• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : La couverture maladie en Afrique de l’Ouest et centrale Une analyse historique

2. Panorama de la couverture maladie en Afrique de l’Ouest et centrale

2.4. Des soins encore principalement à la charge des patients

En 2002, la Commission Macroéconomie et Santé de l’OMS préconisait des dépenses de santé minimales par habitant entre 30 et 40$ US, afin de financer les soins et services essentiels29.

Si en 2000, peu de pays d’Afrique de l’Ouest et centrale atteignaient cet objectif, en 2013 les dépenses par tête ont augmenté dans tous. 18 pays sur 23 arrivent à suivre cette préconisation, avec en tête le Gabon et la Guinée équatoriale, et de fortes disparités entre les pays. Une certaine volonté ressort d’essayer de fournir les paquets de base à la population mais ces ratios semblent encore bien faibles pour permettre de mettre en place un paquet de soins essentiels à chaque habitant. Cependant ce seul indicateur demeure limité pour marquer la volonté réelle d’un pays, puisqu’il ne prend pas en compte les inégalités dans la prise en charge des soins selon les couches de la population, les difficultés économiques, sociales et géographiques du pays, et comprend les dépenses privées comme publiques. Celles-ci sont détaillées dans le tableau suivant, afin de chercher à comprendre la structure des dépenses dans les pays de la zone ciblée et d’établir l’implication de chacun des acteurs du financement de la santé.

29 Le résumé du rapport est disponible sur Internet : http://apps.who.int/gb/archive/pdf_files/WHA55/fa555.pdf (consulté le 13/01/2015).

64

Tableau 3 : Les dépenses de santé entre 2000 et 2013

Dépenses privées de santé (Dps) en 2000* Dépenses privées de santé en 2013* Part des versements directs des ménages dans les Dps en 2013 Ressources externes pour la santé en 2000** Ressources externes pour la santé en 2013** Dépenses de santé par habitant en 2000 (USD courants) Dépenses de santé par habitant en 2013 (USD courants) Bénin 55,8% 45,8% 89,2% 17% 23,2% 17 37 Burkina Faso 60,4% 40,2% 82,7% 13,9% 22,7% 12 46 Cameroun 79,0% 65,3% 94,1% 4,2% 6,3% 28 67 Cap-Vert 26,7% 24,5% 87,7% 13,0% 19,6% 63 165 Congo 42,5% 22,5% 96,0% 4,6% 4,9% 22 131 Côte d’Ivoire 71,5% 75,5% 76,5% 4,2% 7,7% 24 87 Gabon 59,7% 45,6% 85,2% 2,3% 1,0% 107 441 Gambie 72,4% 39,9% 52,7% 15,4% 35,7% 18 29 Ghana 50,6% 39,4% 91,9% 14,3% 13,2% 19 100 Guinée 80,6% 64,2% 88,0% 14,0% 19,3% 21 25 Guinée- Bissau 89,5% 79,7% 54,4% 56,5% 14,2% 9 32 Guinée Equatoriale 22,6% 22,2% 86,4% 7,2% 0,9% 61 714 Libéria 75,5% 64,1% 40,6% 9,2% 57,8% 18 44 Mali 67,1% 60,3% 99,6% 7,8% 22,8% 18 53 Mauritanie 33,5% 51,0 % 90,7% 11,2% 7,2% 11 48 Niger 76,4% 63,3% 83,9% 21,4% 11,7% 6 27 Nigéria 66,5% 72,4% 95,8% 16,2% 5,2% 18 115 République centrafricaine 49,8% 49,7% 90,5% 19,1% 47,0% 10 13 République démocratique du Congo 95,8% 46,9% 70,0% 2,8% 39,9% 5 16 Sénégal 59,1% 47,7% 77,4% 16,2% 28,9% 22 46 Sierra Leone 78,5% 85,7% 71,6% 5,2% 31,3% 26 96 Tchad 57,5% 63,1% 96,7% 24,9% 8,8% 12 37 Togo 71,5% 47,9% 84,6% 5,9% 5,9% 17 54 France 20,6% 23,2% 32,1% 0 0 2209 4690

Sources : Fait par l’auteur, sur la base des comptes nationaux de la santé disponible sur le site de l’OMS, dernière actualisation au 23/07/2015. Précisons que les données des comptes nationaux de la santé peuvent fluctuer fortement d’année en année. Comme le remarquaient Bui et al. (2015), l’exhaustivité et la

qualité des données recueillies par l’OMS représentent un défi pour l’institution. Légende :

*En pourcentage des dépenses totales de santé (DTS). Celles-ci se composent des dépenses privées (compagnies de couverture, institutions sans but lucratif, sociétés résidentes ou quasi-sociétés contrôlées par une administration publique, ménages) et publiques. Les ressources externes peuvent être allouées à l’État tout comme au secteur privé.

**Sommes des ressources consacrées à la santé par l’ensemble des unités institutionnelles non résidentes utilisées par les agents de financement des administrations publiques ou du secteur privé pour payer des biens ou des services de santé.

