• Aucun résultat trouvé

L’économie numérique : un secteur porteur et attractif

Dans le document Rapport annuel sur l’état de la France (Page 71-74)

Au cours des vingt dernières années, Internet et, plus généralement, le cyberespace ont bouleversé l’ensemble de la société. Notre quotidien, nos droits fondamentaux, notre vie sociale et notre économie dépendent désormais des technologies de l’information et des communications (TIC) fonctionnant sans discontinuité128. Internet a fait tomber les barrières entre les pays, les communautés et les individus et a permis l’interaction et le partage des informations et des idées à travers le monde. Revers de la médaille, ces nouvelles technologies augmentent la porosité entre vie privée, vie publique et vie professionnelle.

Avec une augmentation phénoménale de 661 % du nombre d’utilisateurs depuis 2000, Internet représente aujourd’hui un terrain de jeu incontournable pour les entreprises, les individus ou les États, et permet également de créer de nouvelles opportunités sur le plan 127 Modèles qui visent particulièrement à réduire l’intensité matière des processus productifs.

128 Etude du CESE Internet : pour une gouvernance ouverte et équitable, rapporté par Nathalie Chiche (2014).

social et économique. Toutefois, cette impressionnante hausse du nombre d’utilisateurs a, en parallèle, favorisé l’élargissement du champ de la cybercriminalité et des menaces informatiques.

La gestion et le fonctionnement d’Internet inaugurent à la fois un nouveau mode de gouvernance fondé sur le consensus et une nouvelle conception de la propriété intellectuelle fondée sur l’usage de logiciels libres. Ainsi, l’IETF (Internet Engineering Task Force), association de fait à l’échelle mondiale, assurant la gestion quotidienne du cyberespace et à laquelle participent tous ceux qui le souhaitent (gouvernements, entreprises, centres de recherche, simples individus etc.) fonctionne avec des groupes de travail où toutes les décisions sont prises sur la base du consensus. Ce mode de fonctionnement, qui se retrouve dans d’autres groupements, comme par exemple le GIEC, s’il ne doit pas être idéalisé – il n’empêche pas la domination des États-Unis sur Internet - ouvre néanmoins des perspectives nouvelles en matière de prise de décision.

En termes de protection des libertés des usagers et de lutte contre les fraudes, la France ne s’est pas montrée très avant-gardiste : même si la CNIL fut créée très tôt, à la suite de la loi du 6 janvier 1978 sur l’informatique et les libertés, ses missions notamment de contrôle et de sanction tout comme ses moyens n’ont guère évolué. De même, au cours de ces dernières années la France a préféré se concentrer sur la loi Création et Internet de 2009, avec la création de l’Hadopi129 dont le bilan est mitigé, alors que la CNIL aurait une utilité incontestable pour tous les usagers. Leur budget atteste bien de la priorité qu’a donnée le gouvernement de l’époque d’une institution sur l’autre : en 2011 le budget de la CNIL pour l’ensemble de ses missions fondamentales était de 15,8 millions d’euros quand celui de l’Hadopi, pour la seule protection des œuvres, était doté de 10,4 millions en 2012. Il n’en demeure pas moins que la cybercriminalité va bien au-delà du téléchargement illégal d’œuvres culturelles. Les ménages comme les entreprises sont en effet victimes de réseaux de cyber-délinquance organisés, qui peuvent sévir depuis n’importe quel pays130. Pour que le cyberespace reste libre et ouvert, les normes, principes et valeurs que la France et l’Union Européenne défendent hors ligne doivent aussi s’appliquer en ligne ce qui suppose la mise en place de garde-fous efficaces au plan international en vue d’assurer la protection des droits fondamentaux.

Internet demeure néanmoins une opportunité exceptionnelle. En effet, bien que l’économie numérique ne représente que 5,7 % du PIB français, elle constitue un secteur en pleine expansion et impacte 72 % de l’économie française131 par sa contribution grandissante à la croissance de secteurs connexes.

Ainsi, « l’économie numérique est devenue la première activité économique génératrice de croissance et pourvoyeuse d’emplois directs, mais aussi indirects, ses interactions avec l’ensemble des secteurs de production de biens et de services – marchands comme non marchands – s’étant

129 Dont l’efficacité au profit de quelques-uns demeure limitée.

130 Global Economic Crime Survey 2014, PWC (2014) : ainsi par exemple, un préjudice sévit de plus en plus, et qui plus est majoritairement sur des sociétés françaises ou francophones : la fraude dite « au président », où le pirate, ayant obtenu les informations nécessaires soit disponibles sur Internet, soit en accédant directement au système d’information de l’entreprise, se fait passer pour le dirigeant de la société et obtient d’un responsable comptable ou financier, au moyen de pressions ou flatteries, un virement bancaire conséquent vers un établissement financier situé à l’étranger, en général hors de l’Union Européenne. Ce type de fraude a été recensé auprès de 360 entreprises en 2013, pour un préjudice représentant un total de 155 millions d’euros.

