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Chapitre 4 : Les mutuelles dans la transition du système de santé Une pluralité d’acteurs et

1. La transition de la couverture sénégalaise repose sur la mutualité

1.3. Une transition qui conserve les clivages

1.3.2. Une extension séparée en deux volets

Le régime non contributif regroupe ainsi en tout 12% de la population, et le régime des IPM moins de 4 % de la population. Le tableau 9 illustre la faible envergure de ces régimes formels par rapport à l’économie populaire.

56 Le CNC intègre le Ministère de la Santé et de la Prévention Médicale, les représentants des autres ministères, les promoteurs, les structures locales de santé et les unions de mutuelles.

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Tableau 9 : Le système de santé en 2007 au Sénégal

Source : Cellule d'Appui au Financement de la Santé et au Partenariat, 2008.

Les données datent de l’inventaire de 2003, actualisées selon le taux de croissance de la population. Il est à noter que les prestations spécifiques comme les accouchements, césariennes ne sont pas prises en compte dans ce tableau.

Au niveau des IPM, un manque se fait ressentir, avec 400 000 salariés couverts en 2007 face à un total de 4,973 millions de salariés la même année selon l’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie. L’estimation fournie quant aux IPM se base sur l’estimation de l’ANDS dénombrant 400 000 salariés dans le secteur privé. Or selon l’atelier national de concertation sur la Stratégie nationale d’extension de la couverture du risque maladie au Sénégal tenu en 2010, les IPM ne couvriraient en réalité que 120 000 salariés, pour environ 700 000 bénéficiaires. Selon les calculs de cet atelier, en prenant comme base un quotient familial de 4 personnes environ par salarié, la population ciblée atteindrait environ 1 664 000, représentant 27,73% des 50% ciblés en 2015. Les entreprises de l’économie populaire seraient, à terme, intégrées au sein des régimes des IPM. Il faut préciser qu’aucun inventaire n’a été réalisé depuis 2003 au niveau des mutuelles, il est donc difficile de se rendre compte du nombre réel de bénéficiaires à cette forme d’assurance. Toutefois l’assurance proposée par les mutuelles couvrirait déjà plus de personnes que le régime des IPM, amorçant une dynamique importante à ce niveau. L’augmentation de leur nombre est un indicateur positif.

Au niveau de la prise en charge des soins et de la répartition des dépenses de santé, des améliorations sont notables. En effet, les dépenses publiques ont augmenté sur la période 2000- 2013, passant de 40,9% à 52,3% en pourcentage des dépenses totales de santé. Dans ce même temps les dépenses privées ont diminué, et surtout la part des dépenses directes des ménages a baissé au sein de ces dépenses privées, de 91,6% à 77.4%. Toutefois cette part reste encore

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importante par rapport aux dépenses des autres acteurs de la santé en termes de prise en charge des soins, comme le montre le tableau suivant.

Tableau 10 : Estimation du montant des dépenses de soins payées par des tiers en 2004

Source : Diagnostic de la Situation Nationale Macroéconomie et Santé. Dr Moustapha SAKHO. Mars 2005. CAFSP, 2010.

Légende :

* Ce montant a été obtenu en ôtant des dépenses totales des usagers les montants payés par les systèmes d’assurance maladie.

** Le montant de 7.855.000.000 correspond vraisemblablement plus à la totalité de ce qui est payé par les IPM (frais réels) et non à ce qui est réellement pris en charge par les IPM (charges techniques). Il est à noter que les prestations spécifiques comme les accouchements et césariennes ne sont pas prises en compte dans ce tableau. Un clivage par rapport à la couverture maladie

Bien que le nombre de bénéficiaires soit plus important au sein des mutuelles que dans les IPM, les principales contributions proviennent de ces IPM, du privé, et de l’État. Les mutuelles semblent encore limitées dans la prise en charge des soins, du fait d’une couverture limitée et de faibles ressources. Le tableau 10 illustre l’importance des versements directs des ménages n’ayant pas encore d’assurance maladie, comptant pour presque 78% des dépenses totales de soins en 2004, face à des dépenses marginales provenant des assurances obligatoires et privées. Le Sénégal a construit sa Stratégie nationale d’extension de la couverture du risque maladie des sénégalais sous la présidence d’Abdoulaye Wade par rapport à l’extension de la couverture au sein du secteur formel d’un côté, et au reste de la population qui n’est pas encore couvert de l’autre. Pour le secteur formel, la réforme des IPM est mise en avant. Pour les secteurs informel et rural, ainsi que les indigents, trois axes principaux ressortent : le renforcement et le développement des mutuelles de santé, la mise en place d’un fond national de solidarité santé pour la population vulnérable, et la création d’assurances pour les travailleurs de l’agriculture, de l’artisanat, de l’économie populaire.

