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Une formation supérieure discriminante

Dans le document Rapport annuel sur l’état de la France (Page 54-57)

Un chiffre fort, caractérisant les défaillances du système scolaire, est le nombre de jeunes sortis du système éducatif précocement et sans aucun diplôme : 150 000 jeunes dans un contexte de fortes exigences en matière de formation initiale sur le marché du travail.

Graphique 28 : SNDD - Défi n°2 -

Les « sorties précoces » : part des 18-24 ans ne suivant ni études ni formation et sans diplôme de l’enseignement secondaire de 2ème cycle

En %

Note : Les pays sont ordonnés en fonction de la valeur en 2012.

Source : Eurostat, 2012 (calculs à partir des enquêtes sur les forces de travail).

Pourtant, le niveau de formation des jeunes a connu dans les années 1990 un progrès très marqué et la France est plutôt bien positionnée en termes de nombre de diplômés de l’enseignement supérieur parmi les jeunes adultes par rapport à des pays tels les États-Unis et la Suède.

86 Ce retard se poursuit dans la mesure où ces données quantitatives sont stables.

87 67 % des diplômés du supérieur long suivent une formation pour raison professionnelle quand seulement 26 % des non-diplômés sont concernés.

Graphique 29 : SNDD - Défi n°2 - Proportion des jeunes et des adultes diplômés de l’enseignement supérieur en 2011

En %

Source : OCDE, regard sur l’éducation, enquête forces de travail.

Mais la particularité du système de formation initiale français tient dans son cloisonnement entre les différentes filières. L’importance du diplôme y est prépondérante et la distinction opérée entre grandes écoles et universités, fondamentale. Une autre de ses spécificités tient aussi à son aversion à l'égard des ruptures de parcours conduisant les étudiants à rencontrer des difficultés d’acceptation dans une filière lors d’un changement ou lors d’une reprise d’un cursus interrompu.

Les inégalités de parcours et de réussite sont en outre très marquées, et les jeunes étudiants font face à une forte concurrence pour accéder à la filière de leur choix. Le CESE rappelle dans son avis Réussir la démocratisation de l’enseignement supérieur  : l’enjeu du premier cycle88, que le cursus antérieur (bac général, technologique ou professionnel) est trop déterminant. En effet, les bacheliers professionnels et technologiques, facilement exclus des formations « courtes » type BTS et IUT pour lesquelles ils sont pourtant efficacement préparés, doivent souvent se replier sur une formation universitaire où leur risque d’échec est particulièrement élevé. Une fois de plus, la formation initiale reproduit les inégalités sociales, du fait du lien étroit entre le milieu social d’origine de l’étudiant et son futur parcours. Les conditions de vie des étudiants ne les aident pas non plus à s’élever socialement. Ainsi, ceux dont les parents ne peuvent assumer la charge financière ou matérielle indispensable à de bonnes conditions d’études connaissent de nombreuses difficultés, essentiellement dues à la modicité des bourses et à la pénurie de logements. Aussi le travail salarié devient-il une nécessité pour nombre d’entre eux.

« En leur état actuel, les modes de financement et de gouvernance [des universités] traduisent la difficulté de concilier deux priorités : d’une part, viser l’émergence de pôles d’excellence et

88 Rapporté par Gérard Aschieri (2012).

d’autre part, favoriser la réussite du plus grand nombre d’étudiants »89. Cet objectif a visiblement été délaissé ces derniers temps.

Encadré état moral des Français n° 6 Une jeunesse entre motivation et désenchantement

Chez les jeunes, le pessimisme est très marqué et se traduit par le fait que seuls 26 % d'entre eux pensent que leur avenir sera sensiblement meilleur que la vie qu’ont menée leurs parents(A) tandis que 23 % uniquement estiment que leur vie actuelle (déjà morose) est pourtant meilleure que l’avenir réservé à leurs futurs enfants.

Le sentiment d’injustice ressenti par une majorité de Français est exacerbé chez les jeunes qui considèrent à 92 % qu’il y a trop d’injustices.

Plus particulièrement, une large majorité de jeunes (70 %) ont le sentiment que la société ne leur permet pas de montrer ce dont ils sont capables(B). Ce sentiment est en forte progression depuis 2006 et les jeunes Français sont les plus sensibles à ce sentiment parmi les jeunes européens.

