International (Chiasso,

Suisse) Katoen Natie Terminals NV Katoen Natie

Terminals NV International (Anvers) Katoennatie Terminals Katoennatie International (Anvers) Katoennatie Terminals K1510 Katoennatie International (Anvers) Mexiconatie nv Mexiconatie nv International (Anvers) MSC PSA European Terminal PSA Antwerp International (Singapour)

PSA Antwerp Churchill

Terminal PSA Antwerp International (Singapour) PSA Antwerp Europa Terminal PSA Antwerp International (Singapour)

PSA Antwerp Noordzee

Terminal PSA Antwerp International (Singapour)

Shipit Shipit Locale

Terminal Zuid Zuidnatie Locale Wijngaard Natie Terminals Wijngaard Natie Locale Zuidnatie Breakbulk Zuidnatie Locale

Rotterdam Amoerweg 50 Rotterdam World

Gateway Locale Europaweg 910 APM Terminals

Maasvlakte II

International (Copenhague) Maasvlakteweg 951 Euromax Terminal

Rotterdam

Internationale (Royaume-Uni)

Missouriweg 17 Rotterdam Container

Terminal Locale Coloradoweg 50 APM Terminals

Rotterdam Internationale (La Haye) Missouriweg 30 Delta Container

Services Internationale (Malte) Europaweg 875 ECT Delta Terminal Locale (mais filiale de

Hutchison) Europaweg 875 ECT Delta Barge

Feeder Terminal

Locale (mais filiale de Hutchison) Nieuwesluisweg 268 Waalhaven Botlek

Terminal Locale Propaanweg 91 Container Terminal

Twente (CTT) Locale Reeweg 35 Rotterdam Short Sea

Terminals Locale Zaltbommelstraat 10 Uniport Multipurpose

Terminals Locale Waalhaven Westzijde 62 Barge Center

Waalhaven Locale

Hambourg Burchardkai HHLA Locale

Tollerort HHLA Locale

Altenwerder HHLA Locale

Eurogate Eurogate Nationale (Hambourg et Brème)

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Ainsi, au Havre la majorité des opérateurs de terminaux à conteneurs sont de dimension locale. Un seul armateur international, MSC, est présent. A Anvers, PSA est un acteur important dans le domaine. Plusieurs opérateurs locaux sont également présents. A Rotterdam de nombreux opérateurs sont locaux. APM est également présent. S’agissant d’Hambourg les opérateurs sont locaux majoritairement. Il serait intéressant de questionner les opérateurs sur leur choix d’implantation dans les différents ports.

Deux autres types d’acteurs intéressent notre étude : les armateurs et les transporteurs terrestres. Ils sont décrits par Jean Debrie (2012) comme acteurs de mise en place de stratégie de hub. Leur point commun est le transport de marchandises en mer, c’est-à-dire dans le foreland pour les premiers et à terre, c’est-à-dire dans l’hinterland pour les seconds. Ces opérateurs ont a priori une importance tout aussi fondamentale les uns que les autres. L’interconnexion de ces métiers conduit à la mise en place d’un réseau de bout en bout, la chaîne logistique globale, avec pour point central le port, dont nous venons de détailler les principaux acteurs. L’organisation des armateurs est fort intéressante puisque « ces firmes, pour se développer, ont pratiqué les deux politiques standards : la concentration (ou intégration horizontale) et l’intégration verticale (développement en amont et en aval du cœur d’activité) » (Debrie, 2012). Dans une perspective de d’économies d’échelle, les armateurs se sont regroupés en alliances dont voici la recomposition récente.

Figure 47 – Composition des alliances entre armateurs

Nom de l’alliance Date Compagnies Nationalité

2M 2014 Maersk Line MSC Danoise Italo-suisse Ocean Alliance 2017 CMA CGM Cosco Evergreen OOCL Française Chinoise Taïwanaise Hongkongaise The Alliance 2018 Hapag-Lloyd "K" Line

Mitsui OSK Lines Nippon Yusen Kaisha Yang Ming Allemande Japonaise Japonaise Japonaise Taïwanaise

