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Pour un renforcement de l’Europe autour de la coopération

Dans le document Rapport annuel sur l’état de la France (Page 79-82)

La zone euro demeure au bord de la dépression économique. «  Personne ne devrait être surpris que l’économie de la zone euro retombe une fois de plus dans le marasme. C’est le résultat entièrement prévisible de politiques erronées que les dirigeants européens s’entêtent obstinément à poursuivre bien qu’il soit évident que ce sont de mauvais remèdes »155. Force est de constater que cette prévision est toujours d’actualité.

Avant même la crise, l’Union européenne connaissait des difficultés économiques, financières et de gouvernance. Malgré trois révisions (Amsterdam, Nice, Lisbonne), les traités excluent du débat public des pans entiers de la politique économique. La politique monétaire est décidée unilatéralement par la BCE et la politique budgétaire est sous la contrainte de normes ne tenant compte ni des objectifs de long terme, ni de la situation économique. La crise a été en effet, le révélateur des défaillances de gouvernance et, de l’inadaptation des modes de décision européens à gérer les urgences. C’est ainsi que la survenance de la crise n’a pas ou peu été anticipée et ses conséquences mal évaluées. Ces atermoiements, laissant cours à la spéculation financière contre certains États, ont mené la zone euro au bord de l’explosion et le problème bancaire a été traité très tardivement.

Enfin, un ajustement budgétaire brutal est arrivé trop rapidement sur des économies encore convalescentes.

Ainsi, la méfiance des citoyens vis-à-vis des instances européennes s’est accentuée. Si la racine de cette insatisfaction est principalement économique, du fait d’une dynamique de reprise toujours faible cinq ans après le choc de la crise, il existe d’autres sujets d’insatisfaction dans l’esprit des citoyens européens. Ils estiment en effet que les instances de décision sont déconnectées de leurs préoccupations, entre un Conseil dont le rôle est peu connu des citoyens et une Commission qui, outre son caractère technocratique, est soumise, comme le Parlement, à la pression des lobbies. Ce mode de fonctionnement permet aux différents gouvernements nationaux d’imputer à l’Europe des décisions prises collectivement.

Tandis que la légitimité de l’État-nation se fonde à la fois sur les procédures de décision et sur les résultats, celle de l’Union européenne repose presque exclusivement sur les seconds : elle reste fondamentalement tributaire de sa capacité à assurer la prospérité. Or, contrairement aux promesses faites hâtivement par les gouvernements, le marché unique ou l’euro n’ont pas créé la dynamique de croissance escomptée. Les Européens en viennent à oublier les avancées à porter au crédit de la construction européenne (la paix garantie sur le territoire européen depuis plus de 60 ans, l’enracinement des pays dans la démocratie, la constitution de la première zone économique mondiale, les libertés de circulation, etc.), beaucoup n’ont retenu que l’irruption de la mondialisation au cœur du système communautaire.

154 Etude du CESE à paraître Promouvoir une culture de l’évaluation des politiques publiques, rapporté par Nasser Mansouri-Guilani.

155 New York Times, éditorial du 17 août 2013.

Encadré état moral des Français n°10

Sentiment de méfiance face à l’europe

La mondialisation apparaît comme une menace pour la France pour 61  %(A) de la population. Ce ressenti collectif alimente un réflexe de peur et de repli. Les Français considèrent d’ailleurs à 58 % que la mondialisation est un danger pour les entreprises et notre modèle social.

L’Union européenne n’inspire pas davantage la confiance des Français avec 31  %(B) seulement d’opinions favorables, et est considérée comme l’acteur le moins capable de proposer une alternative pour la sortie de crise (79 %)(C).

Si 55  % des Français estiment encore que l’appartenance à l’Europe est un atout, la proportion de ceux qui pensent le contraire progresse régulièrement. A terme, le risque sera de ne reconnaître dans l’Europe qu’une structure bureaucratique et sclérosée, valorisant de manière excessive les intérêts économiques et le monde de la finance.

Cette tendance est valable pour l’ensemble des institutions européennes qui rencontrent aujourd’hui la plus forte impopularité jamais mesurée(D). Seuls 35  % des Français font confiance au Parlement européen, 32 % à la Commission européenne et 28 % à la Banque centrale européenne, soit pour chaque institution une confiance légèrement plus faible que la moyenne de la confiance européenne. L’Union européenne devrait chercher à évoluer, notamment en termes de gouvernance et de responsabilité démocratique, si elle ne veut pas faire face à une défiance généralisée.

Ce sentiment est largement alimenté par les gouvernants nationaux qui se défaussent sur une Europe « bouc émissaire » mais qui négligent de préciser qu’ils participent eux-mêmes à la prise de décision européenne et qu’ils en sont donc largement responsables.