La plupart des pays ont vu leurs parts de dépenses privées de santé dans les dépenses totales diminuer sur cette période (pour 18 pays sur 23). La République démocratique du Congo a vu ces dépenses baisser de presque 50%, mais les dépenses de santé par habitant en 2012 sont

65

les plus faibles des pays étudiés. Pour d’autres, la différence est moins importante. Encore 11 pays en 2013 comptaient des dépenses privées supérieures à 50% des dépenses totales30. En

comparaison internationale, les proportions des dépenses publiques et privées sont similaires, avec des dépenses privées généralement majoritaires (Etienne, Asamoa-Baah, 2010). Mais les revenus, eux, ne sont pas comparables par rapport aux pays développés, la prise en charge des soins par les patients entraîne de graves chocs financiers pour les ménages africains. La pauvreté amène l’incapacité de les assumer et celle-ci amène à son tour la pauvreté. Des études ont déterminé que ces dépenses ont poussé 100 000 ménages au Sénégal en dessous du seuil de pauvreté durant l’année 2005 (Durairaj, D’Almeida, Kirigia, 2010). Au Burkina Faso, « 80% des ménages pauvres doivent s’endetter ou vendre des biens » pour prendre en charge leur santé (Ridde, 2012, p119).

Augmenter la part des dépenses publiques dans les dépenses totales de santé est un point important, dans la mesure où les dépenses privées sont principalement composées des versements directs des ménages. 8 pays sur 23 ont des taux de prise en charge directe des soins par les ménages supérieurs à 90% des dépenses privées, pour une moyenne de 82 %. Trois pays ressortent à ce niveau, le Libéria, avec 40,6% de part de versements directs des ménages, qui connaît une phase de transition en subventionnant un paquet de services de santé de bases pour tous, la Gambie (52,7%) et la Guinée-Bissau (54,4%). La situation est telle que les ménages plus riches utilisent les ressources de santé de manière excessive, contrairement aux ménages pauvres qui, eux, sous-utilisent ces ressources. Les couvertures obligatoires des fonctionnaires ou des salariés du secteur privé ne protègent que peu en matière de santé (fort ticket modérateur, trop peu d’ayant-droits, actes et médicaments pris en charge limités), cette catégorie de la population va chercher à adhérer à des assurances privées complémentaires. Elle va ainsi bénéficier de plusieurs régimes de couvertures et donc payer une double imposition, à travers des régimes obligatoires et volontaires, et utilisant plus de ressources sanitaires (Letourmy, Perrot, 2005).

Dans 14 de ces pays, les ressources externes pour la santé ont augmenté durant cette période. Les partenariats internationaux se développent31, notamment dans les domaines des

structures de santé, du matériel, des ressources humaines, et désormais des médicaments32.

30 Cette étude se base sur les chiffres de 2000 et 2013, mais les pays ont pu connaître de fortes variations entre ces deux dates, la structure des dépenses pouvant varier en cas de conflits, de réformes, etc. De même, les événements récents, avec la propagation du virus Ebola, peuvent jouer fortement sur ces chiffres.

31 Ici l’exemple du partenariat entre l’OMS et le Bénin :

http://www.who.int/countryfocus/cooperation_strategy/ccs_ben_fr.pdf (consulté le 13/01/2015).

32 Bien que cela ne résoudra pas le problème de l’accès aux médicaments en Afrique, dû à la pression des industries pharmaceutiques, les partenariats tels que celui entre l’OMS et Novartis (Coartem) peuvent permettre d’accéder à des médicaments moins chers, voire parfois d’en distribuer gratuitement, si les cadres institutionnels locaux et la qualité suivent (Boidin, Lesaffre, 2010).

66

Certains pays reposent beaucoup sur ces aides, comme, le Libéria ou la RCA. Le volume de ces aides va ainsi dépendre des besoins du pays selon sa situation (conflits, reconstructions, vagues de maladies, etc.). Par exemple, en 2007, la seconde rébellion touarègue au Niger a entraîné un besoin d’aides extérieures (à hauteur de 74,9% des dépenses totales de santé) en raison des conséquences économiques et sociales. Mais la plupart de ces aides sont aussi conditionnées par les résultats des pays demandeurs en termes de développement humain, d’impulsions réformatrices, d’optimisation des dépenses. Le volume des aides reste trop faible pour aider au développement de systèmes de santé garantissant l’accès aux soins à tous en Afrique de l’Ouest et centrale, en se limitant souvent à de grands programmes de santé verticaux, certes importants. Ainsi l’aide a pu augmenter pour le sous-secteur « Population et fertilité » entre 1997 et 2007, le sous-secteur « Santé de base » a vu sa part diminuer sur la même période au sein des aides totales (Barry, Boidin, Tizio, 2011). Les pays donateurs réaffirmaient en 2005, lors de la Déclaration de Paris, le besoin d’augmenter les aides et de les harmoniser (Berkhout, Oostingh, 2008).

Malgré les nombreuses difficultés de ces systèmes (taux de couverture, manque de financements, problèmes de coordination ou d’application, difficultés de regrouper des données fiables), cette étude montre que les pays étudiés connaissent une transition dans leurs systèmes de santé, à travers l’extension, la création, la transformation des couvertures maladie. Bien que chaque pays possède des spécificités, il semble possible de pouvoir regrouper certaines formes d’extension.

3. Proposition de typologie de l’extension de la couverture maladie en Afrique de

Outline

Documents relatifs