Globalement, si les jeunes plébiscitent encore à 81 % la valeur travail en laquelle ils croient pour s’en sortir, ils ont toutefois le sentiment paradoxal que leurs efforts ne sont pas récompensés : ni pendant leur scolarité, ni au moment de leur insertion dans le monde du travail.

Pour ce qui concerne le système éducatif, ils ont le sentiment que tout est joué d’avance.

Ainsi environ 60 % des jeunes estiment que le système éducatif ne donne pas sa chance à chacun(C) et pour 84 % d’entre eux, qu’il ne prépare pas efficacement au marché du travail (les Français sont d’ailleurs les plus critiques d’Europe envers leur système éducatif(D)). Les raisons de cette défiance peuvent être recherchées dans les moyens mis à la disposition des élèves. En effet, dans un système qui consacre moins de crédits dans le premier cycle que dans les cycles supérieurs, les inégalités au berceau ne sont pas nivelées, mais reproduites, voire creusées. Alors que les jeunes d’aujourd’hui sont les enfants des enfants de la crise, les ressources et le patrimoine culturel des familles sont d’autant plus décisifs.

Ce sentiment que l’ascenseur social est bloqué influe sur le moral des jeunes qui se sentent dans une impasse mais également sur la cohésion sociale en créant des communautés étanches.

Pour ce qui concerne le monde professionnel, le manque de reconnaissance est également primordial et environ 60 % des jeunes développent le sentiment de ne pas être payé à hauteur de leur qualification. Pour valoriser leurs qualifications, les jeunes diplômés envisagent de plus en plus de chercher un emploi à l’étranger (27 % en 2013 contre 13 % en 2012), alors qu’en France, le taux de chômage des jeunes diplômés ne cesse de croître . Pour autant, malgré ce pessimisme, les jeunes se disent prêts à en découdre et ne perdent pas leur motivation. Ainsi, parmi ceux qui ont un emploi, il apparaît que ce sont les salariés les plus jeunes qui se disent les plus motivés (70 % des 25-34 ans et surtout 80 % des 18-24 ans) et se considèrent comme les moins stressés (37 %).

(A) « Génération quoi » – questionnaire participatif sur http://www.france2.fr.

(B) Ibid.

(C) Audition de Camille Peugny sociologue et maître de conférence à l'Université Paris VIII, le 14 mai 2014.

(D) Sondage BVA, « Les Européens et le système éducatif », septembre 2011.

89 Ibid.

En dehors de ces inégalités, la France est également un pays qui prépare peu ses jeunes à entrer dans le monde du travail. L’accompagnement en fin de parcours est limité et une part importante des jeunes se retrouvent directement confrontés au chômage. Le diplôme demeure un des moyens les plus efficaces pour échapper à ce fléau : parmi les jeunes se retrouvant au chômage en 2012, 47 % étaient sans diplôme ou au mieux diplômés du brevet des collèges, contre un jeune diplômé du supérieur sur dix90.

Malgré les ambitions affichées en matière de réussite des étudiants, les réformes successives de l’université ne sont pas parvenues à mettre fin à la reproduction des inégalités. Plusieurs leviers doivent être activés afin de favoriser l’insertion des jeunes dans l’emploi. Comme le CESE le préconisait dans son avis d’octobre 201291, il faut d’une part agir sur les causes structurelles du sur-chômage des jeunes, en renforçant l’accès à la formation et en élevant le niveau de qualification. Une meilleure transition entre le système éducatif et l’emploi doit être assurée, notamment par le développement et l’amélioration des formations en alternance ou la généralisation des stages dans un cadre réglementé.

Il est nécessaire d’autre part d’améliorer le fonctionnement du marché du travail et de renforcer l’accompagnement des jeunes demandeurs d’emploi. Toutefois l’insertion des jeunes dans l’emploi passe aussi par le développement de la professionnalisation des filières et de l’apprentissage, ainsi que le préconise régulièrement le CESE, la stabilité dans l’emploi demeurant l’un des moyens les plus efficaces pour réduire la pauvreté.

Une polarisation inquiétante de la société française

Dans le document Rapport annuel sur l’état de la France (Page 54-57)

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