Le médecin-chef du centre de santé de Parcelles Assainies expliquait : « C’est pas compliqué avec les plus petites mutuelles, mais il faut toujours la confiance […] Une maladie qui se déclare ça ne dit pas toc-toc j’arrive. Et si tu te réveilles et que tu n’as pas cotisé à la PAMECAS, on vérifie les coupons. Maintenant sans la lettre de garantie je ne prends pas. J’ai perdu beaucoup avec une mutuelle quand on prenait quand même des gens, parfois il y a des mutuelles qui ne rendent pas l’argent. Donc nous sommes devenus plus intransigeants. Par contre les femmes enceintes je ne les fais jamais attendre, je les gère, le temps d’aller chercher la lettre de garantie c’est pas possible parfois. »
Source : Présentation par l’auteur d’après l’entretien effectué en juin 2014 au Centre de santé de Parcelles assainies auprès de M. Traoré (Médecin chef).
Ainsi, en raison des capacités limitées des mutuelles communautaires à pouvoir assumer financièrement et techniquement les processus de remboursement dans le temps, l’offre de santé conserve un pouvoir important par rapport aux mutuelles. Mais ceci est aussi dû aux difficultés que connaît l’offre de santé de son côté, comme le montre l’extrait, notamment dans les centres et les postes de santé (moyens limités, forts afflux de patients). Cet extrait fait surgir un autre élément important : le processus de remboursement propre aux mutuelles, les patients devant d’abord passer à la mutuelle avant d’aller consulter, est parfois impossible à respecter, comme dans le cas des femmes enceintes. La confiance de la structure de soin envers la mutuelle est alors primordiale.
Les liens se multiplient toutefois, les conventions se diffusent, des points focaux se créent au niveau des hôpitaux quand ceux-ci sont partenaires66. Ces liens évoluent donc avec des hauts
66 Un exemple d’une étude menée en 2014 par (Mladovsky et al., 2014) illustre les difficultés mais aussi les opportunités pour aboutir à une relation de confiance avec les structures de santé, et plus particulièrement les
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et des bas, les difficultés des mutuelles communautaires compliquent une relation de confiance, tout comme à l’inverse les inégalités dans l’offre de soins. La relation est particulièrement difficile au niveau des pharmacies privées. Toutefois, quand les liens sont établis, la mutuelle peut permettre de renforcer la structure de soins en améliorant la demande, et la structure de soin participe à la confiance, la crédibilité de la mutuelle par rapport à ses membres. Les mutuelles, en rendant accessible les soins, possèdent un pouvoir de négociation, bien que limité en réalité (Atim, 2000)67, qui devrait permettre une amélioration de la qualité des soins dans les
structures agréées (Fall, 2003). Elles permettent également d’augmenter quantitativement l’utilisation des soins, notamment dans les centres et les postes de santé (Letourmy, Pavy- Letourmy, 2005). Ainsi la relation entre qualité des soins68 et mutuelles est double : les mutuelles
peuvent être des leviers pour la qualité des soins et cette qualité se trouve être une des conditions de succès d’une mutuelle (Criel, Blaise, Ferette, 2006). D’autres avantages ressortent, ainsi la mutuelle And Fagaru, appartenant au réseau REMUSAC, possède son local directement au sein du poste de santé, grâce à des liens importants avec le comité de santé. Les interactions se font souvent directement avec les comités de santé, dépendant ainsi des personnes, des médecins- chefs, de leur sensibilisation par rapport à la dynamique mutualiste. Les interactions peuvent se faire sous plusieurs formes : implication de la structure de soins dans la création d’une mutuelle (comme à Thiès), mise en place de conventions avec les structures de soins, qui se développent, et conventions avec les pharmacies.
2.2.6. … Avec les collectivités locales
Au niveau des collectivités, malgré la décentralisation concernant l’organisation de la santé au niveau local, toutes ne réservent pas de ligne dans leur budget afin d’appuyer les mutuelles de santé à proximité. Les liens peuvent être directs. Par exemple, la ville de Guédiawaye a octroyé un local à la mutuelle And Faju. A Diourbel, des terrains et des locaux ont été également octroyés aux mutuelles communautaires. Dans le département de Kaffrine, les conseils ruraux de Malène et Birkilane appuyaient les mutuelles en leur fournissant des locaux, des moustiquaires et en faisant adhérer les élèves en classe d’initiation. Mais, dans le cadre d’une décentralisation qui prend du temps, au niveau des compétences et des moyens financiers, les liens sont encore tenus
hôpitaux : « La fédération régionale de Thiès a dès lors dû courtiser le directeur financier de l’hôpital, l’invitant à leurs réunions et le tenant informé des progrès réalisés. Finalement, les dirigeants de la mutuelle de Thiès ont développé une relation de confiance avec lui et il a fini par adhérer aux valeurs de la mutuelle, faisant même de lui un défenseur des mutuelles au sein de son hôpital, au point de gagner la réputation de « Monsieur le mutualiste » auprès de ses collègues. En effet, le directeur financier était tellement passionné par les mutuelles et leur bien-fondé, qu’il a même démarré une mutuelle dans son propre village. »
67 L’auteur avance plusieurs facteurs : jeunesse relative des mutuelles, faibles compétences, faibles moyens financiers, connaissance insuffisante.
68 Comme nous le verrons ensuite, la qualité revêt des dimensions différentes selon les individus.
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entre les mutuelles communautaires et les collectivités. Cependant ces acteurs se rapprochent obligatoirement dans le cadre du DECAM, l’État passant par les collectivités territoriales afin de mettre en place des mutuelles et de faire parvenir les subventions. D’après nos observations, plusieurs mutuelles rencontrées font en sorte d’avoir des liens avec les pouvoirs publics, par l’intermédiaire de personnes clés, proches des décisions politiques locales ou nationales, permettant une meilleure anticipation des articulations entre les pouvoirs publics et les mutuelles. Ces personnes ressources sont importantes dans les deux sens : elles permettent aux mutuelles d’avoir un pied au niveau des autorités pour anticiper les décisions, les évolutions ; elles permettent d’améliorer la visibilité des mutuelles auprès des autorités. Elles peuvent appartenir ou non à la mutuelle. Dans le cas de la mutuelle And Faju, des liens sont établis au niveau de la collectivité locale, montrant également l’influence de la politique sur les mutuelles de santé. Cette importance du politique est illustrée par les extraits d’entretien dans l’encadré suivant, à propos des liens entre les collectivités locales et les mutuelles.