Le système est ainsi clivé entre trois parties de la population : le secteur formel, se basant sur un régime obligatoire, l’économie populaire, devant se prendre en charge par elle-

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même à travers des organismes volontaires, les mutuelles communautaires, et enfin les populations vulnérables (femmes, enfants, indigents, personnes âgées, etc.), bénéficiant de politiques d’assistances menées par l’État. Après les élections de 2012, le nouveau Président, Macky Sall, annonce la mise en place d’une Couverture Maladie Universelle. L’objectif de 50% n’ayant pu être atteint en 2015, de nouveaux buts sont fixés : « Dans cette perspective, l’objectif général du Plan d’Action 2013-2017 est d’étendre la couverture maladie de base à 100% des populations du secteur informel et du monde rural à travers les mutuelles57 de santé à l’horizon 2017 »58. Plus précisément, le scénario mis en place consiste à couvrir 50,50% de la population

par les mutuelles en 2015, 65,5% en 2017. Des objectifs extrêmement ambitieux (le scénario pour 2015 est loin d’être atteint) mais qui conservent pourtant les clivages observés précédemment. D’un côté les régimes obligatoires et le régime d’assistance médicale vont être renforcés, de l’autre le régime mutualiste, volontaire, va se développer afin de couvrir l’ensemble de la population. Les grandes lignes de la CMU, établies par le gouvernement actuel, reprennent ainsi celles des programmes du gouvernement précédent.

57 Les mutuelles de santé ciblées ici sont les mutuelles communautaires.

58 P17, Plan stratégique de développement de la Couverture Maladie Universelle au Sénégal 2013-2017.

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Schéma 3 : Les deux volets de l’extension de l’assurance maladie au Sénégal

Source : fait par l’auteur, à partir du Plan stratégique de développement de la Couverture Maladie Universelle au Sénégal, 2013-2017 (Ministère de la santé et de l’action sociale, 2013).

Le Sénégal expérimente ainsi un système mixte, se basant sur l’assurance obligatoire et volontaire. Cette transition illustre une évolution de l’assurance maladie de moins en moins uniforme. L’assurance libérale, sociale-démocrate (basée sur le modèle de Beveridge), ou encore conservatrice (basée sur le modèle de Bismarck avec des ciblages catégoriels de la population), se côtoient et se transforment. Ces formes pures évoluent vers des formes mixtes et des modalités de financements plus diversifiées, cherchant à s’adapter à l’évolution de l’environnement économique et social propre à chaque pays, comme le met en avant le rapport de la CMU au Sénégal. Le souci de démocratisation semble ainsi important, notamment dans la mesure où la protection sociale a un caractère politique, et provient de rapports de force, d’interactions entre les acteurs comme nous avons pu le voir précédemment. La diversité de ceux- cicomplique la coordination, mais peut aussi marquer la volonté d’intégrer la parole de tous

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concernant les décisions de santé. Au final le système repose sur trois piliers : la Sécurité sociale, l’assistance sociale et le réseau mutualiste.

Ainsi le plan CMU comprend la création du Conseil national de la santé, organisme consultatif destiné à orienter la politique de santé, basé sur une approche multisectorielle. Sa composition est la suivante : les membres du Gouvernement, un député représentant de l’Assemblée nationale, un représentant du Conseil de la République pour les Affaires Economiques et sociales, les directeurs de l’hygiène et de la protection sanitaire, de la recherche, de la planification et de la formation, de l’approvisionnement médico-pharmaceutique, de service de santé des forces armées, de l’assainissement, de l’environnement, le Doyen de la faculté de médecine et de pharmacie, les présidents des Ordre des médecins, des pharmaciens, des chirurgiens-dentistes. Ainsi, la volonté du gouvernement de mettre en place un système multiacteurs se concrétise par la mise en place d’une institution dans une approche « top-down », qui ne compte pas d’acteur du « bas », et qui se spécialise fortement dans une vision médicale. Bien que consultatif, le Conseil national de la santé limite d’emblée la possibilité aux acteurs du « bas » de participer directement à l’orientation générale des politiques de santé.

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