Une approche systémique pour comprendre l’importance du contexte

La vision des individus, donnant du sens aux actions réalisées, aux règles mises en place, est fondamentale pour construire un modèle de santé qui puisse apporter de la cohésion sociale et permettre une continuité sur le long terme. La cohésion sociale s’inscrit dans un système de droits et de devoirs réciproques, qui permet le contrôle de la place du groupe dans le temps et dans l’espace, et est garantie par des valeurs, qui sont partagées par les membres constitutifs de ce groupe (Vuarin, 2000). L’économie des conventions met ainsi en avant une révision des règles qui est continuelle et une approche ainsi dynamique des institutions. Pour appliquer notre cadre d’analyse, notre méthodologie s’inscrit, comme nous l’avions dit en introduction, dans une

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socioéconomie hétérodoxe. Notre démarche, fondée sur une analyse pluridisciplinaire de notre objet de recherche, les entretiens qualitatifs et l’analyse croisée de ces entretiens auprès de multiples acteurs de la santé, est liée à la complexité de la réalité que nous souhaitons appréhender. Nous analysons celle-ci à travers le prisme de l’incertitude radicale et de la multiplicité des représentations du monde des divers acteurs, qui nécessite de comprendre la perception des individus en ce qui concerne la santé et la mutualité ainsi que les rapports de forces qui influent sur la transition du système de la santé sénégalais.

La complexité d’appréhender des systèmes complexes a ouvert la voie à de nouvelles approches au sein de la recherche, notamment par rapport aux politiques publiques. Les utilisateurs de l’approche Realist, récente, cherchent de meilleures méthodes d’évaluation de dispositifs, ce qui nous semble intéressant afin d’organiser notre pensée. Cette approche permet de regrouper « des données probantes sur les interventions sociales ou complexes, qui fournissent une explication de la manière dont celles-ci fonctionnent (ou pas), et pour quelles raisons, dans des contextes spécifiques » (Ridde et al., 2012, citant Pawson et al., 2004). Il va s’agir par la suite de notre étude de produire des données concernant l’intervention des mutuelles de santé, intégrées dans un système de santé en évolution, et qui permet de comprendre leur potentiel, leurs faiblesses, leur provenance, dans des contextes bien particuliers. Les approches systémiques, par rapport au système de santé, et Realist, par rapport aux mutuelles de santé, se couplent donc. Dans l’approche Realist, les interventions sont donc situées, replacée dans une histoire, dans des relations particulières, non linéaires, donnant des enchevêtrements multiples et complexes. Les interventions complexes possèdent sept caractéristiques permettant une meilleure appréhension d’un dispositif. Elles sont évaluées à l’aune de divers objectifs, impliquent la participation de tous les acteurs afin d’aboutir à une chaîne de décisions. Elles sont soumises à des boucles rétroactives, les agents pouvant influencer son évolution, encastrées dans des règles sociales. Elles sont perméables à l’influence d’autres interventions, un dispositif ciblant un objectif même très spécifique aura un impact sur d’autres éléments, dans une vision systémique, et constituent des systèmes ouverts influençant les acteurs, ceux-ci adaptant leur comportement. Ceci dans le but de comprendre l’importance du contexte par rapport à une logique d’intervention, de comparer les résultats avec d’autres contextes et de faire ressortir des régularités pouvant expliquer le fonctionnement de cette intervention (Ridde et al., 2012). Dans une approche systémique, il est donc important de considérer les réseaux dans lesquels un projet, une mutuelle s’inscrivent, afin de comprendre les effets indirects qu’ils peuvent provoquer, le fait qu’ils peuvent avoir des effets non seulement sur les personnes directement ciblées mais aussi celles qui font partie d’un même réseau social. Ces réseaux peuvent ainsi modifier l’impact d’une intervention dans la santé (les effets pouvant être négatifs comme positifs) (Powell-Jackson, Ansah, 2015).

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Il s’agit ici d’analyser la transition d’un système particulier, celui de la santé, par l’entrée des mutuelles. Le système, dans l’approche systémique, est considéré comme la totalité organisée d’un ensemble d’unités actives et solidaires en relation et interaction par l’intermédiaire de flux. Son fonctionnement repose sur les interactions entre les éléments du système et sur des boucles de rétroaction, permettant à la fois de stabiliser le système et de le faire évoluer. L’étude du fonctionnement de ce système doit se coupler à l’étude de ses transformations et inversement (Le Moigne, 1994 [1977]). Ces systèmes sont complexes, il faut les aborder dans leur ensemble, dans la mesure où « le tout est plus que la somme des parties », et non de manière réductionniste (Donnadieu, Karsky, 2002). Il ne s’agit pas en pratique d’analyser l’impact d’une politique, ou d’un acteur, sans penser à ses conséquences et à ses interactions avec l’ensemble du système. Une analyse des potentialités des mutuelles de santé doit être replacée dans son contexte local et dans le contexte de l’évolution de la couverture maladie dans son ensemble. Les mutuelles sont situées dans un environnement institutionnel particulier, elles interagissent avec les autres acteurs. Leur évolution doit donc être étudiée conjointement avec l’évolution du système de santé dans son ensemble pour aboutir à une analyse pertinente. Elles ne doivent pas être vues comme un simple outil permettant la diversification des systèmes de financement mais comme des acteurs ayant des impacts très divers à la fois sur la population locale et à l’échelle nationale au sein du système de santé.