131 Rapport IGF sur le soutien de l’Economie numérique à l’Innovation (2012).

généralisées. Il est estimé que le numérique pourvoit déjà un quart de la croissance européenne et même un tiers de la croissance américaine »132.

La France innove et voit émerger de véritables champions comme Meetic, Dailymotion ou encore Deezer. Outre ces pionniers français, de nouveaux acteurs émergent tous les jours et introduisent sur le marché des technologies toujours plus innovantes.

Cependant au plan de l’intégration du numérique dans notre économie, les entreprises françaises se caractérisent par des taux d’équipement et d’usage des TIC contrastés, au détriment notamment des PME, qui enregistrent un retard notable par rapport à leurs voisines européennes. En effet, en 2012, seules 64 % des PME françaises étaient équipées d’un site Internet contre 91 % des PME finlandaises et 82 % des PME allemandes133.

Toutefois, selon l’OCDE, les PME représentent entre 95 et 99 % des entreprises en fonction des pays et participent entre 60 et 70 % de la création nette d’emplois. Plus particulièrement, les PME de moins de 5 ans d’existence (dont les start-ups) seraient à l’origine des 2/3 des emplois créés dans l’année134. Il faut néanmoins nuancer ce propos car si ces petites structures sont fortement créatrices d’emploi, les dix principales multinationales telles que les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) « ont créé des centaines de milliards de dollars de capitalisation boursière, mais à peine 200  000 emplois  »135. Ce processus de destruction créatrice inhérent au poids croissant d’Internet dans nos économies est donc conséquent et potentiellement source d’inquiétude. A titre d’exemple, « au sommet de sa puissance, la société de photo Kodak employait plus de 140 000 personnes et valait 28 milliards de dollars. Ils ont même inventé le premier appareil photo numérique. Mais aujourd’hui, Kodak est en faillite et le nouveau visage de la photo digitale est devenu Instagram. Quand Instagram a été vendu à Facebook pour un milliard de dollars en 2012, la société employait treize personnes »136.

Pourtant, le commerce électronique représente pour les entreprises une possibilité d’étendre leur activité au-delà des frontières régionales et nationales, mais il accentue parallèlement la pression concurrentielle. Les commerçants, notamment les PME, doivent alors faire face à de nouvelles difficultés telles qu’une hausse des coûts liée aux disparités notamment en matière de législation fiscale et contractuelle. En parallèle, beaucoup de ces entreprises multinationales échappent par divers procédés et en toute légalité, à l’impôt, attirées par les législations plus favorables des pays pratiquant du dumping fiscal.

Par ailleurs, l’administration numérique se développe137. Ainsi, 60 % des particuliers et 96 % des entreprises en France utilisent Internet dans leurs relations avec l’administration, contre respectivement 41 % et 88 % dans l’Union européenne138.

Bien que le caractère stratégique de l’économie numérique s’impose de plus en plus comme une évidence, l’Union européenne peine à concevoir et à porter une politique adaptée en la matière, ce qui entraîne un manque à gagner préoccupant pour l’avenir. En effet, au cours de la dernière décennie, l’économie numérique a contribué plus largement à la croissance aux États-Unis qu’en Europe ou en France. A titre d’exemple, en matière de

132 La stratégie numérique de l’Union européenne, rapport d’information de l’Assemblée nationale (2013).

133 Enquêtes communautaires sur les usages des TIC et le commerce électronique, Eurostat (2012).

134 Where will the jobs come from? Kauffman Foundation Research (2011).

135 Interview de D. Barton, Directeur Général de McKinsey, les Echos (13 mai 2013).

136 Who owns the future, J. Lanier, (2013).

137 La Direction Générale des Finances Publiques est notamment considérée comme une administration numérique de référence.

138 Chiffres clés 2014 : dernières données disponibles, Observatoire du Numérique (2014).

développement numérique, la France se situe dans la moyenne de l’OCDE (17ème rang sur 34 concernant le développement de la société d’information), ce qui laisse une marge de progression importante pour ce secteur. De même, à l’échelle européenne, entre 2008 et 2012, les inventeurs européens n’ont déposé que 19 dossiers de demandes de brevets web 2.0, quand leurs concurrents américains en déposaient 170139.

En fin de compte, Internet et le secteur de l’économie numérique bouleversent en profondeur notre société et notre économie, et les opportunités tout comme les menaces qu’ils recèlent nécessitent une prise de conscience collective et un positionnement de nos dirigeants.

Dans le document Rapport annuel sur l’état de la France (Page 71-74)

Outline

Documents relatifs