Au regard de ces sentiments, il est logique que 83 % des Français estiment qu’il ne faille pas renforcer les pouvoirs de l’Europe au détriment de la France, et 70  % d'entre eux pensent même qu’un retour en arrière est nécessaire et souhaitent restaurer les pouvoirs de décision nationaux au détriment de l’Europe(E).

Ce sentiment est également partagé par les citoyens de dix des plus grands pays de l’Union européenne qui estiment que l’Europe est sur la mauvaise voie. Ils sont cependant peu nombreux à souhaiter la quitter définitivement. Le clivage est fort en Europe entre les pays méditerranéens (Espagne, Italie, France) qui sont très pessimistes et les pays d’Europe centrale (Allemagne, Pologne, Hongrie) plus optimistes.(F)

Pour autant, la vision d’une Europe facteur de paix(G) et incarnant la liberté de voyager, d’étudier et de travailler partout dans l’Union européenne, est une réalité concrète à défendre.

(A) Fractures françaises vague 2 : 2014 IPSOS-Stéria, Le Monde, France inter, Fondation Jean Jaurès Cévipof.

(B) Ibid.

(C) Enquête Ipsos/CGI à la demande de Publicis, Les Européens et la sortie de crise, volet France (2013).

(D) Eurobaromètre Standard 81 / Printemps 2014 – TNS opinion & social.

(E) Fractures françaises vague 2 : 2014 IPSOS-Stéria, Le Monde, France inter, Fondation Jean Jaurès Cévipof.

(F) Enquête Ipsos European Pulse 2014.

(G) L’Union européenne a été récompensée d’un prix Nobel de la paix en 2012 « Pour avoir contribué pendant plus de six décennies à promouvoir la paix et la réconciliation, la démocratie et les droits de l'Homme en Europe ».

Il existe ainsi un désenchantement européen au sein des pays membres contrastant singulièrement avec l’appétence de ceux qui voudraient rejoindre l’Union. Ce désenchantement s’accroît en raison de la tendance des gouvernements nationaux à imputer à l’Europe les difficultés résultant de décisions prises collectivement au sein d’instances européennes.

Cependant, l’Union européenne peut, sans aucune obligation de concertation, prendre des décisions impactant fortement les citoyens et l’activité de nos économies comme en témoigne l’élaboration actuelle du Traité de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis156. Un tel traité a déjà été finalisé avec le Canada157 le 25 septembre 2013.

Ces traités contiennent un ensemble de règles d’échanges susceptibles de modifier fondamentalement les conditions de concurrence et de favoriser l’arrivée en France de produits ne respectant pas nos usages ou nos exigences sanitaires et environnementales, ce qui comporte des risques non négligeables pour la compétitivité de nos producteurs mais aussi pour les consommateurs.

Améliorer le fonctionnement de la zone euro suppose d’abord un accord sur les objectifs poursuivis ; or, la crise économique a exacerbé les clivages sur les questions concernant le rôle de l’Europe. Faut-il plus ou moins de règles ? Faut-il plus d’intégration ? Faut-il un budget commun ? Une mutualisation partielle des dettes ou des règles pour la faillite des États ? La mise en sommeil n’est pas économiquement souhaitable : elle conduirait à perpétuer une situation intermédiaire, économiquement sous-optimale et financièrement fragile. Elle n’est pas non plus politiquement réaliste, car elle supposerait de demander aux citoyens de tenir pour acceptable une situation qui n’est ni satisfaisante ni même stable. Cela ne pourrait conduire qu’à un rejet croissant d’une Europe qui aurait manqué à sa promesse.

Le rapport de France Stratégie158 va dans ce sens : « si l’Europe n’a plus de dynamique, elle n’a plus de sens. Si la France choisit de continuer à inscrire son avenir dans le cadre européen, elle doit assumer pleinement son rôle et ses responsabilités. Cela demande qu’elle se mette au clair sur ses ambitions et le modèle d’intégration qu’elle souhaite voir progresser ; qu’elle définisse les concessions auxquelles elle est prête pour faire avancer ses idées, fixe les lignes rouges qu’elle ne franchira pas ; qu’elle fasse connaître son projet et le mette en débat avec l’Allemagne et ses autres partenaires ; enfin, qu’elle s’engage dans la discussion sans se cacher que celle-ci débouchera tôt ou tard sur la question de la révision du traité européen ».

L’Union européenne, comme la France manque d’un projet fédérateur  : la course à l’élargissement ne peut en tenir lieu. Il s’agit surtout de tenter un accord sur ce qui nous rassemble et ce vers quoi nous voulons tendre.

156 Le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement.

157 L’accord économique et commercial global.

158 La France dans 10 ans, France Stratégie, pp.84-85 (2014).

Dans le document Rapport annuel sur l’état de la France (Page 79-82)

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