• Aucun résultat trouvé

Un modèle social mis à mal et toujours plus sollicité

Dans le document Rapport annuel sur l’état de la France (Page 66-70)

La France dispose d’un système de protection sociale très complet – bien au-delà des

« seules » missions de la Sécurité sociale - et en cela, il représente un véritable modèle social.

Le système de protection sociale français fait l’objet de nombreux débats. Pourtant, sans le système redistributif afférent, la France serait un des pays les plus inégalitaires d’Europe.

« Il apparaît que lorsque l’on parle d’inégalités en France, on se heurte à un constat assez terrible  : avant redistribution, avant l’intervention de la fiscalité, la France est un pays très inégalitaire.

Plus inégalitaire que les pays  anglo-saxons, et parmi ces derniers, on considère le Royaume

Uni, le Canada et les États-Unis. Plus inégalitaire que les pays rhénans, Allemagne, Pays-Bas et Belgique, et plus inégalitaire que les pays scandinaves, ici la Finlande, la Suède et le Danemark.

Après l’intervention de notre système fiscal, la France est moins inégalitaire que les pays anglo-saxons, donc l’effet redistributif est assez fort, mais reste plus inégalitaire en termes de revenu que les pays rhénans et les pays scandinaves116 ».

Le système de protection sociale français demeure néanmoins dans l’esprit de beaucoup, un fort symbole de solidarité adossé aux valeurs républicaines. Le CESE a rappelé dans un avis de 2011 concernant l’assurance maladie117, le caractère fondamental de l’universalité de la couverture pour le maintien de la cohésion sociale, même si l’assurance maladie et l’ensemble des autres branches de la protection sociale se doivent de « conjuguer qualité de l’offre et efficience des dépenses. Pour notre assemblée, ce principe doit être expliqué et défendu afin de faire prendre conscience aux citoyens des enjeux de la solidarité nationale au XXIème siècle ».

116 Audition au CESE de Gilbert Cette, Professeur d’économie à l’Université d’Aix-Marseille, le 28 mai 2014.

117 Avis du CESE La protection sociale : assurer l’avenir de l’assurance maladie, rapporté par Bernard Capdeville (2011).

Encadré état moral des Français n° 8 Les politiques sociales

Si le pessimisme ambiant conduit 85 % des Français à penser que la France est en déclin, 65  % d'entre eux considèrent toutefois que ce n’est pas irréversible(A), et une quasi-unanimité des Français (94  %) affichent leur attachement à la France et se retrouvent autour de valeurs communes, notamment les valeurs républicaines (72 %) et les principaux piliers de notre contrat social dont notre système de solidarité. Ils ne souhaitent d’ailleurs pas de changements radicaux de notre système et considèrent pour 68 % d’entre eux qu’il est important de conserver ces bases dans le cadre des réformes futures(B).

Les Français sont en particulier très attachés à leurs services publics, tant au système niveaux de fiscalité sur les ménages et les entreprises sont un handicap pour le pays(E). Si le sentiment de solidarité est encore fort, il tend à diminuer, en particulier chez les plus jeunes, convaincus par l’idée selon laquelle pour s’en sortir, il ne faut compter que sur soi-même.

Les politiques sociales – hors politiques de santé – sont plus particulièrement visées par cette désaffection. En effet, le sentiment que « les pouvoirs publics en font trop pour les démunis » et la crainte que « le RSA incite les gens à s’en contenter et à ne pas chercher de travail » sont devenus pour la première fois majoritaires (rassemblant respectivement 54 % et 53 % d’opinions), progressant respectivement de +11 points et +7 points entre 2008 et 2014(F) ».

Concernant la politique familiale, le sentiment de l’opinion s’est également retourné depuis 2008 après être resté relativement stable entre 1982 et 2008. La proportion de Français qui pensent que « les aides aux familles qui ont des enfants sont suffisantes » est ainsi en très forte croissance depuis le début de la crise, passant de 31% à 63 % (+32 points) ».(G)

(A) Fractures françaises vague 2 : 2014 IPSOS-Stéria, Le Monde, France Inter, Fondation Jean Jaurès Cévipof.

(B) Baromètre d’opinion de la DREES sur la santé, la protection et les inégalités (2013).

(C) Ibid.

(D) Fractures françaises vague 2 : 2014 IPSOS-Stéria, Le Monde, France inter, Fondation Jean Jaurès Cévipof.

(E) Pour 79 % des Français, la France est bien placée en matière de protection sociale, mais n’est pas bien placée en matière de fiscalité pour plus de 85 % de la population. Sondage IPSOS à la demande de Lire l’économie et Le Monde, novembre 2013.

(F) CREDOC Note de synthèse n°11 septembre 2014.

(G) Ibid.

