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LES ENTREPRISES PRIVEES : PARTIES PRENANTES DE L’ORGANISATION DU CLUSTER PORTUAIRE

4.2. Les clusters spécialisés : quelle plus-value pour les territoires portuaires ?

4.2.2. Le cluster pétrochimique : un cluster emblématique structurant

4.2.2.3. Le cluster pétrochimique à Anvers

Le cluster pétrochimique d’Anvers se présente comme étant à la jonction entre les activités maritimes, logistiques et industrielles. A Anvers, le pôle pétrochimique est clairement identifié. L’industrie liée à ce secteur représente la majorité de la surface occupée par l’activité portuaire. La concentration d’industries pétrochimiques est donc très importante et des acteurs internationaux du secteur y ont des sites de production. On y trouve BASF, Monsanto, Bayer, Total, ExxonMobil ou encore Nippon Shokubai. Les raffineries du port d’Anvers sont Total Refining and Petrochemicals, ExxonMobil Antwerp Refinery, Independent Belgium Refinery (Gunvor). D’ailleurs, les kilomètres d’industries pétrochimiques interpellent lorsqu’on parcoure le port en voiture.

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Figure 59 – Raffinerie Total à Anvers

Raffinerie Total en rive droite – Anne-Solène Quiec, 2014

Nous faisons figurer la carte officielle de l’autorité portuaire anversoise détaillant le nom des entreprises du secteur pétrochimique localisées sur le port :

Figure 60 – Industries du secteur pétrochimique à Anvers

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Le cluster pétrochimique est l’un des atouts du port d’Anvers. Son existence est largement mise en avant dans la promotion du port et fait l’objet de beaucoup d’attention. Par exemple en avril 2016, l’autorité portuaire anversoise a lancé une campagne internationale « Feel the Chemistry » afin de « présenter les fonctions de logistique, de stockage et de transbordement du port d’Anvers et attirer de nouveaux investissements dans le cluster »104 se prévalant des récents investissements effectués par ExxonMobil et Nippon Shokubai.

Figure 61 – Bandeau promotionnel de l’industrie pétrochimique au port d’Anvers

« Feel the chemistry »

Source : www.portofantwerp.com

L’objectif de ces campagnes promotionnelles est d’attirer des investisseurs sur la zone portuaire. En voici quelques exemples :

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Figure 62 – Investissements dans le port d’Anvers par les industriels de la pétrochimie

Nom de la société

Montant de

l’investissement Objectif

Air Liquide 50 millions d’euros

(2013) Nouvelle unité de production de monoxyde de carbone BASF 1 milliard d’euros

(2006 – 2008) Lancement d’un programme d’investissement ExxonMobil 1 milliards d’euros

(effectué)

Construction de la nouvelle Unité de cokéfaction retardée (DCU)

Nippon Shokubai

350 millions d’euros (effectué)

Construction d’une nouvelle unité de production (réacteur)

Lanxess 25 millions d’euros

(prévu) Accroître l’efficacité du site et le rendre plus compétitif

Total Raffinaderij Antwerpen (TRA)

1 million d’euros (prévu)

Modernisation du site existant

Projet OPTARA (optimisation de la zone Amsterdam-Rotterdam-Anvers) : développement d’une nouvelle

raffinerie avec des produits innovants (exemple : carburant diesel à très faible teneur en soufre) Vopak (société de

stockage de citernes)

-

Construction d’une toute nouvelle station de chargement pour remplir les wagons-citernes ferroviaires d’acétyls,

multiplication par quatre de la capacité ferroviaire

Source : www.portofantwerp.com, chiffres de 2017

Ce tableau souligne que les investissements des industriels de la pétrochimie sont très importants dans le port d’Anvers et que la politique de clusterisation fonctionne car elle favorise les investissements. Si l’on s’en tient aux informations recueillies dans ce tableau, le montant des investissements serait donc d’environ 2,4 milliards d’euros depuis 2006. Mais, dans le domaine, les investissements au port de Rotterdam s’élèvent à environ 7,8 milliards d’euros depuis 2004105. Le site pétrochimique de Rotterdam semble donc plus attractif pour les investisseurs.

L’intérêt du cluster est de dynamiser l’ensemble du territoire en attirant des entreprises liées au domaine d’activité et en créant un environnement propice au développement économique. Le port d’Anvers se prévaut d’avoir un savoir-faire en matière logistique et une productivité de manutention nécessaire pour le développement de l’activité portuaire liée au secteur pétrochimique. L’implication de l’autorité portuaire dans

105 Rapport de l’autorité portuaire de Rotterdam, Facts and figures – Over 120 industrial companies. One

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la coordination du cluster et dans la dynamique n’est pas à négliger. Lors de notre enquête à Anvers, nous avons rencontré un cadre de l’autorité portuaire embauché depuis six mois pour un but précis. Son expérience dans le secteur privé de la pétrochimie lui a permis d’intégrer un nouveau département dont l’objectif, lorsque nous l’avons interrogé, était de cerner davantage les demandes des entreprises du secteur pétrochimique. Il coordonnait à l’époque de l’entretien les travaux de deux personnes qui devaient être six dans les mois suivants. La création d’un département spécialement réservé aux relations entre l’autorité portuaire et les entreprises du secteur pétrochimique montre d’une part l’importance de ce secteur pour l’économie du port flamand et d’autre part la volonté de l’autorité portuaire de créer des liens avec ces entreprises. Le rôle de l’autorité portuaire dans le cluster est donc fort important. Qu’il s’agisse de faire valoir les atouts du port dans les foires internationales, de soutenir ses entreprises ou de créer du lien avec elles, l’autorité portuaire semble très proches des besoins des entreprises du secteur.