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Ces alliances entre armateurs s’ancrent dans un réseau de transport s’articulant autour du chargement et du déchargement de la marchandise dans le port et montrent surtout l’impact d’acteurs extérieurs à la place portuaire dans son développement. En effet, le regroupement des amateurs conduit à la concentration des lignes maritimes et des hubs de transbordement de la marchandise. Les activités sont le fait de quelques acteurs détenant l’essentiel des parts de marché du secteur. Voici leur répartition au 1er

septembre 2018 :

Figure 48 – Capacités mondiales des dix premiers armateurs

Classement Nom Nombre

d’EVP

Part dans le calssement (%)

1 APM-Maersk 4 022 851 17,9

2 Mediterranean Shipping Company

(MSC) 3 245 594 14,4

3 COSCO Group 2 814 097 12,5

4 CMA CGM Group 2 652 180 11,8

5 Hapag-Lloyd 1 583 626 7

6 Ocean Network Express

(ONE) 1 536 680 6,8

7 Evergreen Line 1 160 191 5,2

8 Yang Ming Marine Transport

Corporation 648 431 2,9

9 Pacific International Lines

(PIL) 421 706 1,9

10 Zim 414 596 1,8

Source : Alphaliner TOP 100, 1er septembre 2018

Ainsi, nous avons montré que la caractéristique principale des ports de commerce d’envergure mondiale est de concentrer sur un territoire restreint, la circonscription portuaire, des entreprises dont les cœurs de métier sont très différents les uns des autres mais dont la coopération est nécessaire pour permettre au passage portuaire d’être le plus fluide possible. Les organisateurs du transport de la marchandise présentent des profils très variés qui soulignent des stratégies, des objectifs, des façons de travailler et des attentes différentes ce qui implique un rapport différent au territoire.

Pour conclure ce point, nous tenons à présenter les entreprises familiales florissantes d’Anvers à travers l’exemple de Katoen Natie. La dimension locale des entreprises du port d’Anvers est en effet tout à fait intéressante à étudier.

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Katoen Natie est la société phrase du port d’Anvers et fait partie d’un tissu d’entreprises locales très dense.

Figure 49 – Logo de Katoen Natie

Fondée en 1854 à Anvers pour l’importation du coton qui était stocké, pesé, échantillonné et distribué, elle s’est ensuite diversifiée dans la jute, le café, le fer, l’acier, les fruits et les tomates par exemple. Katoen Natie se présente comme étant une guilde, c’est-à-dire un regroupement d’entrepreneurs issus du même secteur d’activité. Après la seconde guerre mondiale, l’entreprise a élargi ses activités au stockage dans ses entrepôts, au transport, à l’expédition et à la déclaration en douane. En 1986, elle a acquis un terminal portuaire spécialisé dans les marchandises diverses et les conteneurs, suivi de l’acquisition de quinze autres compagnies d’arrimage. Dans les années 1990, elle s’est à nouveau spécialisée dans les services liés à la pétrochimie, à la chimie, à l’industrie automobile. A partir de 1995, la firme s’est internationalisée en investissant dans d’autres ports pour devenir un « acteur mondial qui propose des solutions ingénieuses de production, de stockage et de transport »100 désormais présent dans trente-trois pays et sur tous les continents. « En 2000, les activités ont été divisées en unités d’affaires axées sur le client »101, faisant d’elle une entreprise de logistique, prestataire de services pour l’industrie, la grande distribution et la navigation maritime. L’entreprise compte 400 unités opérationnelles, 150 terminaux et plateformes logistiques, 4,8 million de m² d’entrepôts et emploie environ 10 000 personnes. Elle est donc une entreprise locale anversoise qui a su exporter son savoir-faire pour devenir une firme internationale.

100 Echo Connect, Acteurs d’envergure mondial

101 La majorité des informations sur l’histoire de l’entreprise viennent du site web de la compagnie : www.katoennatie.com

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L’idée de communauté prend un sens concret dans le contexte anversois. La réussite d’une entreprise individuelle est perçue comme étant celle du port. A Anvers la tradition veut que les petites et moyennes entreprises soient très présentes et fortement ancrées. Au Havre, cette idée de communauté est moins présente.

Dans cette première sous-partie, nous avons donc observé la structuration des ports en tenant compte des entreprises liées au secteur maritime et portuaire. Nous proposons une deuxième approche pour nous intéresser au secteur de l’industrie au sein des ports.