Les Français sont avant tout en attente d’efficacité et de contrôle de ces politiques, les fraudeurs aux aides sociales figurant en tête de leurs principaux sujets d’indignation118, devant la précarité de l’emploi. Cependant le montant constaté de la fraude aux prestations sociales s’élève à moins de 300 millions d’euros sur les 500 milliards redistribués chaque année par l’ensemble des régimes sociaux et le nombre de fraudeurs représenterait 0,2 % des bénéficiaires de prestations119. Il est d’ailleurs à noter que ces sommes sont en grande

118 Les ateliers CSA, février 2014 : « Français, ce qui vous rassemble est-il plus fort que ce qui vous divise ? ».

119 Avis du CESE Conséquences économiques, financières et sociales de l’économie non déclarée, rapporté par Bernard Farriol (2014).

partie récupérées par les organismes concernés. Par exemple, la Caisse d’Allocations Familiales parvient à récupérer 90 % de ces montants au titre des prestations familiales. Le CESE a toujours accordé une place importante à la pérennité du système et, par extension, à sa solvabilité. Pour autant, cette recherche d’une meilleure répartition des dépenses voire d’économies doit s’articuler avec la préservation de certains fondamentaux, le rôle assurantiel ou redistributif de la protection sociale ne devant pas être abandonné au profit des seules logiques de « rentabilité ».

En outre, au-delà des effets conjoncturels de la crise, notre système de protection sociale doit faire face à de nouveaux enjeux structurels conduisant à une augmentation relative des dépenses. Il existe en effet d’importantes mutations des risques sociaux traditionnels qui impactent fortement leur niveau120.

Ainsi, s’agissant de l’assurance maladie, le nombre croissant de maladies chroniques n’est pas sans conséquences financières. L’allongement de la vie a eu pour corollaire l’émergence du « quatrième âge » et la prise en charge de la perte d’autonomie est ainsi devenue un défi sociétal. Les conséquences des évolutions de la famille notamment à travers l’accroissement du nombre de familles monoparentales influent aussi très largement sur le niveau de certaines prestations sociales ou familiales soumises à condition de revenus. De plus, en tenant compte des problématiques des jeunes, dont l’avis du CESE Droits formels/

droits réels : améliorer le recours aux droits sociaux des jeunes121 dépeint très justement les différentes formes, on peut désormais distinguer cinq âges de la vie : l’enfance, la jeunesse, l’âge adulte, la vieillesse et la dépendance. Chacun fait face à des risques sociaux parfois spécifiques, parfois communs et les moyens d’y remédier peuvent donc être très différents.

Enfin, le nombre croissant de travailleurs sans emploi aboutit à une très forte sollicitation de l’assurance chômage.

Dès lors, notre système de protection sociale doit répondre à un double défi : prendre en charge de nouveaux besoins et résoudre ses difficultés de financement. Le dernier point soulevé, l’accroissement du chômage n’est pas sans lien direct avec le niveau des recettes, en ce qu’il réduit le nombre de contributeurs au système. De plus, la Cour des comptes a estimé la fraude aux cotisations sociales entre 20 et 25 milliards d’euros122, montant à comparer avec les 15,3 milliards de déficit de la sécurité sociale prévus pour 2014.

D’un autre côté, l’étude du CESE La stratégie d’investissement social123éclaire sur des moyens à mettre en œuvre pour relever ce double défi, et affirme que les politiques sociales doivent s’articuler autour de nouvelles priorités comprenant d’une part, des objectifs sociaux et d’autre part, des objectifs économiques. En effet, il importe tout autant de répondre aux nouveaux besoins sociaux et de lutter contre la reproduction des inégalités sociales, que de créer les conditions du développement d’emplois de qualité et de résorption du chômage.

Se donner les moyens de permettre à tous d’acquérir dès le plus jeune âge les capacités cognitives nécessaires à une bonne insertion sociale, ne peut qu’aller dans le sens d’un développement harmonieux des individus et donc de la société dans son ensemble. En

120 Etude du CESE La stratégie d’investissement social, rapporté par Bruno Palier (2014).

121 Rapporté par Antoine Dulin (2012).

122 Avis du CESE Conséquences économiques, financières et sociales de l’économie non déclarée, rapporté par Bernard Farriol (2014).

123 Celle-ci vise à préparer les individus à faire face aux évolutions des besoins sociaux en insistant sur la nécessité de l’intervention sociale le plus en amont possible afin de minimiser les risques sociaux. Par exemple les tests de prévention contre les cancers, la formation continue contre le chômage, etc.

parallèle, la diminution du chômage ne pourrait que favoriser un accroissement des bases fiscales et sociales indispensables au financement d’une politique sociale de haut niveau.

Dans cette approche, suivre les personnes en amont de l’émergence des risques tout le long de leur parcours de vie pourrait constituer à terme un enjeu important. Les politiques sociales doivent investir dans les personnes, ce que la Commission Européenne définit par

« le renforcement des capacités des personnes et le soutien à leur participation dans la société et au marché du travail ». Elle estime que « cela profitera à la prospérité des individus, permettra de stimuler l’économie et aidera l’Union Européenne à sortir de la crise plus forte, plus cohérente et plus compétitive »124.

Toute évolution du système de protection sociale doit préserver notre modèle de solidarité et être menée dans la plus grande concertation.

Une transition amorcée vers un nouveau modèle

Dans le document Rapport annuel sur l’état de la France (Page 66-70)

Outline

Documents relatifs