Le cluster pétrochimique anversois montre une spécialisation accrue dans ce domaine d’activité, même si le secteur des conteneurs est également très développé. Il apparaît donc comme un atout pour la place portuaire anversoise dans son ensemble, plus que comme une réelle concurrence du port de Rotterdam et surtout pas véritablement comme le premier cluster pétrochimique d’Europe. Toutefois le cluster portuaire pétrochimique anversois est un succès car il est internationalement reconnu et le port est identifié comme place portuaire pétrochimique. Il convient donc de se demander pourquoi le port du Havre ne développe pas de cluster spécialisé au sein de son port.

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Conclusion du chapitre 4 : le cluster portuaire spécialisé, véritable plus-value pour le port

Nous avons ensuite réinterprété la notion de système d’acteurs proposés par Alexandre Moine (2006) pour l’appliquer au cas du port permettant ainsi de montrer l’importance du réseau d’acteurs au sein de la place portuaire. Cela a conduit à détailler les entreprises qui travaillent au sein des circonscriptions portuaires en distinguant tout d’abord les entreprises directement liées au secteur maritime et portuaire (agents maritimes, transitaires et commissionnaires, sociétés de manutention, sociétés d’entreposage), puis les opérateurs de terminaux à conteneurs en distinguant la dimension de ceux-ci. Nous en concluons que les ports de la rangée nord-ouest européenne présentent des structures économiques différentes qui impliquent un rapport différent entre les entreprises et les autorités portuaires.

La restitution des résultats a donc été scindée en deux parties : l’une portant sur l’activité économique des ports et sur les entreprises au sein des circonscriptions portuaires en précisant notre définition de l’« entreprise portuaire », l’autre portant l’application de la notion de cluster spécialisé au sein du cluster portuaire.

Nous concluons, suite à cette première étape de notre recherche, que le cluster spécialisé permet au port de se démarquer des autres dans un contexte de concurrence régionale. Bien qu’il existe des clusters spécifiques au Havre et à Londres tels que le cluster logistique dans le port normand, nous estimons qu’il n’existe pas de cluster véritablement structurant au sein de ce port qui permettrait de mettre en évidence un secteur en particulier, comme c’est le cas à Anvers, Rotterdam et Hambourg. Il ne semble pas y avoir de politique de clusterisation dans cette direction. Nous avons par ailleurs développé l’idée de cluster industriel spécialisé dont le cœur d’activité n’est pas lié au transport maritime et portuaire comme dans le cas du cluster aéronautique hambourgeois.

L’exemple du cluster pétrochimique d’Anvers et de Rotterdam marque la naissance d’une dynamique nouvelle. Une annonce récente fait part de la coopération prochaine, prévue pour 2030, entre les clusters d’Anvers et de Rotterdam pour en faire le complexe pétrochimique le plus grand d’Europe associant également Moerdijk et Terneuzen. L’objectif indiqué sur le site internet du port de Rotterdam est d’être compétitif par rapport aux autres clusters dans le monde. Ce cluster portera le nom d’ARRRA (Antwerp-Rotterdam-Rhine-Ruhr-Area). Le réseau de pipeline structure déjà cet espace puisque des

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connexions existent entre ces deux ports. A l’heure actuelle, 40 % de la production pétrochimique de l’Union Européenne est transportée par cette voie.

Nous observons donc que le cluster spécialisé prend un autre sens que le cluster maritime et portuaire. Il ne représente pas l’intégralité de l’activité du port mais constitue une partie du tissu économique du port. L’idée de cluster prend ici tout son sens. Les clusters pétrochimiques rotterdamois et anversois sont localisés à un point géographique stratégique. Le port a permis l’implantation, la structuration puis le développement des activités liées à la pétrochimie en position directe avec l’arrivée des navires sur le continent. Le cluster spécialisé présente donc un avantage comparatif vis-à-vis des ports concurrents. Mais l’absence de cluster non identifié porte-t-il atteinte au développement du port ? La présence ou l’absence de cluster spécialisé résulte-t-elle de la capacité de la communauté portuaire à la mise en réseau d’acteurs ? Dans quelle mesure la gouvernance du cluster facilite-telle la mise en réseau de ces acteurs ?

Compte tenu du poids des entreprises dans la valeur ajoutée produites par les ports, nous en concluons que celles-ci sont parties prenantes de l’organisation et de la structuration du territoire portuaire. Elles ont donc toute leur place dans la gestion de la place portuaire et le rôle qu’elles y jouent intervient dans le questionnement sur le mode de gouvernance des ports de la rangée nord-ouest européenne qui sera l’objet de notre chapitre 5 à propos des ports du Havre et d’Anvers.

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CHAPITRE 5

LES PRATIQUES DE LA GOUVERNANCE AU QUOTIDIEN : LES