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Une décennie d’allègement de la fiscalité

Dans le document Rapport annuel sur l’état de la France (Page 86-89)

Les difficultés économiques et sociales rencontrées après les chocs pétroliers des années 1970 ont conduit les gouvernements successifs à augmenter les prélèvements fiscaux afin de financer les dépenses publiques en hausse.

171 Récemment, plusieurs bâtiments de la Direction générale des Finances publiques ont été incendiés et les agents d’accueil subissent chaque jour l’expression du mécontentement des contribuables.

En parallèle, la mondialisation a renforcé la compétition fiscale entre les États en les incitant à réduire la pression fiscale sur les bases mobiles (revenus du capital, multinationales, hauts revenus) afin de les attirer, en ayant recours à la politique budgétaire et fiscale.

Graphique 38 : Croissance de la dépense publique en volume depuis 1970

(déflatée par IPC 1970-1998 ; IPCHT 1999-2011)

Source : Rapport sur la dépense publique et son évolution, Projet de loi de finances pour 2013.

L’année 2000 a constitué une rupture dans l’orientation de la politique fiscale de la France. Alors que depuis l’adoption du traité de Maastricht en 1993, l’objectif était de dégager des surplus fiscaux permettant de respecter les critères du Pacte de stabilité et de croissance, un retournement s’est produit à la suite de la création de la zone euro en 1999 et de l’adoption de la monnaie unique. La croissance atteint un niveau oublié depuis la fin des années 1980 pour s’établir à 3,5 % en moyenne sur les trois années 1998-2000. La conjoncture économique plus favorable permet une hausse du rendement des prélèvements obligatoires qui redonne vigueur aux thèses libérales favorables à leur réduction et dont l’affaire de la cagnotte est emblématique.

L’illustration par l’affaire « de la cagnotte »

Ces baisses sont aussi à rapprocher de l’affaire dite « de la cagnotte » datant de février 2000.

A l’époque, Christian Sautter, alors Ministre de l’Économie et Florence Parly, Secrétaire d’État au Budget, font part à la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale d’une situation des finances publiques plus favorable que prévue lors de l’élaboration du projet de loi de finances pour 2000. En effet, le déficit budgétaire est alors inférieur de 9,4 milliards de francs à l’objectif fixé en raison de recettes fiscales plus élevées de l’ordre de 30,7 milliards de francs.

Pour la première fois depuis 1973, la charge de la dette recule. Il n’en faut pas plus pour que les députés demandent une révision des dépenses et des recettes dans la loi de finances rectificative de 2000. La polémique enfle, le montant de la cagnotte aussi  : «  il faut rendre aux Français ce qu’on leur a volé ». Christian Sautter, déjà fragilisé par des conflits sociaux de grande ampleur, dont un au sein de son propre ministère, démissionne. Le 17 mars, Lionel Jospin, alors Premier ministre annonce 40 milliards de francs d’allègements fiscaux répartis entre la taxe d’habitation, l’impôt sur le revenu et la TVA ainsi que 10 milliards de francs de dépenses nouvelles. Il est intéressant de noter qu’à l’époque, aucune voix ne s’élève pour dire que cet excédent fiscal pourrait utilement être consacré à la réduction du déficit et donc de la dette. Le contexte de diffusion généralisée des thèses de l’école de Chicago et de dumping fiscal et social favorise inévitablement les positions de « moins-disant fiscal ».

Ainsi s’enclenche un mouvement d’ampleur variable de réformes de l’impôt sur le revenu (baisse des taux supérieurs d’imposition, création de « niches fiscales »), de la fiscalité du patrimoine, de l’impôt sur les sociétés, mais dans des proportions inégales : les baisses de l’impôt sur le revenu représenteraient environ la moitié des diminutions d’impôts entre 2000 et 2009. En 2007, dans le cadre de la loi TEPA, la mise en place du bouclier fiscal accentuera la tendance à la baisse, aggravant ainsi le montant du déficit et de la dette jusqu’à la crise.

Graphique 39 : Répartition des baisses d’impôt depuis 2000

Source : Rapport d’information, déposé par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire préalable au débat d’orientation des finances publiques de l’Assemblée nationale pour 2011 par M. Gilles Carrez ; illustration : le CESE. RFN : réductions fiscales.

Cette baisse de l’ensemble des prélèvements obligatoires pèse sur les budgets publics et d’autant plus sur le budget de l’État qui accorde des compensations aux collectivités territoriales et à la sécurité sociale pour les manques à gagner induits par plusieurs dispositions les concernant (réforme de la taxe professionnelle, allègement des cotisations sociales, etc.).

Aussi, le 30 juin 2010, lors de la présentation du rapport préalable au débat d’orientation des finances publiques de la Commission des finances de l’Assemblée Nationale, le rapporteur général Gilles Carrez déclara qu’« entre 2000 et 2009, le budget général de l’État aurait perdu entre 101,2 Md€ (5,3 % de PIB) et 119,3 Md€ (6,2 % de PIB) de recettes fiscales, environ les deux tiers étant dus au coût net des mesures nouvelles – les baisses d’impôts - et le tiers restant à des transferts de recettes aux autres administrations publiques - sécurité sociale et collectivités territoriales principalement »172.

Seule une compensation de ces mesures par des économies sur la dépense ou par des hausses d’autres prélèvements, aurait permis de garantir la soutenabilité de l’endettement public. Gilles Carrez, rapporteur général du budget 2010, a évalué l’impact de ces dépenses fiscales sur le déficit budgétaire et en a conclu qu’en leur absence, « la France aurait connu un excédent budgétaire en 2006, 2007 et 2008 » et que le déficit budgétaire lié à la crise n’aurait été en 2009 « que de 3,7 % au lieu des 7,5 % du PIB ». Le soutien aux banques par l’État, la mise en œuvre d’un plan de relance pour éviter que la récession ne se transforme en dépression, ont certes augmenté le niveau du déficit public et de la dette mais n’expliquent pas à eux seuls une situation qui relève en partie des choix politiques en matière fiscale. Le contexte, en matière de finances publiques à la fin des années 2000, a ainsi nécessité une augmentation du niveau des prélèvements. Les investissements d’avenir ont, en outre, été financés par le grand emprunt.

La persistance de cette situation et les obligations consécutives aux engagements européens laissent présager un maintien durable des prélèvements obligatoires sur les ménages à un niveau élevé, alors que ces derniers pourraient subir dans le même temps les conséquences d’une baisse des prestations sociales et une stagnation de leurs revenus d’activité.

Il est également fort probable que ces hausses d’impôt ajoutées à la faible lisibilité du système fiscal pour la majorité des citoyens ainsi que l’opacité du système de redistribution ravivent, dans ce contexte, le débat sur l’équité fiscale.

Dans le document Rapport annuel sur l’état de la France (Page 86-89)

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