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Une répartition inégale entre impôts directs et indirects au détriment de la progressivité

Dans le document Rapport annuel sur l’état de la France (Page 92-97)

Il existe plusieurs catégories d’impôts directs. S’agissant des particuliers, ils sont en fonction de leur situation, assujettis à l’impôt sur le revenu, la taxe foncière, la taxe d’habitation,

la CSG177 et l’impôt de solidarité sur la fortune. Quant aux entreprises, elles doivent s’acquitter de l’impôt sur les sociétés, de la taxe sur les salaires, de la taxe sur les bureaux en Île-de-France et de la taxe foncière178. Jusqu’en 2010, les entreprises payaient également la taxe professionnelle remplacée depuis par la contribution économique territoriale179. Par ailleurs, les entreprises exerçant leur activité dans les secteurs de l’énergie, du transport ferroviaire et des télécommunications sont redevables de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER). Les impôts directs sont acquittés et supportés par une même personne physique ou morale. Un impôt indirect est un impôt versé par une entreprise ou une personne redevable mais répercuté en totalité ou partiellement sur le prix de vente d’un produit ou d’un service et donc supporté en réalité par une autre personne. On distingue deux grands types de taxes indirectes : les premières sont calculées proportionnellement à la valeur du bien (la taxe sur la valeur ajoutée, la taxe sur les conventions d’assurance, etc.) alors que les deuxièmes frappent certaines catégories de produits (boissons alcoolisées, tabac manufacturé, jeux de hasard, etc.) et ne sont pas des taxes proportionnelles mais des taxes additives par rapport aux quantités. La fiscalité environnementale, qui taxe les produits considérés comme ayant une externalité négative (transport, déchets, etc.), est classée dans la catégorie des impôts indirects.

Graphique 41 : Part des principaux prélèvements obligatoires dans les recettes de l’État en 2012

Source : Rapport économique, social et financier - annexe au Projet de loi de finances pour 2014 ; illustration : le CESE.

177 La Contribution sociale généralisée (CSG) présente la particularité d’être un impôt affecté au financement de la sécurité sociale. Il est proportionnel, individuel et son assiette est plus large que celle de l’impôt sur le revenu. Elle représentait en 2012 9,5 % des prélèvements obligatoires et 16 % des impôts sur les ménages.

178 Si elles sont propriétaires de leurs locaux comme d’ailleurs les particuliers.

179 La CET est composée de 2 cotisations  : la Cotisation Foncière des entreprises (CFE) assises sur des bases foncières et affectée aux communes et la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dont le taux progressif est fixé au niveau national et qui est affectée aux départements et régions.

«La fiscalité environnementale »

Selon la définition donnée par l’OCDE, on appelle fiscalité environnementale « les impôts, taxes ou redevances dont l’assiette est constituée par un polluant ou plus généralement par un produit ou un service qui détériore l’environnement ou qui se traduit par un prélèvement sur des ressources naturelles renouvelables ou non renouvelables  ». Dans une acception plus large que celle de l’OCDE, la fiscalité environnementale comporte également des incitations positives qui prennent la forme d’exonérations, déductions fiscales ou crédits d’impôt afin d’encourager la prise en compte des enjeux environnementaux (CIDD, EcoPTZ, etc.). Elle comprend également des dispositions de mise en œuvre du principe « pollueur-payeur ». Il paraitraît équitable, en effet, que les dommages collectifs envers autrui et envers la nature, du fait d’une dégradation de l’environnement ou de prélèvements de ressources naturelles, fassent l’objet d’un paiement par ceux qui en sont à l’origine.

C’est ce qu’on appelle dans la terminologie des économistes la fonction d’internalisation des externalités environnementales par un signal-prix fiscal.

Ce faisant, la fiscalité environnementale a une vocation incitative à l’évolution des comportements, à l’image des taxes sur le tabac ou sur l’alcool, dans le domaine de la santé publique.

La fiscalité environnementale a également le rôle de financer des politiques publiques (ex.  : subventions des agences de l’eau pour des investissements de dépollution, projets de financements routiers avec la taxe poids-lourd).

Toutefois, la fiscalité environnementale s’attire la critique d’être non-redistributive. En effet, comme pour toute mesure de fiscalité indirecte, comme par exemple la TVA, la taxe écologique s’applique aux produits sans prise en compte des facultés contributives des ménages. Les taxes écologiques vont augmenter le coût des produits dont l’acquisition représente un pourcentage plus élevé des revenus des ménages modestes que celui des ménages plus aisés. En outre, elles touchent en priorité aux biens de première nécessité (eau, combustibles pour les chauffages, carburants, etc.) impactant à nouveau de manière proportionnellement plus conséquente les catégories socioprofessionnelles les plus modestes. La fiscalité environnementale induit également une inégalité géographique, les ménages ruraux ou ultramarins étant généralement davantage atteints par ce type de mesures. Ainsi, une hausse des prix du carburant sera plus coûteuse pour ceux qui ne disposent pas d’alternatives pour leur mobilité. Pour cette raison, notre Assemblée a recommandé à titre d’exemple d’étudier la substitution d’une partie de la TVA par la contribution climat-énergie(A). Comme l’a affirmé notre Assemblée à plusieurs reprises, l’augmentation de la fiscalité environnementale doit s’inscrire dans le cadre d’une réforme globale de la fiscalité. Car, vouloir atteindre avec le même instrument à la fois un objectif d’internalisation des externalités environnementales et un objectif de redistribution est voué à l’échec. Ce point a d’ailleurs été rappelé par le Conseil constitutionnel qui, à deux reprises, a censuré des dispositions visant à instituer une taxe carbone dont les objectifs n’étaient pas suffisamment précis et qui comportait des dérogations rendant le dispositif inefficace au regard de son objectif environnemental.

Avec 40,4 milliards de recettes pour l’État en 2012, et en incluant pour 24 milliards d’euros la Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques (TICPE), ex TIPP, qui n’a pas été conçue dans cet objectif, la fiscalité environnementale représente 4,4 % de l’ensemble des prélèvements obligatoires de la France. C’est l’une des plus faibles d’Europe dont la moyenne se situe à 6,5 %.

Plusieurs organisations internationales (OCDE, Commission européenne) ainsi que la Cour des comptes ou France Stratégie recommandent une augmentation de cette part. Pour les raisons évoquées plus haut, un tel changement devrait s’inscrire dans une perspective d’évolution de l’ensemble des prélèvements obligatoires.

(A) « Dans cet équilibre, s’agissant des ménages, considérant que l’assiette-carbone porte sur la consommation de ressources, un transfert entre impôts portant sur la consommation pourrait être envisagé: une baisse de la TVA portant sur les produits de première nécessité mérite d’être étudiée ». Avis du CESE Financer la transition écologique et énergétique, rapporté par Gaël Virlouvet (2013).

Selon le CREDOC180, la structure des prélèvements français est assez atypique. Les entreprises contribuent proportionnellement plus qu’ailleurs, à la fois en termes d’impôts (13 % du PIB contre 10 % en moyenne dans l’Union européenne des 27181), mais également du point de vue des cotisations sociales (les cotisations employeurs atteignent 11 % du PIB, contre 7 % dans l’ensemble de l’UE à 27). En revanche, la part des impôts sur le revenu (IRPP acquitté par la moitié des foyers fiscaux, CSG et CRDS), ne représente pas plus en France (8 % du PIB) que dans les autres pays européens. Par ailleurs la France se situe dans ce domaine loin derrière les pays nordiques (Danemark : 24 %, Suède : 16 %, Finlande : 13 %).

Les impôts directs sont généralement considérés comme plus équitables, car ils tiennent compte de la situation personnelle des contribuables et sont modulables en fonction du niveau de revenu ou du patrimoine ainsi que de la composition du foyer fiscal.

Ils supposent cependant que l’administration fiscale puisse évaluer périodiquement et de manière fiable les revenus et patrimoines, ce qui implique une gestion administrative plus importante et plus coûteuse. Par ailleurs, les impôts directs portent sur des revenus d’activité et des facteurs de production qui sont considérés comme la juste récompense des efforts personnels pour produire une richesse. L’imposition peut alors être vécue comme une atteinte, une confiscation des fruits du labeur et pour les entreprises, comme un frein à l’investissement.

Les impôts indirects sont réputés plus faciles à collecter car le nombre de redevables est moindre. En effet, la TVA notamment est collectée par les entreprises qui en répercutent le montant dans le prix de vente de leurs produits et la reversent ensuite à l’administration fiscale. Cette affirmation doit néanmoins être nuancée car quand une entreprise fait défaut, le recouvrement forcé des créances publiques se révèle plus complexe que s’agissant des particuliers. Ils sont également moins sensibles à la conjoncture et relativement indolores pour les citoyens-contribuables qui n’ont pas conscience d’acquitter des impôts en faisant leurs achats. De ce fait, ils sont prisés par les gouvernements qui préfèrent souvent accroître les impôts indirects mais baisser les impôts directs et sont vivement encouragés par la Commission Européenne182.

180 Les classes moyennes sont-elles perdantes ou gagnantes dans la redistribution socio-fiscale ?, CREDOC (2012).

181 Étant à rappeler que la comparaison avec l’Union européenne à 28 doit être nuancée au vu des différences de développement économique entre les pays.

182 Le 7 juillet 2014, lors de la rencontre des Ministres des finances de la zone euro, l’Eurogroupe, sur recommandation de la Commission européenne, a exigé de nouvelles baisses des contributions sociales patronales et salariales et prôné de nouvelles réformes structurelles visant à déplacer la fiscalité reposant sur le travail vers une fiscalité indirecte visant la consommation, la propriété et l’impact environnemental.

En septembre 2014, la Commission européenne devrait faire des propositions sur des principes communs à suivre pour ces réformes. Il en sera aussi question lorsque seront discutés les projets de budget des pays de la zone euro.

« La fiscalité locale, un impôt direct peu progressif »

En sus de l’impôt sur le revenu, les ménages sont également soumis à un certain nombre d’impôts locaux. De manière générale, ces impôts sont moins progressifs et plus archaïques que les impôts nationaux.

Ils demeurent plus inégalitaires en raison de la forte disparité géographique des taux, qui pousse les collectivités les plus pauvres à voter des taux plus élevés afin d’assurer un même niveau de dépense publique par habitant que les collectivités les plus aisées. De même, la décentralisation tend à augmenter les dépenses des collectivités locales tout en étant un facteur aggravant des disparités locales.

Plus archaïques, les quatre « contributions directes »(A) qui devaient finir par être appelées les

« quatre vieilles » du fait de leur exceptionnelle longévité, datent de la Révolution Française et avaient en effet pour caractéristique essentielle de ne jamais dépendre directement des revenus du contribuable. Quant à la valeur locative cadastrale des biens qui détermine pour partie l’assiette des deux taxes les plus emblématiques de la fiscalité locale, à savoir la taxe foncière et la taxe d’habitation, elle repose sur un système datant de 1970. Aujourd’hui, l’absence de cohérence entre les bases d’imposition et la réalité du marché immobilier génère des injustices flagrantes selon que l’on habite par exemple un logement neuf ou ancien rénové. Surtout, les collectivités territoriales n’ayant aucune marge de manœuvre pour moduler la CVAE, ce sont principalement la taxe d’habitation et les taxes foncières qui sont déterminantes pour ajuster les recettes aux dépenses. Ainsi, plus l’activité économique est forte au sein d’une collectivité, plus les taxes prélevées sur les ménages sont faibles et réciproquement.

De manière générale, malgré les dégrèvements et les exonérations sur les impôts locaux au profit des contribuables les plus pauvres, la fiscalité directe locale pèse de plus en plus lourdement sur les revenus des ménages et des entreprises. En effet, sur la période 2007-2012, les taux d’imposition des départements, des communes ou groupement de communes ont en moyenne augmenté de 10,73 %, et la taxe foncière en moyenne de 21 %, entre 2006 et fin 2011, et jusqu’à 66 % dans certaines agglomérations de plus de 100 000 habitants (B).

In fine, il existe plus de 50 impôts et taxes générant un rendement de près de 120 milliards d’euros que se partagent les communes, les intercommunalités, les départements et les régions. Cet empilement de taxes, d’impôts, d’exonérations et de dégrèvements rend la fiscalité locale particulièrement injuste, complexe et opaque.

Outre ce manque de lisibilité déjà souligné par le Conseil qui ne favorise pas la compréhension et le consentement des Français, l’augmentation du rendement des impôts locaux témoigne bien de l’accroissement de la pression fiscale locale alors que les recettes liées aux autres impôts sont globalement restées stables.

(A) Taxe professionnelle remplacée depuis 2010 par la CET (voir supra), taxe d’habitation, taxes foncières et taxe d’enlèvement des ordures ménagères pour le secteur communal.

(B) Rapport d’activité, Direction générale des Finances publiques (2013).

Il reste que l’ensemble du dispositif de prélèvements, présente un caractère globalement peu progressif. En effet, le poids des impôts progressifs pèse peu au regard des prélèvements proportionnels (CSG et cotisations principalement), voire régressifs (la TVA notamment, dont le poids est plus élevé dans les dépenses des ménages à revenus faibles, même en tenant compte du taux réduit sur les produits essentiels183, du fait qu’ils consacrent une plus grande partie de leur revenu à la consommation).

En effet, en 2012, la part de l’impôt sur le revenu dans les recettes fiscales est d’à peine 10,4 % et de 6,3 % sur le total des prélèvements obligatoires. En 2012, sur les 410 milliards 183 Ce taux réduit est également appliqué aux œuvres d’art.

acquittés par les ménages presque 80 % (322 milliards d’euros) relevaient de prélèvements à caractère proportionnel voire régressif tels que la TVA et non progressif184.

Dans un contexte de rejet des prélèvements obligatoires, la tentation est donc grande d’user de la fiscalité indirecte notamment sur la consommation. Ce serait néanmoins prendre le risque de détériorer encore davantage le pouvoir d’achat des ménages.

L’évolution des dépenses financées

Dans le document Rapport annuel sur l’état de la France (Page 92-97)

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